C. L. R. James Matthieu Renault C. L. R. James La vie révolutionnaire d’un « Platon noir » t La Découverte 9 Ms, ru* Abtl-HovtlicqiM 75013 bris Table des matières Avant-propos................................................................................ 7 Pensée du mouvement, pensée en mouvement..................... 7 Le pari biographique............................................................... 12 1. L’enfant de Trinidad............................................................. 17 De l’esclavage à la classe moyenne......................................... 17 Cricket et littérature : l’éducation d’un « intellectuel britannique »........................................................................... 20 À l’école de l’Empire : la race invisible................................. 24 2. À la découverte du peuple antillais..................................... 31 Prémices d’une carrière littéraire : la vie des barrack-yards.... 31 The Beacon : culture et polidque à Trinidad...................... 36 Le capitaine Cipriani : vers l’autonomie des Antilles.......... 40 3. Devenir marxiste en Angleterre........................................... 45 Nelson, Lancashire : la classe ouvrière anglaise.................... 45 Une étoile montante du trotskisme....................................... 51 Pour la révolution mondiale.................................................. 56 226 C.L R. JAMES 4. Préface à la révolution africaine.......................................... 61 Le mouvement panafricain londonien................................. 61 Toussaint Louverture : histoire et tragédie......................... 67 Les Jacobins noirs : faire de l’histoire pour faire l’histoire... 70 5. Sur la « question noire » aux États-Unis........................... 81 Un pionnier du « marxisme noir »........................................ 81 L’indépendance des luttes noires : politique et littérature... 88 Histoires révolutionnaires..................................................... 94 6. La révolution américaine à venir......................................... 101 Au-delà du trotskisme : sur le capitalisme d’État............... 101 L’autonomie des masses ouvrières........................................ 106 Hegel et la fin du parti d’avant-garde.................................. 112 7. La civilisation américaine ou la lutte pour le bonheur.... 121 Amour, art et politique : la « question féminine ».............. 121 Traduire le marxisme : sur les arts populaires américains... 126 Melville : le futur antérieur................................................... 131 8. Tragédie et démocratie........................................................ 141 L’art des masses : de Hollywood à Shakespeare................. 141 La révolution hongroise ou l’autoémancipation en acte..... 146 Chaque cuisinier peut gouverner............................................ 151 9. En route vers l’indépendance.............................................. 159 Le Ghana à l’avant-garde de la révolution mondiale......... 159 Retour au pays natal.............................................................. 165 Les dilemmes de l'émancipation en « pays arriéré ».......... 171 10. La renaissance caribéenne.................................................... 177 Cricket : après l’empire......................................................... 177 La culture des outsiders......................................................... 183 Le décentrement de l’histoire............................................... 188 TABLE DES MATIÈRES 227 11. Professeur James.................................................... 193 Marxiste toujours................................................................... 193 Black Power............................................................................ 196 Postface au panafricanisme................................................... 201 Conclusion. Un héritage en partage......................................... 209 Bibliographie sélective................................................................. 215 Index............................................................................................... 219 Avant-propos Pensée du mouvement, pensée en mouvement « Le temps passerait, les anciens empires s’effondreraient et de nou veaux prendraient leur place, les relations entre pays et entre classes se modifieraient avant que je ne découvre que ce n’était pas la nature des biens ni leur utilité qui importait, mais le mouvement, non pas où vous êtes et ce que vous avez, mais d’où vous venez, où vous vous rendez et à quel rythme vous y allez \ » Ces paroles sont gravées sur la stèle funéraire de C. L. R. James, historien et révolutionnaire caribéen mort à Londres en 1989 et inhumé sur son ile natale de Trinidad. Issues de l’un de ses ouvrages majeurs, Beyonda Boundary, elles résu ment idéalement la trajectoire d’un homme dont la vie et la pensée auront été intimement liées au destin d’un siècle qu’il aura traversé presque de part en part. Comme bien d’autres penseurs issus des colonies, tout particulièrement des Antilles, James aura été un intel lectuel diasporique, en mouvement permanent, naviguant entre les marges et le centre des empires, parcourant les routes constitutives de cet espace chargé d’histoire qu’est l’Atlantique noir, circulant entre ses pôles caribéen, européen, nord-américain et africain. Au-delà de son itinéraire personnel, il concevait la vie même comme mou vement, la formation de la personnalité comme un cheminement ; 1 1. CLR. James, Beyond a Boundary, Londres, Yellow Jersey Press, 2005 [1963], p. 3. 8 C.L R. JAMES ainsi écrivait-il à la femme qu’il aimait : « Votre lettre [...] montre que vous êtes arrivée à un tournant sur votre route. Soyez sûre de bien l’examiner afin de découvrir d’où vous venez et où vous vous rendez2. » Pour James, qui n’aura cessé d’interroger les relations entre per sonnalité et société, toute histoire individuelle doit être (re)saisie à la lumière du « mouvement de l’histoire » ; mouvement qu’il s’attacha sa vie durant non seulement à étudier, mais aussi à épouser de tout son être. Enfant des colonies britanniques, son existence fut indis sociable de l’affirmation sur la scène mondiale des peuples coloni sés d’Asie, d’Afrique et de la Caraïbe, prélude à la chute des grands empires coloniaux. Même si ces derniers ont peu à peu cédé la place à de nouvelles formes d’impérialisme et d’hégémonie postcoloniale, la vague de décolonisation amorcée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale fut la source d’un décentrement radical qui reste encore aujourd’hui un enjeu politique et intellectuel majeur. C’est ce dont témoignent les efforts pour provincialiser l’Europe (Chakrabarty) et/ ou déprovincialiser le monde non européen3. Figure éminente du panafricanisme, James pensait les luttes anticoloniales en Afrique et aux Antilles comme partie intégrante d’un mouvement international de « révoltes noires » dont l’autre point d’ébullition se trouvait aux États-Unis. Loin d’avoir été initié au XXe siècle, ce mouvement s’ins crit dans une histoire longue, aussi vieille que l’esclavage transatlan tique ; une histoire que James s’attacha à retracer afin d’en tirer les enseignements à même de servir la lutte de la « race » opprimée. Jamais James, cependant, à la différence de nombreux théoriciens postcoloniaux, n’a conçu cette histoire des marges comme irréduc tible à l’« histoire du monde », quand bien même celle-ci eût été une « histoire des vainqueurs » faisant de l’Occident la source d’où jail lit toute histoire. Il n’ambitionnait pas tant de contester le « grand récit de la modernité » que de l’arracher à sa matrice européenne- coloniale pour dévoiler le rôle central qu’avaient joué les sujets racia lisés et colonisés dans une histoire qui ne se disait encore pour lui qu’au singulier. Selon lui, les luttes pour la décolonisation étaient 2. C L R. James, Spécial Delivery, The Letters ofCLR James U Constance Webh, 1939-1948 (dir. Anna Grimshaw), Cambridge, Blackwell Publishcrs, 1996, lettre du 24 juillet 1945, p. 218-219. 3. Voir Gaty Wilder, Freedom Time. Négritude, Decolonization, and the Future ofthe World, Durham et Londres, Duke University Press, 201S.
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