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Spinoza subversif : variations (in)actuelles PDF

140 Pages·2002·2.087 MB·French
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ANTONIO NEGRI SPINOZA SUBVERSIF VARIATIONS (IN) ACTUELLES TRADUCTION DE MARILENE RAIOLA ET FRANGOI&MA1HERON Ouvrage traduit avec le concours du Centre National du Livre ÉDITIONS KIMÉ 2, Impasse des Peintres Paris Ilème © Pour l'édition Italienne, Antonio Pefficani Editore, Roma, 1992. © Pour l'édltlan française, Édifions Kimè, Paria, 1994. AVANT-PROPOS L'essai "Spinoza : cinq raisons de son actualité" a été publié in Cahier 14, La religion, de Confrontation, Aubier, Paris, automne 1985, pp. 175-181, sous le titre "La théodicée dialecti- que comme exaltation du vide". Le texte porte la mention de "janvier 1983, de la prison de Rebibbia". "Le Traité politique, ou de la fondation de la démocratie moderne" a été publié en français aux Presses universitaires de France, Paris, in Dictionnaire des œuvres politiques (1ère édition 1986) dirigé par François Châtelet, sous le titre "Spinoza, Baruch: Tractatus Politicus", pp. 765-776. "Reliqua desiderantur. Conjecture pour une définition du concept de démocratie chez le dernier Spinoza" a été publié en italien, sous le même titre, in Studia Spinozana, vol. I (1985), Spinoza's Philosophy of Society, pp. 151-176. L'essai "Entre infini et communauté. Remarques sur le matérialisme chez Spinoza et Leopardi" a été publié sous le même titre, en anglais, in Studia Spinozana, vol. V (1989), pp. 151-176. "L'antimodernité de Spinoza" a été lu au cours du sémi- naire "Spinoza et le XXème siècle" qui s'est tenu à la Sorbonne le 21 janvier 1990. Il a été publié sous le titre "L'antimodernité de Spinoza" in Les Temps modernes, 46, juin 1991, n. 539, pp. 4S61. CHAPITRE I SPINOZA : LES CENÇ) RAISONS DE SON ACTUALITÉ Dans l'histoire de la pratique collective, il y a des moments où l'être dépasse le devenir. L'actualité de Spinoza consiste avant tout en ceci : l'être ne veut pas s'assujettir à un devenir qui ne détient pas la vérité. La vérité se dit de l'être, la vérité est révolutionnaire, l'être est déjà révolution. Nous vivons nous aussi un tel paradoxe historique. Le devenir manifeste sa fausseté, face à la vérité de notre être révolutionnaire. Au- jourd'hui, le devenir veut en effet détruire l'être, et supprimer sa vérité. Le devenir veut anéantir la révolution. Une grande crise précède Spinoza. Et une crise est tou- jours une violation négative de l'être, contre sa puissance de transformation. Contre la plénitude d'expression accumulée dans l'être par le travail et l'expérience des hommes. La crise est toujours réaction. Spinoza saisit les caractères réels de la crise et de la réaction ; il répond en affirmant la puissance sereine de l'être, son aisance et, partant, l'irréversibilité de la transforma- tion ontologique, du désir fixé comme norme de ce qui existe déjà — tout en demeurant dans un univers de catastrophes . "Comme la lumière se fait connaître elle — même et fait connaître les ténèbres, la vérité est norme d'elle-même et du faux" [Ethique, m, Frop. XT.TTT, Scolie). Le désenchantement des philosophes du devenir, le cynisme des apologistes des médiations du pouvoir, et l'opportunisme des penseurs dialec- tiques se retournent contre l'être ainsi posé dans sa pureté. La pensée de Spinoza, solide couche généalogique de la première révolution de la liberté, est ainsi qualifiée comme anomalie — par la vision unilatérale de l'ennemi, fonction d'un devenir sophistique et réactionnaire. A la vérité spinozienne qui est vérité d'une révolution accomplie dans les consciences, recherche de l'être pour soi de l'éthique à travers la multitudo et découverte de son effectivitê, 10 Spinoza subversif à la vérité spinozienne, donc, s'oppose une tentative de violation et de restauration de l'être au sein du devenir dialectique, au sein d'une des mille et une figures de l'homologie du pouvoir. Après Spinoza, l'histoire de la philosophie est l'histoire de l'idéologie dialectique. Sous un travestissement dialectique, la tradition de la transcendance et de l'aliénation théologique relève la tête. Le problème de la théodicée domine la pensée philosophique au cours des trois siècles suivants — qui enregis- tre misérablement une exploitation mille fois renouvelée, tant d'époques de malheur. Mais on ne peut éliminer Spinoza. De tout philosophe postérieur, on peut dire ceci : il tente de briser cette enveloppe pétrifiée, et se qualifie comme sage pendant le court instant où il est nécessairement spinoziste, puis il est de nouveau emporté par une nécessité d'un autre ordre, celle du marché et du salariat, pour être de nouveau entraîné dans le royaume de la théodicée dialectique. Sentiment de dégoût et de ennui devant ce cadre inaltéré, devant cette répétition de l'idéologie bourgeoise, contre la sagesse révolutionnaire ! Qu'on la nomme maladie ou subversion, seule la folie sauve parfois le philosophe. Honneur aux fous. Si la sagesse est encore possible, c'est du coté des fous. Aussi bien, si les ennemis de la vérité définissent la philosophie spinoziste comme une anomalie, ses amis et ses fils doivent eux aussi lui reconnaître un caractère sauvage et irréductible. Souvent, trop souvent pourtant, le malade et le fou guérissent, deviennent petit à petit des salariés de la culture, et produisent leurs thèses académiques sur la théodicée ; après Spinoza, le spinozisme — mais cette théodicée a subi une chute de puissance, s'est retournée en une sorte d'accélération néga- tive, et ce d'autant plus que là philosophe a auparavant touché la vérité de l'être, que pour avoir été sage il soufre aujourd'hui l'humiliation du reflux dialectique, l'histoire de l'idéologie dia- lectique, qui est histoire de la métaphysique européenne de l'époque moderne et contemporaine, représente ainsi le chemin d'une chute de puissance de l'être . On s'abîme à des niveaux toujours plus subalternes et vides, plus privés et formels, pour justifier un devenir insensé, contre la plénitude de l'être. Exac- tement l'inverse de la voie suivie par celui qui sait que "plus un Les cinq raisons de son actualité 11 être pensant peut penser de choses, plus nous concevons qu'il contient de réalité ou perfection" (Eth. II, 1, Scolie). Mais quand on fuit l'Eden, Masaccio nous le montre, on ne peut échapper au doigt de Dieu. Le fondement éthique une fois écarté, l'être s'abandonne au fondement logistique. En une chute de plus en plus désespérée, en un déracinement démultiplié. La dialecti- que recherche l'absolu comme auto reproduction illusoire de son propre mouvement. L'être, le réel est loin — le logicisme est condamné à des niveaux de plus en plus formels. La crise est l'unique dimension sur laquelle s'installe le logicisme — Prométhée inutile débouchant sur un narcissisme idiot La théodicée dialectique a perdu toute référence éthique. Elle est exaltation du vide, du devenir vide. Le vide peut alors à nouveau tenir lieu de maître en philosophie — comme au théâtre de l'absurde ou dans certains jeux surréalistes, une simple évocation de l'être s'avérant impensable. Le vide de l'être fiait place à une sorte d'intouchabilité de la conscience qui en témoigne ou qui le feint : tel ét le résultat nécessaire de la crise de la théodicée dialectique de la science du devenir en lutte contre la perception de l'ontologique. Le vide logique du pouvoir contre le plein éthique de la puissance ontologique. Ce développement peut être perçu en totalité, comme en un spectre, dans le XVH ème siècle philosophique. L'époque bourgeoise enveloppe dans sa genèse le dispositif entier de son développement et de sa crise. Spinoza, c'est l'anomalie — une négation sauvage qui nous est chère, la négation de cette détermination répressive. Spinoza est aujourd'hui présent pour la raison précise qui en a fait, à bon droit, l'ennemi de toute la pensée moderne. H est le plein de l'être contre le vide du devenir. Spinoza est de nouveau Ursprung, source, saut originel, et non plus anomalie. L'horizon actuel de la crise modifie en effet tous les termes du travail théorique. La sublime inexpres- sivité de la théodicée dialectique, réduite désormais à l'état d'ascétisme vide ou de mysticisme stupide. De Yasjlum ignoran- tiae au réseau polymorphe et dialectique de l'ignorance : tout est aujourd'hui déployé. Que faire ? Comment réaffirmer l'es- pérance de la vie et de la philosophie, sinon en étant 12 Spinoza subversif spinoziste ? Etre spinoziste n'est pas une détermination, c'est une condition. Pour penser, il faut être spinoziste. On com- mence à s'en rendre compte. Avec la crise, c'est jusque dans la conscience commune que l'être dépasse le devenir. Voilà pourquoi, dans la philosophie d'aujourd'hui, la logique de la pensée commence à se plier à la densité du langage commun, la pensée fonctionnelle à éclater et à réfléchir sur la communi- cation, et l'épistémologie harmonieuse et linéaire à abdiquer en faveur d'une épistémologie des catastrophes ! Le monde est l'absolu. Nous sommes écrasés avec félicité sur cette plénitude, nous ne pouvons fréquenter que cette circularité surabondante de sens et d'existences. 'Tu as pitié de tout parce que tout est à toi, Seigneur ami de la vie / toi dont le souffle impérissable est en toutes choses" (Livre de la Sagesse, 11,26 — 12,1). La surface est notre profondeur. La dialectique allemande et l'administration française ne parviennent pas à ronger cette chose vivante qu'est la félicité immédiate et dépri- vatisée, cette singularité. Le monde s'avère toujours plus mar- qué par une singularité irréductible, une singularité collective. Tel est le contenu de l'être et de la révolution. Et c'est en agissant que nous posons des discriminations dans cette plénitude, c'est en marchant que nous ouvrons, des chemins dans cette nature tropicale, c'est en naviguant que nous traçons des routes sur cette mer. L'éthique est la clef qui ouvre notre marche et détermine nos discriminations, une clef non dialectique ; la fausseté de la dialectique est celle d'une clef qui ouvrerait toutes les portes, l'éthique est en revanche une clef adéquate au singulier. Nous éprouvons ici la seconde raison de l'actualité de Spinoza. Il décrit le monde comme nécessité absolue, comme présence de la nécessité. Mais c'est justement cette présence qui est contradictoire. Elle nous restitue immédiatement la nécessité comme contingence, la nécessité absolue comme contingence absolue - puisque absolue contingence est la seul' manière de nommer en tant qu'horizon éthique. Que la stabilité de l'être se présente comme coextensive aux catastrophes innovatrices de Les cinq raisons de son actualité 13 l'être, à sa présence sur le bord de l'innovation quotidienne, et sa nécessité comme coextensive à la révolution, tel est le paradoxe de cette présence. Mais on ne saurait comprendre la prégnance de ce paradoxe avant sa traduction du langage métaphysique en celui de la physique .Que l'être soit à ce point transformable, on ne le comprend qu'après avoir perçu la portée de la crise et la possibilité effective d'une destruction de l'être, qui n'est autre que la conclusion de l'effort de contrôle logistique du monde. Le vide n'est plus une hypothèse logique, mais l'hypothèse cynique du logicisme, de son éthique absurde. Qui veut être un acte de domination — qui veut être une catastrophe négative. Le monde, l'être, on peut le détruire : mais si on peut le détruire, on peut intégralement le construire. Le sens de la catastrophe élimine jusqu'aux derniers vestiges de déterminisme. La nécessité du monde, la présence de son donné ne relèvent en aucun cas du déterminisme. Us sont absolue contingence. C'est seulement aujourd'hui que nous pouvons comprendre en matérialistes, en termes physiques, que le nécessaire est liberté. Le monde nous est retombé dans le bras comme liberté — c'est le sens de la catastrophe qui nous l'a restitué. Comme possibilité de liberté et de créativité collec- tive. Spinoza nous enseigne donc à poser une discrimination dans le monde éthique. Ethique, le monde ne l'est pas parce qu'il est, mais par ce que nous en vivons. A ce niveau du développement de la réalité humaine, l'alternative éthique atteint sa plus haute prégnance : alternative entre la vie et la mort, entre construire et détruire. Quand la puissance éthique se meut dans l'absolue contingence de l'être, ce mouvoir n'est pas indéterminé. Il y a matière à critère : les raisons de la vie contre celles de la mort "Un homme libre ne pense a aucune chose moins qu' à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie" [EtL, IV, LXVII). L'acte éthique sera donc un acte de composition, de destruction — du sein de l'être, dans la tension entre le singulier et le collectif. La possibilité d'une totale violation du monde ne conduit pas à qualifier l'action de manière indifférenciée. La négation de toute forme de dualisme et de toute méditation ne supprime pas l'alternative 14 Spinoza subversif éthique : elle la déplace, la renvoie à la limite extrême de l'être, là où l'alternative est entre vivre et être détruit La radicalité de l'alternative en souligne l'intensité et la dramaticitê. Et c'est justement à partir de l'intensité et de la dramaticitê du choix que l'éthique se fait politique. Imagination productive d'un monde qui s'oppose à celui de la mort "Un peuple libre est conduit par l'espoir plus que par la crainte ; un peuple soumis, par la crainte plus que par l'espoir ; l'un s'efforce de profiter de la vie, l'autre seulement d'échapper à la mort" {Traité politique, V,6). ^ L'imagination-productive est une puissance éthique. Spi- noza la décrit comme faculté présidant à la construction de l'histoire de la libération. Res gestae. Construction de la raison collective et de son articulation interne. Et saut en avant — imagination comme Ursprung de l'éthique. Puissance constitu- tive au travers de continuels décentrements de l'être éthique. Ce ne sont pas des mots, ce sont des êtres que déploie l'imagi- nation productive. Et telle est la troisième raison de l'actualité de Spinoza, qui nous a reconduits dans l'être de la révolution, et renvoyés à la détermination radicalement constitutive de l'alternative éthique. La science et le travail, donc, le monde du langage et de l'information, sont ainsi ramenés à l'éthique, et étudiés dans le moment même où ils se font, dans la généalogie de leur production. Leur force consiste à constituer l'être. Les mots et les choses s'instaurent sur un horizon opératoire, et l'imaginaire définit ce caractère opératoire. L'éthique pose une discrimination dans l'être en tant qu'elle en découvre et en reconnaît le seul degré qui lui soit propre, je veux dire une certaine qualité de l'exister. Mais sur cette marge opératoire, qui est le bord de l'être donné, sur lequel s'exerce l'imaginaire, nous voilà donc en présence de scénarios déployant dans le futur ce que nous sommes en train de construire et d'imaginer êthiquement La philosophe de Spinoza exclut le temps-mesure. Elle préfère le temps-vie. C'est pourquoi Spinoza ignore le mot "temps" — tout en fixant son concept entre vie et imagination. Car pour Spinoza, le temps n'existe que comme libération. Le

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