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Résultants [Lecture notes] PDF

12 Pages·2016·0.429 MB·French
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Résultants Préparation à l’agrégation, 29 mars 2016 Antoine Chambert-Loir Résumé. — Définition et propriétés élémentaires du résultant de deux polynômes en une indé- terminée,discriminant.Applicationsàlaloideréciprocitéquadratiqueetauthéorèmedeszérosde Hilbert. 1. Définition et propriété principale Définition 1.1. — Soit A un anneau (commutatif et unitaire). Soit P,Q ∈ A[T] des polynômes en une indéterminée T à coefficients dans A; soit m,n des entiers (cid:62) 0 tels que deg(P) (cid:54) m et deg(Q) (cid:54) n. On appelle résultant (en degrés (m,n)) de P et Q le déterminant de l’application linéaire Φ : A[T] ×A[T] → A[T] , (U,V) (cid:55)→ UP +VQ P,Q <n <m <m+n dans les bases (1,T,...,Tn−1;1,T,...,Tm−1) de A[T] ×A[T] et (1,T,...,Tm+n−1) <n <m de A[T] . On le note Res (P,Q). <m+n m,n Remarque 1.2. — SupposonsqueP = a +a T+···+a Tm etQ = b +b T+···+b Tn. 0 1 m 0 1 n En écrivant la matrice de l’application linéaire Φ dans les bases indiquées, on peut donc P,Q calculerlerésultantdeP etQcommeledéterminantd’unematricedetaillem+n,appelée matrice de Sylvester : (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) 0 0 (cid:12) (cid:12)(cid:12)a a b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 0 1 (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... ... ... b (cid:12)(cid:12) (cid:12) 0 (cid:12) Resm,n(P,Q) = (cid:12)(cid:12)(cid:12)am ... a0 ... b1 (cid:12)(cid:12)(cid:12). (cid:12)(cid:12) ... a b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 n (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) m n Explicitement, le vecteur-colonne (a ,...,a ) est recopié n fois, à chaque fois décalé d’une 0 m ligne vers le bas, puis le vecteur-colonne (b ,...,b ) est recopié m fois, à chaque fois décalé 0 n d’une ligne vers le bas. Remarque 1.3. — Le résultant de P et Q est un élément de A. Soit f: A → B un homomorphisme d’anneaux; notons P (cid:55)→ Pf l’homomorphisme de A[T] dans B[T] qui applique un polynôme P = (cid:80)c Tj sur Pf = (cid:80)f(c )Tj. Alors, j j Res (Pf,Qf) = f(Res (P,Q)). En effet, la matrice de l’application linéaire Φ m,n m,n Pf,Qf est obtenue en appliquant f aux coefficients de la matrice de l’application linéaire Φ . P,Q 2 ANTOINE CHAMBERT-LOIR Remarque 1.4. — LaformulefondéesurledéterminantdeSylvestermontrequelerésul- tant Res (P,Q) s’exprime comme un polynôme en les coefficients a ,...,a ,b ,...,b m,n 0 m 0 n de P et Q. Précisément, considérons l’anneau A = Z[a ,...,a ,b ,...,b ] des polynômes à coeffi- 0 m 0 n cients entiers en (m+1)+(n+1) indéterminées a ,...,a ,b ,...,b , et les polynômes 0 m 0 n P = a +a +···+a Tm et Q = b +···+b Tn à coefficients dans cet anneau. Notons 0 1 m 0 n R le résultant Res (P,Q); c’est un élément de cet anneau de polynômes. On peut m,n m,n démontrer qu’il est irréductible. Le polynôme R est de degré m+n, et qu’il est homogène de degré n en les indéter- m,n minées (a ,...,a ) et est homogène de degré m en les indéterminées (b ,...,b ). 0 m 0 n Démontrons aussi que R est quasi-homogène de degré mn si l’on attribue le poids i m,n aux indéterminées a et b . Pour cela, développons le déterminant de Sylvester suivant les i i permutationsσ de {1,...,m+n}. Le terme correspondant à une telle permutation est égal à (cid:81)n a (cid:81)m+n b si 0 (cid:54) σ(i)−i (cid:54) m pour 1 (cid:54) i (cid:54) n et 0 (cid:54) σ(i)−i+n (cid:54) n i=1 σ(i)−i i=n+1 σ(i)−i+n pour n+1 (cid:54) i (cid:54) m; il est nul sinon. Lorsqu’il n’est pas nul, le poids de ce monôme est donc égal à n m+n m+n m+n (cid:88) (cid:88) (cid:88) (cid:88) (σ(i)−i)+ (σ(i)−i+n) = σ(i)− i+nm = nm i=1 i=n+1 i=1 i=1 puisque σ est une permutation. Nous avons ainsi démontré que R est somme de mo- m,n nômes de poids mn, ce qui signifie exactement que R est quasi-homogène de poids mn. m,n PourtoutanneauB ettoutcouple(p,q)depolynômesàcoefficientsdansB,dedegrés(cid:54) m et (cid:54) n respectivement, il existe un unique homomorphisme d’anneaux f: A → B tel que p = Pf et q = Qf : pour tous i,j, cet homomorphisme applique a sur le coefficient i de Ti de p et b sur le coefficients de Tj de q. Alors, Res (p,q) = Rf = R (p,q) est j m,n m,n m,n obtenu en évaluant le polynôme R en les coefficients de p et q. m,n Cette remarque nous permettra, pour démontrer certaines formules générales, de suppo- serquel’anneauAestintègre,voiremême,enconsidérantsoncorpsdesfractions,quec’est un corps, voire même, en en considérant une clôture algébrique, qu’il est algébriquement clos. Remarque 1.5. — Supposons que A = R. Pourtout entier n, soitP l’espace affineréel n des polynômes unitaires de degré n et soit π: P ×P → P l’application produit. m n m+n Elle est polynomiale; calculons sa différentielle en un couple (P,Q). Comme P est un n espace affine dirigé par l’espace vectoriel R[T] , on doit calculer π(P +U,Q+V) pour <n U ∈ R[T] et V ∈ R[T] . On a ainsi <m <n π(P +U,Q+V) = (P +U)(Q+V) = PQ+(VP +UQ)+UV = π(P,Q)+Φ (V,U)+O(((cid:107)U(cid:107)+(cid:107)V(cid:107))2), P,Q où (cid:107)·(cid:107) est une norme arbitraire sur R[T] (resp. sur R[T] ). Ainsi, à l’échange près des <m <n facteurs, l’application Φ est la différentielle de l’application π. P,Q Le théorème d’inversion locale entraîne donc le cas particulier suivant. Suppo- sons Res (P,Q) (cid:54)= 0. Il existe alors des voisinages U de P dans P , V de Q m,n m dans P , W de PQ dans P telle que l’application π induise, par restriction, un n m+n C∞-difféomorphisme de U ×V sur W . Proposition 1.6. — Soit K un corps, soit P,Q ∈ K[T] des polynômes en une indé- terminée T à coefficients dans K et soit m,n des entiers > 0 tels que deg(P) (cid:54) m et RÉSULTANTS 3 deg(Q) (cid:54) n. Pour que Res (P,Q) = 0, il faut et il suffit que l’une au moins des deux m,n propriétés suivantes soit vérifiée : (1) On a deg(P) < m et deg(Q) < n; (2) Les polynômes P et Q ne sont pas premiers entre eux dans K[T]. Remarque 1.7. — Si l’on peut prendre m = 0, alors P = p est constant et l’on a 0 Res (P,Q) = pn; ainsi Res (P,Q) = 0 si et seulement si P = 0 et n > 0. De même, si m,n 0 0,n l’on peut prendre n = 0, alors Res (P,Q) = 0 si et seulement si Q = 0 et m > 0. m,0 Démonstration. — Notons Φ = Φ . Par définition, Res (P,Q) = 0 si et seulement si P,Q m,n l’application linéaire Φ de K[T] ×K[T] dans K[T] n’est pas injective, c’est-à- <n <m <m+n dire s’il existe des polynômes U et V dans K[T] tels que UP +VQ = 0 et deg(U) < n et deg(V) < m. SupposonsP = 0.OnaalorsRes (P,Q) = 0,carn > 0.Deplus,soitdeg(Q) = 0 < n, m,n soit Q est un facteur commun de P et Q de degré > 0. Cela prouve l’assertion dans ce cas et la preuve lorsque Q = 0 est similaire. On suppose dans la suite de la démonstration que P et Q sont non nuls. Supposons que deg(P) < m et deg(Q) < n; alors, Φ(−Q,P) = 0, donc Res (P,Q) = m,n 0. Supposons que P et Q aient un facteur commun D de degré > 0; soit P et Q des 1 1 polynômes tels que P = DP et Q = DQ . Puisque deg(D) > 0, on a deg(P ) < m et 1 1 1 deg(Q ) < n; alors, Φ(−Q ,−P ) = −PQ +QP = −DP Q +DP Q = 0. Ainsi, Φ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 n’est pas injective et Res (P,Q) = 0. m,n SupposonsmaintenantqueRes (P,Q) = 0etsoitU,V ∈ K[T]despolynômesnonnuls m,n tels que UP +VQ = 0, deg(U) < n et deg(V) < m. Supposons que P et Q soient premiers entre eux. Alors, P divise −UP = VQ, donc P divise V, d’après le lemme de Gauss; on a donc m > deg(V) (cid:62) deg(P). Toujours d’après le lemme de Gauss, Q divise −VQ = UP, donc P divise U, d’où n > deg(U) (cid:62) deg(Q). Exemple 1.8. — Soit k un corps et soit K une extension de K. Soit α,β ∈ K, soit P,Q ∈ k[T] des polynômes non nuls tels que P(α) = Q(β) = 0; posons m = deg(P) et n = deg(Q). (1) Soit R = Res(P(X − T),Q) ∈ k[X] le résultant des polynômes P(X − T) et Q(T) considérés comme éléments de k[X][T]. On a R(α + β) = 0. En effet, R(α + β) = Res (P(α + β − T),Q(T)) = 0 car β est une racine commune des polynômes m,n P(α + β − T) et Q(T). Soit de plus x ∈ K (voire une extension K(cid:48) de K). On a R(x) = Res (P(x − T),Q(T)) et deg (P(x − T)) = m, deg(Q) = n; si R(x) = 0, m,n T alors il existe une racine t de Q telle que x−t soit racine de P ; l’ensemble des éléments deK(cid:48) quisontsommed’uneracinedeP etd’uneracinedeQestfini.Enprenantxdistinct de ces éléments, on a donc R(x) (cid:54)= 0 ce qui prouve que le polynôme R n’est pas nul. Cela donne par exemple une démonstration constructive de ce que la somme de deux éléments de K algébriques sur k est algébrique sur k. (2) Posons P˜(X,T) = P(X/T)Tm; c’est un élément de k[X,T]. On démontre de façon similaire que le polynôme Res (P˜(X,T),Q(T)) ∈ k[X] n’est pas nul et annule αβ. m,n (3) Soit f ∈ k[T]; posons γ = f(α) et n = deg(f). Alors, le polynôme R = Res (P(T),X −f(T)) ∈ k[T] n’est pas nul et vérifie R(γ) = 0. m,n (4) Soit F ∈ k[X,Y] un polynôme tel que F(α,β) = 0. Alors, le polynôme R = Res (P(T),F(X,T)) ∈ k[T] n’est pas nul et vérifie R(β) = 0. m,n 4 ANTOINE CHAMBERT-LOIR Corollaire 1.9. — Soit A un anneau factoriel, soit P,Q ∈ A[T] des polynômes en une indéterminée T à coefficients dans A et soit m,n des entiers (cid:62) 0 tels que deg(P) (cid:54) m et deg(Q) (cid:54) n. Soit p un élément irréductible de A; soit k le corps des fractions de l’anneau intègre A/(p). Pour que p divise Res (P,Q), il faut et il suffit que l’une des m,n deux propriétés suivantes soit vérifiée : (1) Les coefficients dominants a de P et b de Q sont multiples de p; m n (2) Les images P¯ et Q¯ de P et Q par l’homomorphisme de réduction modulo p de A[T] dans k[T] ont un facteur commun dans k[T]. Corollaire 1.10. — Soit k un corps algébriquement clos, soit P,Q ∈ k[T ,...,T ] des 1 d polynômes en n indéterminées T ,...,T et à coefficients dans k, soit m,n des entiers (cid:62) 0 1 d telsquem (cid:62) deg (P)etn (cid:62) deg (Q).SoitdoncR ∈ k[T ,...,T ]lerésultant«enT » T T 1 d−1 d d d de P et Q, considérés comme des éléments de k[T ,...,T ][T ]. 1 d−1 d Pour a ∈ kd−1, on a R(a) = 0 si et seulement si l’une des deux conditions suivantes est vérifiée : (1) On a deg(P(a,T)) < m et deg(Q(a,T)) < n; (2) Les polynômes P(a,T) et Q(a,T) ont une racine commune dans k. Enparticulier,lorsqued = 2,lerésultantenY fournitl’équationdesabscissesdespoints d’intersection des deux courbes planes définies par des polynômes P, Q ∈ k[X,Y]. Remarque 1.11. — Le résultant Res (P,Q) appartient à l’idéal de A[T] engendré m,n par P et Q. Soit Ψ l’application linéaire de A[T] dans A[T] ×A[T] dont la matrice dans <m+n <m <n les bases indiquées est la transposée de la matrice des cofacteurs de la matrice de Φ . P,Q On a donc Φ ◦Ψ = deg(Φ )Id. Appliquons cette égalité au polynôme 1 et posons P,Q P,Q (U,V) = Ψ(1). On a donc UP +VQ = Res (P,Q), donc Res (P,Q) ∈ (P,Q). m,n m,n 2. Formules On va maintenant donner quelques formules explicites pour le résultant. Lemme 2.1. — On a Res (P,Q) = (−1)mnRes (Q,P). m,n n,m Démonstration. — Soit c la permutation circulaire (1,...,m+n) → (2,...,m+n,1); sa signature est (−1)m+n−1. La matrice de Φ est obtenue en appliquant la permutation Q,P circulairedescolonnes(1,...,m+n) → (n+1,...,n+m,1,...,n),égaleàcn;sasignature est donc égale à (−1)(m+n−1)n = (−1)mn(−1)n2−n = (−1)mn puisque n2−n est pair. Lemme 2.2. — On a Res (1,Q) = 1 et Res (P,1) = 1. 0,n m,0 Démonstration. — En effet, dans ces cas, l’application Φ est l’identité. P,Q Lemme 2.3. — Pour tous a,b ∈ A, on a Res (aP,bQ) = anbmRes (P,Q). m,n m,n Démonstration. — Cela découle de l’homogénéité du déterminant de Sylvester : pour le couple (aP,bQ), il se déduit de celui du couple (P,Q) en multipliant par a les n premières colonnes, et par b les m dernières. Proposition 2.4. — On suppose que Q est unitaire de degré n, de sorte que la A-algèbre Λ = A[T]/(Q) est un A-module libre de rang n. Le résultant Res (P,Q) est le déter- Q m,n minant de la multiplication par (la classe de) P dans Λ . Q RÉSULTANTS 5 Démonstration. — Soit θ: A[T] ×A[T] → A[T] l’application linéaire donnée par <n <m m+n (U,V) (cid:55)→ U + VQ. Comme Q est unitaire, le théorème de division euclidienne assure qu’elle est bijective; notons (α,β) son inverse : on a donc α(U)+β(U)Q = U pour tout U ∈ A[T] . <m+n Pour U ∈ A[T] et V ∈ A[T] , on a <n <m Φ (U,V) = UP +VQ = α(UP)+β(UP)Q+VQ = θ(α(UP),V +β(UP)), P,Q donc Res (P,Q) est le produit du déterminant de θ et du déterminant de l’application m,n (U,V) (cid:55)→ (α(UP),V +β(UP)). La matrice de θ est triangulaire supérieure, et comme Q est unitaire, sa diagonale est formée de 1; on a donc det(θ) = 1. La matrice de (U,V) (cid:55)→ (α(UP),V +β(UP)) est triangulaire supérieure par blocs, donc son déterminant est le produit des déterminants de deux blocs diagonaux. Le bloc en haut à gauche est la matrice de la multiplication par P dans Λ . Le bloc en bas à droite est Q l’identité. Cela démontre la proposition. Corollaire 2.5. — Pour tout a ∈ A, on a Res (P,T −a) = P(a) et Res (T−a,Q) = m,1 1,n (−1)nQ(a). Démonstration. — L’algèbreΛ = A[T]/(T−a)estégaleàA,etlaclassedeP danscette T−a algèbreestégaleàP(a).LapropositionentraînedonclapremièreégalitéRes (P,T−a) = m,1 P(a). On a Res (T −a,Q) = (−1)nRes (Q,T −a), d’où la seconde égalité. 1,n n,1 Corollaire 2.6. — Soit P , P , Q des polynômes de A[T], soit m ,m ,n des entiers (cid:62) 0 1 2 1 2 tels que deg(P ) (cid:54) m , deg(P ) (cid:54) m et deg(Q) (cid:54) n. On a 1 1 2 2 Res (P P ,Q) = Res (P ,Q)Res (P ,Q). m1+m2,n 1 2 m1,n 1 m2,n 2 Démonstration. — Il suffit de démontrer cette formule lorsque P ,P ,Q sont des poly- 1 2 nômes à coefficients indéterminés a (pour 0 (cid:54) i (cid:54) m ), b (pour 0 (cid:54) j (cid:54) m ) et c i 1 j 2 k (pour 0 (cid:54) k (cid:54) n) et l’anneau A est l’anneau des polynômes Z[(a ),(b ),(c )]. On peut i j k même prouver l’égalité dans le corps des fractions K de A. Observons que l’on a alors deg(P ) = m , deg(P ) = m et deg(Q) = n. Posons m = m +m et P = P P . Les 1 1 2 2 1 2 1 2 deux membres sont homogènes de degrés m +m en les coefficients de Q; on peut donc 1 2 supposer que Q est unitaire. Soit Λ l’algèbre K[T]/(Q). Notons µ la multiplication par un polynôme P dans cette Q P algèbre. D’après la proposition, on a Res (P ,Q) = det(µ ), et de même pour P et m1,n 1 P1 2 P = P P . Comme µ = µ ◦µ , on a la formule voulue. 1 2 P1P2 P1 P2 Corollaire 2.7. — On suppose P = a(cid:81)m (T −α ) et Q = b(cid:81)n (T −β ). Alors, i=1 i j=1 j n m m n (cid:89) (cid:89) (cid:89)(cid:89) Res (P,Q) = bm P(β ) = (−1)mnan Q(α ) = anbm (β −α ). m,n j i j i j=1 i=1 i=1j=1 Remarque 2.8. — En raisonnant par récurrence sur n, on peut aussi démontrer le corollaire précédent directement grâce à des combinaisons linéaires judicieuses de colonnes. En effet, si Q= 6 ANTOINE CHAMBERT-LOIR b(cid:81)n (T −β )=b +b T +···+b Tn, on a (T −β)Q=−βQ+TQ, de sorte que j=1 j 0 1 n (cid:12)a −βb (cid:12) (cid:12) 0 0 (cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12)a1 a0 b0−βb1 ... (cid:12)(cid:12)(cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12) ... ... ... b1−βb2 ... −βb0 (cid:12)(cid:12)(cid:12) Resm,n+1(P,(T −β)Q)=(cid:12)(cid:12)(cid:12)am ... a0 ... b0−βb1 (cid:12)(cid:12)(cid:12). (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... a b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 n (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... b −βb (cid:12)(cid:12) (cid:12) n−1 n (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) m n En partant du bas, ajoutons à chaque ligne β fois la suivante. On obtient ainsi (cid:12) P(β) βP(β) ··· βn−1P(β) 0 (cid:12) (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12)a1+a2β+... P(β) βn−2P(β) b0 ... (cid:12)(cid:12)(cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12) ... ... ... ... b1 ... 0 (cid:12)(cid:12)(cid:12) Resm,n+1(P,(T −β)Q)=(cid:12)(cid:12)(cid:12) am ... P(β) ... b0 (cid:12)(cid:12)(cid:12). (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... a +βa +... b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 2 n (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... b (cid:12)(cid:12) (cid:12) n−1 (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) m n La première ligne est multiple de P(β), on a donc (cid:12) 1 β ··· βn−1 0 (cid:12) (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12)a1+a2β+... P(β) βn−2P(β) b0 ... (cid:12)(cid:12)(cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12) ... ... ... ... b1 ... 0 (cid:12)(cid:12)(cid:12) Resm,n+1(P,(T −β)Q)=P(β)(cid:12)(cid:12)(cid:12) am ... P(β) ... b0 (cid:12)(cid:12)(cid:12). (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... a +βa +... b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 2 n (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... b (cid:12)(cid:12) (cid:12) n−1 (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) m n En partant de la droite, soustrayons à chacune des n premières lignes β fois la précédente. On obtient (cid:12) 1 0 ··· 0 0 (cid:12) (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12)a1+a2β+... a0 0 b0 ... (cid:12)(cid:12)(cid:12) (cid:12)(cid:12)(cid:12) ... ... ... ... b1 ... 0 (cid:12)(cid:12)(cid:12) Resm,n+1(P,(T −β)Q)=P(β)(cid:12)(cid:12)(cid:12) am ... a0 ... b0 (cid:12)(cid:12)(cid:12). (cid:12) (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... a b ... (cid:12)(cid:12) (cid:12) 1 n (cid:12) (cid:12)(cid:12) ... ... ... b (cid:12)(cid:12) (cid:12) n−1 (cid:12) (cid:12) a b (cid:12) m n En développant ce déterminant suivant la première ligne, on trouve ainsi Res (P,(T −β)Q)=P(β)Res (P,Q). m,n+1 m,n Le reste de la formule s’en déduit par récurrence. RÉSULTANTS 7 3. Résultant et algorithme d’Euclide Les formules explicites du paragraphe précédent permettent de fournit un algorithme assez efficace pour calculer le résultant. On pose P = P et P = Q puis, pour tout entier k tel que P (cid:54)= 0, soit P le reste 0 1 k k+1 de la division euclidienne de P par P . D’après l’algorithme d’Euclide, il existe un plus k−1 k petit entier d tel que P = 0, et P est le pgcd de P et Q. d+1 d On sait que Res (P,Q) = 0 si P et Q ne sont pas premiers entre eux, c’est-à-dire si m,n deg(P ) (cid:54)= 0. d On suppose dans la suite que P et Q sont premiers entre eux. Pour k (cid:54) d, notons n k le degré de P et a son coefficient dominant. Par homogénéité du résultant en le second k k polynôme, on a n Res (P ,P ) = a k−1Res (P ,P /a ). nk−1,nk k−1 k k nk−1,nk k−1 k k De plus, Res (P ,P /a ) est le déterminant de la multiplication par P dans nk−1,nk k−1 k k k−1 l’algèbre K[T]/(P ). Comme P ≡ P (mod P ), c’est aussi le déterminant de la k k+1 k−1 k multiplication par P dans cette algèbre, de sorte que k+1 Res (P ,P ) = ank−1Res (P ,P ) = ank−1(−1)nknk+1Res (P ,P ). nk−1,nk k−1 k k nk+1,nk k+1 k k nk,nk+1 k k+1 Enfin, on a n n Res (P ,P ) = Res (P ,a ) = a d−1Res (P ,1) = a d−1. nd−1,nd d−1 d nd−1,0 d−1 d d nd−1,0 d−1 d On a donc d d−1 Res (P,Q) = (cid:89)ank−1 (cid:89)(−1)nknk+1. m,n k k=1 k=1 4. Discriminant Définition 4.1. — Soit P ∈ A[T] un polynôme de degré m dont le coefficient domi- nant a est inversible; on appelle discriminant de P l’expression m Disc(P) = (−1)m(m−1)/2a−1Res (P,P(cid:48)). m m,m−1 Remarque 4.2. — Prenons pour anneau A un anneau de polynômes Z[a ,...,a ] et 0 m pour polynôme P le polynôme P = a + a T + ··· + a Tm dont les coefficients sont 0 1 m les indéterminées. Soit R = Res (P,P(cid:48)). Dès qu’on évalue le polynôme R en un m,m−1 polynôme p dont le coefficient de Tm est nul, on a deg(p) < m et deg(p(cid:48)) < m−1, donc R(p) = Res (p,p(cid:48)) = 0.Parsuite,Restmultipledea etilexisteununiquepolynôme m,m−1 m D ∈ Z[a ,...,a ] tel que a D = (−1)m(m−1) = R. En particulier, Disc(p) = D (p) m 0 m m m m pour tout polynôme p de degré m dont le coefficient dominant est inversible. LepolynômeD esthomogènededegré2m−2.Sia estdepoidsi,ilestquasi-homogène m i de poids m(m−1). Proposition 4.3. — Soit K un corps et soit P ∈ K[T] un polynôme de degré n. Les conditions suivantes sont équivalentes : (i) Disc(P) = 0; (ii) P et P(cid:48) ont un facteur commun; (iii) P et P(cid:48) ont une racine commune dans une clôture algébrique. Proposition 4.4. — Si P = a(cid:81)m (T −α ), on a i=1 i (cid:89) Disc(P) = a2m−2 (α −α )2. i j i<j 8 ANTOINE CHAMBERT-LOIR Démonstration. — Faisonsd’abordlecalculdansl’anneaudespolynômesZ[a,α ,...,α ], 1 m c’est-à-dire lorsque P est le «polynôme générique scindé». Par définition, on a m (cid:89) (−1)m(m−1)/2aDisc(P) = Res (P,P(cid:48)) = (−1)m(m−1)am−1 P(cid:48)(α ). m,m−1 i i=1 D’autre part, pour tout i ∈ {1,...,m}, on a (cid:89) P(cid:48)(α ) = a (α −α ), i j i j(cid:54)=i de sorte que (cid:89) aDisc(P) = (−1)m(m−1)/2a2m−1 (α −α ) j i j(cid:54)=i (cid:89) = a2m−1 (α −α )2. j i j<i En simplifiant par a, on a le résultat voulu. Lecalculprécédentrestevalablesiaestinversible,voiresiaestsimplifiabledansA.Dans le cas général, Disc(P) s’obtient par évaluation du discriminant du polynôme générique scindé, d’où le résultat. Exemple 4.5. — (1) Pour P = aT2+bT +c, on a Disc(P) = b2−4ac. (2) Pour P = T3+pT +q, on a Disc(P) = −4p3−27q2. (3) Plus généralement, si P = Tn + pT + q, alors Disc(P) = (−1)n(n−1)/2(qn−1nn + pn(1−n)n−1). Il suffit de traiter le dernier exemple dans le cas où q (cid:54)= 0 et P et P(cid:48) sont scindés, c’est-à-dire P = (cid:81)n (T −α ) et P(cid:48) = nTn−1 +p = n(Tn−1 +p/n) = n(cid:81)n−1(T −β ). i=1 i j=1 j Alors, n−1 (cid:89) Disc(P) = (−1)n(n−1)/2Res (P,P(cid:48)) = (−1)n(n−1)nn P(β ). n,n−1 j j=1 Pour tout j, on a βn−1 = −p/n, donc j P(β ) = βn+pβ +q = p(1−1/n)β +q, j j j j de sorte que n−1 Disc(P) = (−1)n(n−1)/2nn (cid:89)(cid:0)p(1−1/n)β +q(cid:1) j j=1 n−1(cid:18) (cid:19) (cid:89) qn = (−1)n(n−1)/2pn−1(1−n)n−1n −β j p(1−n) j=1 = (−1)n(n−1)/2pn−1(1−n)n−1P(cid:48)(qn/p(1−n)) = (−1)n(n−1)/2pn−1(1−n)n−1(cid:0)n(qn/p(1−n))n−1+p(cid:1) = (−1)n(n−1)/2(cid:0)qn−1nn+(1−n)n−1pn(cid:1). Remarque 4.6. — Supposons A = R et identifions à Rn l’espace affine des polynômes unitairesdedegrén,parl’application(a ,...,a ) (cid:55)→ Tn+a Tn−1+···+a .Soitf: Rn → 1 n 1 n Rn l’application qui applique α = (α ,...,α ) ∈ Rn sur le polynôme P = (cid:81)n (T −α ). 1 n α i=1 i RÉSULTANTS 9 Elle est polynomiale, donnée aux signes près par les polynômes symétriques élémentaires : F: α (cid:55)→ (−s (α),...,(−1)ns (α)). 1 n Comme s (T ,...,T ) = s (T ,...,T )+T s (T ,...,T ), on a i 1 n i 1 n−1 n i−1 1 n−1 ∂ s = s (T ,...,T ) = s −T s (T ,...,T ) = s −T ∂ s . n i i−1 1 n−1 i−1 n i−2 1 n−1 i−1 n n i−1 Par symétrie, on a plus généralement : ∂jsi = si−1(T1,...,T(cid:98)i,...,Tn) = si−1−Ti∂jsi−1, soit encore (−1)m∂ s = (−1)ms +(−1)m−1T ∂ s . i m m−1 i i m−1 Pour i = 1, on a ∂ s = 1; ces formules sont donc valables à condition de poser s = 1. j i 0 Voici une astuce pour calculer le jacobien de l’application f. Définissons deux vecteurs- ligne 1 = (1,...,1) et T = (T ,...,T ); notons ∗ le produit composante par composante 1 n desvecteurs-ligne.PosonsL = 1;si1 (cid:54) m (cid:54) n,notonsL l’opposédelaligned’indicem 0 m de J ; on a donc L = (−1)m−1s 1+N ∗L , de sorte que le déterminant J vérifie f m m−1 1 m−1 f J = (−1)ndet(L ,...,L ) f 1 n = (−1)ndet(1,−s +1+T∗L ,...,(−1)n−1s 1+T∗L ) 1 1 n−1 n−1 = (−1)ndet(1,T∗L ,...,T∗L ) 1 n−1 = ··· = (−1)ndet(1,T,...,Tn−1), où on retrouve le déterminant de Vandermonde. Ainsi, (cid:89) J = (−1)n (T −T ). f j i j>i Par conséquent, |Disc(P )| = J (α)2. α f Le théorème d’inversion locale fournit alors le résultat : Soit α ∈ Rn un vecteur à co- ordonnées deux à deux distinctes; il existe un voisinage ouvert U de α dans Rn et un voisinage ouvert V de P dans l’espace des polynômes unitaires de degré n tel que l’appli- α cation f induise un C∞-difféomorphisme de U sur V. Autrement dit, sur V, on peut exprimer les racines d’un polynôme de façon C∞ en ses coefficients. 5. Résultant et réciprocité quadratique Définition 5.1 (Symbole de Legendre). — Soit p un nombre premier (cid:62) 3 et soit a (cid:18) (cid:19) (cid:18) (cid:19) a a un élément de F×. On pose = 1 si a est un carré, et = −1 sinon. p p p (cid:18) (cid:19) a Proposition 5.2. — Pour tout a ∈ F×, on a = a(p−1)/2. p p Démonstration. — CommelegroupemultiplicatifdeF estdecardinalp−1,onaap−1 = 1 p pour tout a ∈ F×, de sorte que (a(p−1)/2)2 = 1. Par suite, a(p−1)/2 = ±1. Si a est un carré, p disons a = b2, alors a(p−1)/2 = bp−1 = 1. Les carrés de F× sont l’image du morphisme p de groupes a (cid:55)→ a2, dont le noyau est {±1}; il y a donc (p−1)/2 carrés. Ces carrés sont solutions de l’équation polynomiale T(p−1)/2 = 1, qui a au plus (p − 1)/2 solutions; ce 10 ANTOINE CHAMBERT-LOIR sont donc exactement les solutions de cette équation. Ainsi, si a n’est pas un carré, on a a(p−1)/2 = −1. 5.3. — Soit p un nombre impair. Considérons le polynôme cyclotomique d’indice p, Φ = p Xp−1+···+1. Comme il est réciproque, il existe un unique polynôme T ∈ Z[X] de degré p (p−1)/2 tel que Φ = T (X +1/X)X(p−1)/2. p p Soit K un corps algébriquement clos et soit a ∈ K une racine de Φ . Il existe deux p éléments x ∈ K tels que x+1 = a, ce sont les solutions de l’équation x2−ax+1 = 0; elles x sont inverses l’une de l’autre. (Ces deux racines sont confondues, égales à 1 si a = 2, et à −1 si a = 0; sinon, elles sont distinctes.) On a donc Φ (x) = T (a)x(p−1)/2 = 0. Comme p p (X −1)Φ (X) = Xp−1, on a xp = 1. p Si x = 1, alors p = 0 dans K et K est de caractéristique p. Alors, a = 2. Dans ce cas, on a Φ = (X−1)p−1 et a = 2 est l’unique racine de T . (Autrement dit, T = (X−2)(p−1)/2.) p p p Supposons que x (cid:54)= 1. Alors, x est une racine primitive p-ième de l’unité, et la caracté- ristique de K est distincte de p. Théorème 5.4 (Réciprocité quadratique). — Soit p (cid:54)= q des nombres premiers im- (cid:18)p(cid:19)(cid:18)q(cid:19) pairs. On a = (−1)(p−1)(q−1)/4. q p Démonstration. — Soit R = Res (T ,T ) le résultant des polynômes T et T . (p−1)/2,(q−1)/2 p q p q (cid:18)q(cid:19) C’est un entier; nous allons démontrer que R = . p Démontrons d’abord que R = ±1. Sinon, soit (cid:96) un nombre premier qui divise R. Comme T etT sontunitaires,ilsontunfacteurcommundansF [X].SoitK uneclôturealgébrique p q (cid:96) ducorpsfiniF etsoita ∈ K uneracinecommuneàT etT .Soitx ∈ K telquea = x+1/x. (cid:96) p q Alors xp = xq = 1. Comme p et q sont premiers et distincts, ils sont premiers entre eux, on a donc x = 1 et a = 2. D’après la discussion précédente, la caractéristique de K, (cid:96), est égale à p et à q, ce qui est impossible puisque p (cid:54)= q. Calculons maintenant l’image de R modulo p. Soit K une clôture algébrique du corps fini F . L’image R·1 de R dans K est le résultant des polynômes T et T , considérés p K p q comme éléments de K[X]. Dans K, 2 est la seule racine de T , avec multiplicité (p−1)/2. p On a ainsi (cid:89) (cid:18)q(cid:19) R·1 = Q(α) = T (2)(p−1)/2 = Φ (1)(p−1)/2 = q(p−1)/2 = . K q q p Tp(α)=0 (cid:18)q(cid:19) Cela démontre la congruence R ≡ (mod p). p (cid:18)q(cid:19) Comme l’entier est le seul élément de {±1} qui satisfasse cette congruence, on a p (cid:18)q(cid:19) prouvé que R = . p (cid:18)p(cid:19) Par symétrie, on a Res(T ,T ) = . q p q Puisque Res(T ,T ) = (−1)(p−1)(q−1)/4Res(T ,T ), on en déduit alors la loi de récipro- p q q p cité quadratique : (cid:18)p(cid:19)(cid:18)q(cid:19) = (−1)(p−1)(q−1)/4. q p

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