1 Les deux Ajax ou Ajax seul dans la tradition homérique et après* A. Les deux Ajax dans l’épopée homérique L’épopée homérique cite deux Ajax, le fils de Télamon et le fils d’Oïlée. Parmi les héros mentionnés par l’Iliade, ce ne sont pas les seuls homonymes, il y en a beaucoup d’autres. Ainsi, on rencontre : - deux Agésilaos1, un Achéen et un Troyen - cinq Adrestos2, deux Achéens et trois Troyens - deux Akamas3, tous deux du côté troyen - quatre Alastor,4 deux Achéens et deux Troyens - deux Amphimachos5, un Achéen et un Troyen, etc. Le cas des deux Ajax dans l’armée achéenne n’a donc a priori rien d’extraordinaire. Ce qui les différencie des autres homonymes, c’est que, pour les autres, Homère évite de les montrer ensemble et qu’il s’agit pour la plupart de personnages secondaires, souvent des figurants6, tandis que les deux Ajax sont des héros importants et qu’ils sont souvent mentionnés ensemble. L’un, le fils de Télamon, dirige, dans le Catalogue des Vaisseaux, le contingent de Salamine, transporté par douze vaisseaux (B 557-558). C’est un guerrier de grande taille qui porte un bouclier énorme, grand comme une tour, fait de sept peaux de bœuf recouvertes d’une plaque de bronze (H 219-224, Λ 544). Après Achille, c’est le plus valeureux des Achéens (B 7687). Teukros est le frère d’Ajax, peut-être légitime (il est dit de même père et de même mère, κασίγνητος8 καὶ ὄπατρος, Μ 371), mais ailleurs il est appelé « bâtard » (νόθος, Θ 284). En plusieurs passages, Teukros se défend en tirant des flèches meurtrières. Télamon n’est mentionné que comme père d’Ajax ou, en quelques passages9, comme celui de Teukros. L’autre Ajax est petit et, dans le Catalogue des Vaisseaux, il conduit les Locriens amenés sur quarante vaisseaux (B 527-535). Guerrier valeureux, il est fameux pour sa rapidité à la course. *Texte d’une communication présentée à l’Université Charles-de-Gaulle – Lille III, le 30 mai 2008. 1 P. WATHELET, Dictionnaire des Troyens de l’Iliade, 2 vol., Liège, Bibl. de la Fac. de Philosophie et Lettres, 1988, n° 6 Ἀγέλαος, p. 150-152 (Documenta et Instrumenta, 1). 2 P. WATHELET, Dict. des Troyens…, n° 10 Ἄδρηστος Ι, n° 11 Ἄδρηστος ΙΙ, n° 12 Ἄδρηστος III, p. 170-178. 3 P. WATHELET, Dict. des Troyens…, n° 17 Ἀκάμας Ι et n° 18 Ἀκάμας II, p. 242-250. 4 P. WATHELET, Dict. des Troyens…, n° 20 Ἀλάστωρ Ι et n° 21 Ἀλάστωρ II, p. 251-255. 5 P. WATHELET, Dict. des Troyens…, n° 29 Ἀμφίμαχος, p. 268-270. 6 C’est le cas, par exemple, pour les deux Agélaos, pour Adraste II et Adraste III, pour les deux Alastor, etc. 7 Après le Catalogue des vaisseaux et avant celui des Troyens, il y a une évocation des meilleurs chevaux (B 763- 767), puis des meilleurs guerriers (B 768-770). 8 Le sens premier de κασίγνητος et son étymologie continuent de poser un problème (cf. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, p. 503, s.v. κασίγνητος). Sur ὄπατρος, cf. P. WATHELET, Les traits éoliens dans la langue de l’épopée grecque, Rome, Ateneo, 1970, p. 176. 9 Θ 281, 283, Ν 170, 177, Ο 462. 2 Il porte une cuirasse de lin (λινοθώρηξ - Β 529)10 et il excelle au lancer du javelot (ἐγχείῃ - Β 530)11. Il est fils d’Oïlée et d’Eriopis. Le nom d’Oïlée apparaît en quelques passages. Cet Ajax a un demi-frère, Médon, bâtard d’Oïlée, né de Rhéné, et qui réside à Phylakos, en Thessalie, où il a dû s’exiler après avoir tué un frère de sa marâtre, Eriopis (N 694-697 = O 333-336). Avec sept nefs, Médon dirige les troupes de Philoctète, lequel avait été abandonné à Lemnos (B 716-728). Médon est tué par Enée (O 332). Si le grand Ajax est accompagné de plusieurs compagnons, ceux-ci ne sont jamais désignés comme salaminiens. Les vers du Catalogue des Vaisseaux consacrés à Ajax et à son contingent avaient été suspectés dans l’Antiquité. Les Mégariens accusaient Solon de les avoir introduits après la mention du contingent athénien, afin de justifier les prétentions d’Athènes sur Salamine12. Les vers en question (B 557-558) : Αἴας δ’ ἐκ Σαλαμῖνος ἄγεν δυοκαίδεκα νῆας στῆσε δ’ ἄγων ἵν’ Ἀθηναίων ἵσταντο φάλαγγας. Ajax, de Salamine, menait douze vaisseaux. Il les fit se placer là où des Athéniens se tenaient les guerriers. sont très différents du reste de la présentation du Catalogue. Pour l’immense majorité des autres contingents, la liste des localités, la mention du nombre des vaisseaux et celle de ceux qui les commandent figurent dans des vers différents13. De plus, en ce qui concerne les localités, on n’y trouve pas de mention de provenance, mais des indications de situation, du type Ceux qui tenaient telle et telle localité. Or, pour Ajax, un seul vers (B 557) comporte le nom du commandant, le nombre des vaisseaux et une indication de provenance, le second hexamètre 10 L’épithète n’apparaît que deux fois chez Homère, pour Ajax, le Locrien, et, pour un Troyen, Amphios, cité dans le Catalogue troyen (B 830). On peut s’interroger sur l’utilité d’une cuirasse de lin, sans doute s’agit-il d’une cuirasse légère qui permet au combattant de se déplacer rapidement. Afin d’être efficace, elle devait être rembourrée d’une manière ou d’une autre (cf. Frank H. STUBBINGS, Arms and Armour, dans Alan J. B. WACE - Frank H. STUBBINGS, A Companion to Homer, Londres, Macmillan, 1962, p. 507). 11 ἀλλὰ πολὺ μείων · ὀλίγος μὲν ἔην, λινοθώρηξ, ἐγχείῃ δ’ ἐκέκαστο Πανέλληνας καὶ Ἀχαιούς· Mais beaucoup plus petit, à cuirasse de lin, Et, par sa pique, il surpassait Panhellènes et Achéens, Apparemment, le terme de Panhellènes désigne des Grecs du nord (il n’apparaît qu’une seule fois dans l’Iliade, dans le passage cité ici, en B 530). Cf. P. WATHELET, L’origine du nom des Hellènes et son développement dans la tradition homérique, dans LEC, 43 (1975), p. 119-128 - ἐγχείη, comme ἔγχος, désigne une lance ou une pique, il s’agit d’un terme archaïque, sans étymologie et qui pourrait être un trait achéen (C. J. RUIJGH, L’élément achéen dans la langue épique, Assen, 1957, p. 91-93 - W. BECK, s.v. ἔγχος et ἐγχείη, dans Lexikon des frühgriechischen Epos, II, 1984, c. 391-395). 12 Brève allusion chez ARISTOTE, Rhéth., I, 15, 29-30 (1375b) – L’histoire est développée par PLUTARQUE, Vie de Solon, 10, qui donne des détails et rapporte que les deux fils d’Ajax, Philaios et Eurysakès, avaient obtenu le droit de cité à Athènes et qu’ils firent don de leur île de Salamine à la Cité – Cf. aussi DIOGENE LAERCE, Solon, I, 46-48 - Schol. à l’Iliade b (BCE3) en B 558 – Cf. G.S. KIRK, The Iliad : A Commentary, Vol. I : books 1-4, Cambridge University Press, 1985, p. 208. 13 P. WATHELET, Argos et l’Argolide dans l’épopée, spécialement dans le Catalogue des Vaisseaux, dans [M. PIERART], Polydipsion Argos. Argos de la fin des palais mycéniens à la constitution de l’Etat classique, Paris, De Boccard, 1992, p. 99-116 (BCH, suppl. XXII). 3 soulignant la proximité de ce contingent avec celui d’Athènes. Si les vers en question étaient l’œuvre de Solon, qui aurait agi par intérêt politique, il faut reconnaître qu’il se serait montré bien piètre faussaire. En n’imitant pas la phraséologie de tout le passage, il se serait comporté comme un faux monnayeur qui, aujourd’hui, aurait imprimé des billets de 26 Euros ! La mention du contingent de Salamine étonne par sa forme, est-elle due à Homère lui-même qui, ailleurs, a corrigé des passages du Catalogue14 ou bien s’agit-il d’une addition ou d’un aménagement ultérieur, on ne pourrait dire. Les deux Ajax sont souvent mentionnés ensemble, ils apparaissent plus comme des défenseurs que comme des spécialistes de l’offensive. Il sont souvent désignés par le duel Αἴαντε ou, plus rarement, par le pluriel Αἴαντες, selon des impératifs métriques. Ils sont cités en compagnie des principaux chefs achéens en diverses circonstances15. Au chant IV (285-291), lors de la revue qu’il fait des chefs achéens, Agamemnon n’a rien à leur reprocher, mais, au contraire, il les félicite de leur bravoure. A la fin du chant XIII (N 701-702), Homère souligne qu’Ajax, fils d’Oïlée, ne s’éloigne jamais de son homonyme. Ensemble, ils sont comparés à deux bœufs (N 703-707) ou à deux lions (N 198-200). Outre leur nom, les Ajax ont d’autres points communs. A l’inverse des autres combattants, ils semblent ignorer l’usage du cheval et du char, aucun cocher ne leur est attribué. La longue présence des Achéens en Troade, loin de leur patrie, ne conduisait guère à parler de leur femme et de leur famille, mais, à l’inverse de la plupart des principaux chefs achéens, on ne leur connaît aucune épouse, aucune compagne et, hormis pour chacun son père et son frère, ils semblent dépourvus de famille16. Ils ont tous deux un frère légitime ou bâtard, moins important qu’eux. Aucun des deux Ajax n’est régulièrement protégé par une divinité, comme par exemple Diomède et Ulysse le sont par Athéna ou Idoménée par Poséidon. Il arrive qu’un dieu leur soit favorable, mais ce sont des cas isolés. Ainsi, au chant XVII, devant le danger, Ajax supplie Zeus d’aider les Achéens, il est exaucé (P 645-650). A un moment du combat, les deux Ajax sont stimulés par Poséidon (N 46-75), qui a pris la forme de Calchas pour les exhorter à la bataille ; il les touche de son bâton et les remplit tous deux d’une force qui leur monte de terre dans les 14 C’est notamment le cas pour les contingents de Protésilaos (B 695-710), de Philoctète (B 716-728) et d’Achille (B 682-694). Ces trois héros, qui sont partis de Grèce vers Troie, ne se trouvent plus dans les rangs achéens : Protésilaos a été tué le premier à l’arrivée à Troie, Philoctète, blessé au pied, a été abandonné à Lemnos et Achille vient de se retirer du combat. 15 Lors d’un sacrifice (B 406), quand Agamemnon fait la revue de ses troupes (Δ 273, 280, 285), dans les combats (E 519, Z 436, H 164, Θ 79, Κ 228, Μ 265, 335, N 46-126, 197-203, Π 555-556). 16 C’est spécialement vrai pour le fils de Télamon, puisque, indirectement (Mérion a tué un frère de sa marâtre), nous connaissons le nom de la mère du fils d’Oïlée, Eriopis (Ν 694-697). 4 membres. Dès l’Iliade, Athéna semble n’avoir qu’une estime réduite pour les Ajax, ainsi qu’il apparaît lors des concours funèbres en l’honneur de Patrocle17. Ajax, fils de Télamon, se distingue comme le plus brave des Achéens après Achille (B 768), et, vu que ce dernier est absent des combats pendant une bonne partie de l’Iliade, Ajax, fils de Télamon, le remplace. Il est présenté comme « le rempart des Achéens » ἕρκος Ἀχαιῶν (Γ 229). Au cours des combats, il tue un grand nombre de Troyens : treize sont cités nommément, sans parler de la masse des autres18. Le héros auquel Ajax s’oppose le plus souvent est le plus valeureux des Troyens : Hector. Au chant sept, à l’instigation d’Athéna et d’Apollon, Hector provoque en duel un héros que les Achéens désigneront. Les chefs achéens se concertent, plusieurs se présentent, un tirage au sort a lieu et le hasard fait bien les choses : Ajax est désigné (H 179-200)19. Le duel commence, Hector est renversé par Ajax, mais il est remis sur pieds par Apollon. Finalement le combat est interrompu par l’arrivée de la nuit et les deux protagonistes échangent des cadeaux : Ajax donne à Hector une ceinture pourpre et Hector lui offre une épée à clous d’argent, arme archaïque (H 305)20. En une dizaine de passages, les deux héros s’affrontent21. Grâce à l’arrivée de Patrocle, Ajax tente de frapper Hector, mais celui-ci se borne à tenter de sauver les siens (Π 358-363). Après la mort de Patrocle, la bataille s’engage autour de son corps. Appelé par Ménélas, Ajax tente d’empêcher Hector de le dépouiller de ses armes, mais il ne peut y parvenir ; il oblige toutefois Hector à reculer (Ρ 102-128). Revêtu des armes d’Achille, Hector revient au combat et il s’efforce d’enlever le cadavre de Patrocle ; la lutte reprend de plus belle, au cours de laquelle Ajax 17 P. WATHELET, Athéna chez Homère ou le triomphe de la déesse, dans Kernos, 8(1995), p. 167-185, sp. p. 175 – On va en reparler ci-après, p. 5. 18 Simoeisios, fils d’Anténor (Δ 473-489), Αmphios, fils de Sélagos (E 610-617), Doryklos, Pandokos, Lysandros, Pyrasos et Pylartès (Λ 489-491), Hyrtios, fils de Gyrtios, chef des Mysiens (Ξ 511-512). Pour venger Prothoénor, fils d’Aréilykos, massacré par le Panthoïde Polydamas, visant ce dernier, Ajax tue Archélochos, fils d’Anténor (Ξ 460- 474). Il abat encore Laodamas, un autre fils d’Anténor (O 516-517), Lèthos, fils d’Hippothoos (P 288-303), puis Phorkys, fils de Phainops (P 312). 19 C’est l’occasion d’une rebuffade pour Ménélas, qui s’était spontanément proposé (H 92-120). 20 Fr. H. STUBBINGS, Arms and Armour, dans A. J. B. WACE - Fr. H. STUBBINGS, A companion to Homer, p. 517 - SOPHOCLE, Ajax, 817 ; HYGIN, Fab., 112, 2. La tradition post-homérique attribuera à ces cadeaux une vertu néfaste : c’est avec la ceinture qu’Achille attachera le corps d’Hector à son char (SOPHOCLE, Ajax, 1929-1031, prétend qu’Hector était encore vivant au moment où Achille l’a attaché) et c’est sur l’épée qu’Ajax se suicidera – Contrairement à ce qui se passerait aujourd’hui, on ne recherchait pas alors des armes récentes et par conséquent plus efficaces, et le fait d’offrir une arme archaïque est flatteur. 21 Hector évite d’affronter Ajax, qu’il redoute (Λ 542). Au chant XIII (N 183-194), Hector a tué Amphimaque, qu’il veut dépouiller de ses armes. Ajax l’en empêche ; quelques temps après, Hector attaque du côté des vaisseaux d’Ajax et de Protésilaos (N 680-681) et Ajax provoque Hector (N 809-820), qui lui répond sur le même ton (N 824-832). Au chant XIV (Ξ 402-432), un nouveau combat oppose Ajax et Hector et ce dernier est blessé par Ajax, qui le frappe d’une pierre (Ξ 409-413). Rétabli par Apollon sur l’ordre de Zeus, Hector revient au combat (O 220-262), les Achéens et spécialement Ajax tentent de s’opposer à l’avance troyenne. Alors que les Troyens veulent incendier leurs vaisseaux, Hector est face à Ajax, qui frappe un cousin du héros troyen, Kalètor, fils de Klytios (O 419-428) ; Hector vise Ajax, le manque et abat un de ses compagnons, Lycophron, fils de Mastor (O 430-431). Hector et Ajax excitent chacun ceux qui les entourent. Malgré tous ses efforts, Ajax doit céder du terrain devant l’avance troyenne (O 727). Au chant XVI (Π 112-123), protégé par Zeus, Hector brise la lance de frêne d’Ajax (Π 114-118), puis il met le feu aux vaisseaux achéens. 5 joue un rôle essentiel. Au chant XVIII (Σ 163-175), les Achéens, spécialement les Ajax, doivent abandonner le corps du héros sous les attaques d’Hector. Ajax, fils de Télamon, restera le défenseur des Achéens jusqu’au moment où Achille revient au combat ; dès lors il n’est plus question d’Ajax comme combattant. Non seulement Ajax arrête à plusieurs reprises l’avance des Troyens, mais, alors qu’Ulysse a été blessé, Ajax accède à la demande de Ménélas, qui s’inquiète du sort d’Ulysse ; il vient se poster près de lui et il couvre sa retraite (Λ 485-486). En dehors de la bataille, Ajax est peu actif. Au chant IX, il accompagne Ulysse et Phénix qui transmettent à Achille les propositions d’apaisement d’Agamemnon (I 169). Alors qu’Ulysse et Phénix se lancent chacun dans un long discours destiné à émouvoir Achille, l’action d’Ajax se borne à constater, en quelques mots, l’échec de leur mission (I 622-642), non sans reproches à l’adresse d’Achille. S’il brille dans les combats, son fort n’est pas dans l’éloquence22, ni dans l’habileté, qualités dans lesquelles Ulysse excelle. Aux concours funèbres en l’honneur de Patrocle, Ajax affrontera Ulysse à la lutte, mais, pour éviter qu’ils ne s’épuisent, Achille les arrête et les déclare tous deux vainqueurs (Ψ 735-737). De même, un duel en armes est organisé : Diomède et Ajax s’affrontent, mais on craint qu’Ajax ne soit blessé et le combat est interrompu, le premier prix est donné à Diomède (Ψ 822-825). Polypoitès, Léonteus, Epeios et Ajax participent au lancer du disque, l’épreuve est remportée par Polypoitès et Ajax est second (Ψ 836-849). En somme, Ajax remporte peu de premiers prix dans des concours, où le rôle d’Athéna est prépondérant. L’autre Ajax n’a guère plus de chance dans ces mêmes épreuves. Au chant XXIII (Ψ 768-783), lors de la course à pied, le petit Ajax, très rapide, est sur le point de gagner la course contre Ulysse, mais Athéna veille et, pour favoriser son protégé, elle fait glisser Ajax dans une bouse de vache, dans laquelle il tombe, figure en avant. Ulysse remporte le premier prix et lui, arrivé deuxième, reçoit le second prix, … une vache ! Homère présente le fils d’Oïlée avec une certain ironie, il souligne qu’il est plus petit, beaucoup plus petit (μείων, πολὺ μείων) que le fils de Télamon (Β 528-529)23. Ils sont comparés à deux bœufs, un grand et un rapide (N 703-707). On imagine ce que, dans la réalité, un pareil attelage peut donner ! Homère s’amuse. Il en va sans doute de même quand Ajax, fils de Télamon, résiste aux Troyens, « tel un âne » que des enfants ne peuvent chasser d’un champ où, malgré leurs coups, il reste et se nourrit à l’aise (Λ 558-562). L’âne a beau ne pas être méprisé 22 Contrairement à l’avis d’Hélène DESCHAMPS (L’Eschyle perdu : Edition, Traduction et Commentaire des Fragments d’Eschyle. La trilogie sur Ajax : le Jugement des Armes, Les Femmes de Thrace, Les Salaminiennes, Université de Paris IV- Sorbonne, U. F. R. de grec, 2005-2006, p. 4), l’éloquence d’Ajax est des plus limitée, elle ne se manifeste que brièvement, quand il s’agit d’exciter ses troupes au combat (cf. O 502-513, 561-564 et 733-741). 23 Les vers étaient condamnés par Aristarque, ainsi que l’indique le scholiaste D, mais on ne peut suivre A. SEVERYNS, Le Cycle épique dans l’école d’Aristarque, Liège-Paris, 1928, p. 122-123, qui se rallie à l’opinion du savant alexandrin. Il convient en effet de tenir compte de l’humour d’Homère. 6 dans les pays méditerranéens comme il l’a souvent été chez nous, être comparé à un âne risque de ne pas être flatteur pour un héros. Sans qu’il soit aussi brillant que le fils de Télamon, Ajax, fils d’Oïlée abat Satnios, fils d’Enops (Ξ 440-448), et bon nombre de Troyens (Ξ 520-522). Profitant de l’intervention de Patrocle, Ajax, fils d’Oïlée, prend vivant le Troyen Kléoboulos et il le massacre (Π 330-331). Les deux Ajax ont chacun un frère, donné comme bâtard : pour le fils de Télamon, c’est Teukros24, et, pour le fils d’Oïlée, c’est Médon (N 693-695). Teukros est un archer redoutable (N 313-314)25 ; visant Hector, il tue Gorgythion, fils de Priam (Θ 302-303), puis cherchant toujours à atteindre Hector, il abat son cocher Archéptolème (Θ 312) ; quand Hector, d’une pierre, brise la corde de son arc, Teukros s’écroule à genoux et Ajax le couvre de son bouclier (Θ 330-331). De ses traits, Teukros tue Kleitos, fils de Peisénor (O 445), puis il vise Hector, mais Zeus intervient et brise la corde de son arc ; Ajax lui conseille de mettre son bouclier et de se battre avec sa pique. (O 458-483). Le texte précise que Teukros excelle au combat singulier. Quant à Médon, il périt sous les coups d’Enée (O 332). Ajax, fils de Télamon, est entouré d’hommes nombreux et braves, qui l’aident quand il est trop fatigué de porter son bouclier ; en revanche, il est dit explicitement des Locriens, qu’ils ne combattent pas au côté de leur chef, Ajax, fils d’Oïlée (N 709-718), car ce sont des archers ou des frondeurs26, ce qui les maintient à une certaine distance de la mêlée. L’Odyssée cite brièvement les deux Ajax, qui ont connu tous deux une fin tragique. En deux passages, Homère rappelle qu’Ajax, fils de Télamon, est mort à Troie : recevant Télémaque, Nestor évoque ceux des Achéens qui ont quitté Troie, mais il ajoute qu’Ajax et Achille ont été tués en Troade (γ 109) ; au dernier chant, dans le royaume d’Hadès, les âmes des 24 Voir plus haut note 8. 25 Ν 313 Αἴαντές τε δύω Τεῦκρός θ’, ὃς ἄριστος Ἀχαιῶν τοξοσύνῃ, ἀγαθὸς δὲ ἐν σταδίῃ ὑσμίνῃ· Les deux Ajax et Teukros, qui le meilleur des Achéens Au tir à l’arc, plein de valeur aussi dans la lutte… Lors des concours funèbres en l’honneur de Patrocle, Teukros, qui participe au tir à l’arc, n’a pas invoqué Apollon et il rate la colombe qui servait de cible, c’est Mérion qui l’atteindra et qui remportera le prix (Ψ 859-883). 26 Ν 714 οὐ γὰρ ἔχον κόρυθας χαλκήρεας ἱπποδασείας, οὐδ’ ἔχον ἀσπίδας εὐκύκλους καὶ μείλινα δοῦρα ἀλλ’ ἄρα τόξοισιν καὶ ἐυστρεφεῖ οἶος ἀώτῳ Ἴλιον εἰς ἅμ’ ἕποντο πεποιθότες , οἷσιν ἔπειτα ταρφέα βάλλοντες Τρώων ῥήγνυντο φάλαγγας· Car ils ne portaient pas de casques garnis de bronze avec panache de cheval, Ils n’avaient pas non plus de boucliers bien ronds, ni de lances de frênes, Mais dans leurs arcs et dans leur fronde de laine bien tressée Pleins de confiance, contre Ilion, ils ont suivi, et, par ces armes, En les frappant serrés, ils brisaient les rangs des Troyens, Dans l’épopée grecque, comme d’ailleurs dans l’épopée médiévale française, les guerriers spécialisés dans les armes de jet sont peu estimés, leurs armes leur permettent de se tenir loin de leurs ennemis et la tendance est de considérer qu’ils n’ont pas le courage d’affronter l’adversaire au corps à corps. Cf. le cas de Pâris, archer redoutable, considéré comme un lâche. 7 prétendants retrouvent les ombres des héros morts à Troie, dont Ajax (ω 17). Dans la Nékyia (λ 543-551), le poète est plus explicite, c’est Ulysse qui parle : λ543 οἵη δ’ Αἴαντος ψυχὴ Τελαμωνιάδαο νόσφιν ἀφεστήκει, κεχολωμένη εἵνεκα νίκης τήν μιν ἐγὼ νίκησα δικαζόμενος παρὰ νηυσὶ τεύχεσιν ἀμφ’ Ἀχιλῆος · ἔθηκε δὲ πότνια μήτηρ. Παῖδες δὲ Τρώων δίκασαν καὶ Παλλὰς Ἀθήνη. Ὡς δὴ μὴ ὄφελον νικᾶν τοιῷδ’ ἐπ’ ἀέθλῳ τοίην γὰρ κεφάλην ἕνεκ’ αὐτῶν γαῖα κατέσχεν, Αἴανθ’, ὃς περὶ μὲν εἶδος, περὶ δ’ ἔργα τέτυκτο λ551 τῶν ἄλλων Δαναῶν μετ’ ἀμύμονα Πηλείωνα. Et seule l’ombre d’Ajax, fils de Télamon, A l’écart se tenait, dans sa colère pour la victoire Que, sur lui, moi, j’avais gagnée, lors du jugement près des nefs, Au sujet des armes d’Achille. Dame sa mère les avait déposées Et les fils des Troyens avaient jugé et Pallas Athèné. Comme il aurait fallu que je n’aie pas gagné dans une telle épreuve ! Une si belle tête pour ce motif la terre ne tiendrait, Cet Ajax, qui, pour la forme et pour les actes, Dominait tous les Danaens, après l’incomparable Achille. Ulysse tente d’apaiser la colère de l’ombre d’Ajax en lui disant son regret, mais celui-ci s’éloigne sans répondre. Ajax s’était donc suicidé lorsqu’il avait constaté que, quand il s’était agi d’attribuer les armes d’Achille, Ulysse lui avait été préféré. Au chant quatre de l’Odyssée, Ménélas raconte à Télémaque et à Pisistrate les informations qu’il avait obtenues de Protée. A la prière de Ménélas, Protée lui donne des nouvelles des autres chefs achéens, il lui annonce notamment la mort d’Ajax, fils d’Oïlée. Le vaisseau d’Ajax a été jeté sur les roches Gyres par Poséidon, mais le dieu a sauvé Ajax, qui s’en serait tiré, malgré la haine d’Athéna (δ 502), si le héros n’avait clamé que c’était malgré les dieux qu’il avait échappé. Sa jactance suscite la colère de Poséidon, le dieu brandit son trident et il frappe le roc où Ajax s’est réfugié, provoquant sa chute dans la mer et sa mort (δ 499-511) . L’Odyssée ne donne pas d’autre explication, elle se borne à évoquer la haine d’Athéna. La tradition attestée après Homère donne la raison de cette haine de la déesse : lors de la prise de Troie, Ajax, fils d’Oïlée, aurait violé ou tenté de violer Cassandre, fille de Priam, réfugiée dans le 8 temple d’Athéna et qui tenait embrassée la statue de la déesse, outrée d’un pareil attentat27. Homère connaissait très probablement le récit. B. Les deux Ajax dans la tradition pré-homérique Tout ce qui concerne les Ajax dans la tradition pré-homérique est évidemment hypothétique. B1 : les emplois formulaires du nom Leur nom est lié à un certain nombre de formules ou d’expressions formulaires. Ensemble, ils sont dits, notamment, en début de vers : Δ 285 (=Μ 354), Ρ 508, 669 : Αἴαντ’ Ἀργείων ἡγήτορε… , Η 311 Αἴαντε αὖθ’ ἑτέρωθεν… , Κ 228 ἠθελέτην Αἴαντε δύω, θεράποντες Ἄρηος, Μ 265 ἀμφοτέρω δ’ Αἴαντε…. , Π 555 Αἴαντε πρώτω προσέφη… , Ν 313 Αἴαντες δύω Τεῦκρός θ’…. , Ρ 752 ὣς αἰεὶ Αἴαντε…. , Η 164, Θ 262 τοῖσι δ’ ἐπ’ Αἴαντες …. , Θ 72 Οὔτε δύ’ Αἴαντες … , M 353 Στῆ δὲ παρ’ Αἰάντεσσι…. , Δ 273 ἦλθε δ’ ἐπ’ Αἰάντεσσι… , Δ 280 τοῖαι ἅμ’ Αἰάντεσσι… et, en fin de vers, …δύω Αἴαντε κορυστὰ (Ν 200, Σ 163). La question se pose de la survivance du duel en éolien durant la phase de composition éolienne de l’épopée, car on trouve dans la langue épique un certain nombre de verbes au duel qui semblent être des éolismes28. En l’occurrence, la question doit être posée avec prudence dans la mesure où la disparition du duel ne s’est certainement pas produite d’un seul coup ; elle résulte d’une longue évolution29, certaines formes disparaissant avant d’autres. Les cas obliques du duel ont dû sortir de l’usage très tôt, puisque aucun de ceux de la troisième déclinaison ne subsiste dans l’épopée. Le duel κορυστά, avec un α long irréductible en fin de vers, pourrait recouvrir une finale analogique -αε, avec contraction des deux voyelles, ce qui est susceptible de s’être produit en éolien oriental avant la fin de la phase éolienne de composition30. L’affaiblissement du duel a conduit les aèdes à employer le pluriel au nominatif, mais aussi au datif, avec la forme de datifs analogiques en -εσσι qui constitue un éolisme. 27 Outre l’article d’Od. TOUCHEFEU, Aias II, dans LIMC, Zürich, Artemis, 1981, I, n° 16-108, voir sur la question Juliette DAVREUX, La légende de la prophétesse Cassandre d’après les textes et les monuments, Liège-Paris, Faculté de Philosophie et Lettres, 1942 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, fasc. 94). 28 P. WATHELET, Les traits éoliens… , p. 330-334. 29 L’emploi simultané du duel et de δύω semble un pléonasme qui témoigne de l’affaiblissement du duel. 30 P. WATHELET, Le rôle de l’eubéen et celui de l’Eubée dans l’épopée homérique, dans Gaia, 11( 2007), p. 25-52, sp. p. 37. 9 Ajax est fils de Télamon, avec, comme patronyme, un adjectif dérivé en -ιος31, en début de vers comme : Ι 644 =Λ 465 : Αἶαν διογενὲς Τελαμώνιε, κοίρανε λαῶν Λ 526 : Αἶαν κλονέει Τελαμώνιε· εὖ δέμιν ἔγνω ou en fin d’hexamètre Λ 562, 590, Ρ 115 : … Αἴαντα μέγαν, Τελαμώνιον υἱὸν Ν 67 : … Αἴαντα προσέφη, Τελαμώνιον υἱὸν L’élément formulaire … Τελαμώνιος Αἴας termine une série de vers (Β 528, 768, Δ 473, Ε 615, Η 224, Η 283 [= Ν76], Μ 370, Π 116). On trouve, toujours en fin de vers, …μέγας Τελαμώνιος Αἴας (Ε 610, Μ 364, Ν 321, Ξ 409, Ο 471[= Ρ 715], 560, Ρ 628, Ψ 708 [= 811], 722, 842), ou bien … Τελαμώνιος ἄλκιμος Αἴας (Μ 349, 362), …Αἴαντα μέγαν, Τελαμώνιος υἱόν (Λ 563, 591, Ρ 115). Plusieurs expressions réunissent le nom d’Ajax et le patronyme32 en -ίδης de Télamon, au génitif en -αο, caractéristique des périodes achéenne ou éolienne ancienne de la composition33 ; c’est le cas à la fin des vers : Λ 7 …Αἴαντος κλισίας Τελαμωνιάδαο, O 289 …Αἴαντος θανέειν Τελαμωνιάδαο, P 235 …Αἴαντος ἐρύειν Τελαμωνιάδαο, Σ 193 …Αἴαντός γε σάκος Τελαμωνιάδαο, λ 542 …Αἴαντος ψυχὴ Τελαμωνιάδαο, P 235 …Αἴαντος ἐρύειν Τελαμωνιάδαο, Σ 193 …Αἴαντός γε σάκος Τελαμωνιάδαο, λ 542 … Αἴαντος ψυχὴ Τελαμωνιάδαο. Ajax, fils de Télamon, est dit rempart des Achéens dans les vers : Ζ 5, Μ 378 Αἴας δὲ πρῶτος Τελαμώνιος , ἕρκος Ἀχαιῶν Γ 229 οὗτος δ’ Αἴας ἐστὶ πελώριος ἕρκος Ἀχαιῶν H 211 τοῖος ἄρ’ Αἴας ὦρτο πελώριος, ἕρκος Ἀχαιῶν34 Dans les deux derniers vers, πελώριος, avec le traitement labial de l’ancienne labio-vélaire devant e, est un traitement propre à l’éolien35. Plusieurs expressions soulignent l’importance du bouclier-tour d’Ajax : Η 219 (= Λ 485) Αἴας …. φέρων σάκος ἠύτε πύργον, Ce bouclier est recouvert de sept peaux de bœuf : Η 235 καὶ βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον, 31 P. WATHELET, Les traits éoliens… , p. 350-353. 32 P. WATHELET, Les traits éoliens… , p. 346-349. 33 P. WATHELET, Les traits éoliens… , p. 235-236. 34 L’adjectif πελώριος est encore appliqué à Ajax au début du vers, en Ρ 174 ὅς τέ με φῂς Αἴαντα πελώριον… et en Ρ 360 Ὣς Αἴας ἐπέτελλε πελώριος αἵματι δὲ χθών. L’adjectif est à la même place qu’en Γ 229 et H 211. Il qualifie aussi Hadès (E 395), Arès (Η 208), Orion (λ 572), Hector (Λ 820), Achille (Φ 527, Χ 92) et Périphas (E 842, 847) - Cf. J.- M. RENAUD, Le mythe d’Orion. Sa signification, sa place parmi les autres mythes grecs et son apport à la connaissance de la mentalité antique, Liège, C.I.P.L., 2004, p. 46. 35 P. WATHELET, Les traits éoliens…, p. 63-91 10 Η 266 τῷ βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον, Et il peut servir d’abri à Teukros : Θ 267 στῆ δ’ ἄρ’ ὑπ’ Αἴαντος σάκει Τελαμωνιάδαω36. Ajax, fils de Télamon, est μεγάλητωρ37 dans plusieurs hexamètres : Ο 674 Οὐδ’ ἄρ’ ἔτ’ Αἴαντι μεγαλήτορι ἥνδανε θυμῷ, Ρ 166 ἀλλὰ σύ γ’ Αἴαντος μεγαλήτορος οὐκ ἐτάλασσας, Ρ 626 οὐδ’ ἔλαθ’ Αἴαντα μεγαλήτορα καὶ Μενέλαον. Il est également …φαίδιμος Αἴας à la fin des vers Ε 617, Η 187, Λ 494, Ο 419, Ρ 284, Ψ 779. Il partage l’épithète avec Hector38. Quelques expressions formulaires désignent Ajax, fils de Télamon : Αἴας διογενής …début de Δ 489, Η 249 Αἴας δὲ πρῶτος …début de N 809, Ξ 402, 511 Le nom du héros, au génitif ou à l’accusatif singuliers, avec αι- au temps fort du deuxième pied, apparaît encore en M 342, Λ 464 et Θ 224. Ajax, le Locrien, est dit, en fin de vers, : Β 527, Ν 66, 701, Ξ 442, Ρ 256, Ψ 473, 488 (=754) … Ὀιλῆος ταχὺς Αἴας, ou en fin de Ξ 520… Αἴας εἷλεν Ὀιλῆος ταχὺς υἱός. De plus, le patronyme Ὀιλιάδης apparaît le plus souvent, au nominatif, au datif et à l’accusatif, devant la césure penthémimère, mais les contextes diffèrent : Ν 203, Ξ 446, Ψ 759 ; Ν 712 ; Μ 365. Le nom d’Oïleus est attesté, la plupart du temps au génitif, pour désigner Ajax ou son frère Médon. Il est néanmoins qualifié de πτολίπορθος en B 728 τόν ῥ’ ἔτεκε Ῥήνη ὐπ’ Ὀιλῆι πτολιπόρθῳ Le πτ- initial de πτολιπόρθῳ est indispensable à la scansion pour allonger le -ι final de Ὀιλῆι, alors que le πτ- pour π- est un trait propre à l’achéen et à l’éolien occidental39. De cet ensemble, vaste, mais assez disparate, on retiendra spécialement, pour le fils de Télamon, les expressions formulaires Αἴας Τελαμώνιος ou Τελαμωνιάδαο, πελώριος ἕρκος Ἀχαιῶν, 36 Le ι de σάκε-ι doit être scandé long, ce qui serait anormal, sauf si le ι recouvre un plus ancien -ει, ainsi qu’il apparaît en mycénien (P. WATHELET, Mycénien et grec d’Homère 1. Le datif en -i, dans AC, 31(1962), p. 5-14). 37 L’adjectif est appliqué à divers personnages, dont des Troyens : Anchise (E 468, Υ 208), Enée (Y 175, 263, 293, 323), Priam (Z 283, Ω 117, 145), etc. 38 … φαιδίμος Ἕκτωρ termine Δ 505 (= Π 588, Ρ 316), Ζ 466, 472, 494, Η 1, 90, Θ 489, Μ 290, 462, Ν 823, Ξ 388, 390, 402, Ο 65, 231, Π 577, 649, 727, 760, 858, Ρ 483, 754, Σ 175, Υ 364, Φ 5, Χ 274. 39 P. WATHELET, Les traits éoliens…, p. 92-95.
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