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Yahya Kemal et la modernité de la poésie turque PDF

327 Pages·2017·2.6 MB·French
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Au carrefour des influences: Yahya Kemal et la modernité de la poésie turque Pinar Aka To cite this version: Pinar Aka. Au carrefour des influences: Yahya Kemal et la modernité de la poésie turque. Littéra- tures. Université Paris-Est, 2013. Français. ￿NNT: 2013PEST0002￿. ￿tel-00951241￿ HAL Id: tel-00951241 https://theses.hal.science/tel-00951241 Submitted on 17 Mar 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITÉ PARIS-EST ÉCOLE DOCTORALE “CULTURE ET SOCIÉTÉS” Thèse de doctorat Discipline : Langue et littératures françaises PINAR AKA AU CARREFOUR DES INFLUENCES : YAHYA KEMAL ET LA MODERNITÉ DE LA POÉSIE TURQUE Thèse dirigée par M. Francis CLAUDON M. François DACHET Soutenue le 24 juin 2013 Jury: Directeur de thèse : Monsieur Francis Claudon, Professeur des Universités, Université Paris-Est Directeur de thèse : Monsieur François Dachet, Professeur HDR, Université Paris-Est Rapporteur : Madame Caroline Fischer, Professeur des Universités, Université de Pau Rapporteur : Monsieur Tuğrul İnal, Professeur des Universités, Université Ufuk Rapporteur : Monsieur Osman Senemoğlu, Professeur des Universités, Université Galatasaray Rapporteur : Monsieur Robert Smadja, Professeur des Universités, Université d’Orléans Remerciements Je tiens d’abord à exprimer ma profonde reconnaissance à Monsieur Francis Claudon, pour avoir accepté de diriger ma thèse, pour m’avoir guidée intellectuellement, pour m’avoir soutenue et pour avoir fait tout ce qui était possible pour faciliter cette tâche difficile. Je tiens également à exprimer ma gratitude à Monsieur François Dachet pour avoir accepté de diriger ma thèse, pour sa constante disponibilité et pour avoir partagé ses profondes connaissances en matière de psychanalyse et dans le domaine de la littérature et des arts. Je remercie les membres du jury, Monsieur Tuğrul İnal, Monsieur Osman Senemoğlu, Madame Caroline Fischer et Monsieur Robert Smadja pour avoir accepté cette responsabilité et pour avoir bien voulu accorder leur temps. Je remercie Kâmile Pınar Özgen, Muharrem Daloğlu, Caroline Guillot, Kerem Gün, mon père Orhan Aka et mon frère Sinan Aka pour m’avoir aidée et soutenue au long de ce parcours. 1 RÉSUMÉ Cette thèse envisage de regarder la poésie de Yahya Kemal qui a vécu pendant une période qui correspond au temps de l’écroulement de l’Empire ottoman et de la fondation de la République turque, à un moment où les problèmes de la modernisation, de l’identité occidentale et orientale occupent intensément le climat intellectuel turc, sous l’angle de la question de l’influence. Yahya Kemal est considéré, avec Ahmet Haşim, comme le fondateur de la poésie turque. La première partie de la thèse a pour objectif d’interpréter la modernité dans le cadre de la notion de ‘devenir’ avancée par Gilles Deleuze et Felix Guattari. Dans la deuxième partie, la position de Baudelaire en tant que fondateur de la poésie moderne occidentale est de nouveau traitée dans le cadre des notions mises en avant par Deleuze et Guattari. Ces concepts sont les suivants : ‘et’, ‘devenir’, ‘régime signifiant’, ‘régime post- signifiant’ et ‘synthèse disjonctive’. Dans cette partie, d’une part les reflets de l’approche critique de Baudelaire sur Yahya Kemal, et de l’autre le ‘devenir moderne’ de la poésie de Yahya Kemal sont traités en partant de certaines notions avancées pour définir la poésie moderne. Il s’agit du ‘lyrisme’, de l’‘obscurité’ et de l’‘intertextualité’. Ces notions vont montrer que le ‘devenir moderne’ de la poésie n’est pas indépendante de son ‘demeurer traditionnel’. En outre, l’interaction entre la poésie de Yahya Kemal et celle de l’autre fondateur de la poésie turque, Ahmet Haşim, est significative. La dernière partie de la thèse envisage une reflexion sur la façon dont l’influence de Baudelaire et celle de Nedîm se rejoignent, s’interagissent et jouent un rôle dans la construction de la poésie de Yahya Kemal. Cette partie vise à comprendre pourquoi Baudelaire et Nedîm se distinguent parmi les nombreux poètes ayant influencés Yahya Kemal. Pour conclure, la thèse veut accentuer que l’effort de Yahya Kemal afin de s’appropier les traditions poétiques occidentales et orientales l’installe à une position privilégiée par rapport aux poètes qui adoptent l’une ou l’autre de ces traditions. Mots clés : modernité, poésie moderne, lyrisme, obscurité, intertextualité, devenir, synthèse disjonctive, régime signifiant, régime post-signifiant. 2 TABLE DES MATIÈRES Remerciements............................................................................................................................1 Résumé........................................................................................................................................2 Table des matières...................................................................................................................... 3 Introduction.................................................................................................................................4 I. La modernité..........................................................................................................................16 A. L’identité culturelle occidentale et la modernité...………………………………...............16 B. La modernité turque face à la modernité occidentale...........................................................23 C. Yahya Kemal et la modernité en Turquie.............................................................................36 II. La poésie moderne................................................................................................................50 A. Baudelaire comme fondateur de la poésie moderne occidentale.........................................50 1. La poésie et la critique......................................................................................................50 2. Une poésie humanisée......................................................................................................57 B. Yahya Kemal et la poésie moderne......................................................................................63 1. Yahya Kemal et la critique................................................................................................64 2. Les deux fondateurs de la poésie moderne turque : Yahya Kemal et Ahmet Haşim........89 2.1. La poésie moderne : une notion peu claire................................................................ 89 2.2. La poésie moderne et le lyrisme..............................................................................100 2.3. La poésie moderne et la tradition............................................................................125 III. Le monde poétique de Yahya Kemal................................................................................138 A. Le père poétique et son autre…………………………………………………………….138 B. Yahya Kemal et la construction d’une poésie moderne.....................................................170 1. Nedîm, Baudelaire - résurrection de l’Orient...………………………………………...170 2. Baudelaire et le voyage de la poésie…………………………………………………...254 Conclusion..............................................................................................................................305 Bibliographie………………………………………………………………………………...312 Index des auteurs....................................................................................................................319 3 INTRODUCTION Yahya Kemal est né à Skopje le 2 décembre 1884. Sa mère Nakiye Hanım et son père İbrahim Naci Bey descendent de la même famille et sont reliés dans leur arbre généalogique par leur arrière grand-père İbrahim Pacha. Şehsuvar Bey est l’un des beys aux cotés de Yahşi Bey -conquérant de Niş- ; c’est le plus ancien ancêtre connu de Yahya Kemal. Şehsuvar Pacha est le fils de İbrahim Pacha, ce dernier est lui-même issu de Şehsuvar Bey. Celui-ci vivait au temps de Mustafa III (1757-1774), il fut un “sancak beyi” - un bey d’étendard - et fonda le bourg d’Ürgüp. Depuis ces deux “Şehsuvar”, la famille est surnommée “les descendants de Şehsuvar”. Après la loi visant à faire adopter un nom de famille par chaque Turc, Yahya Kemal qui honore ses deux ancêtres illustres, prendra le nom de Beyatlı qui est la version turque de “Şehsuvar”. Indépendamment de ses aïeux conquérants, Yahya Kemal compte aussi parmi les membres de sa famille un poète célèbre du Divan : Leskofçalı Galip. Yahya Kemal est l’un des poètes qui s’est le plus approprié son héritage culturel et l’a révélé à travers de ses poèmes. Il ne cesse d’approfondir ses connaissances sur l’histoire, sur l’art et la poésie turque jusqu’à sa mort. Par le biais de ses poèmes, réunis après sa mort, dans un recueil nommé Eski Şiirin Rüzgarıyla (Avec les vents de l’ancienne poésie), Yahya Kemal règle ses comptes avec la tradition de la poésie du Divan. Parmi les poèmes figurant dans son œuvre Kendi Gök Kubbemiz (Notre voûte du ciel), “Akıncı” (envahisseur), “Mohaç Türküsü” (chant de Mohács), “İstanbul Fethini Gören Üsküdar” (Üsküdar voyant la conquête d’Istanbul) sont quelques exemples de poèmes traitant des conquêtes des Turcs. La grand-mère de Yahya Kemal, Âdile Hanım, quitte Vanya pour s’installer à Skopje avec ses trois filles après la mort de son mari. Parmi les prétendants de sa fille Nakiye, Âdile Hanım choisit Ibrahim Naci Bey. La descendance de ce dernier qui est aussi ancienne et enracinée que la sienne amène Âdile Hanım à prendre cette décision. Par ailleurs, il y a des liens de parenté qui les unissent. Enfin le futur gendre a accepté de demeurer au sein de sa belle famille. Âdile Hanım ne relève pas les rumeurs selon lesquelles il est trop proche de la culture occidentale, il aime faire étalage de ses biens, il est dépensier et il est coureur de jupons, amateur de jolies femmes. Ces rumeurs vont plus tard se révéler justes. Grâce à la situation aisée d’Âdile Hanım, Nakiye Hanım et İbrahim Naci Bey vont s’installer dans la grande maison de celle-ci et vont mener une vie sans problèmes financiers. Mais le caractère dépensier d’Ibrahim Naci Bey et ses goûts de luxe ne vont pas tarder à créer des tensions au sein de la famille. Ibrahim Naci Bey, lassé par une vie trop tranquille à 4 Skopje, forcera sa femme et ses enfants à déménager à Salonique sous prétexte qu’ils ne sont pas en sécurité ; en effet la guerre turco-grecque vient d’éclater en avril 1897. Il pense que sa femme, atteinte de tuberculose sera mieux soignée par les médecins de Salonique, réputés meilleurs. Au début, Nakiye Hanım tente de s’opposer à ce déménagement mais finit par céder. Cette situation causera l’aggravation de sa maladie jusqu’à sa mort en 1897. Au décès de sa mère, Yahya Kemal a 13 ans. Ce passage tiré de ses mémoires montre à quel point il est touché par cette mort précoce. Annem ölmüştü. Çıldırmış bir haldeydim. O (anda ölmek), intihar etmek istiyordum. Bu müthiş yokluğa, du derin acıya tahammül edemiyordum. Bir deliyi tutar gibi, sımsıkı tutuyorlardı; yüzümü gözümü yıkıyorlardı. Heyhat ki ıztırâbım durmuyordu. [....] birkaç dakîka sonra kalbimin şifâ bulmaz üzüntüsü tekrar bir alev gibi parlıyordu. Annem gibi ölmek, hemen ona kavuşmak istiyordum. İntihar vâsıtalarının ne olduğunu düşünüyordum. Iztırâbım orada toplanan herkesi sarmıştı. Hepsi de beni görerek daha fazla ağlaşıyordu Ma mère était morte. J’étais devenu fou. À cet instant je voulais mourir, me suicider. Je ne pouvais supporter cette perte terrible, cette douleur profonde. On me tenait comme si j’étais un fou ; on me lavait le visage. Hélas ma douleur ne s’apaisait pas. [....] quelques minutes plus tard la tristesse inconsolable s’enflammait de nouveau. Je voulais mourir comme ma mère et la rejoindre tout de suite. Je pensais aux moyens de me suicider. Ma douleur avait ému tous les gens réunis là. Ils pleuraient d’autant plus en me voyant.1 Cette mère décédée occupe toujours une place centrale dans la pensée de Yahya Kemal. Dans une partie intitulée “Ma mère” de son livre biographique Çocukluğum, Gençliğim, Siyâsî ve Edebî Hâtıralarım (Mon enfance, ma jeunesse, mes mémoires politiques et littéraires) qui est publié comme d’ailleurs tous ses livres après sa mort, le poète affirme qu’il est privé d’une photo de celle-ci et poursuit : “Une photo d’elle aurait été le plus cher souvenir de ma vie. Aujourd’hui je ne peux me souvenir clairement de son visage. Étant née, ayant vécu et étant morte dans un des milieu les plus stricts concernant le recouvrement islamique, elle a disparu sans laisser une photo d’elle”.2 Yahya Kemal, ne pourra la décrire physiquement que d’une façon très succinte : “Elle était de taille moyenne, brune et encline à prendre du poids”.3 On constate que Yahya Kemal tente de compenser ses troubles de conscience dûs à ses trous de mémoire, en essayant de se remémorer, tantôt la mère, tantôt les autres pertes douloureuses pour lui : sa ville natale Skopje et les autres terres qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman. La poésie elle-même peut être considérée comme le reflet de cette 1 Çocukluğum, Gençliğim, Siyâsî ve Edebî Hâtıralarım, p. 8-9. 2 Ibid., p. 3. 3 Ibid., p. 3. 5 tentative. En écrivant ses poèmes, Yahya Kemal tente de rappeler une tradition poétique en voie de disparition, la poésie du Divan, et de la faire revivre. Ainsi, des mots appartenant à la langue ottomane -sa langue natale- qui ne sont plus utilisés sous prétexte qu’ils appartiennent à l’Arabe et au Persan ne courront plus le danger d’être oubliés. Cette mère analphabète que Yahya Kemal tente de faire vivre à travers son œuvre constitue un des paradoxes dans la démarche du poète. Yahya Kemal tente de résister à l’appel de cette mère qui s’est tue et par là-même a perdu son lien avec les mots. Yahya Kemal lutte avec “la pulsion de mort” selon l’expression de Freud par le biais de la poésie. Chez Yahya Kemal, rimer c’est concrétiser “la pulsion de vie”. Yahya Kemal établit des liens étroits entre Skopje et sa mère qui a émigré dans cette ville avec sa famille quand elle avait treize ans. Toutes les deux, la mère et la ville ont un caractère mystique. La mère se distingue des autres membres de la famille par sa piété. Dans ses mémoires, Yahya Kemal parle de l’atmosphère mystique de Skopje quelques lignes après avoir parlé de la piété de sa mère. Il précise qu’il habitait dans l’un des endroits les plus marqués par la culture musulmane et ajoute : “Nos maisons étaient presque adjacentes à la mosquée d’Ishâkiye. C’était comme si la fermeté de la religion islamique à l’époque de Fatih avait imprégné l’architecture de cette mosquée”.4 Yahya Kemal relie presque toujours le caractère mystique de Skopje aux cimetières et à la mort. D’ailleurs, il poursuit les lignes citées ci-dessus en précisant qu’il y avait de vastes cimetières devant sa maison.5 Dans une autre partie de son autobiographie, il affirme : “Cette ville était un cimetière spirituel du temps de Fatih”.6 Ces tombeaux qui créent l’atmosphère spirituelle de Skopje, appartiennent pour la plupart à des saints. Yahya Kemal dit qu’un saint est enterré presque à chaque coin de la ville.7 Mais les saints de Skopje sont tous combattants.8 Ainsi, dans l’esprit de Yahya Kemal la tradition mystique se lie à la tradition guerrière des Turcs. En plus, ces cimetières appartenant à des saints ou les édifices leur étant dédiés forment un pont imaginaire entre le monde réel et l’au-delà. Tout objet associé à ces personnalités gagne un caractère sacré. Ainsi Yahya Kemal dit : “Devant notre porte se trouvait une pierre tombale qui, étant associée à un saint inconnu, n’en était pas déplacée”.9 En outre il précise que l’édifice qui se trouvait au coin de Karaorman (la foret noire), à côté de 4 Ibid., p. 34. 5 Ibid., p. 34. 6 Ibid., p. 46. 7 Ibid., p. 46. 8 Ibid., p. 46. 9 Ibid., p. 34. 6 la maison où habitait le poète avec sa famille et qui appartenait au saint Yeşil Baba était orné de bougies lors des jours sacrés. Il dira : “En somme l’entourage de mon enfance était un monde mystique”.10 Suite au décès de sa mère, aux yeux de Yahya Kemal Skopje n’est plus sa ville natale mais la ville où sa mère est morte. Il ne peut demeurer en ces lieux pendant longtemps. Après quelques allers et retours entre Salonique et Skopje, il se rend d’abord à Istanbul où il reste pendant seize mois et part pour Paris. La ‘perte’ de Skopje suite aux guerres balkaniques qui auront lieu en 1912-1913 semble avoir renforcé la relation de cette ville avec la mort dans l’esprit du poète. Yahya Kemal ne parle pas de son départ à Paris à son père. Ne sachant pas parler français et ayant très peu d’argent, il est soulagé de recevoir la lettre de son père qui lui pardonne sa ‘fuite’ et lui envoie de l’argent. Ainsi Yahya Kemal peut louer une chambre rue des Écoles, au Quartier Latin. Abdullah Cevdet avec qui il fait connaissance à Paris et qui fait partie des ‘Jeunes Turcs’ lui conseille de s’inscrire au Collège de Meaux à une distance de trois heures de la ville afin d’apprendre le français. Yahya Kemal suit ce conseil et après avoir étudié le français dans cet établissement pendant un an, retourne à Paris en 1904 et s’installe de nouveau au Quartier Latin. Comme son père s’engage à lui envoyer de l’argent à condition qu’il fasse des études, il s’inscrit à l’École Libre des Sciences Politiques. Là il aura la chance de suivre les cours d’Albert Sorel qui est considéré comme le plus grand historien français de l’époque. Il suivra également les cours d’Albert Vandale et Emile Bourgois, historiens célèbres, et les cours de Louis Renault qui est, d’après Yahya Kemal, le plus grand savant dans le domaine de droit dans le monde. Yahya Kemal ne pourra pas passer ses examens à l’École Libre des Sciences Politiques mais sera profondément inspiré par ce qu’il aura appris dans cette école, particulièrement dans les cours d’Albert Sorel. Le livre intitulé Origines de la France Contemporaine de Taine, le poussera à étudier l’origine des Turcs de Turquie et l’aventure de 900 ans des Turcs d’Anatolie et de Roumélie en commençant par les Turcomans, pour passer aux Seltchoukides et aux Ottomans avant d’arriver à la République turque. Une phrase qu’il rencontrera dans un livre de Michelet appartenant à Camille Jullian, un disciple de Fustel de Coulange, le marquera profondément : “La terre française a créé le peuple français en mille ans”. Suite à cette découverte, il verra la date d’entrée en Anatolie des Turcs, grâce à la 10 Ibid., p. 35. 7 victoire de Malazgirt en 1071, comme le vrai commencement de l’histoire turque. L’influence de Sorel poussera Yahya Kemal à consulter la bibliothèque de l’École des Langues Orientales pour chercher des livres concernant l’histoire turque. Il formera dans son esprit un monde turc comprenant toutes les richesses du passé qu’il reflètera dans ses poèmes et ses essais. D’après Yahya Kemal, la civilisation créée par les Turcs se reflète surtout dans la langue, l’architecture et la musique. Après avoir frequenté l’École Libre des Sciences Politiques pendant trois ans, Yahya Kemal se rendra compte que le diplôme de cette école ne lui servira à rien. Il voudra s’inscrire pour faire des études de littérature à la Sorbonne mais sa demande ne sera pas acceptée par son père qui ne voudra pas le financer encore pendant quatre ans. N’ayant pas obtenu des résultats satisfaisants pendant ses études, Yahya Kemal aura pourtant très bien profité de l’atmosphère culturelle du Paris de l’époque. Son séjour de 1903 à 1912 coïncide avec la période dite de “la belle époque” (1903-1914) et connue comme une période culturellement très riche de l’histoire de Paris. Yahya Kemal parlera souvent de l’influence de l’atmosphère culturelle du Quartier Latin et de Montparnasse, des idées exprimées librement dans ces quartiers, du temps qu’il aura passé dans les cafés comme le Soufflot, la Vachette et La Closerie des Lilas où son nom sera gravé sur une table. Dans les cafés de Paris Yahya Kemal aura l’occasion de prendre part aux discussions sur la poésie. Des idées toutes neuves vont l’amener à réfléchir sur sa propre conception de la poésie. Il aura la chance de connaitre Jean Moréas au café “La Vachette” et lira des poètes français, parmis lesquels on peut citer Victor Hugo, Théophile Gautier, Théodore de Banville. Mais sa rencontre avec la poesie de Baudelaire et de Verlaine lui fera l’effet d’une vraie révélation. Neuf ans plus tard, le père de Yahya Kemal ne verra plus l’intérêt de prolonger le séjour de son fils à Paris. D’après lui, n’ayant pas obtenu de diplôme, son fils n’aurait fait que flâner sans but pendant ce temps-là et devrait rentrer à son pays pour commencer à travailler. Yahya Kemal ira une dernière fois au boulevard Saint-Michel et au boulevard Saint- Germain, puis à Montparnasse sans oublier de passer par ses cafés préférés, la Closerie des Lilas et la Vachette, avant de prendre le train pour Marseille. Ces années à Paris dont il dira qu’elles ont été “la meilleure chose de ma vie”11 auront beaucoup changé le jeune poète, mais d’une manière un peu inattendue. Il dira : “Je suis venu à Paris dans l’esprit de quitter mon identité ottomane et musulmane. J’ai compris la vraie valeur de ma nation à Paris”.12 11 Ibid., p. 89. 12 Süheyl ÜNVER, Yahya Kemal’in dünyası, p. 60. 8

Description:
Hisar, Yahya Kemal acquiert une grande renommée grâce à ses vers qui sont récités et appris par cœur.15 “Ainsi, pour la première fois dans la littérature .. de Yahya Kemal, il n'y ait pas une étude approfondie du poète utilisant l'approche comparatiste. D'autre part, en Turquie, on ne r
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