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What is it to Live? Qu'est-ce que vivre PDF

296 Pages·2010·2.68 MB·English
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FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 13.3.10 20:53 Page 1 Filozofski vestnik What is it to Live? Qu’est-ce que vivre ? Edited by | Sous la direction de Jelica Šumič-Riha XXX | 2/2009 Published by | Izdaja Institute of Philosophy at SRC SASA Filozofski inštitut ZRC SAZU Ljubljana 2009 FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 11.3.10 20:30 Page 2 « Nous voici à même de proposer une réponse à ce qui, depuis toujours, est la question ‘intimidante’ – comme le dit un personnage de Julien Gracq – à laquelle, si grand soit son détour, la philosophie est à la fin sommée de répondre : qu’est- ce que vivre ? ‘Vivre’, évidemment, non pas au sens du matérialisme démocrati- que (persévérer dans les libres virtualités du corps), mais bien plutôt au sens de la formule énigmatique d’Aristote : vivre ‘en Immortel’. » Alain Badiou, Logiques des mondes “We are now in a position to propose a response to what has always been the ‘daunting’ question – as one of Julien Gracq’s characters has it – the question that, however, great its detour, philosophy must ultimately answer: what is it to live? ‘To live’ obviously not in the sense of democratic materialism (persevering in the free virtualities of the body), but rather in the sense of Aristotle’s enigma- tic formula: to live ‘as an Immortal’.” Alain Badiou, Logics of Worlds FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 13.3.10 20:53 Page 3 Contents Filozofski vestnik | What is it to live?/Qu'est-ce que vivre ? Volume XXX | Number 2 | 2009 Life between Creation and Duration 7 Vanessa Brito Deleuze et les modes de vie mineurs 23 Justin Clemens The Life of the Party: a Brief Note on Nietzsche’s Ethics 35 Felix Ensslin From Harmatia to “Nothingness”: Tragedy, Comedy and Luther's “Humilitas” 61 Jan Völker Kant and the “Spirit as an Enlivening Principle” Lacanian Biology 83 Lorenzo Chiesa The World of Desire: Lacan between Evolutionary Biology and Psychoanalytic Theory 113 Adrian Johnston Affective Life between Signifiers and Jouis-sens: Lacan’s Senti-ments and Affectuations Displacing Humanism 145 Marc De Kesel A Small, Additional, Added – on Life Speaking. Remarks on the Vitalism in Giorgio Agamben's Critical Theory 175 Frank Ruda Humanism Reconsidered, or: Life Living Life Other than Being 197 Ed Pluth Alain Badiou, Kojève, and the Return of the Human Exception 207 Gernot Kamecke What is it to Live? Critical Considerations with Regard to Badiou and Bergson Concerning Life Theory and its Language 227 Rado Riha Sur le matérialisme de l'Idée 247 Jelica Šumič-Riha Infinitization of the Subject 281 Notes on Contributors 283 Abstracts FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 13.3.10 20:53 Page 4 Kazalo Filozofski vestnik | What is it to live?/Qu’est-ce que vivre ? Letnik XXX | Številka 2 | 2009 Življenje med stvarjenjem in trajanjem 7 Vanessa Brito Deleuze in nedoletni življenjski načini 23 Justin Clemens Življenje kot party: kratka notica o Nietzschejevi etiki 35 Felix Ensslin Od harmatia do »niča«: tragedija, komedija in Luthrove »humilitas« 61 Jan Völker Kant in »duh kot oživljajoče načelo« Lacanovska biologija 83 Lorenzo Chiesa Svet želje: Lacan med evolucijsko biologijo in psihoanalitično teorijo 113 Adrian Johnston Afektivno življenje med označevalci in jouis-sens: Lacanovi senti-menti in afektuacije Premeščanje humanizma 145 Marc De Kesel O malem dodatku – govoreč o življenju. Pripombe k vitalizmu v kritični teoriji Giorgia Agambena 175 Frank Ruda Ponovni pretres humanizma ali življenje, ki živi življenje Drugače kakor biti 197 Ed Pluth Alain Badiou, Kojève in vrnitev k človeški izjemi 207 Gernot Kamecke Kaj pomeni živeti? Kritična razmišljanja o Badioujevem in Bergsonovem pogledu na teorijo življenja in njeno govorico 227 Rado Riha O materializmu Ideje 247 Jelica Šumič-Riha Infinitizacija subjekta 281 Podatki o avtorjih 283 Povzetki FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 11.3.10 20:30 Page 5 Life between Creation and Duration FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 11.3.10 20:30 Page 6 FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 28.2.10 22:32 Page 7 Filozofski vestnik | Volume XXX | Number 2 | 2009 | 7-22 Vanessa Brito* Deleuze et les modes de vie mineurs La profusion de percepts, affects et concepts que Deleuze dégage des œuvres d’art va de pair avec la construction d’une identité entre le concept et la vie. Les concepts que le cinéma, la musique ou la peinture suscitent, celui de cristal, de ritournelle ou de modulation, ne nous montrent pas seulement comment se com- posent les images et les thèmes musicaux, ils nous montrent également com- ment se constituent les êtres ou les corps, comment se module et se configure le réel. Le cinéma n’est pas que le nom d’un art, il est aussi le nom du monde. De même, le baroque ou le byzantin ne sont pas que des styles artistiques, mais fon- damentalement deux régimes de lumière qui posent le problème de savoir com- ment s’opère l’individuation des corps. Les styles de l’art et ses manières de faire sont aussi bien des styles de vie. Et les personnages que l’art invente sont aussi bien l’invention de modes d’existence. La typologie des modes d’existence que Deleuze extrait des arts associe à cer- tains personnages un certain nombre de mots : la bêtise, la paralysie, la pétrifi- cation, l’automatisme, le non-choix, la volonté de néant ou le néant de la volonté apparaissent liés aux modes d’existence du masochiste, de l’idiot, du voyant, de l’automate, de l’épuisé, du saint ou du démon. Pour ressaisir le projet de cette typologie, il faudrait donc éclaircir les raisons du choix de ces personnages et faire travailler ensemble ces mots. Notre hypothèse c’est qu’ils forment une série témoignant pour un projet qui engage les arts dans la construction d’un « nou- 7 vel homme » et d’une « nouvelle image de la pensée » à l’opposé de l’autonomie volontariste qui, pour Kant, définissait notre majorité. Les démons d’acier et les saints de pierre Le contrat que signe le masochiste nous permet de poser les conditions du pro- blème. Pour constituer son identité, pour inventer son mode d’existence et ap- paraître en tant que masochiste, le masochiste doit se vider et transférer tous les pouvoirs qui définissaient sa subjectivité à la figure de la maîtresse souveraine. * Jan van Eyck Academie, Maastricht FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 28.2.10 22:32 Page 8 VANESSA BRITO Le contrat se présente alors comme l’acte par lequel une volonté s’annule et dé- lègue ses pouvoirs à une autre qui se réserve tous les droits sans avoir envers la première aucun devoir. C’est ce que nous pouvons lire dans le contrat d’escla- vage passé entre Wanda et Sacher-Masoch : Les conditions, sous lesquelles je vous accepte comme esclave et vous souffre à mes côtés, sont les suivantes : Renonciation tout à fait absolue à votre moi. Hors la mienne, vous n’avez pas de volonté. Vous êtes entre mes mains un instrument aveugle, qui accomplit tous mes ordres sans les discuter. […] A votre égard, j’agirai toujours sans faute, et je n’aurai aucun devoir. […] Je suis votre 1 souveraine, maîtresse de votre vie et de votre mort. Le masochiste renonce à son moi dans la mesure où il abdique de l’exercice de sa volonté et la fait coïncider avec celle de la maîtresse souveraine. Son vouloir est le sien, ses actions les siennes. Lorsque celle-ci le punit, il se punit lui-même. Comme le suggère Deleuze, si le contrat est l’entreprise pédagogique par laquelle le masochiste forme sa souveraine, alors le contrat est aussi l’entreprise par la- quelle le masochiste dresse son propre agent. A l’instar de l’amant masochiste, Jacques Lantier, le mécanicien de La Bête hu- maine, est aussi un instrument aveugle, sans volonté propre, entre les mains d’un Autre qui le commande et avec lequel il va faire un seul corps. Cet Autre agit à tra- vers lui le privant de son moi et de toute vie intérieure. Lantier, « l’homme des 2 sensations rudimentaires et des idées fixes » , ne fait qu’obéir à ses muscles et à la bête enragée qui court dans ses veines. Il incarne la figure du criminel-né par 8 laquelle Lombroso ou Tarde ont cherché à expliquer le crime comme étant la ré- surgence d’une bestialité ancestrale, transmise par atavisme. Cette bestialité qui s’inscrit dans sa chair et le mène inévitablement au crime, c’est une équivalence entre posséder et tuer. Il devient un instrument aveugle entre les mains de cette nécessité, une sorte d’automate préprogrammé, poussé à des actes dont sa vo- lonté n’est pour rien et qui ont ailleurs qu’en lui, dans une longue chaîne d’évé- 1 Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch, Paris, les éditions de minuit, 1967, pp. 256–257. 2 Je renvoie à la typologie de modes d’existence que Deleuze extrait du naturalisme, cf. Logique du Sens, Paris, les éditions de minuit, 1969, p. 376. FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 28.2.10 22:32 Page 9 DELEUZE ET LES MODES DE VIE MINEURS nements qui dépasse sa personne, leur cause véritable. Comme les héros de la Grèce Ancienne, il n’est un agent que parce qu’il est le lieu où quelque chose de plus grand que lui s’exerce à travers sa personne (nous reconnaîtrons là le nœud repris par Deleuze pour définir l’idée de fêlure et de scission de la subjectivité : la fêlure est à la fois « le lieu et l’agent », la coïncidence entre l’agent et l’agi au sein d’un moi qui subit son activité comme celle d’un Autre en lui.) Dans la conception religieuse de la faute en Grèce Ancienne, l’individu se trouve égale- ment pris par une force qui s’exerce à travers lui. La faute y est perçue comme un défaut de connaissance ou comme un égarement de l’esprit par lequel on devient la proie d’un délire. Si bien qu’il est plus exact de parler d’une victime de la faute que d’un agent qui la commet. Etant la proie d’un instinct qui lui est transmis par le sang, Lantier se voit aussi poussé à des actes dont il n’est pas l’auteur. Il ap- partient à un monde où ce qui arrive, arrive parce que cela devait arriver, un monde où les notions de responsabilité et de culpabilité ne trouvent pas de place, tant que des forces, des pulsions ou des instincts continuent d’interférer avec les choix des hommes et à en faire leurs proies. Privé du pouvoir de choisir et d’exercer librement sa volonté, Lantier apparaît également privé de subjectivité. Pendant que la « fêlure-araignée » continue de ronger sa proie et de faire le vide intérieur, il ne peut que suivre la seule idée fixe qu’il a en tête : Il avait tué jadis, il voulait tuer encore. Et les choses, autour de Jacques, n’étaient plus que dans un rêve, car il les voyait à travers son idée fixe. Sa vie de chaque jour était comme abolie, il marchait en somnambule, sans mémoire du passé, sans prévoyance de l’avenir, tout à l’obsession de son besoin. Dans son corps qui allait, sa personnalité 3 était absente. 9 Pour Zola, ce corps qui va « là où l’hybris le porte » n’est pas tout à fait celui d’une personne, mais celui d’une bête. Telle est d’ailleurs la condition de la plupart des personnages de La Bête humaine qui, d’une manière ou d’une autre, incar- nent l’acharnement et la hargne sur lesquels est bâtie la société du progrès et du bien-être. Cette bestialité reste oubliée comme le couteau négligé au fond du ti- roir qui jadis servit à tuer le mari de Séverine et qui va maintenant servir à cou- per le pain. Et pourtant, c’est sur elle que tout communique tels les rails de fer qui 3 Zola, La Bête humaine, Paris, Gallimard, 2001, p. 303. FV_02_2009_prelom_NOVO.qxp:FV 11.3.10 13:03 Page 10 VANESSA BRITO qui traversent le pays. Quant à Séverine, elle n’a jamais été rien d’autre qu’une chose entre les mains de son amant Lantier : tu m’as prise tout entière. Il n’y a pas d’autre mot : oui, prise, comme on prend quel- que chose des deux mains, qu’on emporte, qu’on en dispose à chaque minute, ainsi que d’un objet à soi. Avant toi, je n’ai été à personne. Je suis tienne et je resterai tienne, 4 même si tu ne le veux pas, même si je ne le veux pas moi-même. On possède l’être aimé comme on possède une chose et on appartient à l’amant comme un objet appartient à son propriétaire ou un animal à son maître. A cette exception près que tous ceux qui possèdent et commandent sont eux mêmes possédés et commandés. Personne n’est le maître de ses actes et gestes, et même ceux qui se servent de leurs mains pour disposer, pour prendre et pour tuer, le font involontairement, inconsciemment, mécaniquement, tels des automates ou des esclaves obéissant uniquement à la loi de l’Autre qui les commande et les malmène – folie, fêlure ou idée fixe. Par rapport aux histoires de mains de Robert 5 Bresson , ces mains-ci posent et disposent plus qu’elles ne touchent et n’effleu- rent les choses du monde sans jamais les prendre, mais l’acte de prendre reste involontaire et aveugle. L’amant masochiste et le mécanicien de La Bête humaine se voient tous les deux privés de leur moi et de leur liberté. Ils se plient à une loi qui les malmène. Pour- tant, alors même que le masochiste s’impose cette loi et l’établit par un contrat, Deleuze définit son entreprise par un dépassement de la loi. La loi qui esquinte le moi et le vide va aussi conditionner la naissance d’un « nouvel homme » ; la perte de la santé doit coïncider avec la santé même ; le processus de destruction et de dégénérescence avec la création d’un mode d’existence ou d’une nouvelle subjec- 10 tivité. Le masochiste, nous dit Deleuze, détourne la loi par un « excès de zèle ». Il « prend la loi au mot, à la lettre » et, par sa scrupuleuse application, en montre l’absurdité, l’envisageant comme un processus punitif qui conditionne et même commande d’éprouver la jouissance qu’il était censé interdire. « Voilà le maso- 6 chiste insolent par obséquiosité, révolté par soumission. » Son insolence serait de transférer les pouvoirs « paternels » à la figure de la mère et d’expulser le père 4 Zola, La Bête humaine, p. 402. 5 Je renvoie à ce sujet à l’analyse de Jacques Rancière dans « D’une image à l’autre ? Deleuze et les âges du cinéma », in La Fable cinématographique, Paris, éditions du seuil, 2001. 6 Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch, p. 78.

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