N !C3 VOYAGE PITTORESQUE EN AFRIQUE. PARIS.— IMPRIMERIE D'AMÉDÊE GRATIOT F,T C«, RCE DE LA MONNAIE, S. M. Digitized by the Internet Archive in 2011 with funding from The Field Museum's Africa Council http://www.archive.org/details/voyagepittoresqu02eyri EN AFRIQUE, CHAPITRE I. fermée par le pacha. La surface du Menzaleh est peuplée d'une grande diversité d'oiseaux Egypte. aquatiques, etsesrives sont bordées de villages, Le voyageur quisortdel'Asie parl'isthme de de sorte qu'il offre sans cesse un spectacle très- Suez ne pénètre en Afrique qu'en traversant animé; ilcommuniqueparplusieurscanaux avec des déserts. le bras oriental du fleuve; la moderne Damietle Le fort d'El-Arich près de l'embouchure se présente en demi-cerele surla rive droite de , d'un torrent, dans la Méditerranée, est regardé ce bras, à deux lieues et demie de son embou- comme appartenant à l'Egypte; il est sur l'em- chure. « Des maisons élevées, élégamment bâ- placement de Rhinocorure; les Français l'occu- ties, disent MM. Cadalvene et Breuvery, etcou- pèrent presque jusqu'au moment où ils évacuè- vertes de terrasses que surmontent des belvé- rent cette contrée; des puits, quelques cabanes, dères ouverts aux ventsfraisduN.; des barques des palmiers, des jardins l'entourent. Au-delà nombreuses sillonnant les eaux du Nil une po- ; de cette oasis,on ne rencontre plus que des sa- pulation industrieuse quisepresse sur les quais; bles. Ce désert fait partie de celui d'EI-Tili, qui des champs de riz toujours verts; des jardins commence en Syrie, que M. Gallier a parcouru brillans de végétation où croissent rêle-mèle par une route nouvelle, et qui se prolonge jus- l'oranger, le dattieret le sycomore; uncieldont qu'en Egypte. aucun nuage n'altère la pureté, et sous lequel En avançantle long de la Méditerranée, vers cependant la chaleur ne s'élève presquejamais l'O., on voit une plaine couverte d'une épaisse plus haut que dans le midi de la France : voilà croûte saline blanche, et assez forte pour ne lespectacleenchanteurqueprésententDamiette pas rompre sous les pas des animaux ; ensuite, et ses environs au voyageur qui arrive à la on a à sa gauche des dunes de sable mouvant, mer. à sa droite un golfe qui remplace l'ancien lac » Le charme cesse dès qu'on pénètre dans la Sirbonis, puis des marécages, des étangs, des ville; dès que l'on parcourt ses rues étroites et ruisseaux d'eau salée; ils sont assez profonds tortueuses, occupées par des troupesimmondes pour qu'en les passant les chevaux aient quel- de chiens errans; dès que l'on se trouve au mi- quefois de l'eau jusqu'auventre. lieu de ses maisons de terre et de paille qui me- \ Insensiblement les palmiers se montrent et nacent ruine; dès que l'on retrouve enfin une deviennent nombreux on atteint Tineh près bourgade turque avec son hideux ensemble de ; , desruinesdePéluse.Cettevilleétaità l'extrémité misère et de dégradation. orientale du lac de Tanis, aujourd'hui le lac de » Le commerce de riz, qui se fait presqueex» Menzaleh qui n'est séparé de la Méditerranée clusivement à Damiette, aconservé à cette ville , que par une langue de terre très-étroite et in- une certaine importance. Les relations suivies , terrompue sur toute sa longueur, de 86,000 avec la Syrie, qui lui envoie en échange ses mètres seulement, par trois ouvertures corres- tabacs, la maintiennent dans un état voisin de pondantes aux bouches pélusiaque, tanitique et l'aisance. Sa population ne s'élève cependant mendésienne du Nil deux fausses bouches sont pas beaucoup au-delà de 20,000 âmes. L'air ; encombrées par les plantes marines. L'eau du qu'on respire à Damiette est beaucoup plus sain lac est douce pendant l'inondation du Nil; elle qu'on ne pourrait l'espérer en voyant les riziè- devient salée à mesure que le fleuve rentredans res qui l'entourent à plusieurs lieues; et cetie son lit. Ce lac renferme plusieurs îles où l'on ville est de toute l'Egypte l'endroit où l'on jouit voit des ruines anciennes; très-peu sont habi- de la plus douce température. » tée;; il est très-poissonneux, et sa pèche est ai*- Une lieue plus bas, le village de Lcsbé est AïIU % , VOYAGE EN AFRIQUE. sur l'emplacement de l'antique Damiettesarra- » A peu de distance de Piosette est le Tékié sine, justement célèbre par l'acharnement avec d'Abou-Mandour, situé dans la position la plus lequel lescroisés ladisputèrent aux musulmans. pittoresque etsur une petiteéminenceoù la vue Insensiblement le fleuve s'élargit; le naviga- s'étend jusqu'à la mer. Ce couvent est habité teur n'aperçoit plus à ïa fois les deux rives cou- par quelques dervicheschargésd'entretenirune vertes de villages et de palmiers. Le sable que superbe fontaine fondation pieuse d'un musul- , le Nil charrie en grande quantité est retenu à man. Ellemérite àson généreux auteurd'autant son embouchure par le mouvement des flots de plus de reconnaissance, que l'eau est fort mau- la mer, et y forme une barre dangereuse sur vaise à Rosette. » laquelle beaucoup de navires se perdent chaque En continuant à suivre la côte vers le S. O., année pendant la mauvaise saison. Une seule onparvient àla bouche Canopiquc; aujourd'hui passe étroite, tracée par le courant au milieu ce n'est qu'un petit canal qui fait communiquer des sables, permet aux barques ou aux bâtimens la mer avec le lac de Madieh, lequel aboutit à légers de remonter le fleuve; mais ce n'est que l'E. par un marécage au lac d'Edkou, qui com- par un beau temps et avec beaucoup de circon- munique avec le lacdeDeraït. Le lac de Madieh spection qu'on ose s'engager dans ce passage est séparé par une langue de terre étroite de la dangereux nommé leBoghaz; il forme l'issue de rade d'Aboukir, devenue trop célèbre par le la bouche phatnitique. désastre de la flotte française en 1798; mais, La côte est partout extrêmement basse, ce l'annéesuivante, l'arméede terre vainquit surla qui la rend très-périlleuse; en la suivant, vers plage voisine les troupes nombreuses des mu- l'O., on rencontre le cap Bourlos, le plus sep- sulmans. La bourgade d'Aboukir, défendue par tentrional de l'Egypte, et à égale distance des un château, est voisine de l'ancienne Canope. deux principales embouchures du Nil; un peu Après avoir traversé une plaine sablonneuse, au S. O., on trouve l'issue du lac de Bourlos, on rencontre les faubourgs d'Alexandrie. Mais grande nappe d'eau, dont la partie S. O. est écoutons ceux qui arrivent par mer dans cette occupée par d'immensesmarécages, et qui n'est ville célèbre voici comme s'exprime madame ; navigable que dans sa partie septentrionale. Il la baronne de Minutoli : reçoit de nombreux canaux du Nil. Le passage « Alexandrie, avec ses décombres et ses mai- par lequel il communique avec la mer est l'an- sons grisâtres et à toits plats, ressemble de loin cienne bouche Sebennytique.Unfort est bâtisur à une ville dévastée par l'ennemi. Tout rappelle ce point. ici la marche des siècles, et la nature, comme La côte court à VU. S. O. vers la bouche pour seconder de son côté l'impression grave Bolbilinique qui se termine comme celle de Da- qu'on éprouve au souvenir de tant de grandeur , miette par un boghaz, et à 2 lieues de la mer, passée, n'offre à l'oeil attristé du voyageur que on trouve, sur la rive gauche du bras oriental les sables dudésert. Agauche de la ville s'étend du Nil, Rachidou Rosette, ville quia beaucoup le désertqui conduità Rosette; àdroite le grand perdude sonimportance. D'après le témoignage désert de Barca. A l'exception de quelques pal- des voyageurs cités précédemment, « on y miers solitaires qui s'élancent tristement dans compte maintenant peu d'Européens; la popu- lesairsetquiressemblent de loin à des colonnes lation indigène a elle-même considérablement isolées, on n'aperçoit surcettecôteaucunvestige diminué, ets'élève à peine aujourd'huià 12,000 de végétation. Voilà l'état actuel de cette terre âmes. Avec les avantages commerciaux ont dis- qui a subi tant de révolutions, de ce berceau parucettegaieté et cette opulencequi donnaient des lumières si fameux par son culte, ses arts, à Rosette une physionomie plus animée que ne ses philosophes , les voyageurs illustres qui l'est ordinairement celle des villeségyptiennes. abordèrent sur ce rivage, les conquérons qui Ses environs n'ontcependant pas encore perdu vinrent l'envahir... l'aspect riant qui semble l'apanage du Delta; » L'impression que j'éprouvai en traversant sesjardins surtout sont remarquables, si toute- pour la première fois les rues d'Alexandrie se- foisquelques kiosques, entourés de berceaux ou rait difficile à décrire. Quel mouvement, quel ombragésdebouquets de bananiers et d'acacias tumulte dans ces rues étroites, continuellement suffisent pour faire donner le nom de jardins à embarrassées par une quantité innombrable de devastesvergers arrosésparde petitsruisseaux chameaux, de mules et de baudets : les cris de et oùcroissent pêle-mêleet presque sans culture leurs conducteurs , avertissant sans cesse les les arbres fruitiers de l'Europe et ceux de l'A- passans de prendie garde a leurs pieds nus; les frique. vociférations et les grimaces des jongleurs; le