“Les avions lâchent des bombes, traillent. Minutieusement. Il est heures du matin : le vrombissement des moteurs nous a réveillés. les chseurs tracent des cercles concentriques qui nous englobent dans les rayons. C’est le onzième bombardement en douze jours.” “De tous les spécialistes contemporains de la guerre révolutionnaires Gérard Chaliand est l’un des plus cisifs. Il réunit des résultats de recherches et son engagement immédiat dans de nombreux mouvement révolutionnaires.” (Makers of modestragegy. Princeton University Press 1986.) Dans cet ouvrage, il nous entraîne avec lui du Vietnam à l’Angola. l’Erythrée à l’Afghanistan, de l’Amérique centrale aux Philippines : nous croisons là une génération de guérillas, et réfléchissons sur les engagements que chacun y a pris. Gérard Chaliand Voyage dans vingt ans de guérillas éditions de l’aube Sommaire Couverture Présentation Page de titre Dédicace Épigraphe PRÉFACE INTRODUCTION - 1973 : LE MYTHE DU CARACTÈRE INVINCIBLE DES GUÉRILLAS Sous-estimation de la force des gouvernements La théorie du foco 1966 : AVEC LES MAQUISARDS DE GUINÉE Sur un tonneau La chair et l’os Deux cents élèves Les paysans renseignent 1967 : VIETNAM, THE AMERICAN WAY OF DEATH 1968 : POURQUOI LE NORD-VIETNAM TIENT-IL TOUJOURS ? 1968 : LA COLOMBIE NE PEUT DEVENIR UN NOUVEAU “VIETNAM” 1969 : LA RÉSISTANCE PALESTINIENNE ENTRE ISRAËL ET LES ÉTATS ARABES 1970 : LE DOUBLE COMBAT DU F.P.L.P. 1972 : LES PALESTINIENS DANS L’IMPASSE 1977 : ÉRYTHRÉE, HAUT MAL DE L’ÉTHIOPIE 1980 : LE COMBAT SANS FIN DES KURDES 1. VU D’IRAN 2. VU D’IRAK ET DE TURQUIE (1985) 1980 : QUE PEUVENT FAIRE LES RÉSISTANTS AFGHANS ? 1981 : L’AFGHANISTAN UN AN APRÈS 1982 : AFGHANISTAN : LA VALLÉE DU PANCHIR 1982 : AMÉRIQUE CENTRALE : LA GUERRE SANS VAINQUEURS 1984 : POURQUOI L’AFRIQUE DU SUD TIENT TOUJOURS... 1985 : LE PÉROU ENTRE ALAN GARCIA ET LE SENTIER LUMINEUX 1986 : L’ÉQUATION ANGOLAISE 1986 : AFRIQUE DU SUD : L’ÉROSION DU POUVOIR BLANC 1987 : VERS LA GUERRE CIVILE AUX PHILIPPINES À propos de l’auteur Notes Copyright d’origine Achevé de numériser A Kim As for me, I am tormented with an everlasting itch for things remote. I love to sail forbidden seas and land on barbarous coasts. HERMAN MELVILLE “Ce livre regroupe une série de reportages, écrits entre 1966 et 1987, dont certains étaient restés inédits. Quelques coupes ont été opérées pour alléger l’ensemble et éviter des redites. La distance permet aujourd’hui de mieux juger la pertinence des analyses développées à chaud.” J.v. PRÉFACE L’origine du terme guérilla (petite guerre) remonte au soulèvement espagnol contre Napoléon. Mais son usage, ses tactiques remontent aux origines de l’histoire. En son essence, la guérilla est une forme de conflit armé, utilisée par des troupes irrégulières, caractérisé par le refus du choc frontal décisif, l’usage du harcèlement et de la surprise. L’utilisation de ces techniques est attestée dans la Chine et l’Egypte anciennes, tout comme dans l’Antiquité gréco-latine. La guérilla en tant que tactique est caractéristique d’innombrables jacqueries et révoltes paysannes — dont la guerre des paysans en Allemagne au XVIe siècle est un exemple classique. Caractéristiques des mouvements sociaux comme souvent des mouvements religieux, les guérillas ont été particulièrement vivaces comme forme de résistance à l’agression ou à l’occupation étrangère, notamment durant l’expansion des grands empires : romain, ottoman, napoléonien. C’est aussi le cas lors de l’expansion coloniale européenne au XIXe siècle : les Britanniques rencontrent des résistances acharnées en Birmanie, en Afghanistan, en Afrique du Sud (guerre des Boers), en Somalie, les Français en Algérie, au Vietnam, à Madagascar, en Afrique de l’Ouest. La pénétration portugaise dans l’Hinterland de leurs colonies africaines donne lieu à une série quasi ininterrompue, durant un demi-siècle, d’insurrections meurtrières. La colonisation russe en Caucase et en Asie centrale, à la même époque, rencontre les mêmes résistances. De même, les Etats-Unis, tandis qu’ils colonisent les Philippines (1898-1901). Les théoriciens militaires occidentaux du début du XIXe siècle, notamment français et allemands, n’ont pas manqué d’analyser les particularités de la “petite guerre” qui, avec la Vendée, l’Espagne surtout, le Tyrol et les partisans russes contre l’armée napoléonienne, apparaissait soudain comme un phénomène d’une ampleur nouvelle. Les transformations profondes qui sont à l’origine de la vulnérabilité des armées modernes à la guérilla semblent être l’accroissement considérable des effectifs et l’importance du matériel d’une part, et la naissance du nationalisme moderne d’autre part. En effet, depuis la Révolution, la France utilise cette innovation : la levée en masse. La conscription porte les armées à des chiffres jamais connus et les troupes qui vivaient jusque-là sur leurs magasins se mettent à vivre sur le pays. Les vivres sont certes payés par l’intendance et cette organisation ne pose aucun problème en Italie ou en Europe centrale. Mais en pays pauvre, comme en Espagne ou en Russie, la rareté se fait sentir tandis que le patriotisme joue à plein contre un occupant qui est aussi un prédateur. Les troupes professionnelles du XVIIIe siècle, elles, avec leur train de vivres et de fourrage — et leur petit nombre — étaient autonomes. Pour un Clausewitz par exemple, qui enseigne à l’Académie militaire de Berlin un cours d’une année sur la petite guerre (kleiner Krieg), la guérilla est une guerre paysanne de résistance patriotique vis-à-vis d’un agresseur. Il la considère comme une technique mineure, ne pouvant emporter la décision et dont la fonction est d’être une force d’appoint de l’armée régulière. Après la période napoléonienne, la place occupée par la guérilla en Europe, à l’exception de l’Espagne, de l’Italie et de la Pologne, est tout à fait marginale. A partir de 1830 — et cela jusqu’en 1917 — , avec l’influence croissante des courants socialistes, de l’urbanisation et de la prolétarisation, l’attention est portée sur l’insurrection urbaine (1848-1871). Aux yeux des stratèges, jusqu’à la seconde guerre mondiale, la guérilla demeure un phénomène mineur, géographiquement marginal, limité aux colonies. Ce qui compte — à juste titre — dans les affrontements entre puissances modernes, c’est la puissance de feu, les gros bataillons, la puissance maritime et, bientôt, la maîtrise aérienne. D’ailleurs, toutes les guérillas coloniales ne sont-elles pas, quelle que soit leur détermination, toujours vaincues ? Dans l’entre-deux-guerres, l’échec d’Abd El-Krim ne vient-il pas l’attester une fois de plus ?Même durant la seconde guerre mondiale, sur le théâtre européen, nulle part sauf dans les Balkans (Yougoslavie, Albanie, Grèce) la guérilla ne joue de rôle décisif Mais la seconde guerre mondiale inaugure une époque nouvelle. Elle marque, en effet, le déclin politique et militaire des puissances d’Europe occidentale. La défaite initiale face au Japon en Extrême-Orient des Britanniques, des Français et des Hollandais est lourde de conséquences. Dans un tout autre contexte, l’invasion japonaise de la Chine favorise grandement le renforcement des communistes chinois qui finissent par incarner à la fois le nationalisme chinois et les aspirations à la justice sociale. C’est avec Mao-Ze-Dong que la guérilla, tactique militaire visant à harceler un adversaire plus puissant, est transformée en guerre révolutionnaire. C’est-à-dire en moyen militaire pour parvenir à renverser un régime politique afin de s’emparer du pouvoir. Mais l’innovation maoïste n’est pas militaire. L’originalité de Mao-Ze-Dong n’est pas véritablement dans ses écrits militaires. Certes, ceux-ci sont intéressants dans la mesure où ils s’opposent à la guerre classique pour privilégier une combinaison de milices, de partisans et d’armée régulière utilisant souvent des techniques d’irréguliers mais la nouveauté est ailleurs. Elle est politique. Elle consiste à utiliser le parti d’avant-garde, innovation léninienne, destinée à organiser et à entraîner le prolétariat pour mobiliser et encadrer la paysannerie. Propagande généralisée, organisation des masses (les non-combattants comptent autant que les combattants), parti d’avant-garde en tant qu’instrument de mobilisation politique et d’encadrement militaire, il atteint son pouvoir opérationnel sur la société traditionnelle à partir du moment où toutes les implications ont été tirées de la découverte du potentiel révolutionnaire de la question paysanne. Ce qui est fondamental, c’est la greffe du parti d’avant-garde sur la paysannerie à l’heure du nationalisme. Nationalisme que l’agression et l’occupation japonaises vont rendre particulièrement vivace dans une paysannerie jusque-là isolée dans son régionalisme ; ce modèle sera repris avec succès par le Viêt-minh qui profite de l’occupation japonaise pour s’organiser, encadrer la paysannerie vietnamienne en mobilisant celle-ci contre le colonialisme français au nom de la libération nationale. Presque partout la lutte armée est dirigée par une organisation d’avant-garde dont l’idéologie mobilisatrice où le nationalisme a toujours une part fondamentale, même s’il est accompagné d’objectifs sociaux (ce qui n’est pas toujours le cas) suscite cohésion, discipline, esprit de sacrifice. Cette organisation tend à créer, par l’intermédiaire des cadres moyens qui sont essentiels, un soutien des populations par un processus d’encadrement et de politisation et un usage sélectif de la terreur destiné à liquider les agents de l’adversaire. Car il s’agit très vite de susciter des hiérarchies parallèles à celles de l’Etat destinées à miner, grâce à une meilleure organisation sociale, la légitimité de celui-ci. De bout en bout jusqu’à la victoire militaire ou à la négociation victorieuse, les problèmes militaires restent étroitement unis et subordonnés au politique. Mais les succès des mouvements de libération ne
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