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Vies de saints, vie de famille: Représentation et système de la parenté dans le royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques PDF

535 Pages·2001·23.25 MB·French
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HAGIOLOGIA Études sur la Sainteté en Occident - Studies on Western Sainthood Volume 2 Comité de rédaction - Editorial Board HAGIOLOGIA Belgische Werkgroep voor Hagiologisch Onder:wek Atelier Belge d'Études sur la Sainteté P Bertrand J. Deploige Fr. De Vriendt K. Heene A.-M. Helvétius X. Hermand M. Trigalet BREPOLS 2001 Isabelle RÉAL Vies de saints, vie de fa mille Représentation et système de la parenté dans le Royaume mérovingien (4 81-7 51) d'après les sources hagiographiques Avec un avant-propos de Pierre BONNASSIE BREPOLS 2001 © 2001 BREPOLS @'! PUBLISHERS - Turnhout (Belgium) Ail rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stand in a relrieval system, or transmitted, in any f orm or by any me ans, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the p1ior permission of the publisher: D/2001/0095/65 ISBN 2-503-51054-X Remerciements Cet ouvrage est la version quelque peu remaniée de ma thèse de Doctorat « Nouveau Régime » soutenue le 9 janvier 1999 à l'Université de Toulouse II Le Mirail devant un jury composé de Pierre Bonnassie, professeur émérite à l'Université de Toulouse Le Mirail, de Régine Le Jan, professeur à l'Université de Lille III, d'Anita Guerreau-Jalabert, directeur de recherche au C.N.R.S., et présidé par Michel Banniard, professeur à l'Université de Toulouse Le Mirail. Ce travail, nourri par leurs recherches, leurs réflexions et leurs avis, leur doit en grande partie les choix méthodologiques et les orientations qu'il a suivis. Ils le savent bien, qu'ils en soient pleinement remerciés. A l'heure où cette thèse est publiée, je voudrais dire encore toute mon affectueuse reconnaissance à Pierre Bonnassie. Rappeler combien je lui dois, à commencer par mon goût pour le Moyen Âge et en particulier pour la période mérovingienne, que les hasards des programmes d'agrégation avaient choisie, et qui l'amena à faire un cours dont tous ses étudiants se souviennent encore aujourd'hui. Il a, depuis lors, guidé mes premiers pas dans la recherche, avec la douce fermeté qu'on lui connaît et sans jamais relâcher sa confiance. Ses conseils, dans la mesure où j'ai su les suivre, ont donné à mon travail ses traits décisifs. Mes pensées vont également à ma mère, lectrice infatigable, correctrice impitoyable et critique pertinente, mise à contribution jusqu'à la dernière minute. Son aide, elle le sait, a été capitale. Je l'en remercie infiniment. Ce travail de longue haleine a occupé temps et esprit. La patience et la compréhension dont Ludovic a su faire preuve à cet égard, ses encourage ments constants sans parler de sa participation personnelle à la relecture et à la mise en forme, m'ont considérablement aidée. Je lui en suis tendrement reconnaissante. Préface Le premier mérite de ce livre est de combler un vide. Si l'histoire de la parenté est assez bien connue à l'époque romaine (du moins au Haut Empire), si elle a suscité nombre d'excellentes études pour l'époque carolingienne, on ne savait jusqu'à aujourd'hui à peu près rien de la famille mérovingienne. Au mieux, l'historiographie se satisfaisait des schémas normatifs fournis par les codes dits barbares, sans se demander dans quelle mesure le droit reflétait ou non la réalité. Au pire, elle continuait à véhiculer un certain nombre de cli chés (organisation en «clans», en familles <<larges» ou «patriarcales») hériLés en droite ligne de l'imaginaire romantique. Pourtant la matière ne manquait pas; encore fallait-il aller chercher les informations là où elles étaient susceptibles de se rencontrer : dans les écrits hagiographiques. Ce sont plus de cent Vies de saints des VIe, vue et VIUC siècles qu'a dépouillées l'auteur, notant systématiquement toutes les références aux structures et aux relations familiales, traduisant pour notre plus grand plaisir des passages entiers et surtout dégageant de ces récits les modèles de parenté qui caracté risent la société de l'époque. On peut se demander pourquoi une telle enquête n'a pas été menée plus tôt. La réponse tient à des raisons diverses, mais la principale réside sans doute dans la difficulté extrême de la démarche. Utiliser les sources hagiographi ques à des fins d'histoire sociale est une entreprise passionnante mais périlleuse. L'hagiographe ne raconte en effet jamais une histoire pour elle même: son sujet est totalement dépendant de son projet, qui est d'édification. Le but visé est toujours le même: décrire les desseins de la Providence à tra vers l'action de ses serviteurs, les saints. Pour l'hagiographe par conséquent, plus le sujet est transparent, plus esL lisible la volonté divine. S'agissant de la parenté, le risque est grand pour l'historien de ne découvrir dans les vies de saints qu'une famille schématisée et remodelée à des fins moralisatrices, ins trumentalisée au service d'une pédagogie du salut. S'il se hâte trop dans sa lec ture, il ne verra rien d'autre et, suivant en cela son modèle, à son tour il idéalisera. Si à l'inverse il s'attarde trop dans la critique, il désespèrera de sa source. Isabelle Réal a su trouver la voie étroite entre confiance exagérée et défiance abusive et surtout, pour éviter les pièges, elle s'est entourée de garan ties. Non contente de lire les milliers de pages de ses vies de saints, elle en a systématiquement confronté les données avec celles que fournissent tous les autres types de documents conservés pour l'époque. Ainsi fait-elle son profit 8 PRÉFACE des textes de lois et des canons conciliaires, des recueils de formules et des actes de la pratique, des sermons et des pénitentiels, des poèmes et des chro niques, sans oublier les témoignages non écrits, épigraphiques, iconographi ques, archéologiques... Ce travail considérable, outre qu'il a enrichi notablement son corpus de données, l'a autorisée à mener une analyse com parative des différents types de représentations de la famille et plus particuliè rement des modes de discours tenus sur elle. L'enquête lexicographique à laquelle elle a soumis les trois principaux ensembles de textes (vies de saints, documents législatifs et diplomatiques, chroniques) est de ce point de vue particulièrement éclairante: qui eût pu penser qu'un même auteur (Grégoire de Tours) utilise, d'une œuvre à l'autre, des registres lexicaux différents pour évoquer les relations de parenté? Or les décomptes effectués par I. Réal mon trent sans ambiguïté que si son Histoire des Francs est d'une tonalité claire ment virile, privilégiant fils et frères, ce sont les références à la mère qui l'emportent dans ses Vies de saints qui par ailleurs font une large place au couple parental, quasiment ignoré de la chronique. Ainsi l'originalité du récit hagiographique est-elle mieux cernée et ses apports sont-ils mieux identifiés. Il peut et doit dès lors être soumis à une cri tique spécifique, devenir en lui-même objet de questionnement. Le titre même du livre indique la démarche d'Isabelle Réal qui est tout à la fois une enquête (sur la famille) au travers des vies de saints et une recherche propre sur celles-ci. Une double préoccupation l'anime constamment: qu'est-ce que le discours hagiographique nous apprend de la parenté et qu'est-ce que l'étude de la parenté nous apprend du discours hagiographique, et tout particulièrement de son degré de crédibilité? On l'aura compris: ce n'est qu'au terme de son travail-et voilà qui est rare dans une recherche historique - qu'Isabelle Réal a pu se prononcer sur la validité de ses sources, qu'elle a été assurée de pouvoir fournir, à partir de l'hagiographie, autre chose qu'une image pieuse de la famille mérovingienne. Ce pari n'était pas sans courage. Il est brillamment gagné et la masse des informations recueillies est impressionnante. Parmi celles-ci, deux catégories se dessinent nettement: cel les que l'hagiographe nous délivre intentionnellement et celles qui transpa raissent à son insu. Les premières représentent le message qu'il entend adresser aux fidèles et qu'il importe de décrypter exactement, d'une part parce qu'il reflète la politique familiale de l'Eglise, d'autre part parce qu'il influence directement la description des familles. Pour définir ce message, Isabelle Réal n'a pas reculé devant la tâche fastidieuse d'un comptage des répétitions, inventoriant ce qu'elle appelle gentiment le redit, à savoir l'inlas sable rabâchage des mêmes préceptes (celui, par exemple, de bannir toute concupiscence de l'union conjugale, de ne lui assigner d'autre dessein que la PRÉFACE 9 procréation) qui soulignent en fait les constantes de la pastorale; elle n'a pas hésité non plus à retracer dans le long terme - de saint Paul à Césaire d'Arles, en passant par saint Augustin - la genèse de cet enseignement pour identifier les différents éléments de ces « leçons de morale ». Au terme de ce parcours, il apparaît que celles-ci infléchissent beaucoup moins le discours hagiogra phique qu'on n'aurait pu le craindre: ce n'est guère qu'à l'aube des temps carolingiens que l'Eglise entreprendra de remodeler les usages des laïques en matière de mariage ; auparavant, les hagiographes, qui restent dans l'ensem ble fidèles à des idéaux ascétiques et qui cèdent plus que jamais à la fascina tion de la virginité, ne semblent guère préoccupés de promouvoir des images de bonne conjugalité: en tout qts, ce n'est pas pour eux l'essentiel. Du fait de cette relative indifférence, le ri~que est moindre que prévu de ne rencontrer sous leur plume que des familles de convenance. Au demeurant, peu importe, car ces informations intentionnelles sont toujours moins nombreuses et surtout moins intéressantes que celles que l'hagiographe fournit involontairement, tout simplement parce que sa narra tion l'entraîne à restituer dans son contexte l'action de ses saints personnages. Il est donc amené à décrire leur cadre de vie et, pour être crédible, il doit l'évoquer de manière aussi concrète et aussi véridique que possible. D'où une foule de détails qui n'ont souvent qu'un rapport lointain (ou aucun rapport) avec le propos hagiographique, mais qui sont d'un intérêt capital pour l'histo rien des comportements. Isabelle Réal ne boude pas son plaisir à les rappor ter, car il sont tous à leur manière significatifs. Ce sont ces anecdotes qui, mises bout à bout, confèrent vie et couleur à une histoire de la famille qui sans cela pourrait paraître bien conceptuelle. Un exemple entre cent : celui de l'habitation paysanne. On ignorait jusqu'à son nom. Le voici: c'est l'hospitio lum, terme le plus souvent usité pour désigner la demeure des pauperculi et des mulierculae. Et quelques-unes des caractéristiques de ces maisonnettes apparaissent assez bien : elles sont généralement isolées dans la campagne (une seule se trouve dans un village sur la place duquel joue un enfant d'esclave); faites de planches et couvertes de chaume, elles brûlent facilement (trois sont incendiées) ; et cet habitat léger est des plus instables : on le quitte facilement pour s'installer ailleurs (amoto tugurio, «ayant abandonné leur chaumière», dit tout naturellement Grégoire de Tours d'un couple de paysans) . Pour concises qu'elles soient, ces descriptions confirment les don nées de l'archéologie, mais aussi elles les nuancent: ces huttes sont parfois moins sommaires qu'on ne pourrait le penser: à l'occasion est signalée une chambre (cubiculum) ou une pièce annexe (cellier à provisions) cependant qu'apparaissent des éléments de mobilier (un lit, un coffre, un berceau, des ustensiles de fer ... ).Bien qu'elles qualifient uniformément les paysans de pau- 10 PRÉFACE peres ou de pauperculi, les vies de saints montrent que ceux-ci sont loin d'être tous des misérables (deux d'entre eux possèdent une paire de bœufs) et que certains pourraient être regardés comme de petits ou moyens propriétaires. Ceci dit, les vrais indigents ne manquent pas non plus. Sur bien des sujets, les vies de saints disent donc bien au-delà de ce qu'elles entendent dire. Mais on peut aussi les interroger sur ce qu'elles cher chent à taire. L'art d'Isabelle Réal est alors de faire parler le non dit. Elle repère avec soin les thèmes qui sont objet d'auto-censure. Oublié, le viol. Pudique ment occulté, le rapt. Tout juste un ou deux cas de bigamie sont-ils mention nés et encore à contre-cœur. Les conflits parents-enfants ne sont eux-mêmes presque jamais évoqués. Pourquoi de tels silences? Ne peut-on avancer, par hypothèse, que l'hagiographie mérovingienne, contrairement à celle d'épo ques postérieures (XIe-XIIe siècles par exemple), répugne aux miracles de châtiment 7 Comme les saints ne sévissent que rarement, les scènes de vio lence dans lesquelles ils seraient amenés à intervenir ne sont que peu men tionnées par les hagiographes qui tiennent à conserver à leurs héros leur statut d'« amis invisibles» (selon l'expression de P. Brown), bienfaisants plu tôt que redoutables, pacifiques plutôt que vengeurs. L'information présente donc des lacunes, qu'elles résultent d'une volonté délibérée d'occultation ou qu'elles découlent plus simplement du peu d'intérêt des hagiographes. Mais il est rare que ces manques ne soient pas compensés par les apports des autres sources, en particulier historiographiques : dans le cas des descriptions de violences, ils le sont à profusion. Il n'est donc pas de secteur de l'histoire de la parenté qui ne puisse être exploré avec profit. Il ne me revient pas ici d'énumérer toutes les pistes que suit Isabelle Réal : elles sont beaucoup trop diverses et d'ailleurs les dévoiler serait gâcher le plaisir du lecteur. je voudrais juste m'attarder quelques ins tants sur ce qui apparaîtra à beaucoup comme l'un des points forts de l'enquête: la primauté de la cellule conjugale. Celle-ci est surabondamment prouvée: parmi les termes désignant des relations de parenté dans les vies de saints, les trois plus fortes fréquences sont relatives à la mère, au fils et aux parents (en tant que couple parental); les sept suivantes concernent aussi des membres de la famille nucléaire (père, épouse, fille, enfants, frère, mari, sœur). Comme les autres sources mettent aussi en exergue cette parenté pri maire (entre 75 et 95% des mentions), la cause semble entendue. Mais Isabelle Réal ne se contente pas de ce constat. Elle recherche aussi les origines de cette montée en puissance du couple et de son affirmation comme pôle de la structure familiale. Elle rejette l'idée qui y voit le seul effet de la christianisation. S'appuyant sur les travaux de Paul Veyne qui a décrit la pro ne gressive élaboration, dès le siècle, de ce modèle COnJUgal dans la Rome PRÉFACE 11 antique, elle y discerne essentiellement un legs de la Basse Antiquité assimilé par la société mérovingienne (gallo-romaine, mais aussi germanique) avant d'être reconnu et promu par l'Eglise. Par ailleurs, bien qu'elle en fasse son objectif privilégié, elle n'isole jamais cette famille nucléaire de son environne ment et plus particulièrement du groupe des apparentés qui l'entoure. Pour étudier celui-ci, elle a plus que jamais recours à des méthodologies emprun tées à l'anthropologie et elle sait les adapter - même si l'exercice n'est pas facile - aux problématiques et à la documentation propre à l'époque mérovingienne. Les résultats, exprimés dans des tableaux et des graphiques très précieux, confirment les intuitions initiales : certes, la famille conjugale s'insère dans un deuxième cercle composé de consanguins et d'alliés, voire d'amis, mais elle n'entretient avec eux que des relations circonstancielles (même si à l'occasion, celles-ci peuvent s'avérer décisives, en bien ou en mal). Cette démonstration assurée, Isabelle Réal peut développer son étude dans bien des directions et elle ne se prive pas de nous donner un tableau étendu des structures de parenté, de nous montrer par exemple comment celles-ci s'organisent selon un schéma indifférencié, les deux branches, maternelle et paternelle, comptant à parts égales. Et bien entendu - passage obligé de toute recherche d'inspiration anthropologique - elle n'omet pas d'analyser les stra tégies, les règles et les rites de l'alliance matrimoniale. Elle le fait brillamment et longuement: c'est l'objet de toute sa deuxième partie. Déjà tout au long de celle-ci, les analyses lexicographiques et les décomptes statistiques avaient souvent laissé la place à de belles histoires, tel les que l'hagiographie sait en fournir. Dans sa troisième partie, où elle pénètre au plus intime des relations familiales, où elle s'aventure sur les chemins sinueux de l'histoire de l'affectivité, Isabelle Réal, sans jamais renoncer à sa rigueur scientifique, s'abandonne plus volontiers à la narration et, comme elle sait conter à merveille, nul ne s'en plaindra. Souvent, s'effaçant derrière ses personnages, elle leur laisse la parole et voilà qu'on entend leurs dialogues: « mon bien aimé », « mon chéri » disent des femmes à leurs maris qui leur répondent « ma belle », « ma très douce ». . . Banalités ? Mièvreries? N'oublions pas que nous sommes à l'époque mérovingienne, constamment présentée comme un temps de bruit et de fureur. Les scènes simples et paisi bles de la vie privée que nous dépeint Isabelle Réal viennent donc en contre point du spectacle brutal, souvent sanglant, des empoignades en place publique. Sur la pointe des pieds, la tendresse fait son apparition, même si parfois elle doit le disputer à la trivialité : car voici le roi Chilpéric saluant son épouse adorée d'un coup de bâton sur les fesses ... Etonnantes anecdotes où les mots doux alternent avec les gestes tendres, mais où le sexe dit fort garde ses privautés : Isabelle Réal n'oublie jamais qu'à une exception près (la

Description:
Les histoires de famille ne manquent pas dans les Vies de saints. Riches et foisonnantes, elles projettent l'image d'une cellule familiale bien vivante montrée dans son intimité, celle du couple et de ses enfants, autour de laquelle se déploie un groupe de parenté plus large qui sait à l'occasi
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