UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE ECOLE DOCTORALE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES LABORATOIRE DE DROIT PRIVE ET DE SCIENCES CRIMINELLES Thèse présentée pour obtenir le grade universitaire de docteur et soutenue publiquement le 26 juin 2017 par Julien LARREGUE Décoder la génétique du crime. Développement, structure et enjeux de la criminologie biosociale aux Etats-Unis. Decoding the genetics of crime. Development, structure and stakes of biosocial criminology in the United States. Jury : Michel DUBOIS - rapporteur Directeur de recherche au CNRS, Unité Mixte Internationale EPIDAPO CNRS – UCLA, Los Angeles Xavier PIN – rapporteur Professeur à l’Université Jean Moulin – Lyon 3, Laboratoire de Droit Privé Laurent MUCCHIELLI – examinateur Directeur de recherche au CNRS, Aix-Marseille Université, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie Pierrette PONCELA – examinateur Professeur émérite de l’Université Paris-Nanterre, Centre de Droit Pénal et Criminologie Muriel GIACOPELLI – directeur de recherche Professeur à Aix-Marseille Université, Laboratoire de Droit privé et de Sciences Criminelles Sacha RAOULT – directeur de recherche Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Laboratoire de Droit privé et de Sciences Criminelles, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie, Andrew W. Mellon Fellow à University of Chicago (Division des Sciences Sociales) Décoder la génétique du crime Développement, structure et enjeux de la criminologie biosociale aux Etats-Unis Remerciements Cette thèse doit beaucoup à la générosité de nombre de collègues et amis. J’exprime ma plus profonde gratitude à mes deux directeurs de thèse, Muriel Giacopelli et Sacha Raoult, pour leur présence et leur accompagnement indéfectibles dans cette épreuve qu’est le doctorat. Je remercie Sacha Raoult pour son enthousiasme et sa direction scientifique. Sa patience et sa disponibilité ont été particulièrement appréciées, tout comme la qualité et la pertinence de ses conseils. Je lui suis extrêmement reconnaissant de m’avoir permis de passer plusieurs mois aux Etats-Unis afin de parfaire mes recherches. Je remercie également Muriel Giacopelli, sans qui cette thèse ne serait pas. Sa présence rassurante et la confiance qu’elle a placée en moi en m’attribuant notamment plusieurs heures de cours au sein du diplôme de sciences pénales et de criminologie à Aix-Marseille Université m’ont permis de mener ce projet de recherche à son terme. Les quelques mois passés à l’University of Chicago en décembre 2014 puis de février à avril 2015 ont été d’une importance primordiale. Je remercie en particulier Andrew Abbott, pour les longues heures passées dans son bureau à discuter du système universitaire états-unien. Je remercie également James Evans et toute l’équipe du Knowledge Lab, dont les workshops hebdomadaires ont été une précieuse source d’inspiration et de motivation. En Californie, je remercie Jonathan Simon et Johann Koehler, qui se sont montrés disponibles et intéressés par mes travaux lors de mon passage à University of California Berkeley, ainsi que Carroll Seron et Charis Kubrin pour m’avoir si chaleureusement reçu à University of California Irvine. Enfin, je remercie bien évidemment mon directeur de thèse Sacha Raoult, sans qui cette expérience états- unienne n’aurait pas été possible. La présentation de mes travaux lors de la journée d’étude Bourdieu-Abbott organisée par Julie Patarin-Jossec, Pascal Ragouet et Antoine Roger au Centre Emile Durkheim à Bordeaux en juin 2016 a été particulièrement bénéfique et m’a permis de mieux articuler mon cadre théorique. Je remercie notamment Arnaud Saint-Martin pour ses excellents conseils. Je remercie également les participants de la journée d’étude organisée par l’Institut des Amériques à Sciences Po Aix-en-Provence en octobre 2016, en particulier André Roux qui a pris son rôle de discutant très au sérieux et dont les conseils m’ont permis de clarifier mon propos. IV Mes recherches ont pu bénéficier des lectures attentives et des conseils attentionnés de Andrew Abbott, James Evans, Jonathan Simon, Loïc Wacquant, Yves Gingras, Laurent Mucchielli, Warren Azoulay, Johann Koehler et Oliver Rollins. Je remercie également le comité éditorial et les relecteurs anonymes de Déviance et Société, Champ Pénal et de la Revue de Science Criminelle, dont les commentaires et les conseils ont grandement amélioré la qualité de mes recherches. Toutes les erreurs restantes sont évidemment les miennes. Je suis infiniment reconnaissant à Michel Dubois, Xavier Pin, Laurent Mucchielli et Pierrette Poncela d’avoir accepté de prendre part à mon jury de thèse. Enfin, je remercie les criminologues biosociaux états-uniens et leurs critiques qui se sont longuement entretenus avec moi et dont les expériences ont constitué une source de données inestimable pour l’écriture de cette thèse. V Avant-propos Le lecteur pourra se montrer surpris par cette thèse de « droit privé et sciences criminelles » qui a préféré mobiliser la sociologie des sciences plutôt que les outils traditionnels de l’analyse juridique. Bien que surprenant, ce choix émane d’une réalité qui est quant à elle bien connue des juristes, celle de la confrontation récurrente des pénalistes à des savoirs scientifiques sur leurs objets produits à partir de méthodes diverses, qu'ils sont ensuite conduits à enseigner dans les instituts de criminologie. Comme le montre Laurent Mucchielli dans ses travaux sur l'histoire de la criminologie française, la recherche criminologique est principalement produite en dehors des facultés de droit, mais les juristes jouent un rôle majeur dans la transmission des connaissances1. Ce rôle a d'ailleurs été réaffirmé lors de l’intense mobilisation qui a suivi la création d’une section 75 « criminologie » au sein du CNU en 2012, section qui aurait amputé la section 01 de sa partie « sciences criminelles ». Mais comment enseigner un savoir produit par d’autres disciplines ? Comment les juristes devraient-ils procéder pour transmettre les résultats et les théories de la criminologie ? Jusqu’à présent, les pénalistes ont adopté me semble-t-il deux attitudes principales face aux difficultés posées par l’enseignement de la criminologie. Une première attitude, que l’on pourrait qualifier de dogmatique, a consisté à fonder l’enseignement de la criminologie sur un ou plusieurs travaux jugés particulièrement importants ou pertinents, en ignorant au besoin les recherches qui iraient à l’encontre de l’enseignement prodigué. Une seconde attitude, que l’on peut qualifier de synthétique, a consisté à tenter d’effectuer une synthèse des savoirs produits au sein de disciplines différentes – la sociologie, l’économie, la psychologie, la psychiatrie, la génétique – afin d’en extraire, en quelque sorte, la substantifique moelle. Ce travail de thèse s’inscrit dans une dynamique collective qui tente de proposer une troisième alternative à la façon dont les données criminologiques peuvent être comprises. Les approches dogmatique et synthétique présentent la faiblesse d’ignorer dans une large mesure les controverses et les désaccords scientifiques qui peuvent exister au sein des disciplines qui produisent le savoir criminologique. Or, le niveau de 1 Laurent Mucchielli (ed.), Histoire de la criminologie française, Paris, Editions l’Harmattan, 1994 ; Laurent Mucchielli, « L’impossible constitution d’une discipline criminologique en France : Cadres institutionnels, enjeux normatifs et développements de la recherche des années 1880 à nos jours », Criminologie, Criminologie, 2004, vol. 37, no 1, p. 13(cid:1)42. VI controverses dans les discours sur le crime et l'institution pénale est élevé. On doit soit choisir d'ignorer les controverses, soit trouver une façon de les comprendre au mieux. Après avoir discuté de ces difficultés avec Sacha Raoult, Andrew Abbott et James Evans ainsi que l’équipe du Knowledge Lab à University of Chicago, il est apparu que la sociologie des sciences était l’outil le plus pertinent pour s’approprier le savoir sur le crime et transmettre des connaissances controversées. En empruntant cette voie, comme on le verra au cours de l’introduction, notre travail s'inscrit dans une démarche plus générale adoptée récemment par des pénalistes et des socio-criminologues. Ainsi, les criminologues nord-américains Robert Sampson (Harvard University), John Laub (University of Maryland) ou Martin Dufresne (Université d’Ottawa) ont déployé la sociologie des sciences depuis les années 1990 – mobilisant par exemple la théorie de l’acteur-réseau conçue par le sociologue des sciences Bruno Latour – pour comprendre les controverses sur les facteurs biologiques du crime2. De même, Bernard Harcourt, professeur de droit à Columbia University et directeur d’études à l’EHESS, avait procédé à une « sociologie de la connaissance » pour comprendre l’avènement des méthodes actuarielles de prédiction de la récidive3. Enfin, mon directeur de thèse, Sacha Raoult, emploie également la même approche pour comprendre les débats sur l'efficacité des peines4. En prenant pour objet l’étude des facteurs biologiques du crime dans la criminologie états-unienne contemporaine, cette thèse doit pouvoir permettre de comprendre les mécanismes de production des connaissances qui seront ensuite enseignées dans les facultés de droit françaises, ainsi que les enjeux de pouvoir et les enjeux méthodologiques et conceptuels qui sont invisibles à ceux qui sont extérieurs à ces disciplines. L’auteur espère ainsi à la fois avoir contribué à la connaissance de l'objet 2 John H. Laub et Robert J. Sampson, « The Sutherland-Glueck debate: On the sociology of criminological knowledge », American Journal of Sociology, 1991, vol. 96, no 6, p. 1402–1440 ; Martin Dufresne, « How Does a Gene in a Scientific Journal Affect My Future Behavior? » dans Dominique Robert et Martin Dufresne (eds.), Actor-Network Theory and Crime Studies: Explorations in Science and Technology, New York, Routledge, 2016, p. 37(cid:1)50. 3 Bernard E. Harcourt, « Surveiller et punir à l’âge actuariel », Déviance et Société, 2011, vol. 35, no 1, p. 5(cid:1)33. 4 Sacha Raoult, « L’évaluation du risque de récidive : l’expert, le politique et la production du chiffre », Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé, 2014, vol. 3, p. 655(cid:1)668 ; Sacha Raoult, La production du savoir sur l’efficacité des peines, Mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, Aix- Marseille Université, Aix-en-Provence, 2014 ; Sacha Raoult, « Des méthodes et des hommes. La production sociale du savoir sur l’efficacité de la peine de mort », Déviance et Société, 2015, vol. 39, no 1, p. 99(cid:1)121 ; Sacha Raoult, « Récidive : trois ans après la conférence, pourquoi il n’y a toujours pas de consensus », Actualité Juridique Pénal, 2016, no 1, p. 25(cid:1)28. VII « criminologie biosociale », mais aussi à l'approfondissement de cette troisième alternative. Il espère qu'elle ouvrira des pistes prometteuses dans l’enseignement et dans la recherche en droit pénal et sciences criminelles. VIII IX
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