TRESOR DE MONNAIES D'ARGENT e e DES XVI ET XVII SIÈCLES DÉCOUVERT À IS-SUR-TILLE par Henri-Antoine PETIT et Jacques MEISSONNIER* En 1986, une cave du centre ville d'Is-sur-Tille a été recreusée. Au pied de l'escalier un pot en terre cuite rouge a été découvert et brisé, il avait une vingtaine de centimètres de hauteur et dix à quinze centimètres de diamètre, il contenait des monnaies. Aussitôt, le propriétaire a récupéré les monnaies et a tout fait disparaître. Il a probablement écoulé les monnaies sur le marché parisien. Cette découverte n'a été portée à la connaissance du Service Régional de l'Archéologie de Bourgogne qu'au début de l'année 1998. Trente-cinq pièces qui ont été trouvées sur le tas de déblais dans la rue, ont échappé à la dispersion. Il n'en reste plus aujourd'hui que trente-quatre qui nous ont été confiées pour étude. Ces trente-quatre monnaies ne constituent donc que les maigres vestiges d'un trésor qui devait comporter plusieurs centaines de pièces. L'ensemble du trésor ayant péri corps et biens par cupidité, il est fort utile de publier en détail ce qui en subsiste, même si les conclusions doivent être prudentes en raison de la faible représentativité de l'échantillon conservé. * Nous tenons à remercier le propriétaire qui nous a confié ses monnaies et qui tient à garder l'anonymat. Les monnaies ont été examinées au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale de France par Michel Dhénin, Conserva- teur en Chef, mais c'est Henri-Antoine Petit qui en a rédigé la description numis- matique et qui les a référencées. Jacques Meissonnier a saisi l'ensemble et rédigé le commentaire, il a également moulé les monnaies et photographié les moulages. Les tirages photographiques sont de Jean-Luc Duthu, photographe au Service régional de l'Inventaire de Bourgogne, que nous remercions vivement. © Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, T. XXXVIII, 1997-1999, p. 173-206. 174 HENRI-ANTOINE PETIT ET JACQUES MEISSONNIER COMPOSITION DU TRÉSOR Ce qu'il reste du trésor est composé uniquement de monnaies en argent, trente-trois quarts d'écu et un huitième d'écu. Les circons- tances de récupération des trente-quatre monnaies étudiées donnent à penser qu'il en était de même dans l'ensemble du trésor : trésor de monnaies d'argent sans monnaie d'or, ni monnaie de cuivre. La per- sonne qui a rassemblé ce trésor disposait d'une certaine aisance pour amasser une telle quantité de monnaies d'argent, mais cette aisance n'était pas considérable, car alors, elle aurait rassemblé des monnaies d'or. Le trésor n'est composé, à une exception près, que de quarts d'écu qui est au début du XVIIe siècle la plus grosse monnaie de bon argent. Ceci indique clairement la volonté de thésaurisation du pro- priétaire du trésor. Le trésor ne comporte pas non plus de monnaie de cuivre, comme auraient pu en rassembler de petites gens. Il s'agit là d'un geste d'épargne où l'on met de côté les monnaies de la plus grosse valeur dont on dispose. Les trente-quatre monnaies conservées du trésor représentent la valeur de 8 écus et 3/8e, c'est-à-dire l'équi- valent d'un peu plus de huit pièces d'or de l'époque. Jean Lafaurie (1) a calculé les masses d'argent monnayé année par année. Hélas, nous ne disposons pas des mêmes chiffres pour le règne de Louis XIII. Dans le tableau qui suit (Fig. 1), nous avons placé en regard des poids d'argent monnayé le nombre d'exemplaires du même millésime, depuis 1578 (application de la réforme de 1577) à 1610 (mort d'Henri IV). Il est clair que, globalement, ce sont des exemplaires des années les plus productives qui sont conservés et recueillis par hasard. Pour le règne d'Henri III, quatre des cinq années à plus de vingt tonnes sont représentées et deux des trois plus grosses années le sont avec plusieurs exemplaires. Sous Henri IV, des onze années où la production a dépassé les dix tonnes, il n'y a que quatre absentes ; les deux seules années ayant plusieurs exemplaires sont bien les deux années les plus productives de tout le règne. Toujours grâce aux chiffres fournis par J. Lafaurie, nous avons établi un tableau regroupant le nombre de quarts d'écu mis en boîte par atelier et par année de 1578 à 1610. Nous ne donnons ci-après que les totaux, avec en regard les monnaies d'Is-sur-Tille (Fig. 2). Le huitième d'écu ainsi que la monnaie dont le millésime est impossible 1. LAFAURIE, 1956, p. 159. MONNAIES D ARGENT A IS-SUR-TILLE 175 Année Poids Is-sur-Tille Année Poids Is-sur-Tille d'argent d'argent monnayé monnayé 1578 13510 _ 1598 4 344 1579 12 888 - 1599 8 813 1580 15 803 - 1600 4 820 1581 51 159 2 1601 9 045 1582 27 876 - 1602 14 867 1 1583 25 303 3 1603 36 945 3 1584 21 266 - 1604 11 723 1585 15 807 2 1605 28 185 1586 12 554 1 1606 17 166 1587 13 656 - 1607 11 677 1588 24 367 1 1608 10 862 1589 20 184 1 1609 6 128 1590 19 199 1 1610 6 694 1591 21 633 - 1615 1592 12 595 1 1616 1593 4 877 1 1617 1594 6 701 1 1619 1595 5 472 - 1624 1596 8 677 - Louis XIII 1597 10 062 1 Fie 1 - Tableau indiquant le poids d'argent monnayé (en kilogrammes d'argent) en quart et huitièmes d'écu chaque année entre 1577 et 1610 et la répartition chronologique des monnaies du trésor d'Is-sur-Tille (d'après LAFAURIE, 1956, p. 159). à deviner ont été exclus du tableau, ce qui aboutit donc à un total de 27 monnaies pour notre trésor. Ceci donne une idée très précise (à défaut du chiffre exact de production) du volume de production de chaque atelier et permet de comparer les volumes de frappe des ate- liers entre eux. En effet, les ateliers devaient envoyer des échantillons de leur production à la Cour des Monnaies pour vérification propor- tionnellement à la quantité de monnaies frappées ; ce sont les pièces « mises en boîtes ». En principe, un quart d'écu est mis en boîte pour 176 HENRI-ANTOINE PETIT ET JACQUES MEISSONNIER une production de 18 marcs d'argent (soit 1 pièce pour 453 environ, un marc pèse environ 244 g) (2). Les monnaies mises en boîte sont enregistrées et les registres en sont conservés en archives, sauf pour Morlaas et Pau. Là encore, nous vérifions que ce sont les ateliers les plus productifs qui sont représentés dans le trésor d'Is-sur-Tille qui constitue bien une ponction aléatoire dans les monnaies en circula- tion à l'époque. Le tableau montre aisément la diversité et la multi- plicité des ateliers, l'irrégularité des quantités frappées aussi bien d'une année à l'autre que d'un atelier à l'autre. Ce sont bien Nantes, Rennes et Bayonne qui sont les mieux représentés et qui ont tous trois plus de 10 000 mises en boîtes. Ensuite, parmi les ateliers encore importants avec plus de 1 000 mises en boîte, seuls La Rochelle, Paris, Rouen, Toulouse et Tours manquent à Is-sur-Tille. Il est éton- nant de trouver une monnaie de Grenoble qui a pourtant eu une pro- duction réduite, pendant cinq ans seulement au milieu du règne d'Henri IV. Au premier abord, la répartition par atelier des monnaies d'Is- sur-Tille est surprenante, car aucune monnaie n'est issue d'ateliers de la région. Au contraire, les ateliers de l'ouest de la France dominent, quasiment du littoral de Saint-Lô à Bayonne. Seules les monnaies de Grenoble et Montpellier ont une origine géographique nettement dif- férente. Les chiffres de mises en boîte sont là pour nous éviter de croire à une invasion de soldats venus de l'Ouest avec leur solde. En fait, la répartition par atelier est beaucoup plus tributaire de l'activité productive des ateliers que de leur proximité géographique d'Is-sur- Tille. L'activité des ateliers monétaires français à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècles est vraiment liée à l'arrivée de l'argent des Amériques et aux relations avec la Péninsule ibérique. J. Lafaurie n'a pas publié le tome trois de sa série qui aurait concerné le règne de Louis XIII et qui aurait donné les chiffres de pro- duction selon les mêmes critères que pour les règnes précédents. F. Droulers donne des chiffres de production fondés sur les mises en boîtes (3) ; nous avons regroupé ses chiffres pour le quart d'écu sous Louis XIII, dans un tableau par année et par atelier dont nous ne don- nons ci-après que les totaux (Fig. 3). Là encore, ce sont bien les années et les ateliers les plus productifs qui sont représentés dans ce qui reste du trésor d'Is-sur-Tille. Entre 1610 et 1625, les années représentées ont une production d'au moins 200 000 pièces et l'année la plus forte 2. LAFAURIE, 1956, p. XII-XIII. 3. DROULERS, 1987, p. 55 à 77. MONNAIES D'ARGENT À IS-SUR-TILLE 177 Atelier Mises en boîte Is-sur-Tille Aix 505,5 _ Amiens 181 - Angers 5 950 2 Bayonne 10 982 4 Bordeaux 3 083 2 Bourges 66 - Compiègne 50 - Dijon 36 - Dinan 636 - Grenoble 231 1 La Rochelle 3 893 - Limoges 110 - Lyon 155 - Montpellier 1 092 1 Morlaas ? 2 Nantes 23 177 9 Paris 6 148 - Pau ? - Poitiers 273 - Rennes 37 102,5 4 Riom 36,5 - Rouen 2 016 - Saint-Lô 5 919,5 2 Toulouse 2 619,5 - Tours 1 210,5 - Troyes 21,5 - Villeneuve 218,5 - TOTAL 27 Fie 2 - Tableau regroupant le nombre total de quarts d'écu mis en boîte par atelier de 1578 à 1610 avec en regard les monnaies d'Is-sur-Tille. 178 HENRI-ANTOINE PETIT ET JACQUES MEISSONNIER Année Quarts d'écus Atelier Quartsd'écus 1610 373 842 A Paris 10 717 505 1611 678 581 AR Arras 294 560 1612 835 523 B Rouen 759 813 1613 641 460 C Saint-Lô 301 821 1614 470 762 D Lyon 109 081 1615 1 350 190 E Tours 227 535 1616 533 466 F Angers 462 922 1617 301 470 G Poitiers 41 857 1618 288 544 H La Rochelle 171 101 1619 150 591 I Limoges 34 642 1620 77 919 K Bordeaux 644 113 1621 169 848 L Bayonne 1 749 610 1622 224 932 M Toulouse 734 167 1623 253 479 N Montpellier 52 154 1624 200 471 P Dijon 13 381 1625 62 991 S Troyes 0 1626 42 110 T Nantes 1 416 408 1627 215 511 X Amiens 52 078 1628 245 044 Y Bourges 8 233 1629 561 138 Z Grenoble 35 869 1630 34 902 9 Rennes 1 826 141 1631 215 414 & Aix 204 474 1632 82 763 St Palais 608 110 1633 16 657 Morlaas 555 348 1634 11 340 Pau 343 081 1635 0 TOTAL 21 364 004 1636 44 648 1637 10 503 1638 0 1639 20 412 1640 24 646 1641 70 157 1642 3 975 929 1643 9 178 761 TOTAL 21 364 004 FIG. 3 - Nombre de quarts d'écu produits par année et par atelier sous Louis XIII d'après DROULERS, 1987, p. 55-77. Les données ne sont pas toujours connues pour tous les ateliers et toutes les années. Les millésimes présents à un seul exemplaire à Is-sur-Tille sont : 1615, 1616, 1617, 1624 (plus une monnaie au millésime invisible et une frappée entre 1619 et 1625). Les ateliers sont classés par ordre alphabétique de leur marque figurant à la pointe de l'écu du revers des pièces, rappelée ici devant le nom de la ville. Dans le trésor d'Is-sur-Tille, les ateliers présents sont Nantes (3 exemplaires) et Pau (2 exemplaires) plus un exemplaire du Béarn à l'atelier illisible. MONNAIES D'ARGENT À IS-SUR-TILLE 179 (1615 avec 1 350 190 pièces) est bien présente. Seuls les ateliers de Nantes et Pau figurent dans le trésor avec trois et deux monnaies chacun. Pour la période considérée, ce sont les deux ateliers les plus actifs, sauf Rouen dont le gros chiffre de production est limité à l'an- née 1615, et Bayonne. Tous les autres ateliers qui ont des chiffres de production supérieurs à Nantes et Pau sous Louis XIII, ne les doivent qu'aux frappes massives des deux dernières années du règne (1642- 1643) qui voient la mise en place de la réforme monétaire de 1636 qui abaisse le poids du quart d'écu de 9,712 g à 6,862 g et sa valeur de 192 à 240 deniers et qui introduit la grosse pièce de l'écu d'argent à 27,45 g. Si cette grosse pièce avait été en circulation au moment de la thé- saurisation du trésor d'Is-sur-Tille, elle y aurait figuré. Régulièrement, chaque nouveau trésor apporte son lot de variantes par rapport aux ouvrages de référence de Lafaurie et Duplessy. Le trésor d'Is-sur-Tille n'échappe pas à la règle. Les mon- naies n° 4, 7, 8, 14, 15, 18, 28, 30 et 34 décrites ci-après représentent des variantes dues aux multiples possibilités de ponctuation et d'abréviation des légendes. La monnaie n° 26 semble inédite car sa légende diffère de la légende habituelle. La monnaie n° 16 est rare parce qu'elle a été frappée à Grenoble qui n'a eu qu'une faible production (PI. 1-6). HISTOIRE ET CIRCULATION MONÉTAIRE D'HENRI III À Louis XIII. L'ordonnance prise par Henri III en septembre 1577 crée une nouvelle unité de compte, l'écu. L'écu correspond à une monnaie d'or de 6,74 g à 23 carats. L'or et l'argent sont établis dans un rapport de 1 à 11 pour le métal pur (1 g d'or = 11 g d'argent) et de 1 à 11,5 pour les monnaies elles-mêmes qui ont un titre de 917 millièmes d'argent et un poids théorique de 9,712 g (quart d'écu) et 4,856 g (huitième d'écu). Le titre de ces monnaies d'argent est le même que celui des monnaies espagnoles (réaux d'argent) par lesquelles s'effectue le transfert dans la circulation monétaire européenne de l'argent des Amériques. La transformation pouvait se faire par simple refonte des espèces espagnoles sans affinage ni alliage. Les monnaies françaises portent au revers la marque de leur valeur par rapport à l'écu : II et II de part et d'autre de l'écu de France pour le quart ; V et III de part et d'autre de l'écu de France pour le huitième d'écu. Le nom de la mon- naie est exprimé par la représentation même du revers : un blason en forme de bouclier ou écu aux armes de France, c'est-à-dire trois fleurs de lis. Cette ordonnance prend effet au 1er janvier 1578. Ceci explique 180 HENRI-ANTOINE PETIT ET JACQUES MEISSONN1ER qu'aucune monnaie antérieure ne figure dans le trésor d'Is-sur-Tille dont les monnaies les plus anciennes portent le millésime de 1581, première année de grosse production et année la plus active pour l'ar- gent aussi bien sous Henri III que sous Henri IV. C'est également en 1577 que la frappe de monnaies de cuivre commence en France. Elles vont prendre la place des monnaies de billon (argent à bas titre) dites « monnaies noires ». Ces monnaies de cuivre dont le métal vient de Suède, sont destinées aux transactions de la vie quotidienne, aux menus achats, mais aussi aux aumônes qui représentent à l'époque une forte demande en petite monnaie (4). Dans le trésor d'Is-sur-Tille, il ne figure ni monnaie de cuivre, ni monnaie noire. La thésaurisation a porté uniquement sur des mon- naies de bon argent. Henri III est couronné roi de Pologne le 21 février 1574, mais il s'enfuit de Cracovie dès le 18 juin de la même année, quatre jours après avoir eu connaissance de la mort de Charles IX et donc de son accession au trône de France. Malgré sa désertion, il conserve tou- jours son titre de « roi de Pologne » dans ses titulatures monétaires, ainsi qu'en témoignent les monnaies du trésor d'Is-sur-Tille. La Ligue catholique, « véritable mouvement de défense contre l'exaspé- ration des protestants, après le massacre de la Saint-Barthélémy » (5) réagit à la politique d'Henri III et ouvre plusieurs ateliers monétaires. Certains ateliers officiels tombent aussi entre les mains de la Ligue. La confusion est à son comble lorsque Henri III est assassiné en 1589 et qu'Henri de Navarre, protestant, lui succède. Le trésor d'Is-sur- Tille comporte deux monnaies de la Ligue frappées en 1592 et 1594 au nom Charles de Bourbon, cardinal-archevêque de Rouen, pro- clamé Charles X ; il ne comporte aucune monnaie de la Ligue frap- pée au nom d'Henri III. Henri IV est amené à reconquérir son royaume. C'est dans ce cadre qu'il décrie les monnaies de la Ligue de façon à faire tomber dans l'oubli ses anciens adversaires. Mais ces mesures ont plutôt manqué d'efficacité, car on retrouve des monnaies de la Ligue dans la plupart des trésors enfouis jusque sous Louis XIV. Ainsi le trésor d'Is-sur-Tille dont les monnaies les plus récentes sont au nom de Louis XIII comportent deux monnaies de la Ligue sur un total de trente-quatre. Les derniers ateliers monétaires ralliés à Henri IV après son abjuration le firent en 1598. 4. MOESGAARD, 1999, p. 102-103. 5. LAFAURIE, 1956, p. 98. MONNAIES D'ARGENT À IS-SUR-TILLE 181 En relation avec les arrivages massifs d'argent des Amériques et au moment où les arrivages d'or cessent pratiquement, Henri IV réévalue légèrement le quart d'écu en 1602, en le faisant passer de 180 à 192 deniers tournois (de 15 à 16 sous tournois, le sou valant douze deniers). À cette occasion, il ordonne de ne plus compter en écus, mais en livres, sous et deniers, comme on le faisait déjà depuis des siècles. Il met fin ainsi à l'ordonnance de 1577. Henri IV est assassiné le 16 mai 1610, mais toutes les monnaies au millésime de 1610 sont à son nom, car ce n'est que le 11 décembre de la même année qu'un arrêt de la Cour des Monnaies prescrit aux ateliers de forger les monnaies au nom du nouveau roi, Louis XIII. Celui-ci continue la frappe des monnaies comme sous Henri IV, cependant il est amené à réévaluer la monnaie d'argent en 1636 qui passe alors de 192 à 240 deniers. En 1641, il frappe une nouvelle monnaie d'argent, l'écu. Cette grosse pièce d'argent (27,45 g à 917 millièmes) devient très populaire sous Louis XIV (1643-1715). Plusieurs monnaies du trésor sont assez nettement en dessous du poids théorique ; leurs légendes sont généralement hors flan. Ces pièces ont été rognées. Cette pratique courante à l'époque et facilitée par la forme irrégulière des pièces frappées au marteau, consistait à prélever au couteau ou à la cisaille quelques copeaux d'argent sur les bords. Peu visibles au début, ces prélèvements souvent répétés pou- vaient devenir assez lucratifs. Cette pratique rend vaine une étude du frai des monnaies du trésor fondée sur la métrologie. Datation du trésor. Les trente-quatre monnaies examinées sont toutes en argent (33 quart d'écu et 1 huitième d'écu) frappées sous les règnes d'Henri III (1574-1589), d'Henri IV (1589-1610) et de Louis XIII (1610-1643) ainsi que sous la Ligue (1589-1598). Les plus récentes - les six mon- naies au nom de Louis XIII - devraient indiquer la date d'enfouisse- ment du trésor. Elles ont été frappées en 1615, 1616, 1617 et 1624 pour celles dont la date de frappe est lisible. Sur la cinquième, le mil- lésime est illisible, mais grâce au différent du Maître de la Monnaie qui a exercé entre 1619 et 1625, nous avons une fourchette chrono- logique concordante. Quant à la sixième, elle est trop rognée pour espérer en recueillir davantage de précisions que les dates de règne de Louis XIII (1610-1643). Ces monnaies de Louis XIII ne présen- tent pas de grosses traces d'usure dues à une longue circulation, sauf celle frappée entre 1619 et 1625 qui est davantage usée ; aucune n'est 182 HENRI-ANTOINE PETIT ET JACQUES MEISSONNIER cependant fleur de coin, toutes ont bien circulé avant d'être confiées à la terre. La composition du trésor, les chiffres de production et la poli- tique monétaire de Louis XIII, nous amènent à penser que le trésor d'Is-sur-Tille a été rassemblé et caché entre 1624 et 1642, voire entre 1624 et 1636 : 1624 est le dernier millésime visible sur les monnaies conservées, 1636 correspond à une réforme monétaire réévaluant la monnaie d'argent, 1642 voit les productions massives des nouvelles monnaies frappées au balancier, d'un poids plus faible mais très régu- lières. Pendant les dix-sept années qui se sont écoulées entre ces deux dates(1624 et 1642), la production dans le royaume n'a pas dépassé 85 000 quarts d'écu par an, sauf pour quatre années où elle est au- dessus de 200 000 quarts d'écu. Un plus grand nombre de monnaies conservées et la présence ou non de quarts d'écu datés de ces quatre années auraient permis de préciser davantage la date de composition et d'enfouissement du trésor d'Is-sur-Tille. Le nombre réduit de pièces conservées nous obligent à garder une fourchette assez large entre 1624 et 1636 ou 1642. Causes de l'enfouissement du trésor. Quels sont les événements qui ont pu faire enterrer le trésor d'Is-sur-Tille au-delà de 1624-1625 ? Les numismates s'acharnent souvent à mettre en relation l'enfouissement des trésors monétaires avec des événements tragiques : guerres, invasions barbares, incur- sions de pirates, mouvements de troupes armées... Qu'en est-il à cette époque-là en France et dans ce secteur de la Bourgogne ? Les dernières monnaies du trésor d'Is-sur-Tille semblent frap- pées en 1624-1625. À partir de ces dates, les troubles ne manquent pas sous Louis XIII. En effet, 1624 voit l'arrivée au pouvoir de Richelieu qui devient Chef du Conseil du Roi. En 1625, les Hugue- nots se révoltent à nouveau dans la région de la Rochelle, dans les Cévennes et en Languedoc, sous la conduite du duc de Soubise et de son frère Henri de Rohan. En 1626 éclate la guerre avec l'Angleterre. En 1627-1628 prend place le fameux siège de La Rochelle. En 1635, la guerre est déclarée au roi d'Espagne. En 1637, la France attaque la Franche-Comté... La période est donc fort troublée dans l'ensemble du royaume de France. La Bourgogne n'échappe pas au climat général du royaume. Les guerres de religion, la Ligue et la Fronde y ont aussi sévi. Is-sur-Tille a subi le passage des reîtres de Wolfgang de Deux-Ponts en 1569 ; en
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