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Traversées de l'empire PDF

96 Pages·0.808 MB·French
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TRAVERSÉES DE L'EMPIRE Carnets Textes extraits du livre : Movimenti nell'Imperio. Passagi e paesaggi © Rafïàello Cortina Editore, Milano, 2006 © ÉDITIONS DE L'HERNE, 2011 22, rue Mazarine 75006 Paris [email protected] www.lheine.com Antonio Negri TRAVERSÉES DE L'EMPIRE Texte traduit de l'italien et annoté par Judith Revel L'Herne PRÉSENTATION Né en 1933, Toni Negri a connu une destinée politique exceptionnelle, qui prend sa source dans la résistance au fascisme italien. Né dans une famille militante qui a payé un lourd tribut à l'activisme - son père, communiste, sera obligé de quitter sa ville, Bologne, sous le fascisme, après avoir subi des rétorsions violentes -, enfant de cette « plaine du Po » dont il parle volontiers comme d'une terre à la fois rude et féconde, Negri grandit en effet dans le culte du travail et des études, de l'indignation devant l'injustice et de la nécessité de se révolter. Spécialiste de philosophie du droit, il devient, très jeune, professeur à l'uni- versité de Padoue, où il s'impose dès le tout début des années 1960 comme l'un des meilleurs univer- sitaires de sa génération : traducteur en italien de certains écrits de Hegel, spécialiste de l'histori- cisme allemand auquel il consacre son premier grand livre, commentateur de Karl Marx. Engagé dès la fin de ses études aux côtés des plus humbles - dans les usines d'une Vénétie en pleine mutation industrielle -, il devient par ailleurs membre de 7 la revue Quaderni Rossi, où il rejoint des figures intellectuelles de qualité - les sociologues Raniero Panzieri et Romano Alquati, l'historien de la littérature Alberto Asor Rosa, le critique Franco Fortini, les philosophes Mario Tronti et Massimo Cacciari, etc. C'est au sein de la revue que naît ce que l'on appellera le mouvement « ouvriériste » italien (Yoperaismo), c'est-à-dire une lecture de Marx qui insiste sur la centralité des subjectivités ouvrières dans le processus de développement du capitalisme et des luttes qui en minent le fonc- tionnement. À partir du milieu des années 1960, la pratique politique de Negri est en permanence associée à sa recherche intellectuelle. Il fonde un groupe : « Pouvoir ouvrier » (Potere Operaio), qui deviendra par la suite, au milieu des années 1970, « Autonomie ouvrière ». Cette double vocation politique et universitaire lui vaut le surnom de cattivo maestro, littéralement « mauvais maître », d'autant plus, sans doute, qu'il est très rapidement entouré de jeunes assistants qui travaillent avec lui dans l'institut qu'il dirige désor- mais - l'institut de Sciences politiques de l'uni- versité de Padoue - et qui l'accompagnent dans son engagement militant, mais aussi d'étudiants 8 et d'ouvriers. L'accusation qui lui sera faite, bien plus tard, d'avoir « corrompu » la jeunesse - vieux grief qui n'est pas tout à fait nouveau dans l'histoire de la philosophie... - rient sans doute davantage à la difficulté de voir communiquer des mondes sociaux jusqu'alors incompatibles entre eux (l'uni- versité et l'usine, les professeurs et les étudiants, ou les étudiants et les jeunes travailleurs) qu'à un effectif reproche de dévoiement. Durant la longue saison de contestation politique et sociale qui secoue l'Italie dans les années 1970, une partie des « mouvements » nés en 1968 et qui, à la différence de ce qui se passe en France, n'ont pas été « réab- sorbés » par la politique institutionnelle, se durcis- sent. L'État répond très violemment par ce que l'on a depuis appelé la « stratégie de la tension », ou le « terrorisme d'État ». Une partie extrême- ment réduite des militants des mouvements s'arme et passe à la clandestinité et au terrorisme : ce sont les « années de plomb », qui culminent tristement avec l'enlèvement et l'assassinat du chef du parti de centre droite catholique, la Démocratie chrétienne, Aldo Moro, en 1978. Le 7 avril 1979, Toni Negri est emprisonné avec des dizaines d'autres militants de son groupe (dont la quasi-totalité des chercheurs 9 de l'institut de Sciences Politiques de l'université de Padoue) avec l'inculpation d'être le chef occulte des Brigades rouges et le responsable à la fois poli- tique et matériel de la mort d'Aldo Moro et de seize autres personnes. Il est accusé d'insurrection armée contre l'État et de terrorisme, en particulier à partir de déclarations de « repentis » qui seront bien plus tard démenties, et dont il sera démontré qu'ils mentaient pour pouvoir bénéficier de remises de peines prévues en échange de leur collaboration. Negri, qui n'a jamais nié que le recours à la violence pouvait être un instrument de lutte mais qui s'est toujours déclaré contre le terrorisme, restera en prison jusqu'en 1983, en attente de procès, dans des quartiers de haute sécurité. En 1986, les chefs d'inculpation les plus graves seront abandonnés — et en tout premier lieu les liens prétendus entre Negri et les Brigades rouges — : ne resteront que ceux qui portent sur la saison agitée des luttes sociales et poli- tiques des années 1970. En prison, Negri continue à écrire : il publie en particulier un remarquable livre sur Spinoza, qui est salué immédiatement par certains grands spinozistes français - Alexandre Matheron, Gilles Deleuze, Pierre Macherey. Élu député en 1983 sur la liste du Parti radical italien, 10 alors qu'il en est à sa quatrième année de prison sans procès, il bénéficie d'une immunité parlementaire qui lui permet d'être libéré. Quelques mois plus tard, à la suite d'un vote de l'assemblée qui lève cette immunité (par quatre voix de majorité), Toni Negri se réfugie en France. Il devient alors, comme des centaines d'autres activistes italiens, un exilé politique, protégé par ce l'on appellera bientôt la « doctrine Mitterrand » et soutenu par Amnesty international - que les conditions de son incarcé- ration et l'absurdité de certaines des accusations portées contre lui ont fait réagir. Il y enseigne à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, à l'uni- versité de Paris-VIII et au Collège international de philosophie, et se rapproche de Gilles Deleuze et de Félix Guattari, qu'il avait connus dans les années 1970. Mais la fin des années 1990 et le début des années 2000 sont marqués par deux événements importants. De retour en Italie en juillet 1997, où il a décidé volontairement de rentrer pour purger la fin de sa condamnation, Toni Negri est de nouveau incarcéré dès son arrivée Rome. Après deux ans, il est placé en régime de semi-liberté, et à partir de 1999, fait des allers et retours entre son bureau et la prison. Il est définitivement libéré après avoir fait 11 onze ans et demi de prison, en avril 2003. Sur le plan philosophique, c'est une période exceptionnel- lement féconde : avec Michael Hardt, Toni Negri publie en anglais deux œuvres qui seront immé- diatement traduites et commentées dans le monde entier : Empire (2000), dont le New York Times a pu dire à sa parution que c'était la « grande synthèse théorique du nouveau millénaire », le compa- rant au Capital de Marx, et Multitude (2003), qui se rapproche sans doute davantage, pour filer la comparaison, du Manifeste du parti communiste; l'ouvrage s'intéressant aux moyens de résister à l'em- prise du capitalisme global, et tout particulièrement aux nouvelles subjectivités que la mondialisation a produites. Il y a peu, en 2009, le dernier volume de la « trilogie » <X Empire a été publié par Toni Negri et Michael Hardt aux éditions de l'université de Harvard : Commonwealth, qui semble promis au même succès que les deux premiers volumes de la série. Parallèlement, Negri continue son travail sur l'histoire de la pensée politique avec des volumes sur Spinoza ou sur Leopardi ; mais aussi sur la produc- tion artistique contemporaine, ou sur le temps. Les cinq articles recueillis dans ce volume permettent de s'initier ou de voir à l'œuvre 12

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