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Tim Burton - entretiens avec Mark Salisbury PDF

302 Pages·2009·13.41 MB·French
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Entretiens avec Mark Salisbury · Préface de Johnny Depp SONATINE~ Direction éditoriale : François Verdoux Coordination éditoriale : Léonore Dauzier Graphisme : Rémi Pépin -2009 Fabrication : Sandrine Levain Titre original : Burton on Burton Éditeur original : Faber and Faber, Londres © Tim Burton 1995, 2000, 2006, 2009 Texte introductif et commentaires© Mark Salisbury 1995, 2000, 2006, 2009 Préface© Johnny Depp Illustrations intérieures et de couverture © Tim Burton © Sonatine 2009, pour la traduction française Sonatine Éditions 21, rue Weber- 75116 Paris www.sonatine-editions.fr Entretiens avec Mark Salisbury Ti rn Entretiens avec Mark Salisbury Préface de Johnny Depp Préface ra:Johnny Depp E endant l'hiver 19R9,je tournais à Vancouver dans une série télé. J'étais dans une situation compliquée, à savoir pieds et poings liés par un contrat qui obligeait à jouer à la chaîne dans une série un brin fascisante- des histoires de flics dans un collège ... Mon Dieu! Mon destin semblait scellé quelque part entre Chips et.foanil' Lovl's Cluuuizi. Les options qui s'offraient à moi étaient, de surcroît, restreintes: 1/ traverser l'épreuve en faisant de mon mieux et ainsi limiter la casse ; 2/ me faire virer le plus vile possible et subir un retour de bâton plus consé quent; 3/ me faire la malle, purement et simplement, et me retrouver à devoir verser aux producteurs tout l'argent queje gagnerais, 1nais aussi l'argent que gagneraient mes enfants et les enfants de mes enbnLs-ce qui,j'imagine, aurait provoqué de sévères frictions et des éruptions de zona récurrentes durant toute mon existence, ainsi que celle des prochaines générations de Depp. Comme je l'ai dit, mon dilemme était terrible. L'option 3 a immédiatement été éliminée, grâce aux conseils avisés de mon avocat. Quant à l'option 2, malgré tous mes efforts, les producteurs n'ont pas lâché prise. Du coup, je me suis rabattu sur l'option l :endurer l'épreuve en faisant de mon mieux. Très vite,je suis passé de" limiter la casse" à l'autodestruction potentielle .. Je ne me sentais à l'aise ni avec moi-même ni avec cet emprisonnement auto-infligé et incontrôlable qu'un de mes ex-agents m'avait prescrit comme remède au chômage. PRÉF:\C:E 1 5 .J'étais coincé, et je servais de bouche-trou entre les spots de publicité. je bredouillais de manière incohérente les mots d'un scénariste, mots que je ne pouvais me résoudre à lire-restant ainsi dans l'ignor.mce du poison qu'ils pouvaient contenir. Désarçonné, paumé, fourré dans le gosier de l'Amérique tel un jeune républicain, le p'tit minet de la télé, le bourreau des cœurs, l'idole des ados, de la pâture à ados. Affiché, saoulé, breveté, figé, peint, plastifié ! Agrafé à une boîte de céréales sur roues lancée à 250 kilomètres à l'heure sur une voie à sens unique avec collision assurée et fin en bouteille Thermos ou autre antiquité du style cantine. Le minet tout lisse, le minet à succès. Entubé, plumé et sans espoir d'échapper à ce cauchemar. Et puis, un jour, mon nouvel agent m'a envoyé un script, un cadeau tombé du ciel. C'était l'histoire d'un garçon aux mains en forme de ciseaux- un paria innocent vivant en banlieue. j'ai lu le script d'une seule traite et j'ai pleuré comme un nouveau-né. Bouleversé que quelqu'un soit suffisamment brillant pour concevoir, puis écrire cette histoire,je me suis replongé dedans immédiatement. j'ai été si ému et touché que des torrents d'images submergeaient mon cerveau-celles des chiens de mon enfance, des moments où en grandissant je me sentais rejeté et décalé, de l'amour inconditionnel que seuls les enfants et les chiens peuvent avoir les uns pour les autres. je me sentais si proche de cette histoire qu'elle en est devenue obsédante. j'ai lu tous les romans pour enfants, tous les contes de fées, tous les bouquins sur la psychologie enfantine, des livres d'anatomie, vraiment tout et n'importe quoi ... Et puis la réalité a repris le dessus :j'étais le p'tit minet de la télé. Aucun réalisa teur sensé ne m'engagerait pour interpréter ce personnage . .Je n'avais rien fait, sur un plan professionnel, gui puisse prouver que j'étais en mesure de l'incarner. Comment arriver alors à convaincre le réalisateur en charge de ce projet que j'étais Edward, que je le connaissais dans ses moindres recoins? À mes yeux, ça sem blait impossible. Rendez-vous a néanmoins été pris . .Je devais m'entretenir avec le réalisateur, Tim Burton. Pour me préparer à cette rencontre,j'ai regardé ses autres films: Beetlejuice, Batman, Pee-Wee Big Adventum. Atomisé par le talent ensorcelant de ce type, j'étais J encore plus convaincu qu'il lui était impossible de me voir dans ce rôle. étais même gêné par 1' idée que je puisse prétendre être Edward. Après plusieurs ça-sert-à- rien-quej'y-aille-mais-si-tu-iras avec mon agent, elle m'a obligé (merci, Tracey) à accepter ce rendez-vous . .J'ai donc pris l'avion pour Los Angeles et je me suis rendu sans attendre au bar du Bel Age Hotel, où je devais rencomrer Tim Burton et sa productrice, Denise Di Novi. Je suis entré dans la pièce, fumam cigarette sur cigarette, cherchant nerveusement du regard le génie en herbe-je ne savais pas du tout à quoi il ressemblait. Et voilà que je l'aperçois dans un espace privatif, assis derrière une rangée de plantes en pots et buvant un café. On s'est salués, je me suis assis et on a commencé à parler ... Enfin, parler, c'est beaucoup dire- mais je rentrerai, plus tard, dans les détails. En face de moi, j'avais un homme pâlot, apparemment fragile, l'œil triste et les cheveux encore plus hirsutes que si on les avait filmés au réveil. Au vu de la tignasse de ce type-une touffe à l'est, quatre brins à l'ouest, une mini-vague, et le reste épar pillé du nord au sud-, même.Jesse Owens n'aurait pas pu battre à la course un peigne avec des jambes. Je me rappelle avoir pensé instantanément:<< T'as besoin de sommeil, mec! "• mais je ne pouvais pas lancer un truc pareil, bien sûr. Et puis, soudain, une masse de deux tonnes s'est abattue sur mon front. Ses mains -la manière dont elles ondulaient dans l'air presque sans aucun contrôle, dont elles tapotaient nerveusement sur la table-, sa façon compassée de s'exprimer- un trait de caractère que nous partageons tous les deux-, ses yeux ouverts et brillants venus de nulle part, ses yeux curieux qui en avaient beaucoup vu, mais continuaient, néanmoins, à tout scruter. .. Bref, ce tou furieux hypersensible n'était autre qu'Edward aux mains d'argent. Après avoir vidé trois à quatre cafetières, bafouillant l'un et l'autre des phrases inachevées tout en continuant à nous comprendre, nous nous sommes quittés avec une poignée de mains et un<< Très heureux de vous avoir rencontré ••.Je suis ressorti de ce rendez-vous shooté à la caféine, mâchant, tel un chien sauvage et enragé, ma cuillère à café.Je me suis immédiatement senti encore plus mal qu'en arrivant, tant notre rencontre avait été d'une bouleversanle sincérité. Tous les deux, nous nous rendions compte de la beauté perverse d'un petit pot de crème, de la fascination qu'un œil perçant éprouve à la vue de grappes de raisin en résine, du PRÉMn: 17 pouvoir brut et de la complexité d'une peinturt:' en velours représentant Elvis. Bref, lui et moi regardions bien au-delà de l'innovation ; et lui et moi éprouvions un profond respect pour ceux que nous ne considérions pas comme '' les autres ''· .J'étais persuadé qu'on pouvait faire du bon boulot ensemble, et j'étais sûr que, si J'opponunité m'était donnée, je pourrais accomplir sa vision d'Edward aux mains d'argent. Mes chances étaient, au mieux, infimes-et encore. D'autant plus que des acteurs bien plus connus que moi étaient envisagés pour le rôle et qu'ils bataillaient, ruaient, Cliaient, se battaicn t, suppliaient pour 1' obtenir. Jusqu'alors, seul un réalisateur s'C::·tait vraiment obstiné à vouloir m'engager. .. Et c'était.John \Vaters, un grand hors-la-loi du cinéma, un homme pour lequel Tim et moi avions un grand respect et une grande admiration . .John avait parié sur moi pour parodier, dans Cry-Baby, mon image '' instituée ••. Mais Tim verrait-il en moi quelque chose qui lui ferait prendre le même risque? .Je l'espérais. J'ai alors auendu des semaint's entières, en n'entendant que des sons de cloche défavorables. Pendant ce temps-là, je continuais à faire des recherches sur le rôle. Ce n'était plus simplement un projet que je voulais faire, mais quelque chose que je devais faire. Pas pour des raisons d'ordre financier, d'ambition personnelle, d'ego d'acteurs ou de box-office, mais parce que cette histoire s'était logée au centre de mon cœur et refusait d'en être évincée. Mais que pouvais-je faire de plus? Au moment où j'étais sur le point de me résigner à l'idée queje resterais à jamais le p'tit minet de la télé, le téléphone a sonné. ((Allô ? -.Johnny ... Tu es Edward aux mains d'argent "• a simplement dit une voix. Un« quoi?" s'est échappé de ma bouche. «Tu es Edward aux mains d'argent. , .J'ai posé le téléphone etje me suis marmonné ces mots. Et puis, je les ai mannonnés à tous ceux que je rencontrais. Putain, je n'en croyais pas mes oreilles. Il était prêt à tout 1isquer sur moi pour ce rôle. Il m'avait choisi au nez et à la barbe des responsables du studio qui ne souhaitaient, espéraient, rêvaient que d'avoir une star établie au box-Dffice. lmmédiatement,je suis devenu mystique, certain qu'une intervention divine s'était ~ I l.\1 1->l RIO:'\ produite. Ce rôle n'était pas, pour moi, un choix de carrière ... Il signifiait la liberté. La liberté de créer, d'expérimenter, d'apprendre et d'exorciser quelque chose de profondément enfoui. J'avais été sauvé du monde de la production de masse, extirpé d'une mort télévisuelle assurée par ce jeune homme brillant et singulier qui, je 1' ai appris plus tard, a passé sajeunesse à dessiner des images étranges, à déambuler bruyamment dans cette soupière qu'est Burbank et à se sentir anormal. je me suis senti comme Nelson Mandela libéré de p1ison. Envolées, les idées noires sur« Hollyweird' ,, et sur une destinée dont tu as perdu le contrôle. Au fond, je dois la majorité du succès dont j'ai eu la chance de profiter-et ce, de quelque ordre qu'il soit-à cette rencontre étrange et électrisante avec Ti m. Car, s'il n'avait pas été là, je pense que j'aurais finalement choisi l'option 3, à savoir me casser de cette putain de série tant qu'il me restait un semblant d'intégrité. Etje crois aussi que c'est grâce à la confiance que Tim a eue en moi qu'Hollywood m'a ouvert ses portes. J'ai, depuis, travaillé à nouveau avec Tim sur Ed Wood. Il rn 'avait parlé de ce projet alors que nous étions assis au bar du Formosa Café à Hollywood. Au bout de dix minutes, j'étais déjà de la partie. Pour moi, à la limite, peu importe ce que Tim veut filmer. Je le ferai. Je serai toujours là pour lui. Parce queje fais implicitement confiance à sa vision, à ses goûts, à son sens de l'humour, à son cœur et à son cerveau. C'est un pur génie, et, croyez-moi, j'utilise ce mot avec parcimonie. Il est impos sible d'étiqueter ce qu'il fait. Ce n'est pas de la magie, car ça impliquerait qu'il y a un truc. Ce n'est pas uniquement de la dextérité, car ça donnerait l'impression que c'est de l'acquis. Ce qu'il possède en lui, c'est un don peu commun. Dire de lui que c'est un réalisateur ne sulfit pas. Le titre exceptionnel de« génie» lui sied mieux, car il n'excelle pas seulement dans le cinéma mais aussi dans le dessin, dans la photographie, dans le domaine des idées, de la pensée, de la perspicacité. Lorsqu'on m'a demandé d'écrire la préface de ce livre, j'ai choisi de l'écrire en tenant compte de l'étal d'esprit sincère dans lequel je me trouvais au moment où il m'a sauvé: à savoir celui d'un perdant, d'un paria, d'un morceau de viande made in Hollywood prêt à être sacrifié à n'importe quel instant. 1-Contranion d'Hollywood et dt· wrird, qui signifie" {·!range"· (lùutr.\· fr.\ nolf'.\ mnt du tradw·tf'ttr.) C'est très difficile d'écrire sur quelqu'un qui vous est cher et que vous respectez autant sur le terrain de l'amitié. C'est également très difficile de définir une relation de travail entre un acteur et un réalisateur. Je peux simplement dire que, dans mon cas, Tim a juste besoin de prononcer quelques mot~, même sans rapport, de pencher la tête, de froncer les sourcils ou de me regarder d'une certaine manière et, instantanément,je sais, exactement, ce qu'il attend de la scène. J'ai toujours fait tout ce que je pouvais pour lui donner ce qu'il attendait. Aussi, pour arriver à dire ce que je ressens pour Tim, il n'y avait que l'écriture, car, sije le lui avais dit en face, il aurait probablement gloussé comme une dame blanche, et puis il m'aurait envoyé une droite. Tim est un artiste, un génie, un excentrique, un fou et un ami brillant, courageux, drôle jusqu'à l'hystérie, loyal, non conformiste et ft·anc du collier. J'ai une dette immense envers lui, etj e le respecte encore plus que ces mots ne peuvent l'exprimer. Il est lui-même, et c'est tout. Et il est, sans conteste, l'homme qui imite le mieux Sammy DavisJr sur cette planète. Je n'aijamais vu quelqu'un de si évidemment hors jeu s'adapter aussi bien. À sa manière. Johnny Depp New York, septembre 1994

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