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Thomas Sargent face à Robert Lucas : une autre ambition pour la Nouvelle Economie Classique PDF

36 Pages·2017·1.19 MB·French
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Thomas Sargent face à Robert Lucas: une autre ambition pour la Nouvelle Economie Classique Aurélien Goutsmedt To cite this version: Aurélien Goutsmedt. Thomas Sargent face à Robert Lucas: une autre ambition pour la Nouvelle Economie Classique. 2017. ￿halshs-01489232￿ HAL Id: halshs-01489232 https://shs.hal.science/halshs-01489232 Submitted on 14 Mar 2017 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Documents de Travail du Centre d’Economie de la Sorbonne Thomas Sargent face à Robert Lucas : une autre ambition pour la Nouvelle Economie Classique Aurélien GOUTSMEDT 2017.13 Maison des Sciences Économiques, 106-112 boulevard de L'Hôpital, 75647 Paris Cedex 13 http://centredeconomiesorbonne.univ-paris1.fr/ ISSN : 1955-611X Thomas Sargent face (cid:224) Robert Lucas : une autre ambition pour la Nouvelle Economie Classique AurØlien Goutsmedt∗ 31 janvier 2017 RØsumØ L’idØeestdemontrerquelavisiondelamacroØconomiedeSargent contraste d’avec celle de Lucas. Pour Lucas, les hypothŁses d’un mo- dŁle sont (cid:19) a-rØalistes (cid:20), le modŁle ne vise pas (cid:224) reprØsenter la rØalitØ. Il est un outil de simulation qui doit permettre de simuler di(cid:27)Ørentes politiques Øconomiques. L’idØal (cid:19) lucassien (cid:20) est celui d’un macroØco- nomistequiadoncvocation(cid:224)deveniruningØnieurchargØdefournirun (cid:19) logiciel de politiques Øconomiques (cid:20) aux autoritØs publiques, logiciel qu’ilmanipulea(cid:28)nd’aiguillerleschoixdepolitiquessurunebasescien- ti(cid:28)que. Sargent, quant (cid:224) lui, considŁre que pour supplØer le paradigme keynØsien, la nouvelle Øconomie classique doit Œtre capable de remplir les mŒmes t(cid:226)ches, et l’une de ces t(cid:226)ches est de conseiller le pouvoir en lui fournissant une grille de lecture des phØnomŁnes Øconomiques et des outils intuitifs pour dØbattre des politiques Øconomiques (cid:224) mettre en place. Sargent cherche (cid:224) appliquer ce qu’il nomme la thØorie des anticipations rationnelles (cid:224) un ensemble de cas concrets (stabilisation PoincarØ, hyperin(cid:29)ation allemande, politique de Thatcher et Reagan) pour montrer la pertinence de ce cadre d’analyse pour penser les pro- blŁmes Øconomiques contemporains. Keywords : History of Macroeconomics; Macroeconomics; New Classi- cal School; Stag(cid:29)ation. JEL codes : B22; E52; N12. ∗UniversitØ Paris 1 PanthØon-Sorbonne - Centre d’Øconomie de la Sorbonne (CES); Chaire Energie et ProspØritØ; [email protected]. 1 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 Introduction A la (cid:28)n des annØes 1980, il ne fait plus aucun doute que la thØorie ma- croØconomique ne ressemble sensiblement plus (cid:224) ce qu’elle pouvait Œtre deux dØcennies plus t(cid:244)t. On n’hØsite plus (cid:224) proclamer que le paradigme keynØ- sien des annØes 1960 est bel et bien mort, mŒme si des voix s’ØlŁvent pour prophØtiser sa rØincarnation prochaine. Ce qu’on appelait alors la (cid:19) rØvo- lution des anticipations rationnelles (cid:20) avait profondØment secouØ les fonde- ments de la discipline. MŒme si la particularitØ de la pØriode durant laquelle elle s’opŁre (ralentissement du rythme de croissance exceptionnel des annØes 1960, Ømergence de la stag(cid:29)ation et virage conservateur des Etats-Unis) est une variable (cid:224) considØrer, et mŒme si les questions de politique Øconomique avaient concentrØ une bonne partie des dØbats (cid:224) l’Øpoque, il peut Œtre lØgi- time d’e(cid:27)ectuer une lecture internaliste de cette rØvolution en la considØrant avant tout comme un renversement mØthodologique. Si l’on suit cette pers- pective, ce que proposent les nouveaux classiques, c’est de nouveaux objets, une nouvelle fa(cid:231)on de construire des modŁles, une nouvelle articulation entre modŁle et thØorie, de nouveaux critŁres de test pour Øprouver la soliditØ et la validitØ d’un modŁle. Autrement dit, l’heure est (cid:224) la construction d’un nou- veau cadre de pensØe qui s’Ømanciperait des pratiques antØrieures, et il ne s’agit plus alors (cid:19) simplement de proposer de nouvelles rØponses (cid:224) de vieilles questions, mais d’o(cid:27)rir une nouvelle vue des questions qu’il est utile de poser 1 (cid:20) (Sargent, 2013, p.xxi) . Un personnage se dØtache sur la scŁne acadØmique : Robert Lucas, ac- clamØ en tant que (cid:19) ma(cid:238)tre de la mØthodologie (cid:20) (Edward Prescott, dans son interviewavecSnowdonetVane,2005,p.351)etconsidØrØcommel’architecte de la macroØconomie moderne. Paradoxalement, on ne trouve chez lui aucun article(cid:224)proprementparlermØthodologique,exceptØpeut-Œtreson(cid:19)Methods and Problems in Business Cycle Theory (cid:20) (Lucas, 1980a). Mais il est possible de reconstruire sa position (cid:224) partir d’un grand nombre d’ØlØments ØgrainØs dans ses contributions (cid:224) la thØorie macroØconomique des annØes 1970. Se dØtache alors la dØfense d’une forme particuliŁre d’instrumentalisme mØtho- dologique. Pour ne pas trop anticiper le propos qui va suivre, on pourrait caricaturer la position de Lucas de la sorte : en tant qu’il reprØsente une Øconomie arti(cid:28)cielle abstraite, un modŁle est nØcessairement non-rØaliste. Le critŁre de validitØ d’un modŁle est (cid:224) chercher dans sa capacitØ (cid:224) reproduire, (cid:224) imiter,desfaitsØconomiquesquantitatifsetdanssacapacitØ(cid:224)rØpondre(cid:224)des questions de politique Øconomique. DŁs lors, il n’y a pas de sens (cid:224) s’interroger sur le rØalisme des hypothŁses utilisØes dans le modŁle. L’Øconomie modØli- 1. Je traduis de l’anglais une partie des citations. 2 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 sØe doit Œtre clairement distinguØe de l’Øconomie rØelle. Le but principal de la macroØconomie, pour Lucas, devient l’Øvaluation de politiques Øconomiques. La question de la capacitØ des modŁles (cid:224) faciliter l’interprØtation et l’expli- cation des phØnomŁnes macroØconomiques est relØguØe au second plan (voire dispara(cid:238)t parfois totalement). Par son statut, Robert Lucas est ØrigØ comme (cid:28)gure de proue de la nou- velle Øconomie classique (NEC) et la mØthodologie qu’il esquisse au travers desescontributionsdesannØes1970tend(cid:224)Œtreper(cid:231)uecommereprØsentative desprØtentionsØpistØmologiquesdesnouveauxclassiquesdansleurensemble. L’article se propose de souligner le caractŁre rØducteur de cette tentation (cid:224) la gØnØralisation et (cid:224) l’extension de la conception de Lucas, en s’intØressant aux propos mØthodologiques de l’un de ses principaux co-auteurs, Thomas Sargent, qui apporte une dimension supplØmentaire au projet de la NEC. Pour cela, je m’appuierai sur certaines contributions de Sargent publiØes dans la premiŁre moitiØ des annØes 1980, et regroupØes dans un livre, Ra- tional Expectations and In(cid:29)ation (Sargent, 2013)2. Les di(cid:27)Ørentes prØfaces de ce livre, rØØditØ deux fois, sont rØvØlatrices de l’objectif global de Sargent et de sa conception du travail du macroØconomiste. Il s’a(cid:30)rme comme le dØfenseur d’une vision plus rØaliste que Lucas des modŁles de la NEC. Nous entendons le rØalisme au sens de rØalisme scienti(cid:28)que : dans une perspective rØaliste, le contenu d’un modŁle se rØfŁre au monde rØel et vise (cid:224) dØcrire par approximation certaines particularitØs de ce monde (M(cid:228)ki, 2012, p.4). Quant au terme d’instrumentalisme qui nous permet de caractØriser Lucas, il ren- voie (cid:224) la vision d’un modŁle comme un instrument, un outil, pour atteindre un certain objectif (ici, l’Øvaluation de politiques Øconomiques). Et toute la construction du modŁle est soumise (cid:224) cet impØratif, la question de la capacitØ du modŁle (cid:224) se rØfØrer au monde rØel et (cid:224) le dØcrire Øtant ainsi relØguØe (cid:224) 3 l’arriŁre plan (voir M(cid:228)ki 2009, p.62) . Cet article dØfend l’idØe qu’(cid:224) travers l’Øtude des propos mØthodologiques de Lucas et Sargent, on voit appara(cid:238)tre deux stratØgies mØthodologiques dif- fØrentes. Sargent, tout en s’appuyant sur le mŒme arriŁre plan analytique que Lucas(nØcessitØdemicrofonderlesfonctionsdumodŁle,lesagentsoptimisent et anticipent de maniŁre rationnelle, voir Hoover 1988, p.13-14), et tout en adhØrant (cid:224) certains moments (cid:224) son approche mØthodologique, Sargent s’Øver- tue au dØbut des annØes 1980 (cid:224) dØfendre une utilisation plus comprØhensive etplusintuitivedesmodŁlesdelaNEC,(cid:224)traversplusieursØtudeshistoriques 2. Lister les papiers avec leur date de publication 3. Dans cette perspective, il serait tentant de suivre M(cid:228)ki (2009) et de considØrer que l’article de Friedman (1953) manifeste une propension au rØalisme scienti(cid:28)que. Lucas, (cid:224) travers la vision idØalisØe qu’il propose de la macroØconomie (et non (cid:224) travers sa pratique e(cid:27)ective), incarne une image plus (cid:28)dŁle de l’instrumentalisme mØthodologique. 3 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 et contemporaines. L’objectif est alors de favoriser l’ascension de la NEC au sein du champ de la macroØconomie en rendant ses travaux plus sØduisants. Alors mŒme que l’on pourrait arguer d’une contradiction apparente entre LucasetSargentsurlaquestionmØthodologique,cesdeuxstratØgiess’avŁrent en rØalitØ complØmentaires pour s’imposer dans la discipline. Face (cid:224) la per- sistence de l’in(cid:29)ation, au ralentissement de la croissance et (cid:224) la montØe du ch(cid:244)mage, la macroØconomie est un lieu de dØbats et d’a(cid:27)rontements intenses (cid:224) la (cid:28)n des annØes 1970 et au dØbut des annØes 1980. Lucas cherche (cid:224) pro- (cid:28)ter de la dØstabilisation du paradigme keynØsien pour redØ(cid:28)nir les rŁgles de la pratique macroØconomique. Il s’e(cid:27)orce de rØa(cid:30)rmer l’autonomie de la discipline, face aux pressions extØrieures et (cid:224) la conjoncture prØsente, par la dØfense d’une forme de puretØ mØthodologique qui pr(cid:244)ne de refonder la macroØconomie sur les principes de la thØorie de l’Øquilibre gØnØral, telle que formulØe par Arrow et Debreu. Lucas opŁre alors un cloisonnement rigide entre l’Øconomie arti(cid:28)cielle modØlisØe par le macroØconomiste et l’Øconomie rØelle. Ainsi, on ne trouvera pas dans ses travaux d’explication directe et explicite de la stag(cid:29)ation, ni de proposition de remŁde. Dans le cas oø l’on dØsirerait imaginer quelle pourrait Œtre l’analyse de Lucas de la stag(cid:29)ation, 4 il faudrait extrapoler une esquisse d’explication (cid:224) partir de ses modŁles . Or, alors mŒme que la remise en cause du paradigme keynØsien est hautement contextuelle et politique, dans les annØes 1970, les nouveaux classiques ne semblent pas pleinement s’engou(cid:27)rer dans cette brŁche pour o(cid:27)rir un dis- 5 cours de substitution . Cependant,audØbutdesannØes1980,Sargentcherche(cid:224)fairedesmodŁles de la NEC un outil plus (cid:29)exible pour justi(cid:28)er des prises de position dans le champ de la politique Øconomique. Ces modŁles, reposant sur l’optimisation intertemporelle et les anticipations rationnelles, ont alors quelque chose (cid:224) nous dire sur la stag(cid:29)ation qui se dØroule aux Etats-Unis, et sur les moyens d’en sortir. Or, notre hypothŁse sous-jacente est que, au vu de l’importance cruciale (cid:224) l’Øpoque du problŁme de l’in(cid:29)ation, la NEC n’aurait pß conna(cid:238)tre un tel succŁs sans aussi se montrer capable d’Œtre partie prenante des dØ- 4. Paradoxalement, c’est chez les keynØsiens que l’on trouve les principales analyses fouillØesetsystØmatiquesduphØnomŁnedestag(cid:29)ation(Blinder,1979;Solow,1980;Bruno and Sachs, 1985). 5. L’idØe n’est pas d’a(cid:30)rmer que les modŁles de la NEC n’ont inspirØ aucune explica- tion de la crise, ou aucune proposition de politique Øconomique, durant les annØes 1970. On constate d’ailleurs que les travaux des nouveaux classiques commencent (cid:224) trouver un certain Øcho dans la presse (Willes, 1978). Cependant, les nouveaux classiques (ou du moins Lucas, plus particuliŁrement) semblent encore absents (cid:224) ce moment des dØbats extra-acadØmiques sur la conjoncture et la politique Øconomique et rØticents (cid:224) dØfendre unegrilled’analysedelasituationetdespropositionexplicites,comparØs(cid:224)deskeynØsiens comme Tobin, Solow ou Blinder. 4 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 bats contemporains. Ou, pour le dire de maniŁre plus provocatrice, il faut un Sargent (celui qui nous intØresse dans l’article) pour que Lucas puisse Œtre 6 Lucas . De plus, (cid:224) trop porter l’attention sur Lucas, on surestime les incom- prØhensions entre les nouveaux classiques et les keynØsiens et on contribue (cid:224) occulter le fait que la majoritØ des dØbats de l’Øpoque porte sur l’explica- tion de la stag(cid:29)ation et ses remŁdes possibles. Les keynØsiens adoptent une attitude pragmatique face (cid:224) ces questions et considŁrent les modŁles de la NEC comme une contribution potentielle (cid:224) ces dØbats, et non sous leur as- pect technique (Goutsmedt et al., 2015), ce qui est renforcØ par l’approche de Sargent. Pour appuyer ce propos, une premiŁre section s’attachera (cid:224) exposer la mØthodologie de Lucas. Cette derniŁre est bien connue est a dØj(cid:224) fait l’objet de plusieurs reconstructions totales ou partielles (Boumans, 1997; De Vroey, 2009, 2015; Vercelli, 1991). L’objectif sera de cibler les particularitØs de cette mØthodologie qui rØvŁle le contraste existant avec Sargent. Le contraste de- viendra d’autant plus clair avec l’exposition de l’ambition proclamØe par Sargentdefairedecequ’ilappellela(cid:19)thØoriedesanticipationsrationnelles(cid:20) un outil de pensØe (cid:224) visØe heuristique et pratique, un peu (cid:224) la maniŁre du concept keynØsien de multiplicateur ou plus gØnØralement du modŁle IS-LM. La troisiŁme section sera l’occasion de voir cette thØorie des anticipations rationnelles en action. Sargent s’attache (cid:224) rØinterprØter un certain nombre d’ØvØnements Øconomiques courants et historiques (cid:224) l’aune de cette grille de lecture,cequiluipermetdeprendrepartauxdØbatssurl’e(cid:30)cacitØpotentielle d’une politique de dØsin(cid:29)ation et sur la maniŁre de la mettre en pratique. 1 L’instrumentalisme mØthodologique de Ro- bert Lucas Cette section porte son attention sur les principes mØthodologiques es- quissØs par Lucas tout au long de ses contributions regroupØes dans Studies in Business-Cycle Theory. Elle s’appuie Øgalement sur les analyses qu’en pro- posent De Vroey (2015, chapitres 10 et 11) et Sergi (2017, chapitre 1). Ces analyses rØalisent une reconstruction rationnelle des di(cid:27)Ørents ØlØments mØ- thodologiques ØgrainØs par Lucas dans di(cid:27)Ørents textes. A travers ces textes, on voit appara(cid:238)tre une vision idØalisØe et fantasmØe de ce que devrait Œtre, 6. IlfautunSargent,etsansdoutebiend’autreschosesencore,telsquedesrelaisdans la presse ou dans les think tanks qui se dØveloppent (cid:224) l’Øpoque (Cockett, 1995; Edwards, 2013;Smith,1993),oubienungroupederechercheactif(cid:224)laFEDdeMinneapolis(Miller, 1994;McGregorandYoung,2013)quipermetdesefaireentendreauseinduFederalOpen Market Committee. 5 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 pour lui, la macroØconomie. IdØalisØe, car Lucas n’ignore pas le fait que ce qu’il prØconise ne va pas sans contradictions et complications (voir infra et Sergi 2017, chapitre 1). FantasmØe, car Lucas revendique la gØnØralisation de pratiques qu’il est pour le moment lui-mŒme bien incapable de mettre 7 en place . Mais c’est cette vision qui nous intØresse, car elle tØmoigne de la volontØ d’engager plus avant un processus d’autonomisation de la discipline par rapport aux pressions extØrieures, a(cid:28)n de lui assurer une plus grande lØgitimitØ scienti(cid:28)que et de pointer la distance entre le paradigme keynØsien et cette lØgitimitØ (et c’est (cid:224) cette vision que la dØmarche de Sargent o(cid:27)re un contraste instructif). 1.1 Une nouvelle articulation entre thØorie et modŁle L’objet principal de Lucas n’Øtant pas la mØthodologie, et celle-ci n’Øtant abordØe souvent que de maniŁre pØriphØrique, en introduction de certains ar- ticles,lesensqu’ildonne(cid:224)certainsconceptsfondamentauxsemblent(cid:29)uctuer. SelonDeVroey,danslaconceptiondeLucas,(cid:19)unethØoriemacroØconomique et un modŁle mathØmatique sont une seule et mŒme chose (cid:20) (De Vroey, 2015, p.177). Dans (cid:19) Methods and Problems in Business Cycle Theory (cid:20) (Lucas, 1980a), Lucas a(cid:30)rme plut(cid:244)t : (cid:19) une thØorie n’est pas une collection d’a(cid:30)r- mations sur le comportement de l’Øconomie rØelle mais plut(cid:244)t un ensemble explicite d’instructions pour construire un systŁme parallŁle ou analogue - une Øconomie mØcanique imitative (cid:20) (Lucas, 1981, p.272). La thØorie (cid:28)xe un cadre pour construire des modŁles macroØconomiques. Autrement dit, ces modŁles doivent respecter (cid:19) la discipline (cid:20) de l’Øquilibre gØnØral intertem- porel et Œtre microfondØs a(cid:28)n de formuler les Øquations comportementales du modŁle (cid:224) partir de problŁmes d’optimisation au niveau microØconomique. C’est le premier impØratif de la construction de modŁles pour Lucas : ces mo- dŁles doivent Œtre en cohØrence avec les principes de la thØorie de l’Øquilibre gØnØral (TEG), telle qu’elle est formulØe par Arrow et Debreu (voir Sergi 8 2017, chapitre 1) . Lucas rompt avec la vision intuitive de l’articulation entre thØorie et mo- dŁle,selonlaquelle(cid:19)unethØorieestunensembledepropositionssurlarØalitØ 7. Il faudra par exemple attendre les travaux ultØrieurs de Kydland et Prescott pour simuler des modŁles dynamiques d’Øquilibre gØnØral visant (cid:224) reproduire les (cid:29)uctuations Øconomiques. 8. Chez Lucas, la TEG constitue vØritablement un (cid:19) camp de base (cid:20). Cette rØfØrence lui permet de s’incrire dans la tradition de l’abstraction thØorique la plus pure et la plus rigoureuse, (cid:224) une Øpoque oø la TEG n’est pas encore rØellement tombØe en dØsuØtude. Sur cette base, Lucas peut alors critiquer les formalisations des Øquations des modŁles keynØsiens, jugØes (cid:19) ad hoc (cid:20) et non fondØes thØoriquement. 6 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 alors qu’un modŁle, qu’il soit mathØmatique ou en prose, est une tentative d’expliciter rigoureusement les implications d’une certaine partie de la thØo- rie (cid:20) (De Vroey, 2015, p.177). Dans cette optique, la thØorisation n’est plus cette activitØ qui vise (cid:224) mettre en ordre le monde en en proposant une grille de lecture et en en dØgageant des lois. Pour Lucas, (cid:19) une thØorie s’occupe de constructions imaginaires (cid:20), ce qui la conduit (cid:224) Œtre fondamentalement (cid:19) non-rØaliste (cid:20) (ibid.)9. Il en vient (cid:224) penser que (cid:19) la focalisation sur le "rØalisme" d’un modŁle Øconomique subvertit son utilitØ potentielle pour penser la rØalitØ (cid:20) (Lucas, 1981, p.271). Le rØalisme d’un modŁle n’est pas un critŁre adØquat d’Øvaluation de celui-ci. Ce qui doit intØresser le macroØconomiste, c’est la capacitØ de son modŁle (cid:224) nous fournir de (cid:19) meilleures imitations (cid:20) de la rØalitØ (ibid. p.272)10. En cela, les travaux de Adelman et Adelman (1959) sur le modŁle Klein- Goldberger constitue un exemple de la voie (cid:224) suivre pour Lucas. A partir de chocs gØnØrØs sur certaines Øquations du modŁle, celui-ci doit produire par simulation des sentiers d’Øvolution de ses variables Øconomiques. Un bon modŁle est un modŁle dont les sentiers simulØs reproduisent (qualitativement d’abord, et quantitativement si possible) l’Øvolution observØe dans les sØries temporelles rØelles des mŒmes variables. Le modØlisateur cherche (cid:224) (cid:19) imiter de prŁs le comportement des sØries temporelles de l’Øconomie rØelle (cid:20) (Lucas, 1981,p.219).Statistiquementparlant,lessimulationsdumodŁledoiventfaire appara(cid:238)tre des sØries dont les premiers et seconds moments statistiques sont proches des moments des sØries temporelles rØelles, tout en retranscrivant avec prØcision les co-mouvements de ces di(cid:27)Ørentes sØries entre elles. Cette volontØ d’imitation fait Ømerger un mode de justi(cid:28)cation instru- mentaliste des choix de modØlisation : la capacitØ du modŁle (cid:224) reproduire les cycles du monde rØel va guider la construction du modŁle. Ainsi, Lucas justi(cid:28)e-t-il son Øconomie d’archipel (Lucas, 1972) avec des marchØs distincts 9. Il faut sans doute prendre le terme (cid:19) non-rØaliste (cid:20) au pied de la lettre. Un modŁle, pour Lucas, n’est pas irrØaliste, mais (cid:19) a-rØaliste (cid:20), pour reprendre le vocabulaire de Sergi (2017, chapitre 1). C’est l(cid:224) oø la vision idØalisØe d’un modŁle chez Lucas semble di(cid:27)Ører de la vision de Friedman, pour qui les hypothŁses d’un modŁle sont nØcessairement (cid:19) abs- traites (cid:20) et (cid:19) imprØcises (cid:20) (Friedman, 1953). Autrement dit, les hypothŁses constituent une (cid:19) approximation (cid:20) plus ou moins bonne de la rØalitØ. Mais en tant qu’approximation, elles sont nØcessairement (cid:19) fausses (cid:20) et (cid:19) irrØalistes (cid:20) (ibid.). Chez Lucas, les hypothŁses ne se rØfŁrent pas au monde rØel, et elles ne peuvent donc Œtre jugØes selon un critŁre de correspondance (cid:224) ce monde (nous y revenons infra). 10. Dans une lettre (cid:224) Ray Fair, datØ du 2 octobre 1981, Lucas explique que quand il parle de (cid:19) meilleures imitations (cid:20), (cid:19) "meilleures" signi(cid:28)e quelque chose comme "collant [(cid:28)tting]auplusdefaitspossibles",ou"collantmieuxauxfaits",ou"passantplusdetests", ou quelque chose de la sorte (cid:20) (Lucas, Archives, Box 4, Folder 1981 3/3, dans Sergi 2017, chapitre 1). 7 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13 situØs sur di(cid:27)Ørentes (cid:238)les par la capacitØ de son Øconomie modØlisØe (cid:224) gØnØrer des variations cycliques : Theintroductionofseparate,informationallydistinctmarkets is not a step toward "realism" or (obviously) "elegance" but, ra- ther, an analytical departure which appears essential (in some form) to an explanation of the way in which business cycles can arise and persist in a competitive economy. (Lucas, 1981, p.199) Dans une Øconomie oø les agents sont rationnels et ne sont pas victime d’illusion monØtaire, comment expliquer que l’augmentation de la quantitØ de monnaie puisse ne pas Œtre neutre? Or, dans la rØalitØ, on constate que les variations de la quantitØ de monnaie sont parfois suivies de variations identiques de la production. Il s’agit donc pour Lucas de rØconcilier ce point de dØpart thØorique avec ce fait statistique, et l’imperfection de l’information introduite joue prØcisØment ce r(cid:244)le de mØdiateur. C’est parce que ces (cid:238)les distinctes permettent de justi(cid:28)er des restrictions d’information (les agents connaissent les prix sur leur (cid:238)le au temps t, mais pas sur les autres (cid:238)les (cid:224) la mŒme pØriode) et ainsi d’introduire des e(cid:27)ets rØels pour les chocs monØtaires (gØnØrant alors de potentiels cycles Øconomiques) qu’il s’agit d’une bonne (cid:19) explication (cid:20) des cycles Øconomiques dans une (cid:19) Øconomie concurrentielle (cid:20). Mais l’on voit bien que cette Øconomie d’archipel n’a aucune prØtention (cid:224) passer le test d’une quelconque correspondance avec le monde rØel. Lucas ne simule pas son modŁle de 1972, mais il constitue pour lui une premiŁre Øtape dans un projet plus global. A terme, il doit Œtre possible de construire une Øconomie analogique qui produise par simulation des cycles dont l’ampleur et la persistence ressemble aux (cid:29)uctuations que l’on repŁre dans les Øconomies rØelles. L’introduction d’une fonction de capital dans ce modŁle (Lucas, 1975) ne rØpond pas (cid:224) la logique d’une quŒte d’un plus grand rØalisme intrinsŁque pour le modŁle. Le r(cid:244)le du capital est d’introduire une forme d’inertie dans le modŁle, conduisant ainsi les chocs initiaux (cid:224) a(cid:30)cher une plus grande persistance dans le temps, ce qui permet de reproduire plus (cid:28)dŁlementlesvariationscycliquesrØelles,variationsquia(cid:30)chentunecertaine 11 persistance dans les donnØes . Ce qui doit compter (cid:224) terme pour Lucas est le rØalisme des simulations du modŁle, dans le sens oø ces simulations reproduisent les donnØes obser- vØes. Peu importe que le modŁle en lui-mŒme soit rØaliste, qu’il o(cid:27)re une reprØsentation (cid:28)dŁle, ou du moins partiellement (cid:28)dŁle, ou, pourrait-on dire, 11. SurlemodŁlede1972,etsesdØveloppementsultØrieurs,Hoover(1988,chapitre2et 3) est instructif. 8 Documents de travail du Centre d'Economie de la Sorbonne - 2017.13

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Lucas rompt avec la vision intuitive de l'articulation entre théorie et mo- dèle, selon . FORTRAN est un langage de programmation qui est utilisé pour le calcul scienti- fique. 14 Etant donné que pour moi ce cadre de référence.
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