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THESE Organisation spatiale des activités agricoles et pollution des eaux par les pesticides PDF

485 Pages·2005·21.2 MB·French
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THESE Présentée à l’Université des Antilles et de la Guyane pour obtenir le grade de Docteur en Géographie Soutenance le 8 octobre 2005 Organisation spatiale des activités agricoles et pollution des eaux par les pesticides - - Modélisation appliquée au bassin-versant de la Capot, Martinique Volume I Marie HOUDART Sous la direction des Professeurs Maurice BURAC et Monique FORT Composition du jury : Mme Muriel BONIN CIRAD Examinateur M. Maurice BURAC Université des Antilles et de la Guyane Directeur Mme Monique FORT Université Denis Diderot – Paris VII Co-directrice Mme Sylvie LARDON ENGREF Présidente du jury Mme Françoise PLET Université Saint Denis – Paris VIII Rapporteur M. Frédéric SAUDUBRAY Cemagref Examinateur REMERCIEMENTS Je tiens à remercier en premier lieu André Lassoudière pour avoir initié ce travail et m’avoir encadrée pendant les trois années que j’ai passées au CIRAD. Mes remerciements vont également à Jean-Jacques Baraër qui a facilité le déroulement de cette thèse en appuyant toutes mes démarches. Thierry Goguet et François Cote ont quant à eux joué un rôle prépondérant dans la dernière ligne droite de ma présence au CIRAD, je leur en suis extrêmement reconnaissante. Merci très sincèrement à Frédéric Saudubray, premier adepte de la géographie parmi la population d’agronomes martiniquais, qui m’a ouvert les portes de la recherche. Soutien scientifique pluri-thématiques et soutien moral inconditionnel, qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude et de ma non moins profonde amitié. En tant que directeur de recherche, Maurice Burac m’a donné tout l’appui nécessaire pour mener à bien ce travail de thèse. Son encadrement et ses encouragements ont fortement contribué à la finalisation de la thèse. Cet encadrement s’est vu enrichi par celui de Monique Fort qui a accepté d’intervenir en tant que co- directrice et m’a soutenue pendant ces années. Je la remercie particulièrement pour son amitié, ses précieux conseils, l’énergie délivrée et les moments partagés sur le terrain. Muriel Bonin m’a permis de découvrir l’intelligence artificielle et de redécouvrir la chorématique. Ses connaissances et sa rigueur scientifique ont été déterminantes pour le bon déroulement de cette thèse et je l’en remercie vivement. Un grand merci à Christophe Le Page pour m’avoir initiée à la modélisation multi-agents, avoir participé à la construction et au développement du modèle et pour son infinie patience. Le travail de thèse n’aurait pu se faire sans la participation des personnes rencontrées sur le terrain. Les exploitants enquêtés m’ont tous accueillis avec gentillesse. Qu’ils en soient ici tous remerciés individuellement : Mesdames Lecurieux, Marie-Julie, Montjean, N'golyo, Nirénolde, Permal et Messieurs Allamel, Anglo, Appaoo, Aubéry, Bastel, Bolvin, Clerempuy, Cordémy, Delaplace, Dereynal, Deruel, Douville, Dulys, Galva (Edouard), Galva (Etienne), Grandry, Grangerac (Théodore), Grangerac (Xavier), Honoré (André), Honoré (Barthélémy), Honoré (Bertrand), Honoré (Philippe), Joseph, Lecurieux, Limier (François), Limier (Laurent), Lina, Luciette, Massol, Mouilou, Moutashi, Moutoucoumaro, Nadin, Néret, Papaya, Permal, Pépé, Souraya, Sinovassin, Vitalien, Voisin (Luc), Voisin (Jean-Michel). Les connaissances non formalisées proviennent de sources variées. Pour les informations relatives aux pesticides, merci à Didier Camy et Christian Chabrier. Pour les méthodes statistiques, merci à Ahmed Ainouche, Cécile Dubois et Xavier Perrier. Pour les données relatives à l’agriculture martiniquaise, merci à François-Xavier De La Foye, Lise Jean-Louis et Catherine Teyssier. Enfin, les "parents, amis et alliés " : Merci infiniment à Gaëlle pour son analyse fine de la chorématique ("mwen koré !"), pour ses corrections approfondies, ses remarques acerbes et son soutien permanent. Merci à l’ensemble du personnel du P.RA.M., au petit groupe de l’animation sportive, au grand groupe des concours de gâteaux et à l’équipe "banane" (Line, Raphaël, Christophe, Jean-José, Sahla, etc.). Merci à Claude sans qui mon implication dans ce travail de thèse n’aurait pas vu le jour. Merci à Bruno pour ses encouragements. Merci à Marilyn, colloc’ idéale, amie inattendue, pochette-surprises. Enfin, merci à ma mère et merci à ma sœur, ma carotte, ma papaye… Pour Basile, Skudette, Jules, Krogano et les Doubles A mon père et mon frère… SYNTHESE Dans un contexte historique (colonisation et esclavage), statutaire (DOM et RUP) et économique (dépendance vis-à-vis des importations) particulier, l’agriculture martiniquaise tient un rôle essentiel et occupe un tiers de la surface de l’île. Face au manque d’espace (insularité, relief volcanique et pression foncière) et au climat tropical, les agriculteurs se sont tournés vers des pratiques intensives depuis le milieu du 20ème siècle. La conséquence en est un niveau de pollution élevé des eaux de surface. La diminution de cette pollution constitue aujourd’hui l’un des enjeux environnementaux majeurs de la Région. Dans ce cadre, l’objet de la thèse porte sur l’organisation spatiale des activités agricoles à l’origine de la variabilité spatiale de la charge polluante. Comprendre cette organisation revient en effet à comprendre les pratiques et leur localisation. L’appréhension de plusieurs niveaux d’organisation spatiale, selon trois points de vue sur l’espace (structuré, géré, perçu), apporte une connaissance de la complexité du système rural. Le territoire rural est appréhendé comme un système : ses composantes sont les exploitations (fonctionnement global) ; l’environnement correspond aux conditions naturelles ainsi qu’aux contextes économique et réglementaire et conditionne les choix des agriculteurs ; la sortie est représentée par les pratiques phytosanitaires, formalisées sous la forme d’un indicateur de contribution des parcelles à la pression polluante. Cette approche conceptuelle (analyse spatiale et systémique, emboîtement et intégration des niveaux d’organisation, triple point de vue sur l’espace) se concrétise par un itinéraire méthodologique. Il repose sur l’utilisation conjointe et rétroactive de trois outils : les Systèmes d’informations géographiques (SIG), la modélisation graphique (chorèmes) et les Systèmes multi-agents (SMA), au moyen desquels sont exploitées les données issues d’enquêtes menées auprès des exploitants (questionnaires ouverts, entretiens individuels et collectifs). Cet itinéraire méthodologique est appliqué sur un territoire rural de 1200 hectares situé sur les flancs de la montagne Pelée (Nord Martinique). Cette zone se caractérise par l’exclusivité des activités agricoles et la présence de 46 exploitations très différentes du point de vue des surfaces (de 1 à 100 hectares), du mode de faire-valoir des terres (occupation sans titre, colonage, fermage, propriété), des spéculations (banane, ananas, maraîchage-vivrier, élevage) et des stratégies (exportation et spécialisation, spéculation foncière, marché local et diversification, pluri-activité). A cela s’ajoutent des contraintes à la fois naturelles et spatiales (superposition des vocations assignées aux territoires engendrant certains conflits d’usage) qui interviennent comme autant de déterminants du fonctionnement des exploitations. L’analyse pluri-scalaire selon une démarche descendante (de la région à la zone d’étude puis l’exploitation et ses composantes) permet de mettre en valeur : la construction historique de l’espace martiniquais engendrant la structuration de la zone d’étude ; la répartition de logiques de gestion de l’espace en fonction d’unités de contraintes ; la distribution des orientations culturales et des systèmes de cultures calquée en partie sur celle de types de fonctionnement spatial d’exploitations (grande exploitation stable, jardinier, exploitant sans terre, propriétaire terrien, éleveur, conjoncturel). Les conséquences environnementales de cette organisation de l’espace à plusieurs niveaux sont évaluées à travers l’identification des pratiques phytosanitaires : les systèmes de culture et les orientations culturales constituent les principaux critères de différenciation spatiale, pondérés par les types de lutte face aux organismes nuisibles. L’identification de ces critères amène à poser la question de l’aménagement de l’espace pour la modification des pratiques culturales. Des simulations multi- agents confirment pour leur part le rôle majeur de l’aménagement foncier pour la mise en œuvre de pratiques minimisant les épandages de pesticides. Par ailleurs, la nécessité de la prise en compte des différents volets du développement rural et des nouvelles fonctions de l’agriculture pour la résolution d’un problème environnemental est soulignée. Finalement, des perspectives de recherche sur les concepts et outils utilisés sont envisagées : simulations des dynamiques territoriales ; emboîtement et intersection des niveaux spatiaux pour la modélisation graphique ; réflexions sur les unités temporelles à prendre en compte, de façon à lier cette recherche aux connaissances sur les transferts des pesticides dans une optique de résolution du problème environnemental martiniquais. SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE.........................................................................................................1 PREMIERE PARTIE PROBLEMATIQUE, OBJET DE RECHERCHE ET METHODE.................................................9 Chapitre 1. Une recherche géographique pour la lecture d’un problème environnemental........10 1. L’enjeu de diminution des teneurs en pesticides dans les eaux de surface et les solutions mises en œuvre.....................................................................................................................................................11 2. Activités agricoles et environnement : au carrefour de l’agronomie et de la géographie rurale.......25 3. Hypothèses et orientations de recherche : les territoires constructeurs et révélateurs de pratiques environnementales.................................................................................................................................32 Chapitre 2. Pour une connaissance d’un système rural martiniquais soumis au problème de pollution des eaux par les pesticides..................................................................................................42 1. Choix du terrain et protocole d’acquisition des informations...........................................................44 2. Formalisation des pratiques phytosanitaires pour leur spatialisation................................................58 3. Identification et hiérarchisation des déterminants des pratiques : SIG, chorèmes et SMA...............69 SECONDE PARTIE SPECIFICITES REGIONALES, PARTICULARITES LOCALES ET ORIGINALITE DES PRATIQUES AGRICOLES...............................................................................................................82 INTRODUCTION....................................................................................................................................83 Chapitre 3. Un cadre strict à la mise en œuvre des activités agricoles à la Martinique................86 1. Un espace agricole limité..................................................................................................................88 2. Une organisation duale du monde agricole.....................................................................................100 3. La composante sociale dans le contexte paradoxal martiniquais : éloignements et proximités......112 Chapitre 4. Le système rural de la rive gauche de la Capot..........................................................125 1. Un espace cloisonné, structuré par le relief et l’hydrographie........................................................129 2. Un territoire aux fonctions multiples : urbanisation, environnement, agriculture...........................144 3. De la modélisation graphique à la définition d’unités de contraintes..............................................160 Chapitre 5. Les formes d’adaptation des exploitations à l’espace................................................169 1. Les exploitants : des processus d’installation aux projets...............................................................171 2. Organisation interne des exploitations : choix de la production et des systèmes de culture...........182 3. Des modèles graphiques des exploitations pour l’élaboration d’une typologie..............................194 CONCLUSION. INSULARITE ET COLONISATION : LES FONDEMENTS DES PRATIQUES AGRICOLES DE LA RIVE GAUCHE DE LA CAPOT.........................................................................................................210 TROISIEME PARTIE CONSEQUENCES ENVIRONNEMENTALES............................................................................213 INTRODUCTION..................................................................................................................................214 Chapitre 6. Pratiques phytosanitaires et contribution à la pression polluante............................218 1. Les cultures et leur conduite : une grande diversité des pratiques..................................................220 2. Des types opposés de lutte face aux organismes nuisibles..............................................................231 3. Une distribution des pratiques marquée par la structure de l’espace..............................................240 Chapitre 7. Pression polluante et aménagement de l’espace.........................................................261 1. Présentation du modèle "dynamique foncière" : un lien ténu avec le SIG et la modélisation graphique.............................................................................................................................................263 2. Modalités d’influence de l’espace sur la variabilité de l’IcPhyto...................................................274 3. Mutations spatiales du territoire de la rive gauche de la Capot à moyen terme..............................287 CONCLUSION. VERS DES SOLUTIONS DURABLES POUR DIMINUER LA PRESSION POLLUANTE SUR LA RIVE GAUCHE DE LA CAPOT..............................................................................................................303 CONCLUSION GENERALE..........................................................................................................306 INTRODUCTION GENERALE Introduction générale En juillet 2000, à peine arrivée à la Martinique, j’accompagne deux de mes collègues dans le Nord de l’île, à Morne Rouge, où nous retrouvons un agriculteur souhaitant bénéficier des conseils du Cemagref pour l’achat d’un tracteur. Nous montons à l’arrière de son pick-up, direction Ajoupa Bouillon, pour accéder à ses parcelles situées à mi-chemin entre les bourgs des deux communes. Commence alors l’émerveillement : la fraîcheur de l’air que confère l’ombre donnée par de grands arbres dont je ne connais pas encore le nom, tout ce vert, cette exubérance. Comment imaginer, sans avoir au préalable observé une carte, la présence des champs de chaque côté de la route ? Nous pénétrons sur la plantation de l’agriculteur par une "trace" cabossée et sinueuse, bordée de balisiers et d’anthuriums avalés par les herbes folles. Un âne au piquet nous observe ; la tour d’une ancienne sucrerie est là au garde-à-vous, vestige de l’histoire coloniale. Au sortir de cette trace se dessinent les carrés d’ananas, bien élevés, bien ordonnés, aux côtés des parcelles de dachines, plus anarchiques, que traversent des moutons à poils. De l’autre côté, le paysage coule jusqu’à l’océan atlantique, présentant un aspect général chaotique. Les haies font dix mètres de haut, les barrières sont les ravines au tracé bousculé. Entre ces dernières, les cultures semblent se mélanger, un peu de ci, beaucoup de ça, des traces qui s’amusent à aller de l’une à l’autre, montent, descendent, un tour à gauche, un autre à droite... La conversation entre l’agriculteur et mes collègues est loin des considérations paysagères. L’exploitant nous parle de diversification, d’une usine qui ne paie pas les producteurs, de l’organisation entre les membres d’une même famille, du terrain que le propriétaire ne veut louer qu’aux parents, de la nécessité de se moderniser, jusqu’aux jeans portés pour éviter les lacérations des jambes lors de la récolte des ananas. Le paysage rural commence à présenter une nouvelle image. Le cadre enchanteur laisse la place à la difficulté de travailler en "plein cagnard" pour accéder à des parcelles situées en hauteur, aux pluies d’été qui creusent de nouvelles ravines limitant l’espace disponible au travail de la terre, aux longues démarches administratives pour obtenir des aides financières venues de "là-bas". Je regarde au loin, évidemment je ne vois pas la France. Et pourtant, elle est là. Parce que la Martinique est un département français, parce que les décisions agri-environnementales sont prises au niveau national et sont ensuite (pas toujours) adaptées aux particularités locales. La situation semble paradoxale et rend compte des effets de distance entre un espace décideur et un espace acteur (parfois spectateur ?). Dans ce contexte se pose la question d’une approche territoriale (inscription spatiale des activités et composante humaine), plus que spatiale, pour comprendre les pratiques mises en œuvre par les exploitants et par voie de conséquence, les niveaux de pollution des eaux par les pesticides. Organisation spatiale des activités agricoles et pollution des eaux de surface par les pesticides sont ainsi mises en relation par le biais des pratiques phytosanitaires. 2 Introduction générale CONTEXTE GEOGRAPHIQUE ET SOCIAL D’origine volcanique, l’archipel caribéen s’est construit autour de deux arcs insulaires concentriques et de direction globale Nord-Sud. L’arc insulaire externe, le plus ancien, est calcaire et l’arc insulaire interne, plus récent, est essentiellement volcanique. La Martinique est située à cheval sur ces deux arcs, l’arc ancien ne couvrant qu’une partie de l’Est et du Sud de l’île. Elle émerge entre la Dominique au Nord et Sainte Lucie au Sud (fig. 1). Elle est baignée à l’Est par l’Océan Atlantique et à l’Ouest par la Mer des Caraïbes. L’île affecte la forme d’un fuseau orienté NNW-SSE de 65 kilomètres de long sur 33 kilomètres de large, couvrant ainsi une surface de 1 100 km². Figure 1. La Martinique dans l’archipel des Petites Antilles 3 Introduction générale Découvert par Christophe Colomb en 1502, le territoire martiniquais sert d’abord d’escale sur la route des Indes, dans le cadre de la conquête des Amériques à l’instar de nombreuses îles des Caraïbes. En 1635, la France colonise ce territoire. La Compagnie des Indes Occidentales s’occupe ensuite de son exploitation au nom de l’Etat français dès 1664. L’île devient propriété de la Couronne à partir de 1674. L’objectif assigné aux colonies est alors d’être une source de profit pour la France et de rapporter des denrées coloniales grâce à une mise en valeur intensive. La Martinique passe ainsi d’une colonisation politique de conquête et de peuplement à une colonisation économique, avec l’introduction de la canne à sucre et de la société de plantation esclavagiste à partir de 1674. Dès les premiers temps de l’implantation humaine sur l’île, l’activité agricole constitue l’activité principale. Ainsi peut se lire de façon factuelle l’histoire de la Martinique. Selon les auteurs, les grandes phases de cette histoire diffèrent. Nous retenons celles soulignées par De Vassoigne (1989) : - la première période correspond à l’occupation amérindienne ; - la seconde commence en 1635, avec la prise de possession française, pour se terminer en 1848 par l’abolition de l’esclavage ; - jusqu’en 1946, l’industrialisation des sucreries, les crises sucrières conjoncturelles et leurs conséquences locales constituent les événements majeurs ; - enfin, la départementalisation marque un tournant important dans cette histoire générale : la loi du 19 mars 1946 érige en département les quatre vieilles colonies que sont la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et la Martinique. En application du principe de "l’assimilation législative", ces départements sont dès lors soumis aux dispositions de droit commun applicables en métropole1. En conséquence indirecte de cette loi, la Martinique, au même titre que la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane, constitue une région monodépartementale, dotée de deux assemblées distinctes : le conseil régional et le conseil général, avec chacune leur exécutif en la personne de leur président. Située à près de 7000 km de la métropole française, la Martinique relève donc des mêmes lois, mais bénéficie de dispositions particulières, notamment fiscales, qu’elle conserve comme les autres départements d’Outre-Mer (DOM) dans le cadre de l’Union Européenne, en tant que région ultra-périphérique. Presque soixante ans après la départementalisation, les DOM ont obtenu une quasi- égalisation des droits sociaux et un rapprochement relatif du niveau de vie avec la France, bien que l’écart reste encore important : en 1975, le revenu disponible brut par tête ne représente que 42,5% de celui de la France ; en 1993, il atteint plus de 57% du niveau national. Aujourd’hui, la Martinique se présente comme le département d’Outre-Mer dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est le plus élevé. A la fin du 20ème siècle, l’île fait malgré tout l’objet d’une économie fragile, caractérisée par une forte dépendance vis-à-vis des 1 L’article 73 de la Constitution (1958) de la Vème République précise que « le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi ». 4 Introduction générale importations (huit fois supérieures aux exportations) et par un taux de chômage élevé2 (30,3 % en 1998) pour une population dense (340 hab./km², soit 3,5 fois plus que la moyenne métropolitaine3). Dans ce contexte historique, statutaire et économique général, l’agriculture tient un rôle essentiel. Cette activité occupe une place importante sur le territoire martiniquais (33 690 hectares de surface agricole utile dont 10 862 hectares de surface toujours en herbe sur 110 000 hectares de superficie totale en 19994) et se caractérise par l’importance des cultures de banane, de canne à sucre, d’ananas, d’horticulture florale, du maraîchage-vivrier et de l’élevage. Dans le milieu tropical auquel appartient la Martinique, les conditions naturelles engendrent une pression parasitaire forte qui est à l’origine d’une utilisation massive des pesticides. En 1996, les services des Douanes évaluent à 2562 tonnes5 la quantité de produits phytosanitaires importée, dont 1924 tonnes d’insecticides et nématicides, 94 tonnes de fongicides, 493 tonnes d’herbicides et 51 tonnes de divers (Balland et Mestre, 1998). En moyenne donc, 125 kg de produits phytosanitaires sont épandus par hectare traité et par an (surface agricole utile-surface toujours en herbe). En parallèle, des campagnes de prélèvements et de mesures des taux de pollution sont réalisées en 1999 et 2000 par les services de la Direction régionale de l’environnement (DIREN) pour les eaux de surface et par la Direction de la santé et du développement social (DSDS) pour le réseau d’eau potable. Trente molécules ont été détectées depuis janvier 1999 en Martinique, dont 9 ayant dépassé au moins une fois la valeur limite réglementaire. La réduction du niveau de pollution constitue ainsi à l’heure actuelle l’un des enjeux environnementaux majeurs de l’île (Balland et al., 1998 ; Godard, 2000 ; CIRAD, 2004). CONTEXTE SCIENTIFIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE En raison de cet enjeu environnemental majeur, les équipes du CIRAD et leurs partenaires (INRA, Cemagref) ont élaboré un projet commun afin i) d’effectuer un diagnostic concernant l’effet des pratiques culturales sur la contamination des eaux par les pesticides et les engrais en Martinique et en Guadeloupe, ii) de mettre au point et de valider des systèmes de culture raisonnée permettant de réduire les impacts environnementaux. Financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Conseil général de la Martinique et le Ministère de l’environnement et du développement durable, ce programme a débuté en 2001. Il vise à proposer des solutions pour préserver la qualité d’une ressource en eau limitée, tout en maintenant une agriculture productive et économiquement viable. 2 Ce n’est que depuis 1996 que le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) est aligné sur celui de la France, dont il suit depuis l’évolution. Il faut noter par ailleurs que le revenu moyen des ménages martiniquais reste inférieur de moitié à celui des français. 3 Source : IEDOM, 2000. 4 Source : AGRESTE 2000 5 Notons tout de même que sur cette quantité de pesticides évaluée par la douane, une partie est consacrée aux usages domestiques et leur utilisation ne peut être imputée uniquement à l’agriculture. 5 Introduction générale Dans ce cadre, le travail de thèse intervient en complément des recherches relatives aux transferts des pesticides dans les sols et les eaux ainsi qu’à l’évolution du niveau de pollution à l’exutoire de plusieurs bassins pilotes (CIRAD, 2001). Il s’inscrit dans les orientations scientifiques affichées par le projet en traitant les thèmes suivants : - caractérisation et compréhension des modes d’utilisation de l’espace et des pratiques actuelles des agriculteurs ayant un impact environnemental, - mise en évidence des interactions physiques, sociales et économiques entre exploitations, de façon à identifier leurs implications différenciées par rapport à un enjeu environnemental ou de gestion de l’espace. Plus largement, l’objet de recherche porte sur l’organisation spatiale des activités agricoles à l’origine de la variabilité spatiale de la charge polluante. Comprendre cette organisation, c’est comprendre les pratiques et leur localisation. Nous envisageons par conséquent cette recherche comme une première étape nécessaire à la modification des pratiques allant dans le sens d’une réduction des épandages. Nous avons divisé notre recherche en deux volets. Le premier volet vise à connaître les pratiques des agriculteurs et plus précisément à savoir ce qu’ils font, où et pourquoi. Les outils et méthodes sont tirés de l’agronomie et de la géographie : questionnaires ouverts et entretiens pour l’acquisition des informations, analyse des discours, Système d’Information Géographique (SIG) en lien avec une base de données pour la cartographie et le traitement de ces informations, analyse systémique et spatiale, traitements statistiques. Le second volet s’attache à la modélisation de cette organisation spatiale. Il doit ainsi permettre : - l’identification du rôle de chacun des déterminants identifiés dans l’organisation spatiale de la zone d’étude (combinaisons, poids relatifs) et la définition du système rural dans sa globalité, - la simulation des évolutions des structures spatiales et l’observation de leurs conséquences potentielles sur la qualité de la ressource "eau de surface" dans le sens de la contamination des eaux naturelles par les produits phytosanitaires, au moyen d’un Système Multi-Agents (SMA). Ces deux volets impliquent une démarche décomposée en quatre étapes majeures : - caractériser la répartition spatiale de la charge polluante en fonction des pratiques phytosanitaires d’une part, des structures spatiales d’autre part. - évaluer les déterminants de ces pratiques et de ces structures pour être capable, à terme, de proposer des solutions adaptées au terrain visant à réduire la charge polluante. - rendre compte de la gestion spatialement différenciée de l’environnement par un modèle de territoire. - simuler les évolutions possibles du modèle en fonction de mesures proposées par les acteurs (agriculteurs, chercheurs, administratifs) et de l’évolution probable du territoire rural. 6

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Dans ce cadre, l'objet de la thèse porte sur l'organisation spatiale des activités culturales : le cycle végétatif des plantes est respecté et toutes les opérations problématique environnementale : « c'est sale de laisser traîner les
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