street photography

15 Pages·2014·2.74 MB·French

STREET
PHOTOGRAPHY
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PHILIPPE CHAUDRÉ • VINCENT BDUARVIGD EGIOBSNON
STREET
PHOTOGRAPHY
100D
Le savoir-faire
du photographe de rue
Traduit de l’anglais par FABIENNE GONDRAND
David Gibson, Londres, 2003 / page précédente : David Gibson, Londres, 2004
Livre 1.indb 2 03/07/2014 11:08:02 978P21T0it0re7_1917385221_0G0i7b0so2n3_6077.in.indddd 1 7 112/00/80/61/32 0 1144 : 3 137:10
PHILIPPE CHAUDRÉ • VINCENT BDUARVIGD EGIOBSNON
STREET
PHOTOGRAPHY
100D
Le savoir-faire
du photographe de rue
Traduit de l’anglais par FABIENNE GONDRAND
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À ma mère : Margaret Gibson (1923-2008)
En couverture : David Gibson, Londres, 2011
L’édition originale de cet ouvrage est parue en 2014 au Royaume-Uni sous le titre
The Street Photographer’s Manual
© 2014 Quintet Publishing Limited.
© Dunod, 2014 pour la traduction française
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-071135-2
Traduction : Fabienne Gondrand
Relecture : Charlotte Monnier
Couverture : WIP
Mise en page : Arclémax
Ouvrage imprimé en Chine
Crédits photo
Estate of André Kertész/Higher Pictures : André Kertész 43
Estate of Saul Leiter : Saul Leiter 125
Simone Giacomelli : Mario Giacomelli 107
Collectif In-Public : Narelle Autio 173 – Paul Russell 9 – Nick Turpin 12-13 – Matt Stuart 15, 67 –
Richard Bram 28 – Andrew Morley-Hall 31 – Nils Jorgensen 40-41, 65, 91 – Jesse Marlow 136-137 –
Gus Powell 48 – David Solomons 166-167 – Blake Andrews 84-85
Magnum Photos : Henri Cartier-Bresson 7, 18-19 – Elliott Erwitt 51, 64 – Bruce Gilden 63 – Sergio Larraín 33 –
Trent Parke 22-23, 131 – Martin Parr 25 – Gueorgui Pinkhassov 113 – Raghu Rai 10 – Marc Riboud 38, 97 –
Ferdinando Scianna 16 – Alex Webb 34-35
Maloof Collection, Ltd : Vivian Maier 77
Pace/MacGill Gallery, New York : Robert Frank 44
© pour les autres photographies : leurs auteurs respectifs : Caspar Claasen 151, 152-153 – Fan Ho 11 –
Oliver Lang 179 – Johanna Neurath 144-145 – Shin Noguchi 102-103 – Colin O’Brien 20 –
Kaushal Parikh 56-57 – Maria Plotnikova 72-73 – Jack Simon 119 – Lukas Vasilikos 78-79
Toutes les autres photographies © David Gibson
Nous avons fait tout notre possible pour obtenir les autorisations nécessaires à la reproduction des photographies
de cet ouvrage. Toute erreur ou omission qui nous sera signalée se verra rectifiée dans le prochain tirage.
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S O M M A I R E
INTRODUCTION 6 PORTRAIT / JACK SIMON 118
PROJET 11 / OMBRES 120
CHAPITRE 1 / FLUX 46 PORTRAIT / SAUL LEITER 124
PORTRAIT / ELLIOTT ERWITT 50 PROJET 12 / REFLETS 126
PROJET 1 / ORDRE 52 PORTRAIT / TRENT PARKE 130
PORTRAIT / KAUSHAL PARIKH 56 PROJET 13 / DOUBLES 132
PROJET 2 / ÉVÉNEMENTS 58 PORTRAIT / JESSE MARLOW 136
PORTRAIT / BRUCE GILDEN 62
PROJET 3 / SÉRIES 64 CHAPITRE 4 / IMMOBILITÉ 138
PORTRAIT / MATT STUART 66 PROJET 14 / VIDE 142
PROJET 4 / LIGNES 68 PORTRAIT / JOHANNA NEURATH 144
PORTRAIT / MARIA PLOTNIKOVA 72 PROJET 15 / OBJETS 146
PORTRAIT / CASPAR CLAASEN 150
CHAPITRE 2 / SILENCE 74 PROJET 16 / GRAPHISME 154
PORTRAIT / LUKAS VASILIKOS 78
PROJET 5 / ATTENDRE 80 CHAPITRE 5 / SUJETS 158
PORTRAIT / BLAKE ANDREWS 84 PROJET 17 / ENFANTS 162
PROJET 6 / SUIVRE 86 PORTRAIT / DAVID SOLOMONS 166
PORTRAIT / NILS JORGENSEN 90 PROJET 18 / PROJETS 168
PROJET 7 / DE DOS 92 PORTRAIT / NARELLE AUTIO 172
PORTRAIT / MARC RIBOUD 96 PROJET 19 / VERTICAL/HORIZONTAL 174
PROJET 8 / D’EN HAUT 98 PORTRAIT / OLIVER LANG 178
PORTRAIT / SHIN NOGUCHI 102 PROJET 20 / ÉTHIQUE 180
CHAPITRE 3 / ABSTRACTION 104 CONCLUSION 182
PROJET 9 / FLOU 108 GLOSSAIRE 184
PORTRAIT / GUEORGUI PINKHASSOV 112 BIBLIOGRAPHIE 186
PROJET 10 / STRATES 114 INDEX 188
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I N T R O D U C T I O N
Se promener en ville sans idée précise d’un sujet à photographier
peut sembler étrange mais, lorsque la magie opère, la démarche
devient à la fois naturelle et merveilleuse.
QU’EST-CE QUE LA STREET
PHOTOGRAPHY ?
Dans le rayon photo des librairies, les étagères les il y a quelques années, quand j’étais encore un jeune
moins intéressantes à mes yeux sont celles des manuels photographe naïf qui venait de se prendre de passion
techniques et didactiques. Je ne les comprends pas, pour la photographie, désireux de s’imprégner de tout
ni d’un point de vue pratique, ni d’un point de vue et de donner une orientation à sa pratique. Par naïveté,
émotionnel. Lorsque j’ai commencé à étudier la j’entends cet émerveillement qu’éprouvent les enfants
photographie à la fin des années 1980, la théorie a failli mais qui est remis en question avec l’âge. J’ai pleinement
me dégoûter de la pratique en inhibant ma confiance. conscience de cette période initiale d’apprentissage
J’en ressens encore les effets aujourd’hui. Je préfère obsessionnel à laquelle je ne peux jamais vraiment
mille fois regarder des photos, notamment des photos retourner. Par le biais des ateliers de street photography
de rue. C’est là que j’ai appris la photographie et c’est que j’anime, j’ai rencontré cette même soif chez d’autres.
la rue qui donne le ton de cet ouvrage. J’espère qu’il Leur enthousiasme est vivifiant.
saura inspirer les lecteurs qui s’intéressent déjà à la À travers ce livre, mon but est d’observer et identifier
street photography. le processus qui donne vie à la photographie de rue. La
D’emblée, rappelons que les opinions personnelles chance ne s’enseigne pas, pas plus que la passion. Mais
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O sont subjectives, comme l’est par exemple mon si l’envie a déjà germé, j’espère que ce livre clarifiera
TI
UC aversion pour la technique. En écrivant ce livre, j’ai voire accélérera le processus.
D
O
R pris davantage conscience de l’intransigeance et de la J’ai étudié la photographie dans un livre d’Andreas
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/I facilité avec laquelle on peut camper sur ses positions. Feininger intitulé The Complete Photographer (1968).
Y
H L’opinion de chacun est différente pour une même Je suis accro au design et à la typo de ce livre, dont la
P
A
R photo, y compris concernant sa genèse. Par exemple, couverture est illustrée par le portrait saisissant d’une
G
O
T Henri Cartier-Bresson n’aimait pas la photographie en femme asiatique. Consacré aux aspects techniques de la
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H
P couleur. Ce livre pourrait tout aussi bien s’adresser à moi photographie, l’ouvrage de Feininger s’accompagne de
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schémas, graphiques et équations. Bon photographe, à quelqu’un qui ne savait pas trop quoi photographier
l’auteur concède lui-même que, « la photographie ne dans la rue. Je lui avais suggéré de prendre un bus,
peut s’enseigner qu’en partie, spécifiquement les aspects de regarder défiler le monde et de descendre lorsqu’il
techniques. Tout le reste doit venir du photographe ». verrait quelque chose d’intéressant : ce fut pour lui une
Je trouve cet aveu rassurant, même si mon livre finira révélation. Moi qui faisais cela depuis des années, j’ai
probablement dans les rayons techniques des librairies été surpris. Ce qui paraît évident à certains peut être
plutôt que dans celui des livres d’art. En vérité, cet utile à d’autres.
ouvrage est un entre-deux : il aborde les aspects En me penchant sur l’histoire générale de la street
pratiques de la photographie de rue mais tente d’en photography, j’ai été captivé par la perception et la
décomposer les diverses approches en concepts clairs. pensée de vingt photographes. Je souhaite que cette
J’avais peur que certains soient évidents, puis je me passion, que tant d’autres partagent à travers le monde,
suis remémoré le conseil désinvolte que j’avais donné transparaisse dans cet ouvrage.
Henri Cartier-Bresson, Shanghai, 1948
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Au cours de sa réflexion sur la signification des sujets Le mot « rue » suggère son authenticité : elle est
et des personnalités en photographie dans The Ongoing née dans la rue, avec un caractère bien à elle, mais
Moment (2005), Geoff Dyer pose une question parallèlement, les espaces publics offrent un éventail
fascinante : quelle est la différence entre une route et d’instants poignants. Particularité déterminante :
une rue ? Il conclut : la photo de rue n’exige pas la présence de personnes.
C’est un pot-pourri, comme le prouvent dans l’ouvrage
« Ce n’est pas une question de taille (certaines rues les portraits consacrés à vingt photographes, d’où
en ville sont plus larges que des routes de campagne). la difficulté à définir précisément ce qu’est la photo
Une route sort de la ville alors que la rue y reste. À la de rue. Ces portraits donnent le ton, et je reconnais
campagne, on ne trouve donc pas de rues, mais des routes. volontiers que le choix a été quelque peu le fruit
Si une rue mène à une route, on quitte la ville. Si une du hasard. Ce mélange est démocratique, même si
route se transforme en rue, on entre dans la ville. Si on j’admets qu’il devrait compter plus de femmes.
roule longtemps, une route finit par devenir une rue,
l’inverse n’étant pas forcément vrai (une rue peut être une QU’EST-CE QUE LA STREET
fin en soi). Les rues sont toujours bordées de maisons. Les
meilleures rues invitent à rester, la route incite à partir. » PHOTOGRAPHY ? POUR
Cette perspective, bien que séduisante, déboussole
RÉPONDRE, CONSIDÉRONS
littéralement. Pourtant, la question n’est pas de savoir
si une photo a été prise sur la route ou dans la rue.
TOUT D’ABORD CEUX QUI
Dyer a aussi publié un ouvrage très émouvant
sur le jazz, But Beautiful (1992), avec lequel la street
LA PRATIQUENT. SI VOUS
photography entretient une parenté, les deux ayant
été façonnés par des non-conformistes. Ce lien
PLONGEZ AU CŒUR DE
singulier me permet de proposer un autre nom pour
la photo de rue, qui se rapporte au jazz et à sa manière
de jongler avec les mélodies. Surtout, je note une LEURS MOTIVATIONS, TOUT
empathie avec l’état d’esprit des musiciens de jazz, qui
font le choix de se perdre : ils maîtrisent la situation S’ÉCLAIRE.
mais restent ouverts à l’imprévu et à l’intuition du
moment. La photographie de rue pourrait s’appeler
« la photographie perdue », car les photographes de rue
doivent savoir se perdre.
N
O La photo de rue recouvre tout type de cliché pris
TI
UC dans un espace public. Elle montre le plus souvent
D
O
R des personnes vaquant à leurs activités quotidiennes.
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N
/I Sa valeur essentielle et non négociable est qu’elle n’est
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H jamais mise en scène.
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La photographe documentaire de paysage Kate Paul Russell, installé sur la côte sud de l’Angleterre,
Kirkwood a pris quelques photos dans la rue, mais aime les foires agricoles. Elles mêlent la foule et
la majeure partie de son travail (de loin la plus montrent l’excentricité des Anglais. Russell est
mémorable) provient de la ferme du Lake District considéré comme un photographe de rue typique, doté
qu’elle habite en Angleterre. Sa série Spine est en d’un sens de l’humour décalé, bien que son territoire
substance un entrelacement entre le pelage du ne soit a priori pas les centres urbains. Le concept de la
bétail, les collines et le ciel. Les photos couleurs photo de rue peut largement dépasser la grande ville.
sont époustouflantes et provoquent invariablement
l’émerveillement mais, lorsque je les ai montrées lors
d’un atelier à Athènes, un des participants s’est écrié,
« ce n’est pas de la photo de rue », et il n’avait pas tort.
La street photography englobe les photos prises sur
le pas de la porte, mais s’étend-elle aux animaux de la
ferme et aux paysages ?
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LIEUX ET COMMUNAUTÉS
Le lieu est un facteur clé dans la photo de rue et En 2012, IPA a publié une liste passionnante des
certains pays sont probablement plus avancés que vingt photographes les plus influents en Asie, qui
d’autres. L’Afrique semble absente du domaine, classait Daido Moriyama, Nobuyoshi Araki et Raghu
mais cette appréciation est certainement étriquée. Rai respectivement en 1re, 2e et 3e positions. Dans cette
Malheureusement, la Scandinavie, l’Amérique du Sud liste figurait également Fan Ho, photographe, acteur
et l’Amérique centrale ne figurent pas dans cet ouvrage, et cinéaste de Hong Kong. Pour moi comme pour
bien que les photographes de rue y soient assurément bien d’autres, ses photographies en noir et blanc de
actifs. Il existe par exemple à Stockholm une Hong Kong dans les années 1950 sont une véritable
association qui promeut la street photography (CUP, révélation. Découvrir les œuvres magnifiques d’un
Contemporary Urban Photographers), qui convie des photographe relativement inconnu prouve qu’il existe
photographes à organiser des ateliers et des expositions toujours des talents à découvrir.
et qui présente ses propres œuvres.
J’ai sans l’ombre d’un doute laissé de côté certains
grands photographes de rue. Je connais Invisible
Photographer Asia (IPA) à Singapour, plateforme de
l’Asie mais aussi de la photographie en Asie. Fondée
en 2010 par Kevin WY Lee, IPA compte d’ores et déjà
un nombre impressionnant d’adeptes dans la région
et continue à prendre de l’ampleur en ligne. Lee est
fermement convaincu de l’importance du contact, de
la représentation et du partage tangibles des photos sur
les murs de la galerie IPA ou dans des livres.
Raghu Rai, Mumbai, 2010
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