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Soufi mon amour PDF

367 Pages·2016·1.48 MB·French
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Elif Shafak Soufi, mon amour Traduit de l'anglais (Turquie) par Dominique LETELLIER 10 ─ 18 Sur l’auteur Fille de diplomate, Elif Shafak est née à Strasbourg en 1971. Elle a passé son adolescence en Espagne avant de revenir en Turquie. Après des études en « Gender and Women's Studies » et un doctorat en sciences politiques, elle a un temps enseigné aux États-Unis. Elle vit aujourd'hui à Londres. Internationalement reconnue, elle est l'auteur de dix livres, dont La Bâtarde d'Istanbul, Bonbon Palace, Lait noir et Soufi mon amour. Crime d'honneur, son dernier roman, a paru aux éditions Phébus. Du même auteur aux Éditions 10/18 LA BÂTARDE D'ISTANBUL, N° 4154 BONBON PALACE, n° 4259 LAIT NOIR, n° 4371 Titre original : The Forty Rules of Love © Elif Shafak, 2010. Tous droits réservés © Libella, 2010, pour la traduction française. ISBN 978-2-264-05406-7 À Zahir et Zelda Quand j'étais enfant, je voyais Dieu, je voyais les anges ; je regardais les mystères des mondes d'en haut et d'en bas. Je croyais que tous les hommes voyaient la même chose. J'ai fini par comprendre qu'ils ne voyaient pas... SHAMS DE TABRIZ Prologue Tu tiens une pierre entre tes doigts et tu la lances dans un ruisseau. Tu risques d'avoir du mal à constater l'effet produit. Il y aura une petite ride où la pierre a brisé la surface, et un clapotis, mais étouffé par les flots bondissants du cours d'eau. C'est tout. Lance une pierre dans un lac. L'effet sera non seulement visible mais durable. La pierre viendra troubler la nappe immobile. Un cercle se formera où la pierre a frappé et, au même instant, il se démultipliera, en formant d'autres, concentriques. Très vite, les ondulations causées par ce seul « plop » s'étendront au point de se faire sentir sur toute la surface de l'eau, tel un miroir une seconde plus tôt. Les cercles atteindront les rives et, alors seulement, ils s'arrêteront de grandir et s'effaceront. Si une pierre tombe dans une rivière, les flots la traiteront comme une commotion parmi d'autres dans un cours déjà tumultueux. Rien d'inhabituel. Rien que la rivière ne puisse maîtriser. Si une pierre tombe dans un lac, en revanche, ce lac ne sera plus jamais le même. Pendant quarante ans, la vie d'Ella Rubinstein avait été un plan d'eau tranquille - un enchaînement prévisible d'habitudes, de besoins et de préférences. Bien que monotone et ordinaire, elle ne lui avait pas paru lassante. Ces vingt dernières années, tous ses souhaits, toutes les personnes avec lesquelles elle s'était liée d'amitié, toutes les décisions qu'elle avait prises étaient passés par le filtre de son mariage. David, son époux, dentiste réputé, travaillait dur et gagnait beaucoup d'argent. Elle avait toujours su qu'ils ne communiaient pas à un niveau profond, mais un lien émotionnel n'est pas forcément une priorité pour un couple marié, se disait-elle, surtout pour un homme et une femme unis depuis si longtemps. Il y avait plus important que la passion et l'amour dans un mariage. La compréhension, par exemple, l'affection, la compassion et cet acte le plus précieux que quiconque puisse accomplir : le pardon. L'amour était secondaire par rapport à tout ça - à moins de vivre dans un roman ou dans un film sentimental, où les protagonistes sont hors norme et leur amour à la hauteur des grandes légendes romantiques. Pour Ella, ses enfants étaient une priorité. Ils avaient une ravissante fille étudiante, Jeannette, et des jumeaux adolescents, Orly et Avi. Ils avaient aussi un golden retriever de douze ans, Spirit, le compagnon le plus joyeux d'Ella depuis qu'il était un chiot, qui l'escortait lors de ses promenades matinales. Maintenant vieux, trop gras, totalement sourd et presque aveugle, ses jours étaient comptés, mais Ella préférait se dire que Spirit vivrait toujours. Elle était ainsi. Jamais elle n'affrontait la mort de quoi que ce soit - d'une habitude, d'une phase ou d'un mariage -, même quand la fin se dressait juste sous son nez, évidente et inévitable. Les Rubinstein habitaient à Northampton, dans le Massachusetts, une vaste demeure de style victorien qui aurait mérité quelques rénovations mais qui était toujours splendide, avec cinq chambres et trois salles de bains, un beau parquet, un garage pour trois voitures, des porte-fenêtre et, surtout, un jacuzzi dans le jardin. Ils possédaient une assurance-vie, une retraite confortable à venir, des livrets d'épargne poulies études des enfants, des comptes en banque communs et, en plus de leur résidence, deux appartements de prestige, l'un à Boston, l'autre à Rhode Island. David et elle avaient durement travaillé pour obtenir tout ça. Une grande maison bourdonnante d'enfants, meublée avec élégance, embaumant la tarte que venait de confectionner la maîtresse des lieux : un cliché pour certains mais, pour eux, c'était l'image même de la vie idéale. Ils avaient construit leur mariage autour d'une vision partagée, et réalisé la plupart de leurs rêves, sinon tous. À la dernière Saint-Valentin, son mari avait offert à Ella un gros pendentif en diamant taillé en forme de cœur, accompagné d'une carte qui disait : À ma chère Ella, Une femme aux manières discrètes, au cœur généreux et à la patience d'une sainte. Merci de m'accepter tel que je suis. Merci d'être mon épouse. Ton David Ella ne l'avait jamais avoué à David, mais en lisant cette carte, elle avait eu l'impression de lire son éloge funèbre. C'est ce qu'ils diront de moi quand je mourrai, avait-elle pensé. Et s'ils étaient sincères, ils pourraient aussi ajouter : « Elle a construit toute sa vie autour de son mari et de ses enfants, ce qui l'a empêchée d'apprendre les techniques de survie qui permettent de supporter les épreuves. Ce n'était pas le genre de femme à faire fi des précautions. Le simple fait de changer de marque de café représentait pour elle un effort considérable. » Tout cela explique que personne, à commencer par Ella, ne put expliquer sa demande de divorce, à l'automne 2008, après vingt ans de mariage. * Mais il y avait une raison : l'amour. Ils ne vivaient pas dans la même ville. Pas sur le même continent. Tous deux n'étaient pas seulement séparés par des milliers de kilomètres : ils étaient aussi différents que le jour et la nuit. Leurs modes de vie étaient si dissemblables qu'il paraissait impossible qu'ils supportent la présence l'un de l'autre - sans parler de tomber amoureux. Mais c'était arrivé. Si vite qu'Ella n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui se passait ni de se tenir sur ses gardes - pour autant qu'on puisse se garder de l'amour. L'amour s'empara d'Ella aussi brusquement qu'une pierre soudain jetée dans le lac tranquille de sa vie. Ella Northampton, 17 Mai 2008 Les oiseaux chantaient devant la fenêtre de la cuisine en cette douce journée de printemps. Par la suite, elle se rejoua la scène si souvent que, plutôt qu'un fragment du passé, il lui sembla que le moment se prolongeait, qu'il se produisait quelque part dans l'univers. Ils étaient tous assis autour de la table pour un déjeuner tardif, ce samedi après-midi. Son mari se servait des pilons de poulet frits, son mets favori. Avi frappait son couteau et sa fourchette sur la table comme des baguettes sur une batterie, et sa jumelle Orly tentait de calculer combien de bouchées de quel aliment elle pouvait ingérer sans mettre en péril son régime à six cent cinquante calories par jour, jeannette, en première année d'université au Mount Holyoke College, tout près de chez eux, semblait perdue dans ses pensées tandis qu'elle^ étalait du fromage blanc sur une tranche de pain. À la table, il y avait aussi tante Esther, venue leur apporter un de ses fameux quatre-quarts, puis qui était finalement restée déjeuner. Bien que submergée de travail, Ella ne semblait pas encore prête à quitter la table. Ces derniers temps, ils n'avaient partagé que peu de repas en famille, et elle considérait qu'ils avaient là une merveilleuse occasion de renouer le contact. « Esther, Ella vous a-t-elle annoncé la bonne nouvelle ? demanda David. Elle a trouvé un boulot formidable ! » Ella avait beau détenir une licence en littérature anglaise et aimer la fiction, elle n'avait pas fait grand-chose dans ce domaine depuis l'université, à part éditer quelques articles pour des magazines féminins, participer à des clubs de lecture et écrire à l'occasion des critiques de livres pour des journaux locaux. C'était tout. À une époque, elle aspirait à devenir une grande critique littéraire, mais elle avait tout simplement accepté le fait que la vie la conduise ailleurs, la transformant en une maîtresse de maison assidue avec trois enfants et des responsabilités domestiques sans fin. Elle ne s'en plaignait pas. Être mère, épouse, promeneuse de chien et maîtresse de maison l'occupait suffisamment. Elle n'avait pas besoin de

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