Université de Paris IV-Sorbonne Pierre-Yves Beaurepaire Dossier présenté en vue de l‟habilitation à diriger des recherches sous la direction de M. Lucien Bély, Professeur d‟histoire moderne à l‟Université de Paris IV-Sorbonne Sociabilité, Franc-maçonnerie et réseaux relationnels Contributions pour une histoire sociale et culturelle de l‟espace européen des Lumières II/1 Sélection d‟articles 23 novembre 2002 Jury : M. Lucien Bély, Professeur à l‟Université de Paris IV-Sorbonne M. Gian Mario Cazzaniga, Professeur à l‟Université de Pise M. Jean-Pierre Jessenne, Professeur à l‟Université de Rouen M. Claude Michaud, Professeur à l‟Université de Paris I Panthéon-Sorbonne M. le Recteur Jean-Pierre Poussou, Professeur à l‟Université de Paris IV-Sorbonne M. Daniel Roche, Professeur au Collège de France 2 Avertissement Ce tome II en deux volumes présente volontairement une sélection d‟articles1 et de communications publiés ou à paraître. J‟en ai volontairement écarté les articles qui reprenaient tel chapitre de ma thèse de doctorat, comme « Le rayonnement et le recrutement étranger d‟une loge maçonnique au service du négoce protestant : Saint-Jean d’Ecosse à l‟orient de Marseille au XVIIIe siècle » publié en 1996 dans la Revue Historique2, ou qui avaient préparé la rédaction finale d‟un chapitre, tel « Fraternité universelle et pratiques discriminatoires dans la Franc-maçonnerie des Lumières » paru dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine en 19973. Pour les mêmes raisons j‟ai écarté du dossier présenté en vue de l‟habilitation à diriger des recherches les deux petits volumes de 128 pages, Franc-maçonnerie et cosmopolitisme au siècle des Lumières, et La Plume et le Compas. Franc- maçonnerie et culture de la France des Lumières à la France des notables, donnés à la collection Encyclopédie maçonnique d‟EDIMAF, en 1998 et 2000. En revanche, j‟ai maintenu l‟article « Le cosmopolitisme des Lumières à l‟épreuve : la Réunion des Etrangers à l‟orient de Paris de la fin de l‟Ancien Régime au Premier Empire », publié dans la même Revue Historique en 19994, car il intégrait des sources françaises et danoises inédites, auxquelles je n‟avais pas eu accès pendant la préparation et la rédaction de L’Autre et le Frère. Distribuée entre cinq sections, cette sélection vise à proposer un panorama représentatif de sept années 1 Ils portent une astérisque dans la liste récapitulative insérée dans l‟Itinéraire qui constitue le premier volume de ce dossier. 2 Pierre-Yves Beaurepaire, « Le rayonnement et le recrutement étranger d‟une loge maçonnique au service du négoce protestant : Saint-Jean d’Ecosse à l‟orient de Marseille au XVIIIe siècle », Revue Historique, CCXCIII/2, 1996-1, p. 263-288. 3 Pierre-Yves Beaurepaire, « Fraternité universelle et pratiques discriminatoires dans la Franc-maçonnerie des Lumières », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 44-2, avril- juin 1997, p. 195-212. 4 Pierre-Yves Beaurepaire, « Le cosmopolitisme des Lumières à l‟épreuve : la Réunion des Etrangers à l‟orient de Paris de la fin de l‟Ancien Régime au Premier Empire », Revue Historique, CCXCX /4, n°608, 1999, p. 795-823. 3 de recherches et de production, de 1996 à 2002. J‟ai néanmoins inclus mon premier article, publié en 1994 dans les Annales Historiques de la Révolution Française : « La Saint-Barthélemy des patriotes, sentiment de persécution et signes victimaires chez Agrippa d‟Aubigné et Jacques-René Hébert »1. 1 Pierre-Yves Beaurepaire, « La Saint-Barthélemy des patriotes, sentiment de persécution et signes victimaires chez Agrippa d‟Aubigné et Jacques-René Hébert », Annales Historiques de la Révolution Française, n°298, octobre-décembre 1994, n°4, p. 687-693. 4 I Sociabilité maçonnique, sociabilité académique 5 L‟ouverture d‟un horizon académique : Académiciens et francs-maçons messins au XVIIIe siècle dans Académies et sociétés savantes en Europe, 1650-1800, textes réunis par Daniel-Odon Hurel et Gérard Laudin, Paris, Honoré Champion, Colloques, congrès et conférences sur le classicisme, 2001, p. 303-316. A partir du milieu du XVIIIe siècle, le « creuset messin »1, frontière riche de brassages de populations, de contacts et d‟échanges culturels, est marqué par un rapide développement de la sociabilité nouvelle et de ses instances. Les loges maçonniques locales, désormais solidement établies, tissent leurs réseaux de correspondance à travers toute l‟Europe et reçoivent les visites de frères de marque, allemands, scandinaves ou russes. Elles s‟imposent ainsi comme de puissants intermédiaires culturels. Des syncrétismes s‟ébauchent, quelques-unes des plus riches pages de l‟histoire de la Franc-maçonnerie des hauts grades s‟écrivent ici. Au point que, comparativement, la sociabilité académique semble faire pâle figure à Metz, et ne pas profiter de cette situation privilégiée de carrefour. La Société d’Etudes des Sciences et des Arts fondée le 22 avril 1757, devenue Société Royale des Sciences et des Arts par lettres patentes de juillet 1760, est en effet généralement considérée comme un foyer culturel enclavé, qui peine à dépasser l‟horizon provincial et à renouveler ses effectifs. Pour un peu, l‟Académie messine apporterait la contradiction à la thèse largement admise selon laquelle l‟innovation viendrait des marges. Pour D. Roche, qui suit J.-C. Le Breton, elle tourne le dos à l‟Allemagne, alors que les abbayes bénédictines avaient tissé un dense réseau d‟échanges culturels avec l‟étranger proche2. La Société Royale des 1 François-Yves Le Moigne, Gérard Michaux, « Metz au siècle des Lumières, in François- Yves Le Moigne (sous la direction de), Histoire de Metz, Toulouse, Privat, collection Univers de la France et des pays francophones, 1986, p. 290. 2 Daniel Roche, Le siècle des Lumières en province, Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, 1978, éd. 1989, Editions de l‟EHESS, tome I, p. 311. Jean- Christophe Le Breton, La Société Royale des Sciences et des Arts de Metz (1757-1793). Etude de sociologie culturelle, thèse de 3e cycle, Faculté des lettres et sciences humaines, Paris, sous la direction d‟Alphonse Dupront, 1967. Pourtant dom Jean-François notamment n‟a pas ménagé ses efforts pour convaincre les membres de la première Société d‟Etudes de multiplier les ouvertures culturelles. Son Discours sur les avantages des Académies, 6 Sciences et des Arts se rapproche paradoxalement plus de l‟Académie de Pau bloquée autant par son conservatisme que par la barrière pyrénéenne, que de celle de Dijon, société extravertie prompte à tirer partie de la situation de carrefour sur les routes du Grand Tour qu‟occupe la cité bourguignonne. Pourtant, les indices d‟une ouverture à l‟autre peuvent être mis en évidence. Ouverture aux problèmes extra-provinciaux, aux sujets philosophiques et littéraires initialement exclus des préoccupations des Académiciens messins ; ouverture sur les Républicains des lettres et leurs réseaux de correspondances. Pour comprendre ce désenclavement d‟un groupe académique, porter le regard sur une société littéraire en marge de la reconnaissance académique -la Société des Philathènes- ainsi que sur les loges maçonniques messines, leur ambitieux projet d‟un réseau de correspondance européen, leur rôle d‟actif trait d‟union entre les Fraternités française et allemande offre plusieurs pistes. L‟importance du phénomène de double appartenance -loge/Académie- voire de triple appartenance -loge/Académie/Société des Philathènes a été sous-estimé par J.-C. Lebreton en raison de l‟utilisation exclusive de sources postérieures à la reprise en main de la Franc-maçonnerie provinciale par le Grand Orient en 1773-1774 qui occultent trente ans d‟activité maçonnique intense à l‟échelle européenne1. En outre, la plupart des dirigeants maçonniques locaux, qui furent à l‟origine de l‟aventure européenne des loges maçonniques, furent des chevilles ouvrières de l‟Académie et d‟incontestables artisans de son ouverture. Autrement dit, le cas messin, plutôt que de s‟inscrire dans l‟opposition simpliste entre une sociabilité traditionnelle, recroquevillée sur elle-même, en perte de vitesse, et une sociabilité nouvelle, qui transcenderait les barrières sociales, géographiques et culturelles, montre comment les différentes instances de la sociabilité des Lumières peuvent se stimuler, s‟ouvrir à de nouveaux horizons, et se compléter -les francs-maçons messins trouvant dans la Société des Philathènes, comme c‟est le cas ailleurs dans les Musées, une réponse à leur « tentation académique ». Sociétés d’études littéraires de 1757 reprend significativement celui qu‟il avait prononcé en 1752 lors de sa réception au sein de la Société germano-bénédictine. 1 Le dossier Metz de la collection Chapelle [Bibliothèque nationale, Cabinet des manuscrits, Fonds maçonnique, FM1 111, volume VI] permet de restituer la richesse de la vie maçonnique à Metz à l‟époque de la Grande Loge. 7 Dès l‟origine, la Société Royale des Sciences et des Arts cherche à reproduire fidèlement dans le champ de la sociabilité la hiérarchie provinciale et à s‟imposer comme le cénacle où s‟épanouissent les élites messines. Sa devise est « Utilité publique », mais « Conformisme et conservatisme social » pourrait en tenir lieu. La composition de la classe des « membres nés » signale d‟entrée l‟esprit qui préside au recrutement des académiciens messins : l‟évêque, le commandant militaire de la province, le premier président du parlement, l‟intendant...1, assurent la réputation et la direction morale de la Société Royale. La composition des « honoraires » traduit également la fermeture du groupe académique : plus de 90% sont nobles. Inversement, au fur et à mesure que l‟on descend dans la hiérarchie académique, les représentants du tiers état sont plus présents. Absents des membres nés et des honoraires, ils fournissent le tiers des titulaires, et représentent 47% des associés libres et 57% des correspondants. Cette distribution inégale entre les classes fournit clairement la réponse de l‟Académie messine aux questions qui taraudent alors l‟ensemble des académiciens des lettres : l‟égalité doit-elle régner au sein du corps académique ? Jusqu‟où les académiciens se considèrent-ils comme des pairs ? Quelle place accorder au statut social de chacun ? La composition de la classe des « titulaires » en fournit une éclatante confirmation. Les deux ordres privilégiés fournissent les deux tiers du groupe, tandis que la bourgeoisie à talent se partage l‟essentiel du reliquat, avec deux composantes principales : les avocats et les médecins. Apothicaires, négociants et représentants des métiers sont absents de la Société. Et lorsque l‟apothicaire de l‟hôpital militaire, Thyrion, confiné dans la classe des associés libres, demande à être reçu titulaire en 1764 puis en 1771, c‟est une véritable levée de boucliers. Les difficultés économiques des négociants messins ont sans doute joué en leur défaveur, mais leur absence résulte surtout de l‟application par l‟Académie de la fameuse loi d‟exclusion réciproque de l‟otium et du nég/otium 2. Cette fermeture du groupe académique messin le distingue ainsi de celui de Dijon, pourtant lui aussi fortement marqué par l‟empreinte parlementaire, et tranche 1 Ils sont suivis par le princier de la cathédrale, et le maître-échevin de Metz. 2Les contradictions de l‟académisme qui se veut consacré à l‟utilité publique, à l‟amélioration de l‟agriculture et à la restauration du commerce éclatent également avec la place faite aux arts mécaniques et à leurs agents : dès 1757, une classe spéciale d‟agrégés avec six sièges leur est théoriquement destinée, elle reste désespérément vide jusqu‟en 1784. La Franc- 8 singulièrement sur l‟équilibre harmonieux entre les ordres maintenu par Séguier et les siens à Nîmes1. Le conformisme et le conservatisme social ont indiscutablement sclérosé la Société d‟Etudes, puis à partir de 1760 la Société Royale des Sciences et des Arts. Les effectifs se renouvellent très difficilement avec comme corollaire le vieillissement continu de la société et la vacance de plusieurs sièges d‟honoraires et jusqu‟à sept places de titulaires. De 1761 à 1793, la Société pose en moyenne moins d‟un sujet par an, indice d‟une activité médiocre. Surtout, en plus de trente ans d‟existence, on ne constate aucune évolution sensible du recrutement sur le plan social : l‟Académie messine demeure un cénacle tourné vers les ordres privilégiés et semble ignorer les demandes en provenance des catégories montantes du tiers état, notamment des robins et des négociants qui chercheront ailleurs leurs foyers de sociabilité d‟élection. La position sociale des impétrants dicte strictement les choix de la Société Royale, d‟où un manque de souplesse évident. Les promotions académiques sanctionnent les promotions sociales. Le cas de Claude-François Bertrand de Boucheporn, académicien et franc-maçon, seul titulaire à accéder à la classe des honoraires, est riche d‟enseignement. Fils d‟un conseiller au parlement, il devient titulaire alors qu‟il est avocat général au parlement ; nommé intendant de Corse il devient honoraire. La Société Royale fait preuve de frilosité, de manque d‟initiative. Elle attend pour agréger tel postulant qu‟il ait concrétisé les potentialités qu‟il recèle, alors que plusieurs de ses consoeurs choisissent de reconnaître des talents précoces et d‟offrir ainsi une plus large audience à leurs travaux. François de Neufchâteau est membre des Académies de Dijon, Lyon, Marseille et Nancy dès les années 1760, soit plus de vingt ans avant son admission à Metz. La Société Royale fait également de l‟enracinement dans la province une véritable profession de foi. Elle ne manque pas de faire part de sa mauvaise humeur lorsque les mémoires qui lui parviennent suggèrent que les problèmes économiques et sociaux du temps ne doivent pas être appréhendés dans une perspective strictement locale, nécessairement réductrice, mais à une toute autre échelle : « [Elle] se croit donc obligée de rappeler que lorsqu‟une Académie offre à traiter une maçonnerie n‟échappe d‟ailleurs pas davantage à ces contradictions de la sociabilité d‟Ancien Régime, si l‟on songe à sa répugnance à s‟ouvrir aux représentants des métiers. 1 Avec, parmi les Académiciens ordinaires, 21,4% de membres issus du clergé ; 36,4% de la noblesse et 42% des bourgeoisies. D‟après Daniel Roche, « Correspondance et voyage au XVIIIe siècle : le réseau des sociabilités d‟un académicien provincial, Séguier de Nîmes » in 9 question relative à sa province, bien loin de généraliser les idées, les sujets et les moyens, il faut au contraire les restreindre et les adapter précisément au local »1. La place accordée dans la classe des titulaires à deux groupes, les officiers du parlement qui représentent plus de 20% des effectifs, toutes classes confondues, et le clergé régulier témoigne de cet enracinement local et provincial. La forte présence parlementaire rapproche Metz des Académies de Bordeaux et de Dijon2, tandis que la Société d‟Etudes reconnaît et consacre dans ses premiers statuts, le rôle éminent des chanoines réguliers et des Bénédictins des quatre abbayes messines dans les dispositifs culturels messins et lorrains en leur accordant de droit des représentants en son sein. A l‟inverse, la noblesse militaire -avec 7% des titulaires- est sous- représentée par rapport à la part de la garnison dans la société messine. C‟est le signe concordant du désir des Académiciens de ne choisir comme pairs que des Messins enracinés dans la province : les officiers militaires ne sont que de passage à Metz, leur commerce avec la société locale n‟est souvent que superficiel. Par ailleurs, les préoccupations des militaires : trouver un foyer de sociabilité chaleureux, qui atténue le déracinement lié aux affectations successives, les orientent d‟eux- mêmes davantage vers les loges maçonniques. Les sujets proposés aux concours et les travaux ordinaires traduisent aussi à leur manière l‟étroitesse de l‟horizon et du projet académiques. On est loin de la curiosité universelle des Vannistes. Les Belles-Lettres et le droit sont négligés, les récits de voyage intéressent peu les académiciens qui contestent même l‟utilité du Tour de formation. Le groupe académique est d‟abord composé de propriétaires fonciers, dont les préoccupations sont clairement utilitaires et locales. La Société Royale qui fait fonction de société d‟agriculture ne veut pas couronner des mémoires théoriques, mais multiplier les expériences et les enquêtes locales, et mettre sur pied un réseau d‟informateurs parmi les « cultivateurs éclairés ». Les Académiciens messins qui, par la suite, bénéficieront d‟une solide réputation agronomique, interdisent quasiment, par la formulation de leurs sujets, toute contribution étrangère Les Républicains des Lettres, Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988, p.268 1 Bibliothèque municipale de Metz, mss 1342, Etat de la Société royale au mois d‟août 1769, p.18. 2 Elle la distingue des instances culturelles provençales par exemple, auxquels les parlementaires aixois, pourtant eux aussi enracinés dans leur province, participent peu, tant comme associés que comme titulaires [Monique Cubells, La Provence des Lumières, Les parlementaires d’Aix au XVIIIe siècle, Paris, Maloine, 1984, p.351-352]. 10 à la province : ainsi Les productions les mieux adaptées au pays messin ou encore les Moyens de supprimer la jachère -pourtant d‟une criante actualité sur le fond- n‟obtiennent pas de réponse. La distribution géographique des lauréats successifs est parlante : La domination messine et plus largement lorraine est écrasante. Jusqu‟en 1789, on enregistre un seul lauréat issu des principautés ecclésiastiques allemandes : le négociant Lagrange, demeurant à Coblence. Mais il s‟agit en fait d‟un Messin, fait significatif. Elle élargit certes son horizon aux territoires environnants : Lorraine ducale, électorat de Trèves, duché de Luxembourg, mais l‟ouverture en direction des sociétés françaises, et surtout allemandes et suisses en plein essor est différée. En fait, les académiciens messins ont manifestement du mal à trouver leurs marques dans un espace lorrain en mutation, et plus encore dans une Europe où les échanges économiques, culturels et humains s‟accroissent et se réorientent rapidement. Leur goût pour l‟histoire masque mal la nostalgie des temps glorieux dans laquelle ils se réfugient. La foire de mai à Metz, ou encore Metz ville impériale, ne rencontrent qu‟un très faible écho ; l‟Académie s‟entête pourtant, elle pose vainement à trois reprises fois un sujet sur les Moyens de rétablir Commerce et industrie à Metz sans penser que ces échecs répétés trahissent une absence d‟audience qui reflète elle-même le décalage entre ses préoccupations et celles des Lumières techniciennes dont elle cherche à obtenir le concours. Plus grave encore, les quelques thèmes novateurs proposés par l‟actif Roederer, ainsi l’Influence du canal Meuse-Seine sur le commerce des Evêchés, n‟obtiennent pas davantage de réponse. En cette fin de XVIIIe siècle, le conseiller au Parlement Pierre-Louis Roederer tente en effet de réveiller ses confrères. Metz n‟est plus l‟entrepôt majeur sur les voies de terre et d‟eau qui unissent l‟Europe du Nord-Ouest à l‟Europe médiane, les Provinces Unies à la Suisse. Les flux commerciaux se sont décalés vers l‟Est, au profit de Francfort-sur-le-Main. Une révision, certes déchirante, s‟impose donc : Metz n‟est plus la brillante capitale du royaume d‟Austrasie, ni la riche ville libre impériale. Le salut passe par une ouverture plus marquée en direction des Etats germaniques, par un développement des échanges transversaux avec Francfort. Pour Roederer, lui-même marié avec la fille d‟un banquier francfortois et associé en affaires avec des Strasbourgeois et des négociants de Francfort, il revient à la Société Royale d‟initier par ses contacts, et de stimuler par ses concours cette reconversion des horizons
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