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Six nuits sur l'Acropole PDF

225 Pages·1994·7.856 MB·French
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GEORGES SÉFÉRIS Six Nuits sur l’Acropole ROMAN TRADUIT DU GREC ET PRÉSENTÉ PAR GILLES ORTLIEB MAREN SELL CALMANN-LÉVY Titre original : EI NYXTEZ ZTHN AKPOTIOAH Hermès, Athènes, 1989 © M. G. Seferiades, 1974. © Éditions Calmann-Lévy, 1994, pour la traduction française. Six Nuits sur l’Acropole En 1939, chez Katsimbalis, le « colosse de Maroussi », directeur de la revue athénienne Les Lettres nouvelles, Henry Miller rencontre « le plus asiatique des Grecs », un poète de trente-neuf ans, auteur d'un recueil intitulé Mythologie, né à Smyrne, vice-consul à Londres, rentré à Athènes pour diriger le Bureau de la presse étrangère : il se nomme Georges éféris. C’est le second retour du « Turquiche » dans son pays. Et même s’il se sent encore parfois « {he wrong man in Lhe wrong place », les retrou- vailles de Séféris avec la Grèce dans les années trente sont plus harmo- nieuses qu'elles ne l’étaient dix ans auparavant quand, rentrant d’un long séjour parisien, il se sentit dans la situation d’un homme « enraciné dans la culture française » et confronté à « l'épreuve inévitable » : la découverte de sa patrie et la nécessité, à vingt-cinq ans, de gagner sa vie armi des compatriotes dont il déplorait la « totale absence de sen- sibilité ». C'est que cette première approche de la Grèce était placée sous le signe du deuil. Le deuil de P ce, marquée par Smyrne, la ville du père, avocat de renom que taraudaient des velléités poétiques, et par la campagne où la famille maternelle possédait de riches propriétés. « Smymne, écrivait Séféris à l’époque dans son Journal, c'était l’école insupportable, les après-midi mortellement ennuyeuses de dimanches pluvieux passés derrière la fenêtre : la prison. Un monde incompréhen- sible, étranger et odieux. Mais Skala incarnait tout ce que j'aimais. » Le retour en Grèce, ce fut aussi l’adieu à la vie de bohème, menée à Paris entre 1918 et 1924 sous prétexte d'étudier le droit, mais en vérité consa- crée aux amours éphémères et à la lecture de Laforgue, Villon, Rabelais et surtout Valéry. En cette année 1926, Séféris échoue à Athènes comme un esquif qui vogue au milieu d’un champ d’écueils, ne sachant s’il faut se vouer entiè- rement à la poésie ou suivre les recommandations paternelles et, dans la foulée des études de droit, se donner un métier, quitte à sacrifier à l’art quelques heures perdues. « Je me figurais qu'il n’y avait là qu'un roblème de discipline, alors qu'il me fallait en réalité détruire jusqu’à a moindre fibre de la vérité que j'avais eue en moi et que j'étais contraint de renier mon âme. » Le voici donc une nouvelle fois prison- nier, du côté de Smyrne, des odieuses contraintes paternelles, tout en aspirant à s'évader dans l’art, la littérature, comme naguère dans la cam- pagne de Skala. ut au long de cette période de doute et de procrastination, Séféris lit le Journal d'Amiel, tombeau de toutes les velléités, et résout provisoire- ment ses dilemmes, d’abord en échouant au concours des Affaires étran- gères, ensuite en éludant la poésie pour écrire un roman. Histoire de s'exercer et de « conquérir son matériau ». Six Nuits sur l'Acropole est le fruit de cette année d'hésitations : hésitations entre la France et la Grèce, entre l’obéissance aux injonctions pater- (Suite au verso.) nelles et la fidélité à sa vocation littéraire, entre le roman et la poésie. C’est une crise profonde que traverse le jeune Séféris et qui se dénoue par La mort de sa mère et l'entrée au ministère des Affaires étrangères. Ce roman qu’il commence d’écrire en 1926 pour ne le reprendre qu’un art de siècle plus tard est un dialogue avec soi. Son alter ego se nomme tratis, comme le marin des poèmes qu’il écrira à Londres dans les années trente. Stratis promène sur l’Acropole sa nostalgie de l'hiver parisien et son désespoir grandiloquent (« Nous avons tant détruit Nous vons nous compter : nous sommes autant de ruines »), ses boutades d’esthète (« Dans Hellas il y a hélas ») et sa sincérité d’écorché (« J'écris comme on s’ouvrirait les veines »). Dans la nuit grecque, en compagnie de quelques jeunes lunatiques et d’une Salomé sans voile, Stratis dit son sendment d’inquiétante étrangeté, face à son pays, face à la vie, face à ‘amour. Six Nuits sur l'Acropoole est le livre de l” « ä-quoi-bon » juvénile. A quoi bon la poésie, puisque des milliers de vers ont déjà été écrits? À quoi bon La littérature, puisque tous les livres que nous lisons se brouillent en nous? À quoi bon l’amour, puisque les femmes sont trop subtiles pour se donner entièrement à un homme et trop prosaïques pour inventer autre chose que d’aller se vendre au premier venu? Entre visites dans les maisons closes et fines causeries dans le boudoir, ces Six Nuits réunissent sur l’Acropole Monsieur Teste et Henry Miller qui, en 1939, donnera à sa manière une leçon de chair à Stratis |’ « à- quoi-boniste » : « Sur l’Acropole, j'avais une telle envie de communi- quer avec Dieu que j'ai voulu me... masturber. » Linda La 1. Pages de Journal (1925-1971), Mercure de France. AVANT-PROPOS «En janvier 1954, voulant mettre de l’ordre dans d’anciens papiers, j’ai retrouvé une enveloppe contenant des écrits des annécs 1926-1928. Il s’agissait de fragments d’un récit assez avancé, d'un “roman”, comme je l’appelais alors. Cela m'a donné l’idée, risquée, de les rassembler de manière à les rendre lisibles. C’est ainsi que je me suis lancé dans ce travail, que je nc destine pas à la publication. Inutile de préciser que tous les personnages sont imaginaires.» Sont-ils aussi fictifs que le laisse entendre cette note datée d'août 1954, alors que Séféris venait, plus d'un quart de siècle après l'avoir entamée, d’ache- ver la rédaction de ce «roman» de jeunesse ? On peut en dou- ter, tant le personnage central semble, par moments, calqué sur l'apprenti écrivain que lui-même était encore en ces années-là. Il n’est d’ailleurs pas jusqu’à certaines pages attribuées, dans le roman, à Stratis (un nom que le poète donnera bientôt à son alter ego londonien) qui ne soient directement empruntées au Journal que Séféris avait commencé de tenir en 1925. Un roman à clefs, donc ? Si l’on veut, à condition de ne pas s’ingé- nier à rechercher de modèles vivants, mais plutôt des indices sur un itinéraire intellectuel. Par le jeu des références et des citations, par l'agencement des souvenirs aussi, ce récit en fournit, en cffet, beaucoup sur un écrivain qui n’a jamais renié les influences: d'Homère à Valéry, de Pascal à Eliot, en pas- sant par Dante, Macriyannis ou le Greco, tous les « phares » qui ont pu aider Séféris à se guider à l’un ou l’autre moment de sa vic jettent ici un oblique et furtif rai de lumière. Lorsqu'il entreprend, en 1954, de réécrire Six Nuits sur l’Acropole, Séféris a déjà publié un volume d’Essais, deux tomes de son Journal de bord, et l’essentiel de son œuvre poé- tique. Même s’1l s'interdit d’introduire dans son roman «des idées ou sentiments qui auraient pu être inspirés par des per- sonnages ou événements postérieurs à 1930 », c’est un écrivain accompli qui se retourne sur celui qu’il cherchait à devenir, dans la selva oscura qu'avait été pour lui la Grèce des années 20. Une Grèce désormais amputée, après une désastreuse expé- dition militaire en Asie Mineure, de ce qu’il considérait comme sa plus intime patrie: Smyrne, où il avait passé toutes ses années d’enfance et dont le deuil continuera longtemps de le hanter, comme 1l ne cesse de résonner, par la voix de Stratis ou de personnages de rencontre, dans son roman. À l’époque où il situe son récit, Séféris est rentré depuis peu, avec une licence en droit, d’un exil de six ans à Paris, où il s’est imprégné de culture française. Il s’essaye alors à traduire La Soirée avec M. Teste ou Paludes — un livre avec lequel son récit présente d’étranges affinités, au point d’apparaître parfois comme une sotie gidienne en Attique — tout cn préparant ce concours d’entrée aux Affaires étrangères qui fera de lui, pour les trente années à venir, le représentant officiel de son pays dans un chapelet égrené de capitales diplomatiques. On touche là, indirectement, à l’autre question que ce roman semble poser avec une discrète insistance, et qui aura accompagné l’homme ct l'écrivain sa vie durant : quelle place peut aujourd’hui occu- per une Grèce depuis si longtemps écartelée, comme il l’était lui-même, entre l’Orient et l'Occident, comme entre un passé trop illustre et un présent souvent douloureux ? On peut, ce qui n’est sûrement pas la plus mauvaise façon, lire Six Nuits sur l'Acropole comme un divertissement roma- nesque et moins juvénile qu'il n’y paraît, y chercher un témoi- gnage précieux sur l’auteur par lui-même ou encore leur prêter, à la lumière de La Divine Comédie qui les éclaire in extremis, des significations insoupçonnées. On y retrouve, dans tous les cas, cette manière propre à Séféris de s’attacher à tous les aspects du réel, jusqu'aux plus prosaïques, pour tâcher d’en entendre le sens. Gilles ORTLIEB La présente traduction s’est voulue aussi fidèle que possible à l’édi- tion originale, établie en 1974 par M. Georges Savvidis, que je tiens à remercier ici de son aide amicale et précieuse. Les quelques change- ments introduits dans la version française concernent essentiellement les notes. Ont été ici indiquées en bas de page toutes celles appelées à faciliter une compréhension immédiate du texte, les sources, références des citations et indications bibliographiques se trouvant reportées en fin de volume. Le manuscrit et les deux tapuscrits du roman laissés par l’auteur n’en comportant guère, la plupart des notes explicatives sont dues à M. Savvidis. Mais il a parfois été nécessaire d'apporter des pré- cisions sur certains personnages ou aspects de la réalité grecque. Ces notes ont été insérées parmi les autres sans être suivies de la tradition- nelle mention N d T. Le Calendrier de l'année 1928 et les Références à Dante qui font suite au roman sont de Georges Séféris lui-même.

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