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Singularité et événement PDF

246 Pages·1995·40.478 MB·French
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Jean-François Marquet Singularité et événement Qu'avec Heidegger la philosophie ait fait son temps, cette thèse est devenue un lieu commun, qu'il ne s'agit nullement d'ailleurs de contester ici. Mais quand le temps se ferme, l'espace s'ouvre : faire sortir la philosophie de l'histoire pour qu'elle puisse passer dans une juxtaposition récapitulatrice, telle est peut-être la tâche à laquelle nous sommes confrontés, et que le présent essai voudrait aborder sous deux angles, corres- pondant à ses deux sections. Tout d'abord, là où « le temps devient espace », il devient pos- sible de discerner dans toute l'étendue de son parcours le che- min qu'a suivi, depuis son origine grecque, la philosophie, et d'en établir la continuité. La philosophie, du début à la fin, ne parle pas principalement de l'Être, mais de ce en quoi « l'être et le penser sont le Même » (Parménide) : c'est ce Même - l'Un, le Seul, le singulier - qui n'a cessé de s'approcher de nous jusqu'à s'annoncer (tragiquement ou dérisoirement) à la place de chacun, ou de chaque un. En deuxième lieu, le chemin arrivé à terme se supprime comme chemin, la chronique se suspend et nous laisse dans un espace désorienté où toutes les pensées, tous les discours sont désor- mais contemporains et où il devient possible de les parcourir dans tous les sens, en dégageant ainsi leurs parentés secrètes et leurs échos réciproques. À titre d'exercices, la seconde partie de ce livre propose un certain nombre de tels parcours, dont le départ a été fourni soit par un des problèmes traditionnels de l'interrogation philosophique, soit par le seul hasard : car une fois que tout se tient, il suffit d'ébranler un seul point pour faire vibrer toute la trame. C'est à ce « jeu laborieux » qu'est convié le lecteur, et qu'il sera libre ensuite, s'il le désire, de poursuivre à sa guise imprévi- sible. © Editions Jérôme Millon - 1995 3 place Vaucanson F - 38000 Grenoble ISBN : 2-84137-015-1 Jean-François Marquet Singularité et événement JÉRÔME MILLON 163 8VI- Avant-propos 1 - Le principe qui gouverne cet essai n'est rien d'autre qu'une nouvelle version du si décrié principe d'autorité: il ne peut y avoir de philosophie fausse (pas plus que de religion fausse) et le contenu ultime de toutes les philosophies est donc vrai et le même (il serait plus exact de dire qu'on a affaire ici à la vérité même). Cela n'implique pas, bien entendu, qu'un philosophe ne (se) trompe jamais - en fait, le discours philosophique, pas plus que le poème ou le mythe, ne se conçoit sans un minimum de tricherie; mais à la base de toute pensée spéculative (faisant miroir), il y a quelque chose (ou quelqu'un) d'unique, et, à son propos, il ne saurait y avoir d'erreur, mais seulement expres- sion plus ou moins complète et/ou appropriée, et en tout cas infalsifiable (Popper): c'est seulement lorsqu'il parle d'autre chose - par exemple, des phénomènes de la nature et de l'his- toire - et prétend à ce sujet édifier autre chose qu'un mythe, que le philosophe échoit au lot commun du discours «scienti- fique», qui est d'être corrigible et réfutable. 2- Il ne faudrait du reste pas donner à l'Unique de la pensée une signification exclusivement théologique — ni l'«atome» d'Epicure, ni la «sensation» de Hume, ni l'«individu intégral» de Marx (pour ne donner que quelques exemples) ne sauraient à coup sûr admettre le nom de Dieu. Mais ce nom, parce qu'à la fois propre et commun (pas d'autre dieu - que Dieu) demeu- re le plus commode pour désigner le «Singulier-Universel» (Valéry) en tant que celui-ci s'avère, finalement, insaisissable dans l'immanence. Reste que pour la religion Dieu est quelque chose de réel, et la théologie une science positive; le philo- 6 SINGULARITÉ ET ÉVÉNEMENT sophe qui s'y risque s'y trouve donc tout aussi dépaysé que tout à l'heure dans le champ des sciences «expérimentales». La physique aristotélicienne de la matière-puissance n'est sans doute pas compatible avec la physique cartésienne de la matiè- re-étendue; et la théologie augustinienne du Fils-Verbe s'accor- de mal avec la théologie schellingienne du Fils-Exister (ou la théologie hégélienne - et schopenhauerienne - du Fils-monde, déjà, en fait, formulée par Lessing). Mais l'erreur est justement d'attribuer à ces discours un référent qui serait le même que celui de la physique ou de la théologie « positives » ; ils ne sont qu'autant de manières de traduire un contenu philosophique obéissant à une logique purement interne. Inversement, s'il nous arrive de citer des textes d'intention «scientifique», c'est dans la mesure où il nous ont semblé faire allusion, par delà leur objet apparent, au secret unique de la pensée. 3 - Le texte que nous proposons ici ne contient rien de nouveau. Il se borne à récapituler autour de différents pôles ce qui s'est déjà dit dans le temps de la philosophie, et notamment au début grec et au crépuscule germanique. Peut-être le français, langue par excellence de la traduction (Michelet), est-il particulière- ment apte à ce genre d'exercice en quelque sorte posthume, qui juxtapose et combine ce que le cours de la pensée amène chaque fois en son temps ; une fois ce temps fini, rien ne se passe plus, v mais tout continue à revenir en constellations plus ou moins suggestives ou saugrenues. C'est ce caractère d'exercice qui nous a amené non pas à choisir, mais à laisser s'imposer ce type d'écriture, l'aphorisme, où on nous permettra de voir, avec Bacon, une forme de modestie : « les premiers et les plus anciens de ceux qui cherchèrent la vérité, se montrant de meilleure foi et plus heureux, avaient l'habitude de renfermer la connaissance, qu'ils décidaient de recueillir de l'examen des choses... dans des aphorismes ou dans des sentences brèves, détachées et déga- gées de tout lien méthodique. Et ils ne feignaient ni ne faisaient profession d'embrasser l'art dans son ensemble»1. 1. Bacon, Novum organum, II 86 (trad. M. Malherbe). AVANT-PROPOS 7 4- Si l'on excepte l'ouverture historique (et cet avant-propos), les compositions qui suivent sont présentées dans l'ordre pure- ment chronologique de leur rédaction : c'est donc le hasard qui préside à leur suite (mais y a-t-il un hasard ?) comme il préside, pour chacune, à son début et à sa conclusion ou suspension finale. Dans les deux dernières est venu confluer tout ce qui, d'une masse de notes entassées au cours des années, n'avait pas cristallisé dans les études précédentes. C'est donc à l'attention et (surtout) à la bienveillance du lecteur qu'il appartiendra de juger si, entre la première et la dernière page, quelque chose a fait son chemin. Août 1992 Chronique

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