UNE APPROCHE DE LA NOTION DE SECRET PROFESSIONNEL : REPERES ET BALISES Table des matières : Introduction p.4 Chapitre I : Les bases et objectifs du secret professionnel p.5 1/ Le droit du citoyen à la protection de la vie privée et de l’intimité 2/ L’intérêt des professions soumises au secret 3 /L’intérêt de la société Chapitre II : Les personnes visées par l’article 458 du Code Pénal p.7 1/ L’article précise nommément certaines catégories professionnelles. 2/ La jurisprudence interprète largement cette disposition. Chapitre III : La portée du secret professionnel p.8 Chapitre IV : Eléments constitutifs de l’infraction p.9 1/Appartenance à un état ou à une profession conférant la qualité de confident 2/ Etre détenteur d’un secret appris en exerçant son état ou sa profession 3/ Avoir révélé le secret 2 Chapitre V : Les exceptions au secret p.10 1/ La loi, au travers de certains textes, oblige le professionnel à révéler un secret : 2/ La non-assistance à personne en danger 3/ L’obligation de dénonciation des fonctionnaires : Chapitre VI : Révélations légitimes du secret p.13 1/ L’état de nécessité 2/ Témoignage en justice 3/ La notion de secret partagé (cid:1) Le secret partagé et la loi (cid:1) Travail mandaté (cid:1) Travail hors mandat (cid:1) Règles de prudence 4/ Cas de certaines infractions commises sur des mineurs d’âge Conclusion p.17 Ressources diverses ayant contribuées à l’élaboration de ce document p.18 3 INTRODUCTION Quotidiennement, notre travail de terrain nous confronte à la délicate transmission de l’information entre partenaires sociaux. Que ce soit au sein d’une même équipe pluridisciplinaire ou au travers de collaborations entre membres de réseaux professionnels de formations et de fonctions différentes, la notion du secret professionnel est omniprésente et parfois à l’origine de bien des difficultés. Quelles informations transmettre ? Selon quelles modalités ? Quand et à qui les transmettre ? Voilà les difficiles questions auxquelles nous sommes confrontés chaque jour. Ce texte n’a pas la prétention de répondre à toutes nos interrogations, ni de lever l’entièreté de nos incertitudes. Il ne se veut pas exhaustif tant il serait prétentieux d’englober un domaine si large et complexe que celui qui nous occupe. Il entend répondre à des constats communs aux différents intervenants de terrain : le premier est celui d’un manque d’information vis-à-vis d’un concept primordial mais souvent perçu comme flou, mal défini et source d’interprétations parfois erronées. Le second, son corollaire, consiste en la nécessaire mise en place d’un outil commun de références précises. Nous avons tenté, dans le présent document, d’approcher de façon pratique cette notion de secret professionnel. L’objectif est d’en dégager l’essence en la balisant de repères élémentaires de sorte à fournir des pistes de réponses et des indications susceptibles de clarifier un concept général auquel chaque travailleur du milieu social est confronté et doit pouvoir se référer. Pour ceux qui voudraient approcher de manière plus approfondie ce concept, nous les invitons à se reporter au dernier point de ce texte reprenant quelques références et ressources diverses. 4 Chapitre I : les bases et objectifs du secret professionnel Le secret professionnel est régi par l’article 458 du Code pénal. Article 458 du Code Pénal : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par professions des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de six jours à six mois et d’une amende de cent francs à cinq cents francs ». Cet article vise à protéger un triple intérêt : 1/ Le droit du citoyen à la protection de la vie privée et de l’intimité Lorsqu’il se trouve dans une relation avec le professionnel, le citoyen doit pouvoir confier « ses » secrets à qui est habilité à les recevoir, au sein d’une relation de confiance indispensable à la mise en place du travail du professionnel. Qui confierait ses secrets sans l’assurance de ne pas les voir divulguer ? 2/ L’intérêt des professions soumises au secret Pour les professionnels, sans la garantie du secret, l’exercice de leur mission et l’atteinte de leurs objectifs seraient impossibles. Il est nécessaire d’inspirer une entière sécurité à ceux qui doivent se confier. Qui exercerait librement sa profession sans la garantie que sa mission soit protégée par le secret ? Le secret professionnel n’est pas un privilège ou un droit mais un devoir élémentaire et impérieux imposé par la loi pour toute personne visée à l’article 458 du Code pénal. Il s’agit d’une obligation de se taire assortie de sanctions pénales pour celui qui ne le respecte pas. Le confident ne peut remplir la mission qui lui est dévolue s’il ne jouit pas de la confiance totale de ceux qui s’adressent à lui et, réciproquement, ceux-ci ne se confient que dans la mesure où ils sont assurés du secret de la confidence. 5 3/ L’intérêt de la société L’intérêt sociétal exige que toute personne puisse obtenir une aide, des soins, quelle que soit la cause à l’origine de son état. Le secret professionnel est une exception à l’obligation générale de concourir à la recherche de la vérité. La société renonce dans certains cas au bénéfice immédiat d’une information pour celui, à plus long terme, de la stabilité de l’ordre social. Cette stabilité ne peut être assurée en l’absence de protection de certains rapports sociaux, particulièrement ceux bâtis sur une relation de confiance. Ex : Dans le cas du médecin, on peut aisément comprendre qu’il en va de l’intérêt de la société que tout individu puisse confier à ce professionnel ses soucis de santé tout en étant assuré d’un secret absolu. Dans le cas contraire, il y aurait de fortes réticences à se confier librement et totalement et cela aurait des répercussions immédiates et importantes au détriment de toute la santé publique… Remarque : Le secret professionnel n’est pas la propriété exclusive du bénéficiaire. L’autorisation de ce dernier ne permet pas à la personne tenue par le secret de révéler si, en conscience, il estime qu’il s’agit d’un secret acquis par profession, qu’il ne peut révéler. A titre d’illustration, un patient ne peut autoriser son médecin traitant à livrer des informations qui le concerneraient. Il ne peut le délier du secret professionnel auquel il est tenu. 6 Chapitre II: Les Personnes visées par l’article 458 du Code pénal : Art. 458 du Code pénal : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par professions, des secrets qu’on leurs confie (…) » 1/ L’article précise nommément certaines catégories professionnelles. Les tribunaux ont étendu cette catégorie en citant clairement d’autres professions : avocats, notaires, ministres du culte, psychologues, infirmières, conseillers conjugaux, etc. ainsi que les « auxiliaires, aides, stagiaires et collaborateurs indispensables des professions auxquelles la loi ou l’usage reconnaît la qualité de confident nécessaire ». On comprend les bénévoles, stagiaires, personnel administratif gravitant autour des professionnels tenus au secret. 2/ La jurisprudence interprète largement cette disposition. La cour de Cassation a étendu la portée de l’article « à toutes les personnes investies d’une fonction ou d’une mission de confiance, qui sont dépositaires nécessaires des secrets qu’on leur confie ». C’est la notion de « Confident Nécessaire » qui est visée ici. Il existe une relation de confiance entre la personne qui se confie et le professionnel qui recueille ces confidences. C’est la nature de la fonction ou de la profession qui rend ces faits secrets. Il est notamment clairement reconnu aux assistants sociaux et travailleurs sociaux la qualité de « confident nécessaire » et ce quel que soit le service dans lequel ils exercent leur profession. 7 Chapitre III : La portée du secret professionnel Art 458 du Code pénal : « (…) des secrets qu’on « confie » dans l’exercice de la profession (…) » Cette expression doit être interprétée largement. L’article 458 du Code pénal entend par là englober et protéger non seulement les confidences confiées expressément mais également tout ce qui pourrait avoir été perçu, surpris, découvert, vu, appris, connu, entendu, compris dans l’exercice de l’activité du confident nécessaire. Pour résumer, on peut dire que le secret porte sur tout ce que le professionnel apprend dans le cadre de sa profession, aussi bien ce qui a fait l’objet d’une demande explicite ou implicite de secret que les faits et paroles pour lesquels le secret n’a pas été expressément demandé mais qui ont été perçus dans l’exercice de la profession. 8 Chapitre IV : Eléments constitutifs de l’infraction : Trois éléments sont nécessaires pour que la violation du secret constitue un délit : 1/ L’appartenance à un état ou à une profession conférant la qualité de confident 2/ Etre détenteur d’un secret appris en exerçant son état ou sa profession 3/ Avoir révélé le secret La révélation du secret doit avoir été faite volontairement et sciemment. Peu importe la volonté de nuire ou pas de la personne qui transmet l’information, quel que soit son mobile (volonté de diffamer, cupidité, jalousie, méchanceté, rancune, etc). Il y a infraction même si la communication de ce qui a été révélé ne cause pas de préjudice à l’intéressé qui a confié le secret. Il n’y a pas de délit si la révélation relève de l’oubli, l’imprudence ou de la légèreté. Néanmoins, dans ce cas de figure, la responsabilité civile de celui qui transmet l’information peut être engagée. La violation du secret professionnel implique des sanctions pénales. 9 Chapitre V: Les exceptions au secret : C’est la loi qui OBLIGE le professionnel à révéler le secret : 1/ La loi, au travers de certains textes, oblige le professionnel à révéler un secret : (cid:2) Obligation de dénoncer certaines maladies contagieuses (cid:2) Déclaration des naissances à l’état civil (art.56 du Code civil et 361 du Code pénal) (cid:2) Etc. D’autres hypothèses concernent plus particulièrement notre pratique. Nous les envisageons ci-dessous. 2/ La non-assistance à personne en danger Article 422 bis du Code pénal : « Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de cinquante à cinq cents francs ou d’une de ces peines seulement, celui qui s’abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu’il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. Le délit requiert que l’abstenant pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. Lorsqu’il n’a pas constaté personnellement le péril auquel se trouvait exposée la personne à assister, l’abstenant ne pourra être puni lorsque les circonstances dans lesquelles il a été invité à intervenir pouvaient lui faire croire au manque de sérieux de l’appel ou à l’existence de risques. (La peine prévue à l’alinéa 1ier est portée à deux ans lorsque la personne exposée à un péril grave est mineure d’âge.) ». Il existe un conflit entre deux normes légales et obligatoires. L’une régit la notion de secret professionnel tandis que l’autre ordonne l’obligation d’intervention. Cette dernière se pose comme dérogation à l’article 458 et est sanctionnée pénalement si elle n’est pas respectée. Il s’agit, dans une situation d’urgence, de garantir un intérêt supérieur. Ce conflit doit être arbitré en conscience par le dépositaire du secret. 10
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