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Sciences Exactes Et Sciences Appliquees a Alexandrie PDF

218 Pages·1998·10.61 MB·French
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Centre Jean-Palerne MEMOIRES XVI Sciences exactes et sciences appliquées à Alexandrie Textes réunis et édités par Gilbert Argoud et Jean-Yves Guillaumin J T Publications de TUniversité de Saint-Étienne CENTRE JEAN-PALERNE Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines Université Jean Monnet - Saint-Étienne 2 rue Tréfilerie, 42023 - Saint-Étienne Cedex 2 Mémoires 1 (Sept articles consacrés à des problèmes de linguistique, de littérature et de civilisation), 1978. Mémoires II (Neuf articles sur la civilisation gréco-latine ; archéologie, géographie, linguistique, littérature), 1980. Mémoires III Médecins et médecine dans VAntiquité, 1982. Mémoires IV Nomades et sédentaires. Perspectives ethnoarchéologiques 1984. Mémoires V Textes médicaux latins antiques, 1984. Mémoires VI Bibliographie des textes médicaux latins. Antiquité et Haut Moyen Âge, 1987. Mémoires VU Recherches épigraphiques, 1987. Mémoires VIII Études de médecine romaine, 1988. Mémoires IX Pontica /., Recherches sur l’histoire du Pont dans VAntiqui­ té, 1991. Mémoires X Le latin médical, la constitution d’un langage scientifique, 1991. Mémoires XI Mathématiques dans l’Antiquité, 1992. Mémoires XII Cas et prépositions en grec ancien, 1994. Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1998 Mémoires XIII La médecine de Celse. Aspects historiques, scientifiques et 35, rue du 11 Novembre, 42023 Saint-Étienne littéraires, 1994. ISBN 2-86-272-120-4 Mémoires XPV Science et vie intellectuelle à Alexandrie (P^-IP siècles après J.-C., 1994. Illustration de couverture : Appareil pour élever des charges (Héron Mémoires XV Les Pneumatiques d’Héron d’Alexandrie, 1997. d’Alexandrie, Dioptre XXXVII, d’après H. Schoene, Teubner, Leipzig, Mémoires XVII Nommer la maladie, recherches sur le lexique gréco-latin 1901, vol. III, p. 309, fig. 115). de la pathologie, 1998. Avant-Propos Les thématiques du colloque C'est à la demande de plusieurs spécialistes français et étrangers que le Centre Jean-Palerne, dont une partie des recherches se concentrent actuelle­ ment sur Alexandrie et sur Héron d'Alexandrie, a organisé ce colloque dont les travaux ont porté sur tous les aspects de la sciepce et de la technique à l'époque alexandrine, mais aussi dans les débuts du monde gréco-romain. Si l'époque alexandrine, en effet, a été celle d'une systématisation et d'une diffusion tout à fait remarquables des connaissances élaborées par les Grecs depuis le Ve siècle avant J.-C.h le monde romain lui est largement redevable de ses connaissances en tous domaines et des applications qu'il en a faites. Le colloque s'est donc donné pour but d'appréhender la science alexan­ drine dans la diversité de ses contenus et de ses méthodes, dans im va-et-vient incessant entre le cas précis et la généralité dont il permet de définir plus net­ tement im aspect. La généralité, ce sont par exemple les mécanismes de la production du savoir, examinés par Christian Jacob : la compilation, la systé­ matisation et la volonté de généralisation des résultats obtenus, en même temps que l'éclosion de nombreux traités, définissent une volonté d'encyclo­ pédisme qui trouve sa symbolisation dans la grande bibliothèque que l'on peut voir comme l'épicentre de ces productions ; mais Ératosthène, l'un des plus grands noms d'Alexandrie, dont il a été plusieurs fois question au cours du colloque, serait lui-même, comme le montre Germaine Aujac, un bon repré­ sentant de la 7toA,u|ia6ia alexandrine. Si la science alexandrine a fait appel à la théorisation abstraite, ce fut à partir de données d'expérience et des enseignements de la pratique. De cette dialectique complexe et créatrice entre la pratique et la théorie, Fabio Stok se fait l'interprète aussi à propos de la physiognomonie. La science alexandrine, et c'est sans doute l'un des traits qui l'individualisent le mieux et lui font pleinement mériter son nom, a pensé ses pratiques ; la pharmacie, pour elle, ne s'est pas réduite au maniement plus ou moins empirique de telle ou telle substance, de telle ou telle plante ; elle a conduit à réfléchir sur le concept même de médicament, ce que nous montre 1 - Cf. Science et vie intellectuelle à Alexandrie, Mémoires XIV du Centre Jean-Palerne, éd. par G. Argoud, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1994, 8 Jean-Yves Guillaumin et Gilbert Argoud Les thématiques du colloque 9 Alain Touwaide. La même leçon est délivrée par l'exposé d'Ainal Abou Aly sur ils le lui ont bien rendu, en nous laissant des textes qui nous permettent d'être les expériences relatives au lait de femme, qui présentent une différence inté­ plus clairs sur les origines alexandrines de telle ou telle science, comme c'est ressante par rapport à des travaux de médecine comme ceux de Galien. le cas pour la chimie, étudiée par Elisa Romano. Dans le même sens, Françoise Gaide s'intéresse au témoignage des textes médicaux latins sur les médecins Mais l'activité des savants pouvait être aidée par l'attention bienveillante alexandrins. Nous savons, du reste, que certaines œuvres alexandrines, conune que leur portaient les grands personnages de l'époque, et c'est ainsi que Gabriele les Pneumatiques d'Héron qui sont le sujet de Gilbert Argoud, pour être des Marasco met en évidence l'influence exercée par Cléopâtre sur l'essor remar­ œuvres d'origine purement grecque, s'insèrent pleinement dans le milieu quable des sciences à Alexandrie, et surtout de la médecine. Cela ne doit pas romain, ce dont témoignent jusqu'à certains éléments lexicaux qui les carac­ faire oublier le caractère en quelque sorte paradoxal de la situation des savants térisent. de l'époque alexandrine : car s'il est vrai que certains ement la chance de béné­ ficier de l'intérêt manifesté par les puissants de l'époque, il n'en reste pas Mais aucune science, et cela est tout à fait net à propos des sciences à moins qu'un autre trait distinctif est l’isolement dans lequel ils travaillaient Alexandrie, ne saurait exister indépendamment des autres activités intellec­ le plus souvent, même s'ils avaient connaissance des travaux des prédéces­ tuelles de son époque. S'il y a interpénétration entre la science et la philoso­ seurs : Simonetta Feraboli attire l'attention sur ce point de façon très oppor­ phie, il y a aussi interaction des différentes sciences entre elles, par exemple tune. de la médecine avec la mécanique, comme le montre Heinrich von Staden, ou de l'astronomie et de la mécanique, ce que souligne Joëlle Delattre à propos de Le colloque a donc bien senti l'époque alexandrine pour ce qu elle est Théon de Smyme. Il y a même dialogue entre la science et la poésie, celle-ci rece­ réellement, à la fois un accomplissement, redevable aux acquis des siècles pré­ vant des progrès de celle-là tel ou tel enrichissement thématique comme le cédents, et une transition. Un accomplissement, et l'on peut en prendre deux montre André Hurst. Des sciences « exactes » surgissent les sciences exemples. En médecine, ApoUonios construit un traité original sm- les bases qui « humaines », ou plutôt une science purement mathématique peut devenir lui étaient offertes par le Ilepl âpGpwv d'Hippocrate ; grâce aux travaux des science humaine comme c'est le cas de la climatologie, qu'examine Didier philologues alexandrins, il est à même de tirer d'un ouvrage ancien une œuvre Marcotte. nouvelle : belle illustration de l'esprit de synthèse propre à Alexandrie, qui est développée par Amneris Roselli. En mathématiques, Alexandrie voit naître La variété des directions dans lesquelles put se développer à Alexandrie telle les Eléments d'Euchde, magistrale synthèse des travaux des deux siècles anté­ ou telle discipline scientifique est particuhèrement sensible, au sein des études rieurs, au sein de laquelle Michel Federspiel examine la signification du mot réalisées à l'occasion du présent colloque, à propos de l'astronomie. On voit anpeîov dans la définition euclidienne de la droite ; mais l'époque alexandrine en effet quel rôle décisif fut celui des savants d'Alexandrie dans la définition est aussi une transition vers l’utilisation, en des domaines qui vont jusqu'à de la théorie des àva<t>opaî (Josèphe-Henriette Abry), mais on prend en même celui de la gromatique romaine, des connaissances qu elle a systématisées. On temps conscience de la place tenue par la m3^hologie jusque dans une œuvre peut en effet discerner, comme l’indique Jean-Yves Guillaumin, la présence aussi scientifique que celle de Ptolémée (Wolfgang Hübner) ; du reste, il y d'Euclide dans un traité gromatique des années 100 après J.-G., celui de avait là une constante ancienne, si l'on pense à la mythologie astrale d’Éra- Balbus. tosthène, ici étudiée par Carlo Santini à travers les témoignages latins. Le colloque ne s'est pas interdit le voyage d'Alexandrie à Rome, non On ne saurait croire que les excursus que le colloque s'est autorisés en- seulement en traitant des textes gromatiques romains, mais en examinant, dehors des limites chronologiques, somme toute restreintes, qui avaient été comme le fait Philippe Fleury, la place occupée par les savants alexandrins définies arbitrairement, aient été vains ou superflus. Car il y a là une autre dans la littérature scientifique et technique latine : Ctésibios, par exemple, manière d'aborder la question, tant il est vrai que les acquis de la science est une source directe de plusieurs passages du De architectura de Vitruve. alexandrine ont marqué l'histoire intellectuelle de longs siècles, tant il est Si les Romains ont beaucoup reçu d'Alexandrie - Béatrice Bakhouche le fait vrai aussi que cela a supposé un travail approfondi dans la transmission par sentir à propos de l'héritage alexandrin dans les textes latins d'astronomie -, les philologues de ces données capitales pour la postérité. On peut penser ici 10 Jean-Yves Guillaumin et Gilbert Argoud à ce qui est écrit par Micheline Decorps-Foulquier sur l’édition, au VI« siècle, des Coniques d'Apollonius par Eutocius d'Ascalon. C'est bien un problème essentiel que celui de la transmission raisonnée des textes, sur lequel on lira dans ces Actes les réflexions de Jean Irigoin concernant spécialement les édi­ tions de poètes. Gilbert Argoud « Rendre raison de l'irrationnel et régulariser l'irrégularité », cette for­ Jean Palerne à AJexaiidrie mule, empruntée à Jean Lallot qui l'utilise dans le cadre précis de son étude de la quête de rationalité dans la grammaire alexandrine, pourrait somme toute servir à résumer, en un certain sens, ce que l'on a entendu sin- la science alexandrine pendant ces trois jours de colloque, et qui est publié dans ces Actes. Sur les données matérielles éparses, déroutantes et incongrues four­ Jean Palerne nies par la réalité à laquelle l'homme s'affronte chaque jour, la science alexan­ Le Centre Jean-Palerne porte le nom d'un gentilliomme forézien du X\J‘' drine, élaborant des méthodes assez fines pour saisir et interpréter chaque siècle qui voyagea et visita Alexandrie. Jean Palerne est né en 1557 à La parcelle du réel, pour les synthétiser ensuite en un ensemble cohérent, a su Fouillouse, dans la banlieue de Saint-Étienner II est le sixième et dernier construire l'édifice multiple mais unifié d’une compréhension (le mot étant enfant du notaire Clément Palerne et de son épouse Antoinette Guichard et il pris dans son sens étymologique latin) du monde qui voulait offrir à tous, avec ne serait sans doute pas passé à la postérité, s’il n'y avait le récit d'un voyage les améliorations de la vie quotidienne dans tous ses aspects, le plaisir intel­ qu'il fit en Orient. On a d'ailleurs très peu de précisions sur sa vie. On sait lectuel du savoir alimenté par une universelle curiosité. seulement qu'il reçut une éducation solide, grâce à l'appui d'un grand oncle, Claude Tournon, Conseiller au Parlement de Dijon. Il connaît le latin et le Il reste à dire que ce colloque n'aurait pu avoir heu sems de nombreuses aides grec et plusieurs langues étrangères, parmi lesquelles figurent probablement de toute nature ; il faut donc s'acquitter, en terminant, de l’agréable devoir de l'italien et l'anglais. La famille semble avoir été bien implantée dans le Forez remercier le CNRS et les Ministères des Affaires Étrangères et de l'Éduca­ et le Lyonnais, où le dernier Palerne connu, Palerne de Sacy, aurait été Maire tion Nationale, la Région Rhône-Alpes, le Département de la Loire, l'Université de Lyon au XVIIL siècle. de Saint-Étienne, ainsi qu'EDF-GDF Services Loire. Ces aides précieuses ne On retrouve Jean Palerne à 19 ans, en novembre 1576, au poste de secré­ sont certes pas étrangères à la réussite du colloque et à l'atmosphère à la fois taire de François, Duc d'Anjou et d'Alençon, et frère du Roi Henri III. Il reste studieuse et amicale dans laquelle il s'est déroulé. trois ans à son service, pendant lesquels il voyage beaucoup, dans la suite du Duc d'Anjou, en France d'abord, puis aux Pays-Bas, en 1578, et en Angleterre, en août-septembre 1579. Au retour de ce voyage d'Angleterre, il quitte ses fonctions auprès du Duc. Il se consacre alors à la poésie, dans deux registres Jean-Yves Guillaumin et Gilbert Argoud à la mode du temps, le pamphlet politique et la poésie Eimoureuse^, et il entre­ prend un voyage en Espagne ; c'était une répétition pour sa grande expédi­ tion de deux ans en Orient, de 1581 à 1583. De retour à Lyon en 1583, il rédige immédiatement le récit de son voyage, d'après les notes qu’il avait prises en cours de route, en le réservant à ses amis, sans le publier, comme il l'indique 1 - Sur Jean Palerne, voir Claude Longeon, Écrivains Foréziens du XVF siècle, Saint- Étienne, Centre d'Études Foréziennes, 1970, p. 406-417 ; Olivier Aurenche, « Un voyageur français en Orient au XVI® siècle : Jean Palerne, Forézien », Mélanges en l'honneur de Étienne Fournial, publications de l'Université de Saint-Étienne, 1978, p. 19-34. 2 - Jean Palerne, Poésies, publiées avec une introduction et des notes par Auguste Benoît. Paris, 1884 ; réimpression par Slatkine Reprints, Genève, 1971. 12 Gilbert Argouü Jean Palerne à Alexandrie 13 dans son avant-propos. Le manuscrit est achevé en 1584, selon le manuscrit, L'auteur annonce parfaitement son sujet, qui»est de décrire les condi­ actuellement aux Archives Départementales de la Loire. Nous ne savons rien tions matérielles de son long voyage et de présenter les villes et provinces visi­ de Jean Palerne de 1584 à 1587 ; en 1587, il est nommé Contrôleur des tées, en étant un témoin fidèle des mœurs, us et coutumes, et cela dans un Ti'ésoriers de France à Orléans, grâce à l’appui de Denis de KÎoyssie, membre but pédagogique avoué, qui est de rendre ser\ice « à ceux qui désirent faire le d'une vieille famille stéphanoise qu'il avait rencontré à Lyon, et qui avait voyage ». occupé cette même charge de Contrôleur des Trésoriers de France à Orléans Le voyage de Jean Palerne dura deux ans, du 20 mars 1581, départ de avant Jean Palerne et l'avait quittée en 1583. Paris, au 2 février 1583, retour à Lyon, et il fut dangereux, avec de nombreuses C’est dans cette ville d'Orléans que meurt Jean Palerne le 9 septembre péripéties. Jean Palerne ne part pas seul, il a pour compagnon de voyage un 1592, à l'âge de 35 ans, laissant deux manuscrits, celui de ses poésies et celui gentilhomme de Melun, dont il ne dit pas le nom, et avec qui il partage les de son voy age, et une devise. Ne haïr la pene, qui est l'anagramme de son nom. frais. Ce gentilhomme va disparaître dans un naufrage à l'entrée du port de Byblos le 23 octobre 1581. Le voyage en Orient Le but des deux voyageurs était de se rendre en pèlerinage à Jérusalem et en Terre Sainte, et ils avaient décidé de s'embarquer à Venise. Partant de Le récit du voyage de Jean Palerne fut publié à Lyon le 6 octobre 1606, Paris, ils passent par Troyes, Dijon, Beaune, Lyon, puis ils traversent le après la mort de l'auteur, chez le célèbre éditeur Jean PiUehotte, avec Privilège Dauphiné et la Savoie, gagnent Turin, Milan, Pavie, Plaisance, Crémone, du Roi. Cette publication est certainement due à l'intérêt que l'on porte alors Ferreire, Padoue et Venise, où üs arrivent le 12 avril. Ils attendent trois semaines aux récits de voyages, au nombre d'une vingtaine, parmi lesquels les Voyages avant de trouver un grand bateau marchand, le Nava e Rosina, qui devait les du Seigneur de Villaniont, publiés en 1595, connurent dix-huit éditions. Jean conduire à Tripoli en Syrie. Le navire quitte le port de Mallamoco au Sud de Palerne se montre original dans son titre, qui ne reprend pas le nom de Venise le 5 mai, pour faire naufrage quelques jours plus tard : sur les 360 per­ voyage^: sonnes à bord, il n'y a que 80 survivants, parmi lesquels figurent nos deux Pérégrinations du Sieur Jean Palerne Forésien, voyageurs. Ils reviennent à Venise et trouvent cette fois à embarquer le 24 mai pour Alexandrie, où ils arrivent le 20 juillet ; ils visitent cette ville. Le Secrétaire de François de Valois Caire et l’Égypte, y compris le Sinaï - le récit de ce début de voyage et de cette Duc d'Anjou et d'Alençon visite de l'Égypte occupe les chapitres 1 à 57 des Pérégrinations. Ce séjour Ce titre général est suivi d'un très long sous-titre : égyptien prend fin le 18 septembre, et dans les chapitres 58 à 87 nous avons Où est traicté^ de plusieurs singularités, & antiquités remarquées es provinces le récit du voyage en S3uie-Palestine, avec le pèlerinage à Jérusalem et autres d'Égypte, Arabie déserte, & pierreuse. Terre Saincte, Surie, Natolie, lieux bibliques : embarquement à Damiette pour Jaffa, d’où nos deux voya­ Grèce, & plusieurs isles tant de la mer méditerranée, que Archipelague. geurs partent pour Jérusalem et la Terre Sgiinte. Ils reviennent ensuite à Jaffa, Avec la manière de vivre des Mores & Turcs, & de d'où ils repartent pour Tripoli. C’est alors qu'a lieu le second naufrage, à l'en­ leur Religion. Ensemble un bref discours des trium- phes & magnificences faictes à Constantinople, en trée du port de Byblos, le 23 octobre 1581, au cours duquel Jean Palerne perd la solennité de la Circoncision de Mahomet fils de son compagnon. Palerne gagne ensuite Tripoli par voie terrestre, en passant Sultan Amurat III, de ce nom Empereurs des Turcs. par le Mont Liban. Le 21 décembre, il quitte Tripoli pour Damas, où il arrive Plus est adjousté un petit dictionnaire en langage le 26 décembre. Il revient à Tripoli qu'il quitte le 15 janvier 1582 poiu Chypre François, Italien, Grec vulgaire. Turc, Moresque, (visite de Larnaka, Limassol et Famagouste), d'où il repart pour Istanbul (arri­ doués Airreanbte fsaqiuree , le& v Eoysacglaev.on, nécessaire à ceux qui vée le 6 avril), en passant par diverses îles de la Méditerranée, notamment Rhodes, Chio et Lemnos - c'est le contenu des chapitres 88 à 100. Jean Palerne 3 - Réédition en 1991, sous le titre Jean Palerne, dAlexandrie à Istanbul, Pérégrinations consacre la dernière partie des Pérégrinations, chapitres 101 à 131, à Istanbul dans l Empire ottoman, 1581-1583, avec introduction, notes et index par Yyelise Bernard, Paris, L'Harmattan, 352 p. Les chapitres des Pérégrinations consacrés à fÉgypte ont fait puis à son retour d’Istanbul à Raguse par voie de terre, avant de gagner Venise 1 objet d une édition critique séparée : Voyage en Égypte de Jean Palerne, Forézien, 1581, pré­ par bateau, avec retour à Lyon le 2 février 1583. La ville d'Istanbul, alors sentation et notes de Serge Sauneron, Le Caire, IFAO, 1971. Constantinople, va fasciner notre voyageur : arrivé le 6 avril, il n'en repartira 4 - Les citations respectent les graphies de l'auteur, même fautives ; nous corrigerons seu­ lement en note les erreurs qu'il a pu commettre. que le 25 juillet 1582. Il décrit la ville et ses monuments et présente la splen- 14 Gilbert Argouü Jean Palerne à Alexandrie 15 deur des cérémonies auxquelles il a assisté, notamment un feu d'artifice, sans arcades, & fragments de marbre, quelle estoit ceste ville, où il n'y a amintenant oublier les habitants, artisans et marchands, avec leurs habits et leur mobi­ que deux rues habitées, qui sont couvertes, comme elles sont aussi par toute lier. C'est ensuite le lent retour vers la France, qu'il accomplit en compagnie l'Egypte, terre Saincte, & Surie : quoy que soit celle, où se vend la mercerie, d'un gentilhomme français dont il avait fait connaissance à Istanbul. Les deux qu'ils appellent Bazarts : & ce à cause de la grande chaleur qu'il y faict, & les hommes traversent la Macédoine et la Bulgarie, avant d'arriver à Raguse le maisons couvertes en plate forme, ou terrasses, de façon qu'on peut marcher 30 août 1582, Jean Palerne, malade, devra attendre le 19 octobre pour embar­ au dessus comme en la ruë : aussi est ce la promenoir des habitants après le quer sur une frégate vénitienne qui le conduira à Venise le 26 octobre. Peu repas. Cecy servira donc pour l'intelligence des bastiments des autres pro­ pressé de regagner la France, Jean Paleme décide de visiter quelques villes ita­ vinces méridionalles, d'ont sera cy après traicté, sans répéter la forme d'iceux. liennes, Florence, Sienne, Rome, Bologne, Parme, Gênes, Turin. 11 arrive enfin La ville est tellement ruinée, que sans les Frantiques des nations qui y à Lyon le 2 février 1583. Il va alors rédiger le récit de son voyage, avec l'aide trafficquent, elle seroit presque déshabitées & encores ceux qui y veullent des très nombreuses informations qu'il a notées avec une précision et une sen­ habiter, s'en vont plustost bastir à la marine, hors de la ville, que dedans. sibilité remarquables, conscient d'avoir la chance de sortir indemne de ces Tellement qu'au près du port, l'on a desja faict un petit bourg, plustost pour la pérégrinations, comme il l'écrit à la fin de son récit, ; commodité dudit port, qu'autre chose, encores que la ville n'en soit pas ayons demeuré vingt trois mois ou environ en ce voyage, rendant grâces, & loing : où il y a tousjours quatre galères pour la garde. louanges immortelles à Dieu le souverain Pillole de m'avoir garanty de tant de Le lieu est très abondant en poisson, chair de mouton, & plusieurs fruicts, fortunes, naufrages, dangers, & maladies. que nous n'avons pas communs en nostre Europe, comme Carrobes, l'arbre duquel ressemble au Cassier, & produit son fruict comme febves estans en Alexandrie leur escorce : mais plus gros, plat, & de mesme couleur estans seiches, que seroit un morceau de colle-forte, & ainsi faict. Ses noyaux y sont rangez comme « Alexandrie'’ est située au bord de la mer, en pays sablonneux, comme febves, mais ne servent à rien, & n'y a que ce qui est au tour : & à son escorce sont presque toutes les autres villes d'Egypte, s'avançant asses dans la mer, dure, comme marrons. Plus il y a force de grenades, limons, oranges, & des appellée par les Mores & les Turcs Scanderia, de Scander, qui signifie figues les plus grosses & meilleures, que j'aye veuës. On y apporte aussi de Alexandrie : quasi en forme ovale, ayant d'un coste la mer Méditerranée, & de bons raisins, dont nous mangeasmes lors que nous y estions, bien que ce ne fust l'autre un grand lac, qu'on nomme le lac Marcotis*’, contenant environ trois encores qu'au dix neuviesme de Juillet». cens mil de circuit, comme nous asseurèrent ceux du pays : & disaient d'avan­ Il y a quantité de Cappriers produisans des cappres très grosses, & des tage, que s’estoit celuy là mesme, qui fut anciennement fait & cavé par arti­ palmiers qui jettent les dattes. De cest arbre ils en tirent plusieurs commodi- fice, profond de vingt cinq toyses, pour conserver l’eauë qu'on y fait aller par tez. Premièrement ils ont les dattes, qu'est son naturel & meilleur fruict. Tirent un canal du Nil, qui se sépare au dessus du Caire. On nous voulut persuader, du boys une certaine filasse, de laquelle ils font des cordes, bruslent le boys, que tous les Vendredis ores l'eauë en devenair rouge. dont ils ont grande nécessité au moys de May. Ils recueillent encor certains Dudict lac il y a environ un mil jusques à la ville, laquelle souloit estre petits rejects, dont ils salades» : & après coupent la pointe des rameaux : de grand trafic : & est celle mesme que Démocrate Mathématicien désigna à recueillent encores une certaine mouëlle, qu'ils portent vendre aux villes, & se Alexandre le grand, estant encores les mesmes murailles en leur entier, qui sont mange cruë : mais ce qui est digne de remarque en cest arbre, c'est qu'il y a doubles, & si bien estendues par belles arcades, que le soldat à pied, voire à che­ masle & femelle, laquelle ne produiroit jamais quoy que ce soit ; son fruict ne val, peut aller au tour toujours à couvert : & sont si bien flanquées, qu'on y conte viendroit à maturité, si premièrement on ne jette des rameaux du masle sur de trois à quatre mil tours, ayant environ six mil de circuit. la femelle ; & pareillement de la femelle sur le masle. Elle fut ruinée lors qu'un de nos Roy s de France avec celuy de Chypres contraignirent le Soldan de la quitter-. Il se peut encores veoir par les colonnes, 5 - La description d'Alexandrie se trouve au ch. 7 de l'ouvrage, p. 76-79 de l'édition de 1991. 8 - Erreur de Jean Paleme, qui a déclaré peu auparavant être arrivé à Alexandrie le 20 juillet. 6 - Lac Mareotis et non Marcotis : erreur que l'on retrouve dans les pages suivantes (note Il y a ainsi dans son récit quelques petites discordances de calendrier qu'on lui pardonne de l'éditeur). volontiers. 7 - Palerne fait référence à la ruine d'Alexandrie à la suite de la prise de la ville par Pierre 9 - On peut penser qu'il y a ici un ou deux mots sautés par Jean Paleme, et qu'il a voulu de Lusignan en 1365 (note de l'éditeur). dire « dont iis font des salades ». 16 Gilbert Argoud Jean Paterne à Alexandrie 17 Or revenans à la ville, les belles cisternes, qui y sont sans nombre, sont Vénitiens tiennent pour leur patron, & protecteur : h^rs la ville y a encores un aussi dignes d'admiration, si bien fabriquées par grandes arcades & colonnes, lieu, où l'on tient, que S. Athanase Evesque dudict Alexandrie, fit le Symbole, le tout en son entier ; & la ville bastie au dessus : elles ont été faictes respon- Quicunque vult salvus esse. dantes les unes aux autres, pour recevoir l'eauë du Nil ; n'ayant autre commodité Outre ceste ville est fameuse, tant pour les lettres, qui y ont autresfois d'eauë que celle là. Car lors qu'il croit, ils y font aller l'eauë par le canal ou flory, que pour la tour de Pharo, qui servait de fanal aux navigeans, mise aux rameau qu'Alexandre le Grand fit encores caver exprez, qu'ils appellent Calix^o^ sept merveilles du monde, pour sa hauteur & grosseur, au lieu de laquelle y a lequel remplit toutes lesdites cisternes une foys l'année, lors que le Nil croist. aujourd'huy un champs, qui est encores appellé Farion, ou Farzion de ce nom Par ainsi ils ont provision d'eauë pour tout le reste de l'année, jusques à ce de Pharo, qui est, comme dict est, à l'entrée du port. D'avantage pour la sta­ qu'il retourne. Pendant ce temps là, qui dure environ deux ou trois moys, on tue de Serapis, qui estoit soustenue en l'air, par ce qu'estant de fer elle estoit se peut embarquer sur ledit canal, pour aller au Caire : mais hors ledit temps attirée par l'aymant. Et pour le grand amas de livres, & belle bibliothèque, il demeure à sec, & se faut aller embarquer à Rosette, journée & demy delà. que les Ptolémées Roys d'Egypte y firent assembler, contenant jusques à sept Il y a trois montaignes dans la ville : & entre autres singularités, & anti­ cens mil volumes, lesquels despuis furent tous bruslés à la première guerre quités qui s'y voient, faut premièrement remarquer deux esguilles, ou obé­ Alexandrine : firent encores traduire la bible d'Hébrieu en Grec, par soixante lisques, qui sont dans la \dlle près la muraille d'icelle. L'un desquels est droict, douze interprètes. Ce fut aussi là où Cleopatra Roy ne d'Egypte alla recevoir & en son entier . l'autre couché, & rompu, la poincte fichée en terre : celuy qui Marc Antoine, avec des vaisseaux à voiles d'or, & rames qui sonnoyent la est droict, est entaillé de charactères Égyptiens, que nous appelons lettres musique ». Hieroglyfiques : & peut avoir environ cinquante pieds de hauteur, à se reigler Suivent ensuite quelques considérations sur l'astrolabei2 que possédait selon son diamètre, qui est de cinq pieds. Et celuy qui est couché, en a soixante un Anglais, ce qui permet à Jean Palerne de donner la latitude de la ville : douze, comme il se peut aussi cognoistre par sa faciade, qui estait dix fois « Lequel ayant regardé sur Alexandrie, il trouva quelle avoit en\dron soixante autant, ou neuf au moins. Ils sont de pierre Thébaïque, meslée de petits grains degrez, & trente minutes, & trente un degrez de latitude, en eslévation du noirs, blancs & rouges. Ce qui a donné occasion à plusieurs, voyans une pierre pôle Articque ». La latitude d'Alexandrie est indiquée avec assez de précision, massive toute d'une pièce si gi'ande, longue & grosse, & tant bien polie, qu'elles puisqu'elle est très précisément de trente et un degrés et douze minutes de ont été jettées, & qu'elles sont mixtionnées. Car tous obélisques sont d'une latitude nord. Ainsi se termine la description de ce que Jean Palerne vit à mesme pierre, gravez de divers grains. Un Architecte nous dict en sçavoir l'in­ Alexandrie, entre le 20 et le 25 juillet 1581. vention : mais si confessa il en fin, qu'ils avoyent ainsi esté taillez au roc. Se voient encores hors la ville, près de la porte, une très belle colonne à la Corinthe, appellée vulgairement la Colonne de Pompée, à cause de César, qui la fit dresser en mémoire de la victoire qu'il eut contre Pompée, sur laquelle fut mise une statue, que les Égyptiens adoroyent ; ceste colonne est admirable en hauteur & grosseur, pour estre toute d'une pièce, de mesme pierre que les Obélisques ; & tient on, qu'il ne s'en soit jamais veuë de telle. Elle a sept pieds de diamètre, qui revient à soixante pieds de haut, & plus ; & grosse, qu'à peine six hommes la peuvent embrasser. Dans la ville l'on voit encores la prison de Saincte Catherine, que l'on y feist mourir, & son corps porté par les Anges sur le mont Sinai, & une pierre au millieu d'une ruë, dont les Mores font cas, sur laquelle on dit, que S. Marc eut la teste tranchée. Les Chrestiens l'ont voulu chèrement achepter : mais les Mores ne la veulent donner pour rien au monde. L'église, où il fut enterré, y est aussi. Toutesfois son corps a despuis esté transporté à Venise, que les 11 - Il faut lire « chateau » et non « champ » (note de l'éditeur). 10 - Il s'agit de la francisation du terme arabe khalidj désignant le canal de dérivation du 12 - L'astrolabe est un instrument qui permet de mesurer la hauteur d'un astre au-dessus Nil - le khalidj al-Misri - remblayé de 1897 à 1900 (note de l'éditeur). de l'horizon. Christian Jacob La bibliothèque, la carte et le traité Les formes de l’accumulation du savoir à Alexandrie Questions sur les sciences alexandrines L’intitulé même de ce colloque pose mie question implicite ; que représente Alexandrie dans l’histoire des sciences antiques ? En quoi réside l’importance historique de ce moment et de ce lieu ? Et dans quelle mesure Alexandrie et son moment historique permettent-ils de définir un processus plus large et diffus, qui influencerait globalement l’évolution intellectuelle et scientifique du monde Méditerranéen, occidental et oriental, au-delà même des cadres chro­ nologiques et géographiques du monde gréco-romain ? Plusieurs stratégies sont possibles pour répondre à de telles questions. On peut, dans le cadre d’une approche intemahste, analyser le moment alexan­ drin dans le développement de chaque science particulière, observer la part de la continuité et des mutations, évaluer les découvertes et les avancées concep­ tuelles. La juxtaposition même de ces différentes approches monographiques permettrait de dresser un état des lieux plus général, susceptible de donner heu à la comparaison, voire à l’observation des influences d’ime discipline à l’autre. On peut aussi rechercher certains des facteurs de cette évolution non plus à l’intérieur même des différentes disciplines, mais dans le contexte exté­ rieur, social, politique, économique et plus généralement culturel. Quelles étaient les conditions de l’activité scientifique à Alexandrie à partir du IIE siècle avant J.-C. ? Quels furent les facteurs de continuité et d’évolution par rap­ port à la situation antérieure, comme par exemple les écoles médicales ou les écoles philosophiques athéniennes ? Et dans quelle mesure la science alexan- drine s’est-elle ou non imposée comme un modèle dominant dans l’ensemble du monde Méditerranéen ? Questions qui invitent à une géographie comparée des centres intellectuels de la Méditerranée gréco-romaine, où Alexandrie pourrait être située par rapport à Rhodes, à Cyrène, à Pergame ou à Romeb 1 - Sur la géographie culturelle de l’époque hellénistique et gréco-romaine, voir les études réunies dans Lo Spazio Letterario della Grecia Antica, Volume I. La Produzione e la circo­ lazione del testo, sous la direction de G. Cambiano, L. Canfora, D. Lanza, Roma, Salerno Editrice, 1993. 20 Christian Jacob La bibliothèque, la carte et le traité 21 Dans le cadre d’une telle approche « externaliste » ou contextuelle, il faut invite en effet à redéfinir la place des sciences sur là carte plus générale des sans doute dépasser les cloisonnements disciplinaires pour percevoir les simi­ activités intellectuelles qui se développent dans ce cadre. On ne peut com­ litudes comme les contrastes d’un champ à l’autre. Appréhender globalement prendre l’organisation de cette carte qu’en remettant en cause les frontières et les sciences à Alexandrie invite en effet à réfléchir sur leurs découpages, sur les partages entre sciences et non sciences, entre sciences pures et appliquées. leurs interactions, sur leurs regroupements et leurs influences réciproques. La cohérence des disciplines, le haut degré de technicité parfois impliqué ne Qu’ont-elles en commun ? Quels sont leurs rapports de présupposition et, le cas doivent pas dissimuler l’existence d’une série de seuils de transformation, qui échéant, leur hiérarchie ? Peut-on observer, des unes aux autres, des transferts conduisent de la recherche la plus spécialisée à des formes de diffusion émous­ de concepts et de modèles ? De telles questions impliquent que l’on prenne en sées par la vulgarisation. De ce point de vue, les Phénomènes d’Aratos et la compte toutes les facettes de l’activité intellectuelle d’un auteur donné. On ne Périégèse de la terre habitée de Denys font autant partie du paysage scientifique saurait dissocier, par exemple, les travaux de zoologie ou de météorologie alexandrin que les œuvres origüiales qui furent ainsi adaptées - les Phénomènes d’Aristote de l’ensemble de son oeuvre philosophique : les traités que nous d’Eudoxe de Cnide, les ouvrages géographiques d’Eratosthène et de Poseidonios. identifions comme scientifiques s’intégrent en effet dans ce cadre plus général. Porter des jugements de valeur sm- la différence de niveau entre les œuvres ori­ Ces textes ont en commun une conception générale du monde et de la connais­ ginales et leurs adaptations poétiques ne dispense pas de s’interroger sur les sance. Ils furent aussi produits dans le cadre d’une « école » vouée à enjeux sociologiques du processus : Aratos et Denys s’adressent à un autre l’enseignement et à une forme de recherche collective, où l’on partageait des public, permettent un autre mode de circulation du savoir que celui du traité instruments et des méthodes de travail - citons en particulier l’usage d’une original. Le fait même de leur fortune, et de la disparition des traités majeurs, bibliothèque et les formes de critique et de discussion liées à la pratique doxo- conduit à réfléchir sur les modes de circulation des textes scientifiques, sur graphique et à la lecture critique des grandes oeuvres philosophiques du passé2. leurs différents publics. On pourrait formuler des remarques semblables sur On pourrait appliquer le même type d’approche globale à Théophraste et le genre de la paradoxographie, inauguré à Alexandrie par Callimaque. Le à Poseidonios, ou encore à Eratosthène de Cyrène et à Galien ; il est du plus recueil attribué à Antigonos de Caryste s’appuie de manière notable sur grand intérêt de comprendre la logique intellectuelle et culturelle qui sous- VHistoire des Animaux d’Aristote, dont la cohérence et le projet sont décons­ tend des œuvres dont on souligne aujourd’hui le caractère encyclopédique et truits pour s’adapter à la forme spécifique d’un catalogue de mirabilia. Textes qui défient les clivages habituels entre sciences pures et sciences appliquées, mineurs ? Peut-être. Mais que nous apprennent-ils sur la curiosité de leurs entre sciences et disciplines littéraires ou historiques. L’une des clés de l’œuvre lecteurs, sur les seuils de transformation stylistique et de découpage qui pou­ d’Eratosthène, par exemple, résidait dans la gamme relativement ouverte des vaient donner à un traité d’Aristote ou de Tliéophraste une lisibilité, des signi­ champs intellectuels auxquels il s’est intéressé : mathématiques, géodésie, fications, une valeur esthétique et imaginaire nouvelles ? géographie, philosophie, poésie, grammaire, histoire littéraire, chronologie Dans cet élargissement des cadres de l’enquête, il semble difficile de ne historique. Il y avait manifestement des liens entre ces disciplines, même si la pas situer les sciences parmi les autres champs de savoir alexandrins ; l’éru­ biographie d’Eratosthène peut constituer un facteur d’explication ; ses années dition antiquaire et grammaticale, la philologie, l’histoire, la mythographie, les de formation à Cyrène, puis ses années athéniennes, où il fréquente les écoles formes multiples de la création littéraire. D’abord parce que les unes comme philosophiques et entreprend sans doute ses recherches mathématiques, acti­ les autres partagent les mêmes ressources fondamentales, bénéficient du même vités qu’il complète par la gamme plus large des disciplines littéraires carac­ contexte global : la politique de mécénat des Lagides, la création de la téristiques de l’érudition alexandrine, dès lors qu’il se trouve à la tête de la Bibliothèque qui, si elle n’était pas un établissement public au sens moderne Bibliothèque des Lagides. Cette position de bibliothécaire, du reste, ne pouvait du terme, n’en était pas moins accessible à un certain nombre de savants et de être sans conséquences sur l’activité intellectuelle d’Eratosthène, sur les objets lettrés. Ensuite, parce savants et lettrés se retrouvaient autour d'un certain qu’il a choisi d’étudier comme sur ses méthodes de travail. nombre de pratiques intellectuelles : lecture, écritrue, utilisation et critique des A ce premier décloisonnement, qui tente de comprendre la cohérence soiuces écrites, recherche d’informations, établissement et interprétation du intellectuelle globale d’une oeuvre, au-delà de la diversité même des champs texte, commentaire, exégèse littéraire, citations etc. La lecture de la Géographie qu’elle recouvre, il nous semble nécessaire d’en ajouter un second. Alexandrie de Strabon, de ce point de vue, constitue mi exemple privilégié : des discussions de géographie mathématique à la définition des connaissances scientifiques B2 olo- gVnoai,r ICl .M Nualtianloi,, B19io9s1 .theoretikos. La Vita di Aristotele e l'organizzazione della sua scuola, impliquées dans le tracé cartographique, mais aussi de l’exégèsa homérique à

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