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Sartre, Critique de la raison dialectique; tome 1, Livre II «Du groupe à l'histoire» PDF

63 Pages·2001·0.842 MB·French
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Preview Sartre, Critique de la raison dialectique; tome 1, Livre II «Du groupe à l'histoire»

Philo-textes Texte et commentaire Collection dirigée par Jean-Pierre Zarader Critique de la raison dialectique « Du groupe à l'histoire » (tome I, livre II) Jean-Paul Sartre Hervé Vautrelle Agrégé de philosophie Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre V (1-10) - La justice, par J. Cachia. A ri s tote, Métaphysique, A 7, par R. Lefebvre. Aristote, Métaphysique, Livre IV, par J. Cachia. Bergson, La Pensée et le Mouvant, par P Rodrigo. Bergson, Le Rire, par A. Pérès. Descartes, Les Passions de l'âme (première partie), par D. Kolesnik-Antoine et Ph. Drieux. Diderot, Lettre sur les aveugles, par É. Martin-Haag. Feuerbach, L’Essence du christianisme, Introduction, chap. 2 , par Ph. Sabot. Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, « De la faculté d’imaginer », par A. Makowiak. Kant, Critique de la raison pratique, Les principes, par P. Billouet. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Section I, par 1. Pariente-Butterlin. Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, Livre IV, chap. XIX, par P. Taranto. Machiavel Le Prince, Chapitres XII à XIV [De la liberté des peuples], par H. Guineret. Marx, L'Introduction à la Critique de la philosophie du droit de Hegel, par E. Kouvélakis. Marx, Critique du droit hégélien de l'État, par F. Guery. Merleau-Ponty, La Structure du comportement, chap. III, 3, « L'ordre humain », par É. Bimbenet. Nietzsche, Ainsi parla Zarathoustra, Volonté, vérité, puissance, 9 chapitres du livre II, par F. Guery. Platon, Euthyphron, par A. Complido. Platon, Ménon, par G. Kévorkian. Platon, Philèbe, [31b-44a], par A. de La Taille. Plotin, Ennéade, III, 7 [45], « De l'éternité et du temps », par A. Pigler. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, par G. Lepan. Rousseau, Emile, par R. Dany. Sartre, Critique de la raison dialectique « Du groupe à l’histoire » (tome I, livre II), par H. Vautrelle. Sartre, L'existentialisme est un humanisme, par A. Tomes. Schelling, Idées pour une philosophie de la Nature, par M. Élie. Spinoza, Éthique, Appendice à la Première Partie, par P. Sévérac. Whitehead, Procès et Réalité, par M. Élie. ISBN 2-7298-0512-5 © Ellipses Édition Marketing S.A., 2001 32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15 Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5.2° et 3°a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (Art. L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.editions-ellipses.com Sommaire Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique (extrait)...............................................................................................4 Présentation globale du projet sartrien........................................7 Commentaire....................................................................................19 lre partie. La réciprocité comme structure fondamentale..............20 2e partie. L’empire de la rareté.........................................................25 3e partie. La mort et la morale.........................................................35 4e partie. La dialectique de la violence et de la liberté...................43 Vocabulaire......................................................................................53 Circularité ■ Dialectique ■ Extéro-conditionnement ■ Fraternité-Terreur ■ Groupe ■ Institution ■ Intériorité ■ Matérialisme ■ Pratico-inerte ■ Praxis ■ Rareté ■ Réciprocité ■ Série ■ Serment ■ Totalisation ■ Violence Bibliographie 63 Critique de la raison dialectique (extrait) La « découverte » que nous avons pu faire au cours de l'expérience dialectique — mais, pour tout dire, est-ce même une découverte ? n'est- ce pas l’immédiate compréhension de toute praxis (individuelle et commune) par tout agent (intérieur à la praxis ou transcendant) ? — c’est celle qui nous a livré à des niveaux différents cette double caractéristique des relations humaines en dehors des déterminations de socialité, comme simple rapport entre des individus réels mais abstraits, elles sont immédiatement réciproques. Et cette réciprocité — médiée par le tiers puis par le groupe — sera la structure originelle des communautés. Mais d'autre part la réciprocité n’est ni contemplative ni affective. Ou plutôt affection et contemplation sont les caractères pratiques de certaines conduites en certaines circonstances définies. La réciprocité est praxis à double (ou à multiple) épicentre. Elle peut être positive ou négative. Il est clair que son signe algébrique se définit à partir des circonstances antérieures et des conditions matérielles qui déterminent le champ pratique. Et nous savons que l’ensemble des conditionnements de la réciprocité antagonistique se fonde dans l'abstrait sur le rapport de la multiplicité des hommes au champ d’action, c'est-à-dire sur la rareté. Nous avons vu aussi que la rareté comme menace de mort produisait chaque individu d'une multiplicité comme un risque de mort pour l’autre. La contingence de la rareté (c’est-à-dire le fait que des relations d'abondance immédiates entre d’autres organismes pratiques et d'autres milieux ne sont pas a priori inconcevables) est réintériorisée dans la contingence de notre réalité d’homme. Un homme est un organisme pratique vivant avec une multiplicité de semblables dans un champ de rareté. Mais cette rareté comme force négative définit, dans la commutativité, chaque homme et chaque multiplicité partielle comme réalités humaines et inhumaines à la fois chaque individu, par exemple, en tant qu’il risque de consommer un produit de première nécessité pour moi (et pour tous les Autres), devient surnuméraire : il menace ma vie dans la mesure même où il est mon semblable il devient donc inhumain en tant qu'homme, mon espèce m'apparaît comme espèce étrangère. Mais, dans la réciprocité et la commutativité, je découvre dans le champ de mes possibles la possibilité d'être moi- même objectivement produit par les Autres comme objet excédentaire ou comme inhumanité de l'humain. Nous avons marqué que la détermination première de la morale, c’était le manichéisme la praxis compréhensible et menaçante de l’Autre est ce qu’il faut détruire en lui. Mais cette praxis, comme organisation dialectique de moyens en vue d'assouvir le besoin, se manifeste comme libre développement de l’action en l’Autre. Et nous savons que c’est cette liberté, en tant que ma liberté en l'Autre, que nous devons détruire pour échapper au risque de mort qui est le rapport originel des hommes par la médiation de la matière. Autrement dit, l’intériorisation de la rareté, comme relation mortelle de l’homme à l'homme, est elle-même opérée par un libre dépassement dialectique des conditions matérielles et, dans ce dépassement même, la liberté se manifeste comme organisation pratique du champ et comme se saisissant en l'Autre comme liberté- autre ou antipraxis et antivaleur à détruire. Au stade le plus élémentaire du struggle for life, ce ne sont pas d’aveugles instincts qui s'opposent à travers les hommes, ce sont des structures complexes, dépassements de conditions matérielles par une praxis fondant une morale et poursuivant la destruction de l’Autre non pas comme simple objet menaçant mais comme liberté reconnue et condamnée jusque dans sa racine. Voilà précisément ce que nous nommons violence, car la seule violence concevable est celle de la liberté sur la liberté par la médiation de la matière inorganique. Nous avons vu, en effet, qu’elle peut revêtir deux aspects la libre praxis peut directement détruire la liberté de l’Autre ou la mettre entre parenthèses (mystification, stratagème) par l'instrument matériel ou bien elle peut agir contre la nécessité (de l’aliénation), c’est-à-dire s’exercer contre la liberté comme possibilité de devenir Autre (de retomber dans la sérialité), et c’est la Fraternité- Terreur. La violence est donc en tout cas reconnaissance réciproque de la liberté et négation (réciproque ou univoque) de celle-ci par l’intermédiaire de l’inertie d'extériorité. L'homme est violent — dans toute l’Histoire et jusqu'à ce jour (jusqu’à la suppression de la rareté, si elle a lieu et si cette suppression se produit dans certaines circonstances) — contre le contre-homme (c’est-à-dire contre n’importe quel autre homme) et contre son Frère en tant que celui-ci a la possibilité permanente de devenir lui-même un contre-homme. Et cette violence, contrairement à ce qu’on prétend toujours, enveloppe une connaissance pratique d'elle-même puisqu’elle se détermine par son objet, c'est-à-dire comme liberté d'anéantir la liberté. Elle se nomme Terreur quand elle définit le lien même de fraternité ; elle porte le nom d'oppression quand elle s’exerce sur un ou plusieurs individus et qu’elle leur impose un statut indépassable en fonction de la rareté : partout, le statut est abstraitement constitué par les mêmes déterminations pratiques ; en présence de la rareté des nourritures et de la rareté de la main-d'œuvre, certains groupes décident de constituer avec d'autres individus ou d'autres groupes une communauté qui sera définie à la fois par l'obligation d'exécuter un sur-travail et par la nécessité de se réduire à une sous-consommation réglée. Or, cette oppression se constitue comme praxis consciente de soi et de son objet qu’elle passe ou non le fait sous silence, elle définit la multiplicité des travailleurs excédentaires non pas en dépit de leur réalité de libres organismes pratiques mais à cause d’elle. L’esclave, l’artisan, l’ouvrier qualifié, l'O.S., sont produits, certes, par le mode de production. Mais ils sont produits, justement, comme cette part plus ou moins considérable de libre contrôle, de libre direction ou de libre surveillance qui doit combler l’écart entre l'être-instrumental et l'homme. Il est arrivé, certes, que l’homme remplace la bête, pour un travail qu'une bête suffisait à exécuter (les porteurs d'or sur les sentiers qui traversaient au XVIe siècle l'isthme de Panama). Mais cette nouvelle répartition des tâches est contrainte consciente de soi et choix délibéré sur fond de rareté le même qui travaillait hier comme un homme est désigné par les dirigeants ou les responsables pour se faire librement inférieur à l’homme. Car la contrainte ne supprime pas la liberté (sauf en liquidant les opprimés) ; elle en fait sa complice en ne lui laissant d’autre issue que l'obéissance. Critique de la raison dialectique, précédé de Questions de méthode, tome I : « Théorie des ensembles pratiques », 1960, Nrf Gallimard, collection « Bibliothèque de philosophie », édition de 1985, livre II : « Du groupe à l’histoire », B, 3, pp. 814 à 816, © Éditions Gallimard. Présentation globale du projet sartrien Cette présentation générale de l’entreprise sartrienne pourra ne pas paraître nécessaire à ceux qui connaissent l'ouvrage, et qui pourront se reporter directement au commentaire, tandis que les non-initiés y trouveront, nous l’espérons, quelques clefs pour entrer dans ce texte ardu. En effet, le gigantisme et la difficulté de la Critique de la raison dialectique ont de quoi dérouter bien des lecteurs. Aron lui-même la comparait à un « monument baroque, écrasant et presque monstrueux1 ». Toutefois, cette ampleur et cette sophistication semblent proportionnelles à la démesure du projet. Qu'on en juge : la Critique constitue une vertigineuse tentative de restituer toute la complexité du jeu social avant de déboucher sur une intellection du cours de Vhistoire. Dans cette optique, plusieurs problématiques majeures traversent ce texte de 1960, que Ton peut énoncer ainsi comment la multiplicité des consciences individuelles peut-elle se totaliser pour constituer l’Histoire ? Du coup, quelle commune mesure peut exister entre la praxis individuelle, c’est-à-dire la libre activité du sujet dans le champ pratique, et la praxis commune, celle des groupes et des peuples, nécessairement complexe et synthétique ? Et, à l'horizon, jusqu'à quel point peut-on connaître les mécanismes de l'histoire ? D'ailleurs, celle-ci a-t-elle un sens, dans les deux acceptions du terme a-t-elle une signification et a-t-elle une direction ? Bien qu'il soit impossible de résumer brièvement la Critique2, il importe d'en retracer les étapes majeures tout part de la praxis individuelle comme première totalisation active, mais celle-ci est pétrifiée dans la vie sociale par des conduites inertes imposées de sérialité (file d'autobus, auditeurs passifs de la radio, etc.). Sous la pression de la nécessité, ces séries, rassemblements constitués d’individus qui sont des « demi-solitudes », constituent des « groupes en fusion », lors d’une phase que Sartre nomme Y Apocalypse par une soudaine ébullition, la passivité sérielle se change en activité collective, comme dans le groupe révolutionnaire, et la foule atomisée devient un ensemble cohérent et cohésif (Sartre prend les exemples de la 1. Histoire et dialectique de la violence, Préface, p. 9. 2. Laing et Cooper l'ont fait sur une soixantaine de pages dans Raison et violence. Révolution française et de la Libération). La série s'est dissoute brutalement à la chaleur d’une prise de conscience commune de l'aliénation, et l'éclatement d’une révolte a liquidé les anciennes structures du pratico-inerte (qui désigne l’engluement de la liberté pratique dans l’inertie de la matière). Or, l’inertie impuissante du collectif continue de hanter la structure du groupe fusionnel défini par une unité d’action et de résistance mais aussi une harmonie interne vulnérable les combattants se lassent de la cause à défendre, les liens se distendent et « cette explosion informelle ne dure que le temps de l’action1 », si bien que chacun prête un serment de fidélité afin de prolonger artificiellement l’unité du groupe en resserrant les rangs. L’effervescence bouillonnante du groupe s’apaise et celui-ci se mue alors en un groupe organisé, c’est-à-dire hiérarchisé et bureaucratisé. En se rigidifiant, il subit une nouvelle mutation et devient une institution, autrement dit un organisme officiel sans vie, qui fonctionne souverainement, sans remise en cause, et qui planifie avec autorité la vie de la nation. La série perce à nouveau sous l’institution, les hommes sont massifiés et uniformisés, et le pratico-inerte fait son retour en absorbant la conscience des hommes. Toutefois, cet État (ou ce Parti) totalitaire ne peut longtemps empêcher la dissidence des praxis individuelles qui se font de nouveau entendre, et le lecteur revient ainsi, quoique dissemblablement, à la première figure la boucle est bouclée et la circularité est parfaite (du moins autant qu’elle peut l’apparaître puisqu’il s'agit ici d’une spirale, non d’un cercle). Toutefois, même lorsque l’institutionnalisation du groupe n’est pas contestée, l’initiative singulière l’anime et lui redonne sens. Au-delà de ce détail, Sartre s'efforce d'intégrer l'existentialisme au marxisme, duquel il s’est rapproché sensiblement à partir de 1947. Ce projet de conciliation de ces deux philosophies en partie contradictoires est déjà la préoccupation des Questions de méthode, texte de circonstance devenu l’introduction de la Critique. Sartre, qui y déclare que « le marxisme est la philosophie indépassable de notre temps » (ce que Aron qualifiera d’« acte d'allégeance inconditionnelle » ou de 1. Colombel : Jean-Paul Sartre, p. 596. « déclaration de fidélité1 »), n'y renie pas pour autant la plupart de ses thèses sur la conscience et sur la liberté définies principalement dans L'être et le néant. Même s'il s’en est éloigné depuis ce dernier ouvrage, Sartre reste globalement fidèle au cogito cartésien puisqu’il réintroduit la subjectivité dans la dialectique de l'histoire. On le voit, cette « sympathie » de Sartre pour le marxisme n'a pas manqué de susciter en lui des interrogations quant au primat accordé à la conscience individuelle et à la liberté du sujet : en effet, comment soutenir encore que l'homme est fondamentalement libre quand la théorie marxiste affirme au contraire qu'il est aliéné par l'exploitation et déterminé par les rapports de production, et qu’il n'est que le produit de l’histoire ? Comment affirmer simultanément la « passion inutile » du « pour- soi2 » et sa nécessaire implication dans la trame des événements ? Et d'ailleurs, ne faut-il pas choisir entre la relativité des valeurs et la soumission aux idéaux du groupe ? Au fond, la Critique a été en partie écrite pour sauver la liberté de L'être et le néant et pour penser l'histoire « oubliée » par cet ouvrage. A ce titre, une opposition classique mais un peu réductrice entre un « Sartre I » et un « Sartre II » est souvent avancée, et en partie légitimée par des déclarations de Sartre lui-même, telles que « La guerre a vraiment divisé ma vie en deux3». L'être et le néant s'achevait sur des «perspectives métaphysiques » et sur l’annonce d'un ouvrage de morale consécutif. De fait, ces projets ont été abandonnés pour mille raisons au profit d’une réflexion politique qui n'a jamais cessé et qui culmine dans la Critique. Considérant que le marxisme reste une explication valide des faits historiques, Sartre entame donc ici une discussion avec les marxistes dogmatiques contemporains, qui pour lui ont sombré dans une orthodoxie stérile et un catéchisme sclérosé, et tente de réfuter ce qu'il 1. Les marxismes imaginaires, p. 166. 2. Cette notion, centrale dans L'être et le néant, désigne l'homme en tant que, ne coïncidant jamais avec lui-même, il existe pour lui. Le pour-soi « ex-iste », c'est-à-dire qu’il se projette hors de lui pour tenter de se donner une consistance, tandis que l'en-soi (les choses) est ce qu'il est, ni plus ni moins, il colle à son être en tant que plénitude opaque. Par exemple, une pierre ne change pas d'essence, autrement dit de nature, d'être en soi, tandis que l’homme est voué à se reconstruire sans cesse. 3. Situations, X, p. 180.

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