Santé mentale et douleur Composantes somatiques et psychiatriques de la douleur en santé mentale Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo Santé mentale et douleur Composantes somatiques et psychiatriques de la douleur en santé mentale Sous la direction de : Serge Marchand Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS Université de Sherbrooke, Faculté de médecine Département de chirurgie – Service de neurochirurgie 3001, 12e Avenue Nord Sherbrooke (Québec) Canada J1H 5N4 Djea Saravane Hôpital de Ville-Evrard Service des spécialités et de médecine polyvalente 202, avenue Jean-Jaurès 93330 Neuilly-sur-Marne Isabelle Gaumond Centre de recherche clinique Étienne-Le-Bel du CHUS 3001, 12e Avenue Nord Sherbrooke (Québec) Canada J1H 5N4 ISBN : 978-2-8178-0306-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, Paris, 2013 Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfi lm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécifi cation ne signifi e pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifi er les informations données par comparaison à la littérature existante. Maquette de couverture : Nadia Ouddane Mise en page : Desk Illustration de couverture : © Eky Chan – Fotolia.com Sommaire Sommaire Préface ..................................................................................... 1 A. Damasio Introduction ........................................................................... 3 1. La douleur en santé mentale : les mythes ........................ 5 D. Saravane 2. Bases neurophysiologiques de la douleur ....................... 19 S. Marchand 3. Perception de la douleur en santé mentale ..................... 37 Ph. Goffaux, G. Léonard, M. Lévesque 4. Mosaïque épidémiologique de la douleur chronique en santé mentale : l’exemple de la dépression ................ 53 A. Vanasse, M. Courteau, J. Courteau, N. Carrier 5. La douleur dans la dépression majeure : de l’évidence clinique au paradoxe expérimental .......... 73 S. Potvin 6. Dépression et douleur : approche clinique ..................... 89 E. Corruble 7. Trouble bipolaire et douleur : au-delà de la souffrance .................................................... 99 É. Olié, P. Courtet 8. Douleur et schizophrénie : quand l’esprit ignore les appels grandissants de la moelle ................................ 111 S. Potvin VI Santé mentale et douleur 9. Schizophrénie et douleur : une perspective psychiatrique ......................................... 129 S. Grignon 10. Troubles somatoformes et douleur ............................... 141 P. Cailliez, P. Hardy 11. Douleur et état de stress post-traumatique .................. 157 A. Yrondi, J.-F. Corbin, L. Schmitt 12. Douleur chez l’enfant autiste ......................................... 173 T.F. Oberlander, L. Zeltzer 13. Opioïdes, douleur et toxicomanie : plus de peur que de mal ? ................................................ 199 K. Stavro, S. Potvin 14. Moyens d’évaluation de la douleur en santé mentale .. 219 D. Saravane, A. Serrie 15. Prise en charge et perspectives thérapeutiques ............ 229 D. Saravane Préface Longtemps après la douleur Il est difficile d’exagérer l’importance de la douleur. Chaque lecteur de ce livre aura déjà subi la douleur, à un moment ou un autre, légère ou grave, importune et incommodante, voire même perturbatrice. Tout lecteur de ce livre aura également entendu parler de personnes en dou- leur et aura été témoin des effets de la douleur sur leur comportement. Quiconque présentant une intelligence raisonnable et des émotions sensées n’aura pas cherché à connaître la douleur et aura certainement essayé de l’éviter. Toutefois, ironie du sort, ce phénomène omniprésent fait partie de la vie normale, et ce, malgré l’expérience négative associée à la douleur et sa signification souvent inquiétante. Alors, comment peut-on donner un sens à cet invité conventionnel mais non désiré ? Quel rôle lui est attribué dans la vie des individus et dans la vie collective des espèces animales ? La réponse à la première question est plutôt évidente. La douleur est protectrice. La douleur signale le moment où l’intégrité des cellules et des tissus devient nettement menacée ou qu’elle est déjà perdue, dans un secteur du corps. Une perturbation est détectée quelque part dans un corps vivant, est signalée au système nerveux central et est localisée en fonction de ses coordonnées spatiales dans une carte neuronale associée. Mais la douleur n’est pas seulement une sentinelle indifférente, un avertisseur de fumée neutre. Elle est également un messager, trans- mettant l’information sur l’emplacement et la gravité du problème à un maître contrôleur. La réponse adaptative, visant à faire ce qui peut être fait pour atténuer le problème, peut commencer dès que la carto- graphie est réalisée, en fait, avant même que la douleur, prise au sens propre, ne commence. C’est parce que la douleur est un sentiment, une expérience subjective, et, par définition, les sentiments sont des événements mentaux qui se produisent dans la conscience. En bref, la cartographie simple d’un équilibre perturbé, la carte dite nociceptive, peut donner lieu à une réponse adaptative, même avant qu’elle ne soit ressentie comme une douleur. Si et quand elle se transforme en un sentiment, la douleur survient, et la douleur au sens propre, comme tout autre sentiment, devient une nouvelle couche de contrôle au-delà de la cartographie simple. Ce niveau expérientiel ajouté permet de nouvelles formes de réponse. 2 Santé mentale et douleur Ainsi, le point crucial de la douleur est une sensation désagréable produite à partir d’une carte nociceptive dans certaines circonstances physiologiques. Elle produit un nouveau type d’effet à l’intérieur de l’être vivant dans lequel elle se produit, elle joue avec sa mémoire, imprègne son imagination, affecte son raisonnement, et permet d’engendrer une réponse délibérée. C’est là que réside la signification de la douleur pour toutes les espèces qui peuvent en faire l’expérience : au-delà des répertoires de réponses de routine programmées dans les systèmes nerveux, ces espèces gagnent une nouvelle raison d’exercer un contrôle sur leur vie, souvent, comme dans le cas des humains, un contrôle imaginatif et créatif. La douleur, dans toutes ses nuances, et le plaisir dans toutes ses variétés, sont les principaux arbitres de régulation de la vie et des moteurs essentiels dans l’évolution. Cette toile de fond explique le rôle primordial que joue la douleur en médecine, ainsi que la nécessité de bien la diagnostiquer, l’interpréter et la gérer et donc l’importance de ce volume didactique, assemblé par Serge Marchand, un expert de la douleur reconnu internationalement, ainsi que ses collègues, Djéa Saravane, chef de service, praticien hos- pitalier et chargé d’enseignement, et Isabelle Gaumond, une biologiste médicale spécialisée en douleur. Leur livre réunit des spécialistes ayant une vision similaire du problème, en donnant une place de choix à la relation importante entre la douleur et la santé mentale. En effet, les aspects psychiatriques de conditions douloureuses représentent l’un des plus grands défis pour les scientifiques et les cliniciens. Ils sont parmi les plus difficiles à traiter. La dépression, la schizophrénie, le stress post-traumatique et l’addiction sont traités dans des chapitres distincts, et même les problèmes particuliers posés par les enfants ne sont pas négligés. Un chapitre sur la neurophysiologie de la douleur et un autre sur les aspects historiques complètent la liste. Il s’agit d’un volume plus que nécessaire qui trouvera sa place dans la bibliothèque de tous ceux qui en ont besoin pour diagnostiquer et traiter des conditions de douleur dans le cadre de la santé mentale. Il est rempli de renseignements utiles et de conseils pratiques et mérite notre attention. Antonio Damasio University Professor David Dornsife Professor of Neuroscience Director, Brain and Creativity Institute University of Southern California Introduction Le lien existant entre santé mentale et douleur est très souvent négligé et n’attire l’attention que depuis peu. Pourtant, ce sont toutes deux des problématiques auxquelles les cliniciens doivent faire face dans leur pratique. La douleur est un phénomène complexe qui repré- sente à elle seule un défi important pour toute équipe soignante. Mais quand elle est présente chez un patient qui souffre déjà de problèmes de santé mentale, on fait face à un défi encore plus important. La douleur est une expérience globale, individuelle, teintée par de multiples facteurs. Elle aura d’ailleurs des répercussions sur l’individu sous forme d’émotions désagréables, de réponses cognitives et de réactions comportementales. Une autre spécificité de la douleur est qu’elle est subjective. Comme il est difficile d’évaluer de façon aussi objective que possible la douleur chez le patient communicant, on peut donc facilement imaginer la complexité de la mesure de la douleur chez les patients qui souffrent de troubles mentaux qui perturbent la communication. De plus, douleur et santé mentale sont deux phénomènes complexes qui interagissent. La douleur associe les versants somatiques et psy- chiques d’un individu. Ainsi, cette interaction entre santé mentale et douleur est très importante à comprendre puisque l’évolution de l’une ou de l’autre influencera la seconde. Il en va de même pour le traitement. Il est donc rarement souhaitable de faire une dichotomie entre les problèmes somatiques et psychiques puisque les mécanismes neurophysiologiques qui les sous-tendent sont intimement liés. Cette interaction permettra d’observer que le traitement d’un problème de santé mentale aura un effet direct sur la douleur, mais aussi que le traitement de la douleur aura des répercussions directes sur la santé mentale du patient. S. Marchand ((cid:2)), Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS, Université de Sherbrooke, Faculté de médecine, Département de chirurgie – Service de neurochirurgie, 3001, 12e Avenue Nord, Sherbrooke (Québec) Canada J1H 5N4 E-mail : [email protected] D. Saravane ((cid:2)), Hôpital de Ville-Evrard, Service des spécialités et de médecine polyvalente, 202, avenue Jean-Jaurès, 93330 Neuilly-sur-Marne I. Gaumond ((cid:2)), Centre de recherche clinique Étienne-Le-Bel du CHUS, 3001, 12e Avenue Nord, Sherbrooke (Québec) Canada J1H 5N4 4 Santé mentale et douleur Il est à noter que cette dualité entre les composantes somatique et psychique peut malheureusement devenir un piège pour le spécialiste de la santé mentale. Il peut être difficile de départager l’évolution d’une pathologie douloureuse de celle de la maladie mentale dont souffre le patient. Par exemple, la plainte d’une douleur associée à une neuro- pathie diabétique chez un patient schizophrène pourrait être décrite en de tels termes qu’elle sera confondue avec une augmentation des symptômes psychotiques (impression d’insectes qui rampent sous la peau des mains et des pieds). Faire la différence entre des troubles somatoformes associés à la dépression et l’exacerbation d’un problème somatique par les troubles de l’humeur est un autre exemple. Il peut d’ailleurs être tentant de caractériser de psychique toute douleur dont on n’arrive pas à trouver la cause somatique. Pourtant, même chez le patient qui ne présente pas de problème de santé mentale, nous savons qu’il n’est pas toujours possible d’identifier la source lésionnelle et qu’il sera souvent nécessaire de traiter la douleur en soi sans en avoir trouvé la cause exacte. Qui plus est, la douleur chronique est souvent dépen- dante de mécanismes centraux qui ne sont pas faciles à évaluer dans le bureau du médecin. Ainsi, une fois les problèmes de santé plausibles éliminés, nous devrons traiter la douleur comme une maladie en soi. Néanmoins, on peut facilement imaginer que cela devient encore plus complexe quand un problème de santé mentale est présent. Il existe souvent, de la part du soignant, une confusion entre les signes cliniques de la pathologie psychiatrique et ceux d’une douleur. La dou- leur est fréquemment sous-estimée, ce qui résulte en un traitement inadéquat. Cette situation a donc des répercussions directes sur la santé mentale et la santé somatique des patients. Le but de ce livre est d’apporter une approche didactique, en utilisant les connaissances actuelles sur la santé mentale relevées par des spé- cialistes dans leur domaine. Il couvre des problématiques spécifiques telles que la dépression, la schizophrénie, le stress post-traumatique, la toxicomanie, l’autisme mais aussi les pistes pour l’évaluation de la dou- leur et les modalités thérapeutiques dans ces populations vulnérables. Nous espérons ainsi offrir aux différents spécialistes qui œuvrent en santé mentale un ouvrage qui leur permettra de prendre conscience de l’ampleur des problèmes de douleur en santé mentale, mais aussi leur offrir des voies pour la mesure et le traitement de ces douleurs.
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