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Relire Mayotte Capécia: Une femme des Antilles dans l'espace colonial français. Je suis Martiniquaise (1948); La Négresse blanche (1950) PDF

265 Pages·2012·0.673 MB·French
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Relire Mayotte Capécia Une femme des Antilles dans l’espace colo nial fran çais Je suis Martiniquaise (1948) La Négresse blanche (1950) Myriam Cottias Made leine Dobie Relire Mayotte Capécia Une femme des Antilles dans l’espace colo nial fran çais Je suis Martiniquaise (1948) La Négresse blanche (1950) Avec le soutien de la Direction de l’Action Culturelle Martinique, du CRPLC (UMR 8053). Université des Antilles et de la Guyane et de la Columbia University Cet ouvrage est publié sous la direction de Vincent Duclert Parmi nos der nières publi ca tions Guy Di Méo, Les Murs invi sibles. Femmes, genre et géo gra phie sociale, 2011. Odette Louiset, L’Oubli des villes de l’Inde. Pour une géo gra phie cultu relle de la ville, 2011. Sébastien Baud, Faire parl er les mont agnes. Init iation chamanique dans les And es péru viennes, 2011. Mar tial Poirson, Les Ombres de Molière. Naiss ance d’un mythe du XVIIe à nos jours, 2012. Perrine Marthelot, Karl Bühler : du contexte à la situa tion, la signi fi ca tion, 2012. Pierre Boudrot, L’Écri vain épo nyme, 2012. Verushka Alvizuri, La Fabrique de l’aymarité en Bolivie. His toire d’une construc - tion eth nique (1952-2006), 2012. Concep tion de la cou ver ture : Raphaël Lefeuvre Illus tra tion de cou ver ture : Reine et Lucette à la Martinique en 1941 © Claude Com bette Tous les docu ments et illus tra tions du cahier hors texte sont issus de la col lec tion pri vée de Claude Com bette © Armand Colin, Paris, 2012 ISBN 978-2-200-27712-3 www.armand- colin.com Tous droits de tra duc tion, d’adap ta tion et de repro duc tion par tous pro cé dés, réser vés pour tous pays. Toute repro duc tion ou repré sen ta tion inté grale ou par - tielle, par quelque proc édé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’auto ri sa tion de l’édi teur, est illi cite et consti tue une contre fa çon. Seules sont auto ri sées, d’une part, les repro duc tions stric te ment réser vées à l’usage privé du copiste et non des ti nées à une uti li sation col lec tive et, d’autre part, les courtes cita tions jus ti fi ées par le carac tère scien ti fi que ou d’infor ma tion de l’œuvre dans laquelle elles sont incor po rées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la pro priété intel lec tuelle). Armand Colin Édi teur • 21, rue du Montparnasse • 75006 Paris À Claude Com bette Les auteurs Myriam Cottias , his to rienne du fait colo nial, spé cia liste de l’escla - vage dans l’espace caribéen, est direct rice de recherche au CNRS (CRPLC, Univ ers ité des Antilles et de la Guyane). Elle dirige le Centre inter na tional de recherches sur les Escla vages. Acteurs, sys tèmes, repré - sen ta tions (www.escla vages.cnrs.fr). Elle a publié entre autres : – D’une abo li tion, l’autre. Antho lo gie rai son née de textes sur la seconde abo li tion de l’escla vage dans les colo nies fran çaises, Marseille, Agone Édi teur, 1999 ; – avec Arlette Farge, De la nécess ité d’adopt er l’esclav age en France : un texte ano nyme de 1797, Paris, Bayard, 2007 ; – La ques tion noire. His toire d’une construc tion colo niale, Paris, Bayard, 2007 ; – avec Antonio de Almeida Mendes, Élisabeth Cunin, Les Traites et les escla vages. Perspec tives his to riques et contem po raines, 2010, Paris, Karthala. Made leine Dobie est maître de confér ences dans les prog rammes de fran çais et de lit té ra ture compa rée à la Columbia University et direc trice du pro gramme Master de Columbia University à Paris : « French Studies in a Glo bal Context ». Se spé cia li sant dans les lit té - ra tures colo niales et postcoloniales, elle a publié, entre autres : – Foreign Bodies. Gender, Language and Culture in French Orientalism, Stanford University Press, ‘01, ‘03 ; – Trading Places : Colonization and Slavery in Eighteenth-C entury French Culture, Cornell University Press, 2010. Elle est la co- éditrice de « France in Africa/Africa(ns) in France » (Compar at ive Studies of Africa, South Asia and the Middle East, 2005) et de « Thinking the Postcolonial in French » (Romanic Review, 2012), et la trad uctr ice de Sarah Kofman, Paroles suf fo quées [Smothered Words] Northwestern UP, 1999). Remer ciements Un livre est tou jours une aven ture par ta gée et il nous est très agréable d’en appel er à celles et ceux qui l’ont sout en ue, cha- cune, cha cun à sa façon. Nous vou lons ici remer cier : – Claude Comb ette qui nous a fait confi ance en ouvrant les archives de sa mère et de sa tante ; – Vincent Duclert pour son appui et son accueil enthou siaste en tant que direct eur de coll ect ion au sein des édit ions Armand Colin et Corinne Ergasse, res pon sable d’édi tion en his toire contem po raine ; – Columbia Glo bal Centers- Europe pour sa col la bo ra tion, et tout par ti cu liè re ment Emily Seftel qui a assuré la sai sie des romans et Brune Biebuyck, direc teur admi nis tra tif ; – le pro fes seur Christiane Makward qui a aima ble ment par tagé avec nous quelques élé ments sur la genèse des textes ; – Elsa Geneste de l’EHESS et du Centre Intern at ional de Recherches sur les Escla vages qui nous a aidées dans la sai sie des archives en en compren ant le sens. Son trav ail a été rendu poss ible grâce au pro jet euro péen « EURESCL » (7e PCRD) et à celui de l’ANR- Les Suds « AFRODESC » ; – Nathalie Collain du CNRS (CRPLC, CIRESC) pour sa dis po ni - bi lité et son appui tou jours essen tiel ; – Peggy Cottias et Monique Ozier-L afontaine-Duval, « les Martiniquaises » ; – Jeff Freedman et Blaise Tchikaya qui ont accepté toutes nos absences répé tées ; – enfi n, les espiègles Milène Klein et Kaliéla Tchikaya, et le « sage » Alexis-M ichel Trouillot, qui sout iennent le trav ail de leurs mères, tou jours, même lorsqu’ils les en détournent ! – Et aussi notre ami « Skype », indis pen sable dans une écri ture col - lec tive inter conti nen tale ! Intro duc tion Mayotte Capécia : entre bio gra phie et cri tiques Comme d’autres lect eurs, nous avons d’abord découv ert les deux livres de Mayotte Capécia, Je suis Martiniquaise et La Négresse blanche, à trav ers la virul ente crit ique que Frantz Fanon leur consacre en fait dans le deuxième chap itre de Peau noire, masques blancs1. À lire et à relire Fanon, nous avons été pous sées à connaître l’auteur qui était la cible de sa lect ure lapid aire. Nous nous sommes alors tourn ées, cha cune de notre côté, vers ces livres, publiés à Paris chez les édi tions Corrêa res pec ti ve ment en 1948 et 1950. Inter ro gées par les ques - tions his to riques et lit té raires qu’ils sou lèvent, nous avons décidé de les inclure dans le prog ramme d’enseig nem ent d’un sémin aire entre Reid Hall-C olumbia University à Paris et l’École des Hautes Études en Sciences Sociales en 2011. Nous avons été frapp ées par l’inté rêt pro vo qué par ces textes, et par les juge ments sou vent pas - sion nés, anta go niques, que la lec ture de Capécia par Fanon sus cite. En même temps, nous avons constaté que les romans étaient diff i- ciles d’accès car épuis és depuis longt emps et absents de beauc oup de bibliot hèques. C’est ainsi qu’est née l’idée de les réédit er. Au cœur de ce proj et, notre intér êt commun pour les voix « subalt ernes » et pour la bio gra phie consi dé rée à la lumière de l’his to rio gra phie postcoloniale. Les romans de Mayotte Capécia ont prov oq ué des réact ions contrast ées dès leur parut ion. En 1948-1949, un petit nombre de lec teurs pro gres sistes, dont le cri tique lit té raire Étiemble et la chant euse martiniquaise Jenny Alpha, ont réagi à la public at ion de Je suis Martiniquaise de manière néga tive2. Étiemble reproche 1. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Le Seuil, 1952. Dans la suite : PNMB. 2. Jenny Alpha, « Compte rendu de Je suis Martiniquaise », Pré sence afri caine, 5, 1948. Plus tard, elle semble avoir regretté la sévé rité du juge ment qu’elle avait porté sur 11 Relire Mayotte Capécia à Capécia d’y avoir raconté son amour pour un offi cier fran çais qui a servi le régime de Vichy à la Martinique et d’avoir idéal isé un homme à l’idéo lo gie pétainiste qui pro fes sait des idées racistes1. En 1952, Frantz Fanon, à l’époque jeune interne en psy chia trie, déve - loppe ces crit iques. Il disc erne chez Capécia des sympt ômes d’alié- na tion raciale, et diag nos tique un complexe de « lactification »2. D’autres lec teurs cepen dant ont salué JSM comme le pre - mier témoi gnage roma nesque écrit du point de vue d’une femme antillaise et l’ont appré cié pour sa des crip tion pit to resque des Antilles3. Bien qu’appar te nant au genre roma nesque, JSM a été lu et promu comme un récit auto bio gra phique, notam ment à cause du band eau public it aire qui entour ait le livre, sur lequel on pou- vait lire : « Pour la pre mière fois, une femme de cou leur raconte sa vie. » Le roman a valu à son auteur une cert aine notor iété dans les milieux litt ér aires de Montparnasse et de Saint-G ermain-des-Prés. Capécia a renc ontré des céléb rit és du monde des arts, telles que Katherine Dunham et Joséphine Baker, ainsi que le poète guyanais Léon Damas, ou encore Richard Wright, Henry Miller et Maria Hardouin, lau réate du prix Fémina en 1949. Son por trait a été fait par Hulusi Mercan en 1952, à la Cou pole, haut lieu de la vie artistique de l’après- guerre. JSM a rapi de ment été tra duit en sué - dois et en allem and, et a été récomp ensé par le grand prix litt ér aire des Antilles en février 1949. Mayotte Capécia. Dans une lettre à son cou sin datée du 28 sep tembre 1992, elle dit : « Je ne l’écrir ais sans doute plus ainsi, car je tiend rais cert ain em ent compte de l’époque et de son conform isme, de tous les oukases qu’elle impos ait en part ic ul ier aux femmes dans les Antilles comme dans les prov inces métropolitaines » (Archives pri vées). 1. Mayotte Capécia, Je suis Martiniquaise, Paris, Corrêa, 1948 ; La Négresse blanche, Paris, Corrêa, 1950 : dans la suite, JSM et NB. (René) Étiemble, « Sur la Martinique de Michel Cournot », Les Temps modernes, 52, 1950, p. 1502-1512. 2. Op. cit., p. 38. 3. Voir, par exemple, le commun iq ué publié par l’Agence France-P resse lors de l’an- nonce du grand prix des Antilles, AFP, 9004, février 1949. Dans un entre tien radio - pho nique avec Jean Duché dif fusé au prin temps 1948, Capécia dit avoir écrit Je suis Martiniquaise sous l’influ ence de la nos tal gie de son pays. Duché, pour sa part, insiste sur le charme de la femme de cou leur que Mayotte Capécia repré sente à ses yeux : « Mayotte Capécia est martiniquaise. Je dirais bien qu’elle en a la cou leur, celle du moins que nous prê tons aux char mantes Martiniquaises – un très joli café au lait… » (Archives de la famille Com bette, ci- dessous AC). 12 Intro duc tion Dans ces avis contrast és se reflètent les diff ér ents cour ants de pen- sée sur les Antilles, la colo ni sa tion et la race qui cir cu laient à l’époque. Publiés dans le sillage de la loi de dépar te men ta li sa tion (1946) et au seuil de la déco lo ni sa tion dans l’Empire fran çais (1954-1962), ces romans ont conforté le rêve tro pi cal de cer tains mais repoussé ceux qui adhé raient aux idées de la négri tude et à l’anti co lo nia lisme. Tout, dans la récep tion de ces œuvres, n’est cepen dant pas réduc - tible à cette oppos it ion, car dans l’engouem ent des années quar ante et cin quante pour l’art et l’expé rience noirs, les lignes de par tage se brouillaient par fois entre anti ra cisme et exo tisme, moder nisme lit té - raire et eth no gra phie colo niale. Il est dif fi cile de savoir si, sans la lec ture offen sive de Frantz Fanon, les livres de Mayotte Capécia auraient contin ué à attir er des lec teurs, ou si, au contraire, c’est cette lec ture même qui les a sau vés de l’oubli. Ce que nous pou vons affir mer, c’est que, après avoir dis - paru du champ public dans les années 60-70, les œuvres de Mayotte Capécia, ont été res sus ci tées quelques décen nies plus tard dans le cadre de lec tures fémi nistes de Peau noire, masques blancs. Plu sieurs cri tiques lit té raires, ainsi que la roman cière Maryse Condé, ont relu le pre mier sous l’angle de son ana lyse de l’inter sec tion de la race et du genre1. Elles ont fait remar quer que le sujet noir « uni ver sel » de ce texte est en fait mas cu lin, et que la seule par tie du texte où « le noir » devient « la noire » est le deuxième cha pitre, celui dans lequel Fanon accuse Mayotte Capécia d’avoir un « complexe de lactification »2. Elles insistent aussi sur le fait qu’à tra vers Capécia, 1. Voir, par exemple, Clar isse Zimra, « Patt erns of Liberation in Contemporary Women Writers », L’Esprit créa teur, 17 : 2, 1977, p. 104-114 ; « A Woman’s Place. Cross- S exual Perc ept ions in Race Relat ions : the Case of Mayotte Capécia and Abdoulaye Sadji », Folio, 1978, p. 174-192 ; Susan Andrade, « The Nigger of the Narcissist. History, Sexuality, and Intertextuality in Maryse Condé’s Hérémakhonon », Callaloo, 16 : 1, 1993, p. 213-226 ; Gwen Bergner, « Who is that Masked Woman ? Or, the Role of Gender in Fanon’s Black Skin, White Masks », Proceedings of the Modern Language Asso cia tion, 110 : 1, 1995, p. 75-88 ; Maryse Condé, La Parole des femmes. Essai sur des romanc ières des Antilles de langue franç aise, Paris, L’Har mat tan, 1979 ; « Order, Disorder, Freedom and the West Indian Writer », Yale French Studies, 83, 1993, p. 121-135 ; « Pan- Africanism Feminism and Culture », in Sidney L. Lemelle et Robin D.G. Kelley (dir.), Imagining Home : Class, Culture & Nationalism in the African Dia spora, Londres, Verso, 1994, p. 55-65. 2. Voir, notam ment, Bergner, p. 82. 13 Relire Mayotte Capécia Fanon met en accus at ion le comport em ent d’un grand nombre de ses compa triotes antillaises. S’en pre nant à la cri tique fémi niste de Fanon, Tracy Denean Sharpley- Whiting a objecté que cette relec - ture est mal fond ée, car elle ne tenait pas suff is amm ent compte des enjeux de la poli tique raciale1. Une réac tion simi laire se lit chez le plus impor tant bio graphe de Fanon, l’Anglais David Macey, qui pré tend que « toute ten ta tive de voir dans les cri tiques de Fanon un mani chéisme racial ou la consé quence du sexe de l’auteur plu tôt que des consi dé ra tions objec tives ne fait que repro duire les sté réo types dont Fanon se voit accusé »2. Fanon accuse Capécia de vou loir « blan chir la race ». Il est accusé à son tour d’avoir un point aveugle vis- à-vis du genre et de la classe sociale. Les défens eurs de Fanon ripostent que les fémin istes se rangent du côté d’une femme qui a opté pour la société blanche. Dans les diff ér ents proc ès intent és aux deux auteurs, la race a été oppo sée au genre, les impé ra tifs de la conscience poli tique noire à ceux du métiss age et de l’hybrid ité, la dimens ion raciale à la dimen- sion sociale. Il est inté res sant de consta ter que dans ces dif fé rents commen - taires, Capécia a été appré hen dée à par tir de Fanon, pour contre - carr er ses posit ions sur l’inters ect ion du genre et de la race. Il a fallu du temps pour qu’un cher cheur s’inter roge sur l’iden tité de Mayotte Capécia, sur les sujets abor dés dans ses livres, et sur le rap port entre ses récits et la lect ure qu’en fait Fanon. En 1999, la crit ique litt é- raire Christiane Makward a pris l’ini tiative d’exa mi ner de près les textes et la matrice biog rap hique dont ils sont issus3. Ses recherches ont abouti à d’impor tantes révé la tions sur la femme qui s’abri tait der rière le pseu do nyme de Mayotte Capécia et sur la genèse de ses romans. En part ant de l’exam en du contrat d’auteur signé auprès des édi- tions Corrêa en 1948, Makward a pu décou vrir que Mayotte Capécia était le pseud on yme de Lucette Céranus Comb ette, née dans la 1. Tracy Denean Sharpley- Whiting, Frantz Fanon : Conflicts and Feminisms, Lanham, Mary land, Rowman and Littlefield, 1998, p. 31-52. 2. David Macey, Frantz Fanon : a Biography, New York, Pica dor, 2001, p. 174. 3. Christiane P. Makward, Mayotte Capécia, ou l’alié na tion selon Fanon, Paris, Karthala, 1999. 14

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