Université de Liège Réentrainement à l’effort et relations entre aptitude physique et préservation neuronale dans la maladie de Parkinson Effects of exercise reconditioning and neural correlates with physical fitness in Parkinson’s disease par Marie Demonceau Département des sciences de la Motricité Faculté de Médecine Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences de la Motricité Février 2018 ii Résumé La maladie de Parkinson (MP) est une affection neurodégénérative chronique et incurable pour les quelques 30 000 à 50 000 cas estimés en Belgique. La dégénérescence neuronale touche principalement la substance noire mésencéphalique, et cause des symptômes moteurs caractéristiques tels qu’une lenteur des mouvements, de la rigidité musculaire, des tremblements ou encore des troubles posturaux. Des symptômes non-moteurs variés tels que troubles cognitifs, neuropsychologiques ou logopédiques sont aussi susceptibles d’apparaître. Malheureusement, le traitement médicamenteux ne permet pas à l’heure actuelle de maitriser complètement ces symptômes ; c’est l’une des raisons pour laquelle les soins s’orientent actuellement vers une prise en charge multidisciplinaire. Le niveau d’activité physique, particulièrement faible de cette population, a motivé l’étude des effets de programmes d’exercices physiques très variés. Les principaux résultats de ces travaux attestent d’effets bénéfiques sur différents aspects de la motricité et de la mobilité des patients. En outre, l’exercice aérobie appliqué à divers modèles animaux de la MP favoriserait des phénomènes de plasticité dans les circuits nigro-striés cérébraux. Les effets neuroprotecteurs de l’exercice physique sont également supportés par quelques études montrant un impact sur l’expression de récepteurs dopaminergiques striataux ou l’activité cérébrale de petits échantillons de patients. Cependant, des inconnues subsistent encore, notamment quant au type d’exercice à privilégier dans cette population. Ceci est attribuable au manque de comparaison directe entre interventions, ainsi qu’à une certaine confusion entre exercice physique et réapprentissage d’une tâche motrice spécifique telle que la marche ou l’équilibre. Le choix judicieux de programmes d’exercices nous semble préalablement passer par un état des lieux exhaustif du niveau d’aptitude physique de base des patients. Les recherches originales de ce travail s’articulent autour de quatre chapitres. Les deux premiers ont étudié de manière contrôlée des marqueurs d’aptitude physique ainsi que des modifications de la qualité de la marche dans un échantillon contrôlé de 60 patients souffrant de MP débutante à modérée. Les domaines de l’aptitude physique étudiés relèvent des performances aérobies et de la force musculaire mesurée au niveau de l’articulation du genou. La marche a été observée au moyen d’un accéléromètre lombaire et de tests fonctionnels. Les résultats montrent une réduction des performances aérobies ainsi qu’une perte non homogène de la force. L’analyse de marche confirme un ralentissement des pas associé avant tout à un défaut de régulation de la longueur des pas. Cependant, nous n’observons pas d’impact disproportionné d’une tâche cognitive concurrente lors de la marche après avoir tenu compte des modifications déjà présentes en marche de confort. Nous avons également étudié l’impact de 12 semaines de reconditionnement physique chez 52 patients en comparant les effets du reconditionnement aérobie ou du renforcement musculaire au iii traitement standard. Le reconditionnement physique a permis d’améliorer les performances physiques des patients en cohérence avec le type d’exercice proposé. Les effets sur la mobilité sont plus limités, bien que le renforcement musculaire ait significativement amélioré le périmètre de marche des patients et ait potentialisé l’effet de l’entrainement aérobie chez les sujets les plus faibles. Les interventions ont également permis de modifier le comportement des participants vers un mode de vie plus actif. En raison du caractère neurodégénératif de la MP, nous avons finalement étudié les liens entre performances physiques et préservation de la matière grise à l’intérieur de régions cérébrales particulièrement fragilisées de 41 patients parkinsoniens. La méthode choisie est basée sur une étude volumétrique, mais aussi de la microstructure de matière grise à l’échelle du voxel. Les principaux résultats attestent d’un lien entre les performances aérobies et volume de matière grise dans le striatum dorsal antérieur droit. Cette structure est notamment associée aux fonctions cognitives exécutives particulièrement à risque de déclin chez les personnes souffrant de MP. En conclusion, ce travail présente pour originalité d’étudier plusieurs domaines de l’aptitude physique, ainsi que la marche dans un échantillon commun de patients atteint de MP débutante à modérée. Ceci a permis une approche intégrative de l’état physique des patients, ainsi que l’étude des interrelations entre ces variables. L’étude interventionnelle montre que le reconditionnement physique de patients est possible et affecte positivement certains aspects de la fonction physique, de la mobilité et du comportement des patients. Ceci a aussi permis de proposer des recommandations pour optimiser la prise en charge des patients en revalidation. En outre, ce travail est le premier à montrer une association entre préservation neuronale structurelle et aptitude physique dans des zones cérébrales clés pour la MP. Ces résultats mettent en lumière la spécificité des liens entre différents domaines de l’aptitude physique, les aptitudes fonctionnelles et la neuro-protection dans la MP. Ils ouvrent des perspectives de recherches multidisciplinaires notamment sur les effets cérébraux et cognitifs de programmes de reconditionnement aérobies chez les patients parkinsoniens. Ils encouragent aussi au développement d’interventions de reconditionnement en complément au traitement habituel de la MP. Mots-clés : maladie de Parkinson, aptitude physique, reconditionnement physique, marche, matière grise cérébrale. iv Abstract Parkinson’s disease (PD) is a chronic neurodegenerative disorder affecting between 30 000 and 50 000 people in Belgium. The main anatomic feature of PD is the loss of neurons from the mesencephalic substantia nigra, causing motor symptoms like bradykinesia, rigidity, tremor or impaired postural adaptation. Non-motor symptoms can also affect cognitive function, mood or speech. Up to now, dopaminergic medication is unable to fully compensate for these symptoms, and multidisciplinary care is therefore recommended. The reduced physical activity level of PD patients also motivated the study of the impact of various physiotherapy and exercise interventions in this population. The range of interventions studied is especially large, from gait and balance training to Chinese gym or strength training. Previous studies mainly showed positive effects on patient’s motor symptoms and mobility. Besides, studies on animal models of the disease showed that aerobic training could prevent degeneration of nigrostriatal circuits. These findings were recently supported by human studies showing positive effects of intensive aerobic training on striatal dopamine receptors density or brain activity in few patients suffering from PD. However the lack of direct comparison between interventions and the confusion between goal-directed motor learning and general fitness training still need to be addressed in clinical studies in order to guide the rehabilitation programs. In our opinion, effective exercise prescription first needs a thorough examination of patient’s physical fitness and functional abilities. The original contribution of this thesis consisted first in describing physical fitness and gait of 60 patients suffering from mild to moderate PD, in comparison with healthy matched controls. Physical fitness was appraised by mean of an incremental maximal exercise test and an isokinetic measure of knee muscles strength. We observed reduced peak aerobic performances and loss of strength prevailing in knee flexors muscles. Accelerometer-based gait analysis showed impaired stride length regulation. However dual-tasking cost during walking was not significantly worse in PD patients than healthy controls. We also studied the effects of 12 weeks of physical conditioning in 52 patients. Patients were allocated to an aerobic cycling group, a strength training group or received standard care. Physical trainings improved physical fitness of the patients in line with the training goals. Yet, strength training improved the walking capacity of the patients. Importantly, both interventions encouraged a more active behaviour for PD patients. v In order to explore the neuroprotective effects of physical fitness in this neurodegenerative disease, we studied correlations between aerobic performances, muscle strength or physical activity level and grey matter preservation through voxel-based structural MRI analyses. This study was confined to brain regions that showed signs of grey matter shrinking or microstructural damages specific to the sample of patients and affected by PD according to the literature. A significant correlation existed between aerobic fitness and grey matter volume in the right dorsal anterior striatum. This region is associated with executive cognitive functions that are at high risk of impairment in PD. In conclusion, this study provided an integrative overview of physical and functional impairment in mild to moderate PD. It also highlighted relevant relationships between physical fitness and (1) mobility, (2) grey matter integrity. The rehabilitation program showed that physical conditioning of patients is feasible and has positive effects on physical function, mobility and behaviour. Some practical recommendations could also be pointed out, in order to optimise exercise interventions and physical testing in this population. What’s more the MRI study showed for the first time an association between aerobic fitness and preservation of grey matter in key regions for PD. The results of this study support further interdisciplinary researches between sport sciences, movement disorders and cognitive sciences; it also supports the inclusion of high-intensity physical rehabilitation to multidisciplinary care of PD patients. Keywords: Parkinson’s disease, physical fitness, physical conditioning, gait, brain vi Liste des abréviations 1RM 1 résistance maximum ou maximum sur 1 répétition. En musculation, correspond à la charge que l’on peut soulever une seule fois BOLD Blood Oxygen Level-Dependent- IRM fonctionnelle reflétant l’activation neuronale. CCI coefficient de corrélation intra-classe CHU Centre Hospitalier Universitaire EJL Equivalent journalier en Lévodopa (mg) EMG Electromyographie, électromyographique FCpic Fréquence cardiaque mesurée à l’effort aérobie « pic », c’est-à-dire lorsque les critères de maximalité métabolique de l’effort ne sont pas systématiquement remplis FSS Fatigue Severity Scale- Echelle ordinale d’évaluation de la fatigue H&Y Stade de Hoehn and Yahr (sévérité de la maladie de 0 à 5) HADS Hospital Anxiety and Depression Scale- questionnaire évaluant les troubles anxieux et dépressifs en 7 items chacun. IAV Index d’Accélération Volontaire- se réfère à l’index de variation des paramètres de marche entre allure de confort et allure rapide IQQ Intervalle Inter-quartile IMC Indice de masse corporelle MDRS Mattis Dementia Rating Scale MFM Moment de Force Maximal Mfmflx+ Moment de Force Maximal de flexion du côté le plus atteint pour les patients atteints de MP, moyenne bilatérale pour les sujets sains MNI Montréal Neurology Institute- se réfère au référentiel tridimensionnel de coordonnées cérébrales permettant de localiser n’importe quel point dans le cerveau d’un individu MP Maladie de Parkinson MT Magnetization Transfer, Transfert de magnétisation. Modalité d’analyse IRM structurelle sensible aux protons liés aux macromolécules, susceptible de représenter l’intégrité des membranes OMS Organisation Mondiale pour la Santé PASS Physical Activity Status Scale, questionnaire d’activité physique PDQ-39 Parkinson’s Disease Quotation- Questionnaire de qualité de vie en 39 items PMA Puissance maximale aérobie pu Per unit- unité réduite R2* Signal IRM et modalité d’analyse structurelle basée sur la relaxométrie et sensible à la présence d’éléments paramagnétiques tels que le fer. T6M Test de marche de six minutes TEP Tomodensitométrie par émission de positrons vii TUG Timed Up and Go test ua Unité arbitraire UFOGS Unified Freezing Of Gait Scale, questionnaire d’auto-évaluation de la marche et du freezing UPDRS Unified Parkinson’s Disease Rating Scale VO Volume d’oxygène consommé à un temps du test à l’effort 2 VO max Consommation maximale d’oxygène 2 VO pic Consommation d’oxygène observée lors d’un effort aérobie « pic », c’est-à-dire 2 lorsque les critères de maximalité métabolique de l’effort ne sont pas systématiquement remplis viii Remerciements Je souhaite témoigner toute ma reconnaissance à celles et ceux qui m’ont accompagnée dans ce projet qui n’aurait pu aboutir sans leur aide. Je remercie mes promoteurs, Les professeurs Gaëtan Garraux et Didier Maquet, pour le travail particulièrement passionnant qu’ils m’ont proposé, leurs conseils ainsi que leur confiance. Pour leurs avis judicieux, leurs nombreux conseils, ainsi que l’apprentissage dans leurs laboratoires, j’adresse toute ma gratitude au Professeur Thierry Bury, au Professeur Jean-Louis Croisier, au Professeur Anne-Françoise Donneau ainsi qu’au Professeur Marguerite Foidart-Dessalle et au Professeur Boris Jidovtseff. Je remercie très sincèrement les patients et participants qui ont consacré de leur temps et de leur énergie à cette étude. Leur courage, leur gentillesse et leur volonté leurs resterons des leçons de vie ; mention toute particulière à la Dream Team d’Esneux. Je remercie les membres de l’équipe de recherche MOVERE pour leur collaboration et leur aide. Mes pensées vont tout particulièrement à Katherine Baquero Duarte, Mohamed Boutaayamou, Frédérique Depierreux, Sophie Gillain et Eva Skaviniak. Je leur souhaite succès dans leurs projets de recherche et tout le soutien nécessaire pour les mener à terme dans les meilleures conditions. Je remercie également les étudiants de Master en Kinésithérapie qui ont participé à ce projet dans le cadre de leur mémoire de fin d’étude ; et tout particulièrement pour leur investissement remarquable : Kinja Kalimira, Florence Naveau, Marie Pincemin, Emmanuel Raveau, Noémie Thibaut et Arnaud Turquand. Pour ses conseils et le coaching durant les moments de doutes, j’adresse toute ma gratitude au Docteur Christophe Demoulin. J’adresse également un très chaleureux Merci aux collègues du Département des sciences de la Motricité de l’ULiège et du Blanc Gravier. Assistants, secrétaires, kinésithérapeutes, professeurs, et Sharan, ... ces années passées à vos côtés resterons des moments dont je me souviendrais. « Ce n’est pas tant l’aide de nos amis, mais la certitude que nous pourrons toujours compter sur eux » - Epicure. Tout d’abord, je remercie Dadette, ma maman, d’avoir usé ses yeux en relectures, mais aussi pour ses attentions de tous les jours qui furent de véritables dopants tout au long du parcours. Xavier, ta patience, ton soutien, ta force tranquille et nos projets de vie furent mon oxygène ; je suis si impatiente de découvrir les nouvelles aventures qui nous attendent. Aussi à Papou, Catherine et les Waths, Olivier et les Castors : merci car nous formons une sacré équipe ! Toute ma reconnaissance va également à Elise Vandomme, Sabine Wislet, Xavier Giffroy, madame Fanny Muniken pour leur exemple, leurs conseils, leur écoute, ou leur bonne humeur à toute épreuve. Merci enfin à toutes celles et ceux qui m’ont ravitaillé en bons moments et distractions lorsque le chemin paraissait long. ix x
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