Rapport e-NS@ - Ecosystème numérique de santé aquitain Etat des lieux des usages et pratiques numériques en France et en Aquitaine mai 2015 par Géraldine GOULINET-FITE Le contexte Le déploiement de dispositifs numériques de télémédecine et de télésanté nécessite une mise en visibilité des différentes initiatives afin d’analyser leur contribution à la e-inclusion des sujets à la santé fragilisée, qu’ils soient atteints de maladies chroniques et/ou soient vieillissants. Cette étude vise à comprendre en quoi et comment ces dispositifs numériques sont potentiellement vecteurs de démocratie sanitaire, favorisent le maintien de ces personnes en situation d’autonomie agissante et contribuent au renforcement du lien social, composante centrale de l’équilibre de santé. Centré sur les usagers, patients et/ou seniors, le questionnement principal vise à comprendre la dynamique de leur acculturation numérique afin qu’ils soient en capacité de maîtriser ces dispositifs au regard de leurs besoins. La mission Pour comprendre ces processus « d’écologisation1 » des pratiques comme vecteur de e- inclusion, quatre axes d’analyse sont proposés à cette étude : - catégorisation à partir des équipements des différentes pratiques numériques des familles de population ; - catégorisation des services numériques proposés ; - identification et catégorisation des acteurs engagés dans ces dispositifs ; - identification des compétences requises pour l’usage de ces dispositifs numériques. La finalité Par ces études spécifiques, il s’agit de définir la maturité numérique du territoire en matière d’e-santé et les différents régimes d’engagement des acteurs (producteurs de services, professionnels, aidants, patients, seniors) afin d’identifier ce qui fait sens commun. Nous questionnons notamment l’articulation entre les sphères formelle et informelle pour identifier l’évolution des rôles des acteurs. L’approche par compétence vise à anticiper les besoins de formation qui pourraient à terme être reliés aux actions formatives proposées sur les territoires. Elle contribuera également à la production de recommandations ergonomiques pour les concepteurs de services numériques. 1 La notion d’écologisation désigne les processus par lesquels l’environnement est pris en compte dans les politiques publiques, dans les organisations, voire dans les pratiques professionnelles. L’environnement est ici entendu largement, il comprend aussi bien les questions sanitaires que les milieux naturels ou anthropisés qui supportent la vie. (Mormont, 2013) 1 I. ÉLÉMENTS de CADRAGE ........................................................................................................ 4 1. Rappels sémantiques .......................................................................................................... 4 2. Les principaux enjeux des TIC en santé ......................................................................... 12 3. Les principaux freins et menaces .................................................................................... 15 4. La santé numérique : pour qui et pour quoi ? ............................................................... 16 5. Les axes prioritaires de la stratégie numérique en santé ............................................. 18 II. QUEL ECOSYSTÈME en FRANCE ? ..................................................................................... 24 1. Les tendances nationales des systèmes d’information et infrastructures numériques – Brique e-santé – Logique B2B ............................................................................................... 24 2. Les tendances nationales de la télémédecine - Brique TELEMEDECINE – logique B2B (industriels/professionnels) ............................................................................................. 35 Trois éléments orientent la présentation de l’état des lieux de la télémédecine en France : ....................................................................................................................................... 35 3. Les tendances nationales de la télésanté et m-santé – logique B2B2C (professionnels/industriels/patients) ...................................................................................... 40 III. QUEL ECOSYSTÈME en AQUITAINE ? ............................................................................... 50 1. Cartographie des équipements et des services numériques de télésanté et m-santé 50 2. Cartographie des différents programmes d’expérimentation « télésanté » financés en Aquitaine depuis 2012 ........................................................................................................ 53 3. Caractérisation des compétences, formation, accompagnement .............................. 56 3 I. ÉLÉMENTS de CADRAGE 1. Rappels sémantiques La e-santé, de quoi parle-t-on ? Tentative d’une définition et de ses périmètres Selon la définition de la Commission européenne2 la e-santé est « l'application des technologies de l'information et de la communication à l'ensemble des activités en rapport avec la santé », la e-santé recouvre en fait plusieurs champs d’actions qu’il convient de détailler pour comprendre le rôle de chacun dans l’écosystème sur lequel elle repose : - les TIC3 comme outils de transmission et de partage d’information et de données : architecture du système d’information ; - les TIC comme support dématérialisé aux actes de santé : télémédecine ; - les TIC comme réseaux d’échanges et de médiations relationnelle, organisationnelle, éducationnelle : télésanté ; - les TIC comme dispositif connecté et mobile d’auto-surveillance, de contrôle et de prévention : m-santé. En cela, la e-santé induit de nombreux changements communs à ces quatre caractéristiques sur le système de santé actuel : - géographiques et de localisation : lieu de la prise en charge, connectivité, mobilité ; - temporels : immédiateté, permanence et fréquence des échanges ; - usuels : modalités d’usages des technologies ; - économiques : rémunération des actes, des offres et solutions ; - compétences : expertise, connaissance, apprentissage. 2 Les dossiers européens « La E-santé en Europe » Mai-Juin 2009 n°17 3 Selon la définition de l'Office québécois de la langue française, les Technologies de l’Information et de la Communication sont un ensemble des technologies issues de la convergence de l'informatique et des techniques évoluées du multimédia et des télécommunications, permettant l'émergence de moyens de communication plus efficaces, en améliorant le traitement, la mise en mémoire, la diffusion et l'échange de l'information. http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8349341 4 Ainsi, l'écosystème numérique appliqué à la santé prend en compte les interactions entre les acteurs du système de santé, l’environnement TIC et les modalités d’utilisation des technologies de l’information pour la santé. On peut schématiser cet écosystème selon les représentations suivantes : Représensation systémique de l'écosystème numérique de santé Organisation du système de santé Organisation du système de santé Soins primaires (généraliste) Soins secondaires Organisation TIC en santé (spécialisé) Soins Tertiaires (de pointe) Payeurs INdustriels TIC en santé Professionnels de E-santé : Réseaux d'échanges Reseau Internet santé Protocole Organisation et de médiation d'échanges et d'actes de Informatique Patients interfaces médecine à orgrealnaitsiaotnionnelnlee,l le, Télécommunication métiers : distance : mobile Agences sanitaires, Systèmes Télémedecine Tééldésuacnattéio -n Mne-lslaen :t é Domotique Institutionnels d'Information Figure 1 : Représentation organisationnelle de l’écosystème numérique en santé Figure 2 : Représentation sectorielle de l’écosystème numérique en santé (source CNOM, 2013) C’est à partir de cette représentation sectorielle que nous proposons de réaliser l’état des lieux des pratiques et des usages en matière de e-santé, télémédecine, télésanté et m- santé pour et auprès du patient, par l’étude des spécificités en fonction des acteurs et des compétences requises. 5 Les TIC comme outils de transmission et de partage d’information et de données : architecture et système d’information, e-santé Le rapport de l’ANAP4 (Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux) de Mai 2010, concède au concept de Système d'Information (SI) 2 fonctions-clés : - C’est un ensemble organisé de ressources (matériels, logiciels, personnel, données et procédures) qui permet d'acquérir, de stocker, de structurer et de communiquer des informations sous forme de textes, images, sons, ou de données codées. - C’est un système ou sous-système d'équipements, d'informatique ou de télécommunication, interconnectés dans le but de l'acquisition, du stockage, de la structuration, de la gestion, du déplacement, du contrôle, de l'affichage, de l'échange (transmission ou réception) de données sous forme de textes, d'images, de sons, et/ou, faisant intervenir du matériel et des logiciels. En cela, le SI permet : - La gestion de contenu (en anglais : content management), destinée à gérer les informations brutes et à les transformer en connaissances ou données mieux structurées ; - La gestion des accès, c'est-à-dire la gestion des flux et des protocoles d'échange dans les réseaux de télécommunications internes ou partagés avec les partenaires. L’interconnexion entre les systèmes est rendue possible par l’interopérabilité c’est-à-dire la capacité donnée à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes informatiques, existants ou futurs, sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. L’intégration de cette notion dans l’étude de l’écosystème numérique de santé est essentielle pour mesurer les enjeux en termes d’organisation territoriale de l’offre de soins, et la coordination des acteurs pour assurer la continuité des prises en charge. C’est dans ce sens que l’étude « TIC et systèmes de santé5 » publiée par l’OTeN en 2010 (Observatoire des Territoires Numériques) révèle plusieurs risques liés au développement et au maillage au niveau régional et local, dont notamment la menace sur l’égalité d’accès sur le territoire et la non coordination des systèmes entre eux, à l’origine d’une organisation en « silo ». La création des Espaces Numériques Régionaux de Santé (ENRS) s’engage à respecter ce cadre d’interopérabilité, et les référentiels développés par l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) s’efforcent d’homogénéiser les pratiques tout en répondant aux besoins régionaux de santé. 4 « Audit des Systèmes d’Information Hospitaliers auprès d’établissements représentatifs » https://www.sante-centre.fr/portail/gallery_files/site/592/593/985.pdf 5 http://oten.fr/IMG/pdf/OTEN_TICSante_final.pdf 6 Les TIC comme support dématérialisé aux actes de santé : télémédecine Sur le plan de l’étymologie grecque, « télé » signifie « à distance ». Cette conception de « médecine à distance » prend ses sources dès 2003 au sein de la Commission Européenne. La loi “Hôpital, patients, santé, territoires” (HPST6) de 2009 précise que « la télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical, et le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer pour un patient à risque un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients. » La DGOS (Direction Générale de l’Offre des Soins) et le rapport Lasbordes7 de 2009 adjoignent à cette précision juridique la vision synoptique suivante : Typologie Description des actes Téléexpertise/Téléformation/ Echanges d’avis entre professionnels des santé, seconde opinion, visio- Télécompagnonnage réunions mono ou pluridisciplinaires : assister/délivrer des informations, voire un enseignement ou une formation entre professionnels. Téléconsultation Consultation médicale d’un patient à distance qui nécessite son consentement avec ou non un professionnel de santé à ses côtés. Télésurveillance/ Surveiller à domicile ou en ambulatoire des patients porteurs d’une Télémonitoring pathologie chronique sévère ou en postcritique après hospitalisation, par un contrôle sur une ou plusieurs fonctions vitales. Téléassistance médicale/ Assister à distance principalement par des conseils, diagnostics Téléintervention thérapeutiques et/ou prise en charge d’un patient éloigné et/ou isolé. (téléchirurgie) Dans le domaine de l’urgence, pratiquer totalement et exclusivement à distance un acte médico-chirurgical. Figure 3 : Catégorisation des actes de télémédecine (2009) 6 http://www.sante.gouv.fr/la-loi-hopital-patients-sante-et-territoires.html 7 http://www.sante.gouv.fr/la-telesante-un-nouvel-atout-au-service-de-notre-bien-etre.html 7 Le décret du 19 octobre 20108 précise les conditions de mise en œuvre d'une activité de télémédecine et le tableau suivant, publié par l'ANAP (Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux)9, synthétise, à partir du cadre juridique des 4 principaux actes de télémédecine, les processus organisationnels et les conditions de mises en œuvre de ces activités par les différents acteurs : Figure 4 : Catégorisation des activités et des conditions de mise en œuvre d’un acte de télémédecine (synthèse Rapport ANAP) 8 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022932449&categorieLien=id 9 http://www.silvereco.fr/wp-content/2012/telemedecine_en_action_tome1.pdf 8 Les TIC comme réseaux d’échanges et de médiation relationnelle, organisationnelle, éducationnelle : télésanté et m-santé Le rapport Lasbordes de 2009 intitulé « La télésanté : un nouvel atout au service de notre bien-être » désigne la télésanté comme l’utilisation des outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales. Les applications, vues du patient, sont catégorisées selon la nomenclature suivante : - la téléinformation : capacité à accéder à un portail grand public sur lequel les usagers/patients et les acteurs du monde médico-social pourront accéder à des informations de prévention et de recommandations sanitaires, à des alertes (situations de crise, épidémie), à des conseils et bonnes pratiques, à des annuaires, des guides d’accompagnement leur permettant d’identifier le point d’entrée qui correspond à leur problématique ; - la télévigilance : alerte, suivi et accueil téléphonique des personnes utilisant notamment des capteurs dynamiques de positionnement, de comportement, de fonctionnement d’organes vitaux ou des appareils supplétifs et des outils de géolocalisation (par exemple pour les pathologies type Alzheimer) ; - le télémonitoring : enregistrement de divers paramètres physiologiques sur un patient et transmission aux professionnels concernés (médecins, sages- femmes, infirmières) souvent dans le cas de pathologies chroniques : enregistrement de la tension artérielle, surveillance des insuffisants respiratoires chroniques, surveillance des grossesses à risque ; - la télécollaboration : outils d’animation de communautés et de réseaux de santé, plates-formes collaboratives dédiées ; - le télémajordome : outils et offres de services permettant à distance de commander ou mettre en œuvre des services d’accompagnement (restauration, aides à domicile…) notamment pour les maladies chroniques, les hospitalisations à domicile, les personnes handicapées… ; - la téléanimation : accès à une gamme d’outils interactifs (loisirs, messageries multimédia simplifiées, webconférences, serious game) incitant les usagers/patients à conserver un lien social et un minimum d’activité physique et cérébrale ; - la téléformation : services de télécommunications synchrones ou asynchrones ; téléphonie, visioconférence, messagerie, forums, serveurs d’images. Ces services de formation à distance, s’adressant à des étudiants ou à des professionnels de santé, permettent l’accès à un savoir-faire ou à des connaissances, quelle que soit leur localisation (base de données médicales sur le Web, modules de e-learning, interventions chirurgicales visualisées à distance par des internes) ; - la téléprescription : elle permet la dématérialisation des prescriptions médicales et permet d’éviter les déplacements inutiles. La configuration de la m-santé contribue largement au déploiement des services de télévigilance et de télémonitoring notamment à travers l’Internet des objets et les applications dédiées. 9 Les TIC comme dispositif connecté et mobile d’auto surveillance, de contrôle et de prévention : m-santé, objets connectés En Janvier 2015, le livre blanc du Conseil National de l’Ordre des Médecins10 relatif à la santé connectée propose un cadre de référence à l’appellation m-santé. Si la définition générique du Pr Robert Istepanian, universitaire londonien, désigne la m- santé comme « l’utilisation des communications mobiles émergentes en santé publique », l’OMS dans son rapport de 201111, propose d’en affiner la lecture en définissant la santé mobile comme « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur des dispositifs mobiles tels que téléphones portables, systèmes de surveillance des patients, assistants numériques personnels et autres appareils sans fil ». Sur le plan des usages, le périmètre s’étend des fonctions basiques du téléphone (voix et textos, ou SMS) aux fonctionnalités les plus sophistiquées faisant appel aux technologies les plus récentes. Sachant que le smartphone et la tablette sont devenus les points d’accès Internet quasi exclusifs, l’OMS a classé les services de la santé mobile en 13 catégories autour de 3 axes : - Communication entre des individus et des services de santé (apparentée à la télémédecine) ; - Accès distant à l’information (notamment au dossier médical du patient) ; - Monitoring et surveillance des patients, avec des dispositifs de mesure communicants. Figure 5 : Catégorisation des services de m-santé (source OMS, 2009) 10 Livre Blanc Santé connectée : De la e-santé à la santé connectée, http://esante.gouv.fr/actus/ethique/sante-connectee-le-livre-blanc-du-cnom-de-la-e- sante-a-la-sante-connectee 11 World Health Organization, Global Observatory for eHealth, mHealth : New Horizons for Health through Mobile Technologies. Geneva, 2011. https://who.presswarehouse.com/books/BookDetail.aspx?productID=295980 10
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