Quelques cas historiques en dermatologie Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo Quelques cas historiques en dermatologie Bernard Cribier Université de Strasbourg – Faculté de médecine Clinique dermatologique Hôpitaux universitaires 1, place de l’Hôpital 67091 Strasbourg Cedex Bruno Halioua Institut Alfred Fournier 75014 Paris Jean Revuz 11, chaussée de la Muette 75016 Paris Gérard Tilles Musée de l’hôpital Saint-Louis 1, avenue Claude-Vellefaux 75475 Paris Cedex 10 ISBN : 978-2-8178-0031-8 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2011 Springer-Verlag est membre du groupe Springer Science + Business Media Imprimé en France Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfi lm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécifi cation ne signifi e pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emploi. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifi er les informations données par comparaison à la littérature existante. Maquette de couverture : Jean-François Montmarché Mise en page : Arts Graphiques Drouais – Dreux Sommaire Préface Daniel Wallach 7 Maladies d’Alibert Gérard Tilles 9 Maladie de Besnier-Boeck-Schaumann Bernard Cribier 27 Angio-lupoïde de Brocq-Pautrier Bernard Cribier 43 Maladie de Darier Bernard Cribier 53 De la maladie de Duhring-Brocq aux maladies bulleuses sous-épidermiques acquises auto-immunes Gérard Tilles 69 Maladies d’Hallopeau Gérard Tilles 93 Moriz Kaposi et la maladie de Kaposi Bruno Halioua et Jean Revuz 115 Alan Lyell et le syndrome de Lyell Bruno Halioua et Jean Revuz 123 Henri Mondor et la maladie de Mondor Bruno Halioua et Jean Revuz 131 Microabcès de Pautrier Bernard Cribier 139 Sabouraud et les alopécies infectieuses Gérard Tilles 153 Albert Jean Antoine Sézary et le syndrome de Sézary Bruno Halioua et Jean Revuz 171 Aristide Verneuil et la maladie de Verneuil Bruno Halioua et Jean Revuz 177 Maladie de Woringer-Kolopp Bernard Cribier 185 Préface Éponymies dermatologiques Les histoires de dermatologues racontées ici nous rappellent que la méde- cine ne progresse pas toute seule. Elle progresse grâce à des médecins, ceux qu’on appelle les grands médecins, qui découvrent des maladies, les décri- vent, mettent au point leurs traitements. Il est juste de rendre hommage à ceux qui ont contribué aux progrès de la médecine. Une des formes de cet hommage, c’est l’éponymie, point de départ de cet ouvrage et du choix de ses chapitres. Une maladie éponymique, un signe éponymique, une opération épony- mique, un milieu de culture éponymique, portent le nom du médecin qui les a décrits, ou dont on se souvient comme l’ayant décrit. Ce n’est pas si simple. Par exemple, Bernard Cribier vous apprendra que les micro-abcès de Pautrier ont été décrits par Darier, et que le premier cas de maladie de Besnier-Boeck-Schaumann a été observé par Hutchinson. L’histoire contient beaucoup de ces attributions erronées ou problématiques. D’autres consi- dérations doivent être prises en compte. Par exemple, Bruno Halioua et Jean Revuz nous disent, page 125, qu’Alan Lyell était profondément gêné de voir son nom attribué à une maladie. Mais quelle que soit sa modestie personnelle, c’est bien lui qui a décrit la nécrolyse épidermique toxique, et c’est la moindre des choses de s’en souvenir. Dans un autre ordre d’idées, Bruno Halioua a mis en garde contre les éponymies qui perpétuent le nom de médecins qu’il serait préférable de ne pas honorer1. L’éponymie mérite donc qu’on y soit attentif, et plusieurs ouvrages ont dressé des listes de maladies éponymiques en dermatologie2, 3. Les historiens anglo-saxons de la dermatologie sont plus attentifs aux œuvres des grands médecins, que leur nom ait été ou non perpétué par l’éponymie4, 5. Nous- mêmes, dans l’ouvrage désormais classique que j’ai eu le plaisir de diriger avec Gérard Tilles, avons privilégié les descriptions princeps et leurs auteurs, 1. Halioua B. Does René Leriche merit eponymous distinction? Int J Cardiol2008; 124: 1-5. 2. Gagliardo A. Dizionario biografi co degli eponimi delle malattie dermatologiche. Pezzino, Palermo. 1997. 3. Schwarz M, Alex O. Eponyme in der Dermatologie. Viavital Verlag, KaIn. 2000. 4. Shelley WB, Crissey JT. Classics in clinical dermatology. 50th anniversary Second edition. Parthenon, New York. 2003. 5. Crissey JT, Parish LC, Holubar K. Historical atlas of dermatology and dermatologists. Parthenon, New York. 2002. 8 Quelques cas historiques en dermatologie souvent mais pas toujours éponymes6. Et pour compléter cette petite revue de la littérature, je voudrais mentionner que la très remarquable Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine met en ligne de nombreux textes médicaux anciens, avec une mention spéciale pour les maladies éponymiques7. L’ouvrage que vous avez décidé de lire n’est pas un dictionnaire des dermatologues éponymes. Ici l’éponymie n’est qu’un prétexte. Prétexte pour rappeler brièvement la biographie des auteurs, et surtout pour raconter avec une impressionnante érudition l’histoire de leurs travaux. Le premier chapitre raconte ainsi l’œuvre scientifi que d’Alibert, grand découvreur et descripteur de maladies. Jean-Louis Alibert, qui fonda la dermatologie à l’hôpital Saint-Louis, décrivit le mycosis fongoïde. Le mycosis fongoïde, qu’on n’appelle plus maladie d’Alibert, est aussi, Gérard Tilles le rappelle, la maladie de Lucas, dont vous verrez le portrait page 12. Lucas souffrait de mycosis fongoïde, et Alibert l’a fait passer à la postérité. L’histoire du mycosis fongoïde a donc débuté avec Alibert et Lucas, elle s’est poursuivie avec d’autres, comme Bazin, comme Sézary qui fi gurent dans ce livre en tant que découvreurs d’une des formes cliniques, comme Pautrier et Darier dont vous lirez la contribution à la description histologique, comme notre ami Marvin Lutzner qui participa à la connaissance de la cellule de Sézary (ou de Lutzner) et est mentionné page 174, pour ne citer que quel- ques auteurs. Pour parler d’Alibert, pour parler d’autres grands découvreurs, l’épo- nymie est donc bien ici un prétexte. Mais elle a un sens, celui de la recon- naissance due aux grands médecins. Ce sentiment de reconnaissance n’est pas partagé par tous. Dans les années 1980, on a construit de nouveaux bâtiments à l’hôpital Saint-Louis, l’hôpital d’Alibert et des très nombreux dermatologues qui y ont travaillé après lui. Les anciennes salles de malades portaient les noms d’Alibert, Darier, Devergie, Hardy, Bazin, et de beau- coup d’autres8. Les nouvelles salles de malades s’appellent Coquelicot, Trèfl e, Myosotis. Ce refus de l’éponymie aussi a un sens. Je félicite Bernard Cribier, Bruno Halioua, Jean Revuz et Gérard Tilles d’avoir pris prétexte de l’éponymie et d’en avoir déjoué les limites, pour nous raconter de belles histoires de médecins qui ont fait progresser la dermato- logie, au service de celles et ceux qui souffrent de maladies de la peau. Daniel Wallach Président d’honneur de la Société française d’histoire de la dermatologie et de la European Society for the History of Dermatology and Venereology 6. Wallach D. Descriptions princeps. In: Wallach D, Tilles G, directeurs. La dermatologie en France. Privat, Toulouse. 2002. Disponible en ligne: www.bium.univ-paris5.fr/histmed/ medica/cote?10422. Pp 77-104. 7. www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/maladies.htm. Ce site foumit de précieuses indications bibliographiques. 8. Schnitzler L. La dermatologie à l’hôpital Saint-Louis de 1945 à nos jours. In: Wallach D, Tilles G, directeurs. La dermatologie en France. Privat, Toulouse. 2002. Disponible en ligne: www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?10422. Pp 459-471. Maladies d’Alibert Fig. 1 – Jean-Louis Alibert. Collection musée de l’hôpital Saint-Louis. Gérard Tilles Jean-Louis Alibert, fi ls de Claudine Alric et de Pierre Alibert, magistrat, est né le 2 mai 1768 à Villefranche-de-Rouergue1. Des études secondaires très classiques dans un environnement catholique chez les pères de la Doctrine chrétienne le préparèrent d’abord à un avenir ecclésiastique, espérance à laquelle la fermeture des congrégations en 1792 l’obligea à renoncer. Après avoir enseigné quelques mois à Villefranche, Alibert obtint de faire partie de la première promotion de la nouvelle École Normale avant d’être admis à suivre l’enseignement de la nouvelle École de santé de Paris le 20 février 1796. Alibert y fut élève de la clinique chirurgicale de Desault à l’Hôtel-Dieu et de la clinique médicale de Corvisart à la Charité. L’enthousiasme intellectuel de l’époque où tout semblait à faire suscitait de nombreuses initiatives. C’est dans cet esprit que fut créée la « Société médicale d’émulation » à l’ambition éducative et fraternelle, « pacte d’union entre ceux qui savent et ceux qui désirent savoir »2. Secrétaire général de 1. La vie et la carrière d’Alibert ont fait l’objet de nombreux travaux auxquels les lecteurs soucieux d’érudition pourront se rapporter : Alfaric A (1917) J.-L. Alibert, fondateur de la dermatologie en France. Paris, J-B. Baillière. Jean-Louis Alibert (1768-1837), fondateur de la dermatologie française, médecin-chef de l’hôpital Saint-Louis, premier médecin ordinaire des rois Louis XVIII et Charles X, Membre de l’Académie de Médecine. Société des Amis de Ville- franche et du Bas-Rouergue, 1987. Wallach D (2000) Jean-Louis Alibert in Dermatologists of the Millenium. Clin Exp Dermatol, 25 (1) : 82-95. Brodier L (1923) J-L Alibert, Médecin de l’hôpital Saint-Louis (1768-1837). Paris, Maloine. Tilles G (2001) La vie et l’œuvre de Jean- Louis Alibert (1768-1837) in Bicentenaire de la spécialisation de l’hôpital Saint-Louis, 1801- 2001. Assistance publique Hôpitaux de Paris-Société française d’histoire de la dermatologie, Paris, p. 19-30. 2. Mémoires de la Société médicale d’émulation, séance à l’école de médecine de Paris pour l’an V de la République. Paris, chez Marandon, an VI, 1798.
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