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Quand Césaire écrit, Lumumba parle: Edition commentée de "Une saison au Congo" PDF

332 Pages·1993·4.567 MB·French
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Preview Quand Césaire écrit, Lumumba parle: Edition commentée de "Une saison au Congo"

SUZANNE BRICHAUX-HOUYOUX QUAND CESAIRE ECRIT, LUMUMBA PARLE Edition commentée de Une saison au Congo Editions L'Harmattan 5 - 7, rue de lEcole-Polytechnique 75005 Paris Dans la collection « Critiques Littéraires » Dernières parutions : GONTARD M., Violence du texte. La littérature marocaine de langue française. DABLA S., Nouvelles écritures africaines. Romanciers de la seconde génération. LAÂBI A., La brûlure des interrogations. Entretiens réalisés par J.Alessandra. BAFFET R., Tradition théâtrale et modernité en Algérie. BONN Ch., Le roman algérien de langue française. Vers un espace de communication littéraire décolonisé ? GODARD R., Trois poètes congolais : M. N'Débéka, J.-B. Tati Loutard, T. U. Tam'si. HOURANTIER M.-J., Du rituel au théâtre rituel. Contribution à une esthétique théâtrale néo-africaine. KOTCHY B., La critique sociale dans l'oeuvre théâtrale de Bernard Dadié. LALLEMAND S., L'apprentissage de la sexualité dans les contes d'Afrique de l'Ouest. CALMES A., Le roman colonial en Algérie avant 1914. CHEMAIN R., L'imaginaire dans le roman africain d'expression française. MOSTEGHANEMI A., Algérie, femme et écritures. N'DA P., Le conte africain et l'éducation. DA SILVA G., Le texte et le lecteur comme interaction objective. Anthologie de la poésie tunisienne de langue française. Introduction et notes par H. Khadhar. OSSITO MIDIOHOUAN G., L'idéologie dans la littérature négro- africaine d'expression française. GONTARD M., Nedjma de Kateb Yacine. Essai sur la structure formelle du roman. DESJEUX J., Le sentiment religieux dans la littérature maghrébine de langue française. BEKRI T. , HADDAD M., L'oeuvre romanesque. Pour une poétique de la littérature maghrébine de langue française. NDACHI TAGNE D., Roman et réalités camerounaises, 1960-1985. BOUELET R. S. , Espaces et dialectique du héros césairien. COLLECTIF, Le récit et le monde. H. Quiroga, J. Rue, R. Bareiro Saguier. © Editions du Seuil, 1974 pour le texte de Une saison au Congo. Tous droits de reproduction réservés. © L'Harmattan, 1993 ISBN : 2-7384-1767-1 A ma Mère, qui m'a donné le goût de la lecture, et à la mémoire de mon Père, qui m'a donné celui de l'Histoire; pour mon mari, Richard, et mes fils, Vincent, Renaud, Denis. A Monsieur Aimé Césaire et à mita, avec toute ma gratitude. Remerciements. Mes informateurs ont été trop nombreux pour que je puisse mentionner ici leurs noms, mais je tiens à souligner ce que je dois, en particulier, à trois personnes qui ont été pour moi des informateurs sûrs, ne ménageant ni leur temps ni leurs efforts. Jean Van Lierde, journaliste, militant de la non- violence et ami de la première heure de Patrice Lumumba, m'a encouragée dans mon projet dès 1987. Il m'a accordé un accès sans réserve à ses archives personnelles et, au cours de nombreux entretiens et échanges épistolaires, complété ou éclairci les informations que je glanais par ailleurs. Il m'a confié des documents inédits et d'autres personnels. Je lui dois d'avoir été introduite auprès de nombreuses personnes et personnalités dont l'expérience vécue des événements dits de 1960 a beaucoup ajouté au résultat de mes recherches personnelles. Jean Kestergat, écrivain et journaliste, m'a lui aussi confortée dans mon entreprise dès 1987. Acceptant d'expliquer et de commenter, pour mon bénéfice, ses divers ouvrages relatifs au Congo et au Zaïre, il a, à de multiples reprises, partagé avec moi ses souvenirs et l'abondante information dont il disposait. Il m'a lui aussi ménagé une introduction auprès de ceux qui pouvaient m'aider à mieux comprendre l'histoire et l'actualité politique des années 1960, donc la représentation qu'en a faite l'auteur. Enfin, le Colonel Frédéric Vandewalle a lu et commenté la première version de ce travail; il a rectifié des erreurs et m'a apporté des informations dont j'ai fait largement usage. Introduction L'étude d'Une saison au Congo révèle, qu'il n'existe, par rapport au reste de l'oeuvre dramatique d'Aimé Césaire, que relativement peu de travaux consacrés à cette pièce.1 L'intérêt d'une édition commentée s'impose, notamment en raison de l'absence de tout travail du genre pour l'oeuvre dramatique de l'auteur. 2 Au-delà de la valeur de témoignage de l'engagement anti-colonialiste de l'auteur et de la facture historiographique, selon certains hagiographique, du texte, il semble que les thèmes qui y sont évoqués peuvent, moyennant apport de développements documentaires, trouver une application pédagogique qui dépasse les seuls aspects et intérêts strictement littéraires pour déboucher sur les sciences humaines au sens large du terme, puisqu'il y 1Les répertoires les plus récents et les plus complets des écrits sur Aimé Césaire ont été établis sous forme d'études bibliographiques : en 1973 par Frederick Ivor Case, en 1978 par Thomas Hale et en 1984 par A. James Arnold. 2Une saison au Congo a été analysée dans des optiques différentes et à des degrés divers, soit dans le cadre de l'ensemble de l'oeuvre dramatique de l'auteur (Ngal et Steins, 7-33) soit isolément (Ngal et Steins, 21-25), mais elle n'a jamais fait l'objet d'une édition critique ou annotée complète. 7 est question non seulement d'histoire et de politique mais encore d'anthropologie, d'ethnologie et d'économie. L'ensemble des perspectives couvertes par le texte d'Aimé Césaire mérite le qualificatif d'humaniste en ce sens que l'auteur aborde une série d'intérêts de l'homme et que, retrouvant la tradition de la Renaissance qui faisait souvent de l'écrivain un chroniqueur historique, il est en prise directe sur une appréhension littéraire et esthétique de l'actualité. L'analyse du travail auquel s'est livré l'auteur pour écrire cette pièce est une démonstration de ce qu'un écrivain est à la fois témoin et porte-parole de son temps ainsi que "voyant" au sens rimbaldien du terme par la prescience des temps à venir, dont il se fait le héraut. Enfin, quand on sait qu'Aimé Césaire n'était jamais allé en Afrique avant d'écrire cette pièce, on ne peut qu'apprécier l'effort de documentation, la pertinence des choix et la franche tonalité africaine du texte. La première version d'Une saison au Congo a été publiée par les Editions du Seuil en 1966. Une deuxième version remaniée en fonction des représentations théâtrales à Bruxelles et à Paris, a été publiée en 1969. Enfin, une troisième version a été mise dans le commerce en 1974 par le même éditeur. C'est ce dernier texte qui sert de base au commentaire bien qu'une quatrième version ait été publiée en 1976 par les Editions Désormeaux à Paris et à Fort-de- France.3 La recherche a montré que l'auteur s'était parfois basé sur des informations qui ont depuis été complétées, modifiées voire dénoncées comme ne correspondant pas à la réalité historique. Je n'ai, de façon générale, pas fait mention des rectifications politiques et historiques sauf dans quelques rares cas où l'information actuelle changeait sensiblement l'interprétation des faits (par exemple les conditions de l'assassinat de Patrice Lumumba, note 388). Chaque commentaire est annoncé par un chiffre arabe qui ou bien suit immédiatement le mot, soit s'inscrit à la fin de la phrase qui donne lieu à un commentaire; la 3J'ai choisi de commenter le texte qui doit être considéré comme définitif pour le théâtre, compte tenu de la note de l'auteur en page 119 de l'édition 1973 du Seuil. 8 numérotation est séquentielle. Les notes qui accompagnent le texte d'Aimé Césaire sont insérées à la fin de chaque scène. Les notes qui accompagnent les documents reproduits en annexe à la pièce ont reçu une numérotation qui poursuit celle du commentaire du texte de la pièce. Les renvois au texte indiquent l'acte en chiffres romains et la scène en chiffres arabes. Les documents reproduits dans les annexes le sont dans l'ordre de la chronologie dramatique. Par ordre d'importance et de proximité du texte théâtral apparaissent : --à la fin de chaque scène de la pièce des "Notes." Y figurent des éléments d'information linguistique, géographique, historique ou encore ethnographique ainsi que la traduction des termes et expressions africains dont Aimé Césaire a émaillé son texte ou encore des citations extraites des ouvrages dont il s'est manifestement inspiré; --en 2.1. Chronologie comparée des événements historiques et dramatiques, une chronologie détaillée de la succession des événements historiques et de ceux de la dramatisation qui en a été dérivée par Aimé Césaire; --en 2.2. Notices biographiques des personnages identifiés, de brèves notices pour les personnalités dont l'auteur cite le nom ainsi que pour celles qui ont pu être identifiées à travers les personnages qu'il met en scène. Pour les quelques personnages que je n'ai pu identifier formellement, j'ai indiqué les possibilités à envisager; --en 2.3. Textes officiels belges et congolais et en 2.4. Documents d'archives, une collection de textes et d'extraits de textes dont la teneur éclaire les choix de l'auteur, montre l'usage qu'il a fait de l'information qui lui était accessible ou encore corrobore son intuition de l'évolution future des événements évoqués; --en 2.5. Cartes, une carte géo-politique et une carte ethno-linguistique du Congo belge ainsi qu'une concordance des principales appellations géographiques anciennes et nouvelles. Deux techniques de recherche ont été combinées, documentation écrite et interview : --la documentation écrite est en majeure partie d'origine belge et zaïroise; parmi les documents figurent ceux qui ont un caractère officiel ou public ainsi que ceux 9 qui ont un caractère privé et qui soit m'ont été confiés par leurs possesseurs soit sont tombés dans le domaine public; --deux types d'interview ont été utilisées : l'interview libre et l'interview guidée. L'interview libre a souvent été préférée : parfois en raison de l'âge et de l'état de santé de certains de mes informateurs; parfois en raison des séquelles passionnelles toujours vivaces chez certains des acteurs et témoins des événements; ou encore à cause de la multiplicité des expériences qu'avaient eues d'autres informateurs. Parmi les personnes interviewées se trouvent : des politiciens, des personnalités administratives, militaires et des hommes d'affaires; des journalistes; des prêtres, religieuses et missionnaires; d'anciens colons ainsi que des mercenaires et des légionnaires.4 Le fait que les événements dont je vise à éclaircir une connaissance plus intime sont à la fois récents et, dans une certaine mesure, toujours en voie de développement, ajoute à la complexité du contenu du commentaire. Pour tenter de surmonter les divers handicaps relevés, je me suis attachée à concilier une approche inductive aussi minutieuse que possible de l'information et plutôt que de chercher des relations causales j'ai choisi de décrire des événements ou de reproduire les textes qui rendent avec le plus de fidélité les comportements et opinions des protagonistes. Aimé Césaire semble s'être particulièrement intéressé à l'Afrique, à son histoire comme à son devenir, à partir de son arrivée à Paris dans les années 1930. Son amitié avec Léopold Sedar Senghor, sa découverte du "Harlem Renaissance" et l'élaboration du concept de "Négritude" ont développé cet intérêt au fil du temps. Passionné par la condition de l'homme noir et devenu homme politique, Aimé Césaire s'est attaché à analyser le phénomène de la colonisation, contre laquelle il a écrit le célèbre réquisitoire Discours contre le colonialisme. C'est essentiellement par le genre dramatique qu'Aimé Césaire a choisi d'exprimer sa position. Le poème lyrique Et les chiens se taisaient qui clôturait le recueil Les 4Une liste détaillée de mes informateurs figure en annexe 2.7. de la thèse doctorale dont provient cette édition commentée; voir Bibliographie. 10 armes miraculeuses en 1946 a été transformé en tragédie en 1956; en 1963, l'auteur a publié La tragédie du roi Christophe et, en 1966, la première version d'Une saison au Congo. Ce choix ne semble pas être imputable à la seule préférence de l'auteur, il est également un reflet des modes d'expression africains. Le théâtre est connu sous de multiples formes en Afrique : rites cycliques fondés sur le rythme des saisons et des travaux ruraux; culte des ancêtres; initiations et actes de la vie quotidienne : tout est motif à théâtralisation. Selon les cas, l'action revêt un caractère religieux ou profane mais elle est toujours essentiellement populaire. Une saison au Congo s'inscrit dans cette double perspective : l'utilisation de masques (III-6), la participation d'un récitant chantant et dansant--le Joueur de sanza--qui exploite les thèmes de contes animaliers, par exemple en (III-2), relèvent bien du divertissement. Les allusions au Kimbanguisme (I-2), au Kitawala (III-6) ou encore au Christ (III-2/4) sont, elles, d'ordre religieux. Les buts de ce théâtre sont explicites : en donnant à chacun le sentiment de son appartenance au groupe, ou en le renforçant, il permet de consolider l'ordre de la communauté et de faire passer à ses membres les messages indispensables tant à son maintien qu'à son évolution; c'est manifestement dans cette tradition que s'inscrit la pièce. A partir de 1954--et notamment de la création en Afrique noire française de centres culturels--le théâtre africain s'est engagé dans la voie de la contestation et de la remise en cause de l'ordre colonial par l'exploitation des thèmes de la révolte et de la lutte pour la liberté. Il s'est principalement développé dans deux directions : dénonciation du colonialisme et de ses séquelles, critique des moeurs politiques des nouveaux dirigeants. C'est à ces courants que se rattache Une saison au Congo qui stigmatise : la corruption, l'incivisme, l'appétit de pouvoir de la classe politique en général et le hiatus croissant entre la masse rurale et l'élite urbaine. La tendance, de plus en plus engagée de ce théâtre-- qui au Zaïre par exemple a conduit au développement de spectacles dits d'animation politique--a pour objet de révéler au peuple africain son identité propre et de l'exhorter à se 11 ressaisir en vue d'en faire l'artisan de la nouvelle société à édifier (I-6 et II-1). Déjà dans le Discours sur le colonialisme Aimé Césaire montrait qu'il y existe une certaine incompatibilité entre civilisation et colonisation; comme l'ont relevé divers critiques, il s'agit par le truchement de la représentation dramatique, de faire le bilan : ... de cultures piétinées, d'institutions ruinées, de religions assassinées, de magnificences anéanties, d'extraordinaires possibilités supprimées. (19) La critique n'épargne pas l'époque contemporaine et ce théâtre engagé prend pour cible les avatars du néo- colonialisme tels que : le culte abusif du leader, plus ou moins charismatique, ou de l'institution du parti unique (I-2, III-2/7/8). Par delà la satire du moment il s'attaque au fond même du problème avant et après l'indépendance. Il montre qu'à la poésie de l'épopée, lutte de libération nationale, succède inéluctablement la prose du drame quotidien fait de luttes incessantes contre l'aliénation résiduelle, la lâcheté et le cynisme des uns (III-6), le découragement des autres (I-8) ou encore la confiscation proche de l'indépendance au profit des nouvelles bourgeoisies (III-8). Aimé Césaire ne craint pas d'aborder la politique dans son théâtre, car, dit-il : Depuis l'indépendance, l'Afrique a eu à résoudre bien des problèmes et elle s'interroge. Elle a besoin de se comprendre elle-même. Dans l'état actuel des choses, le théâtre est un des genres littéraires qui répond le mieux à ses besoins. Or, nous avons des acteurs mais pas de répertoire, le théâtre en Afrique n'étant fait que de manifestations folkloriques. Ce que je voudrais, c'est créer un théâtre noir. Sous quelle forme? Celle du théâtre local. Pour moi, théâtre, poésie et chant sont liés. J'ai été très influencé par les Grecs, Shakespeare et Brecht. Mais mon théâtre est surtout un théâtre politique parce que les problèmes majeurs en Afrique sont les problèmes politiques. J'aimerais réactualiser la culture noire pour en assurer la permanence, pour qu'elle devienne une culture qui contribuerait à l'édification d'un ordre nouveau, d'un ordre révolutionnaire où la personnalité africaine pourrait s'épanouir. (Romi, interview du 16 mars 1966, 39-40). 12

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