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Psychopathologie du sujet âgé PDF

375 Pages·2008·1.814 MB·French
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Avant-propos I Psychopathologie du sujet âgé II Avant-propos DU MÊME AUTEUR ABORD PSYCHOSOMATIQUE DES TRAUMATISÉS CRÂNIENS, par G. Ferrey. Collection Médecine et Psychothérapie. 1995, 368 pages. CHEZ LE MÊME ÉDITEUR ALZHEIMER ET MALADIES APPARENTÉES. TRAITER, SOIGNER ET ACCOMPAGNER AU QUOTIDIEN, par R. MOULIAS, M.-P. HERVY, C. OLLIVET. Collection Âge, Santé, Société. 2005, 544 pages. ÉCHELLES D’ÉVALUATION DES MÉCANISMES DE DÉFENSE, par J. C. PERRY, J.-D. GUELFI, J.-N. DESPLAND, B. HANIN. Collection Pratiques en psychothérapie. 2004, 152 pages. INTRODUCTION À LA PSYCHOPATHOLOGIE, par A. BRACONNIER, E. CORBOBESSE, F. DESCHAMPS et coll. 2006, 352 pages. INTERVENTIONS DU PSYCHOLOGUE EN SERVICE DE MÉDECINE, par C. DOUCET et coll. Collection Psychologie. 2008, 200 pages. LA MALADIE DE PARKINSON, par L. DEFEBVRE, M. VÉRIN. Collection Monographies de neurologie. 2007, 232 pages. MANUEL DE PSYCHOLOGIE ET DE PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUE GÉNÉRALE, par R. ROUSSILLON et coll. Collection Psychologie. 2007, 720 pages. MANUEL DE PSYCHIATRIE, par J.-D. GUELFI, F. ROUILLON. 2007, 816 pages. NEUROPSYCHOLOGIE DE LA MALADIE DE PARKINSON ET DES SYNDROMES APPARENTÉS, par K. DUJARDIN, L. DEFEBVRE. Collection Neuropsychologie. 2007, 2e édition, 184 pages. PRISE EN SOIN DU PATIENT ALZHEIMER EN INSTITUTION, par G. DEMOURES, D. STRUBEL. 2006, 256 pages. PROTOCOLES ET ÉCHELLES D’ÉVALUATION EN PSYCHIATRIE ET EN PSYCHOLOGIE, par M. BOUVARD, J. COTTRAUX. Collection Pratiques en psychothérapie. 2005, 4e édition, 336 pages. PSYCHOGÉRONTOLGIE, par J. RICHARD, E. MATEEV-DIRKX. Collection Médecine et Psychothérapie. 2004, 2e édition, 224 pages. PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ADULTE, par Q. DEBRAY, B. GRANGER, F. AZAIS. Collection Les Âges de la vie. 2001, 2e édition, 392 pages. QUESTIONNAIRES ET ÉCHELLES D’ÉVALUATION DE LA PERSONNALITÉ, par M. BOUVARD. Collection Pratiques en psychothérapie. 2002, 2e édition, 304 pages. COLLECTION LES ÂGES DE LA VIE Dirigée par Pr Daniel Marcelli Psychopathologie du sujet âgé 6e édition révisée et augmentée G. FERREY Psychiatre des hôpitaux honoraire Ancien chef de clinique neuropsychiatrique, CHU Bicêtre Ancien coordonnateur de la fédération gérontologie, CH Simone Veil G. LE GOUÈS Psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris Ex Professeur associé à Paris-V (Université René Descartes) Avec la collaboration de B. RIVIÈRE IV Avant-propos DANGER Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du «photocopillage». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans LE autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. PHOTOCOPILLAGE Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées TUE LE LIVRE à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie: 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la pro- priété intellectuelle). © 2008, Elsevier-Masson, Tous droits réservés ISBN : 978-2-294-05010-0 Elsevier Masson SAS - 62, rue Camille-Desmoulins – 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex Avant-propos V AVANT-PROPOS La gérontologie prend une place de plus en plus importante dans l’exercice de la médecine, suivant en cela l’évolution de notre société occidentale et l’importance croissante qu’y prennent les personnes âgées. On a souvent pu dire que la gérontologie n’est pas, au sens propre, une spécia- lité, mais tout simplement une forme d’exercice de la médecine générale dont les praticiens sont, en fait, des internistes embrassant la totalité de la pathologie pour une tranche d’âge s’étendant sur près de 50 ans de la vie humaine. Qu’en est-il alors d’une fraction de ce large champ d’action : celui qu’on peut dénommer gérontopsychiatrie ou mieux psychogériatrie ou encore psychopatho- logie du sujet âgé, comme nous avons choisi de le faire ? Notre défunt maître, le Pr Péquignot, pionnier de la gériatrie, signalait déjà, il y a près de 30 ans, qu’il constatait la fréquence des troubles du comportement chez les personnes âgées qu’on lui adressait à la consultation de gériatrie et signalait que ce terme était souvent utilisé comme un euphémisme par le malade ou son entourage, mais surtout par les médecins à la place du vocable de psychiatrie. «Cet euphémisme » disait-il, « est dangereux, car il représente une triple méconnaissance : celle de la pathologie organique associée à la présentation psychiatrique, celle de la pathologie organique expliquant l’apparence psychia- trique, enfin celle d’un diagnostic psychiatrique précis, méconnu et pourtant curable». En 1988, une enquête de B.J. Burns et coll. publiée dans le Journal interna- tional de psychiatrie gériatrique (fondé en 1986) signale que, dans les maisons de retraite aux USA, 68 % des pensionnaires ont des troubles mentaux, soit à peu près 40 % un syndrome cérébral organique détérioratif et 30 % des troubles psychiques d’autres origines. Les auteurs signalent l’insuffisance de l’attention à ces troubles et le peu de moyens affectés à leurs soins, lesquels, dans ces établissements, sont consacrés presque entièrement aux besoins physiques. Nous pensions, dès cette époque, que les problèmes avaient la même envergure en France. Doivent y faire face non seulement quelques spécialistes, mais la tota- lité des personnels soignants assurant la prise en charge et le traitement des personnes âgées, c’est-à-dire bien plus que les gériatres spécialisés ou les psychiatres. Considérer et vouloir aider les personnes âgées ne peut être fait sans connaître la gravité et la multiplicité des maladies somatiques, sans tenir compte de la VI Avant-propos fréquence des troubles psychiques, sans se préoccuper des conditions de vie sociale des « vieux », du rôle que leur réserve la société et les institutions dans lesquelles ils peuvent être appelés à vivre. Mais bien entendu, le discours et l’action psychiatriques ont comme spécificité de s’intéresser directement aux difficultés relationnelles, aux possibilités psycho- thérapeutiques, même s’ils ne doivent jamais négliger le corps. Il faut donc se donner les moyens de connaître plus complètement la psychodynamique des personnes âgées. Après avoir porté l’essentiel de notre attention au développement du petit d’homme et de sa conquête de l’âge adulte, il devient indispensable de mieux comprendre son vieillissement. Tous les soignants confrontés aux néces- sités de prise en charge pluridisciplinaire doivent développer leur connaissance des bases psychologiques et sociologiques qui justifient et guident leur action. Ce monde des personnes âgées où, comme tant d’autres, nous avons été conduits un peu par le hasard, surtout par la nécessité, nous est apparu comme particulièrement divers et attachant. Après peut-être un premier recul, il réserve beaucoup de satisfactions et cela n’étonnera pas tous ceux qui déjà s’y dévouent et auxquels nous adressons ce livre, prêts à écouter leurs remarques et à en tenir compte. Pour la sixième édition, presque 20 ans après la première (1989), nous nous devons d’ajouter que la gérontologie et la psychogériatrie ont pris en quelques années une ampleur considérable. Nous pouvons déjà signaler que la consommation des psychotropes est très généralisée chez les personnes âgées et fait l’objet de critiques quant aux symp- tômes secondaires et aux risques pris. En effet, les prescriptions atteignent près de 50 % des personnes hospitalisées en service de long séjour pour les antidépres- seurs et 70 % reçoivent un ou plusieurs psychotropes (Dardennes, 2007). Il existe maintenant plusieurs services de psychogériatrie sur le territoire fran- çais. L’enseignement de la gérontologie et de la psychogériatrie a pris son essor, les revues traitant de ces questions se sont multipliées et de nouvelles fonctions se sont créées et développées telles que celles de médecin coordonnateur d’EHPAD. En 2005, 3 500 médecins en France sont titulaires d’une capacité de géronto- logie. C’est dire que l’évolution de cette discipline est promise à un avenir important qui se révèle essentiel, tant pour des patients de plus en plus demandeurs que pour les familles et les aidants bénévoles. C’est pourquoi, la demande de formation et de réalisations institutionnelles adaptées s’amplifie, tant de la part des médecins que des personnels soignants, infirmiers, aidants professionnels à domi- cile mais aussi pour les psychologues, psychiatres et tous les gérontologues contribuant à l’action aidante et soignante en faveur des personnes âgées. Le vieillissement psychique 1 1 LE VIEILLISSEMENT PSYCHIQUE Les travaux actuels centrés sur le vieillissement font une très large place à la biologie ainsi qu’à la culture en tant que productrices de longévité. Il est vrai que sans elles l’espérance de vie ne gagnerait pas un trimestre par année comme c’est le cas en France aujourd’hui, ainsi d’ailleurs que dans l’hémis- phère Nord en ce début de millénaire. Mais ces travaux biologiques et socio- logiques concèdent pour le moment une place réduite, voire pas de place du tout au vieillissement psychique. Ces insuffisances de la pensée biolo- gique et culturelle nécessitent une mise au point car le vieillissement de l’être humain est aussi le produit d’une troisième composante qu’on aurait tort de négliger, celle du sujet vieillissant, notamment lorsque celui-ci vise à produire une existence qui mérite d’être encore vécue, qui le mérite au moins à ses propres yeux. Car la conquête actuelle des années tardives ne peut pas valablement se limiter à la seule addition du temps supplémentaire : encore faut-il que ce temps-là soit aussi une source d’échange heureux avec ses contemporains et avec soi-même. De sorte que le principal intéressé — le sujet vieillissant — a nécessairement son mot à dire au cours d’une aventure où il est constamment partie prenante. Ce constat d’évidence nécessite de notre part un effort d’étude et de com- préhension du psychisme vieillissant ne serait-ce que pour faire correcte- ment la part des choses entre une souffrance existentielle, inhérente à la condition humaine relevant de la philosophie ou de la religion, et une souf- france pathologique que le clinicien peut s’appliquer à réduire. Or la patho- logie vieillissante est tout incluse dans un processus magmatique d’où le sujet lui-même a de la peine à s’extraire seul ne serait-ce que pour recon- naître clairement la part de ressources encore disponible pour une conquête tardive de la psyché ou au contraire la tentation de s’abandonner à la pente régressive de la libido lorsque la régression apparaît comme seule capable d’apporter encore un peu de plaisir à vivre. Le clinicien doit en conséquence s’exercer à identifier le vieillissement usuel du vieillissement pathologique, sachant qu’il observe une spécificité en mouvement, une complexité en évolution tant il est vrai qu’on ne vieillit plus aujourd’hui comme on vieillissait au siècle dernier. La culture change, mais le projet de vie tardive du sujet désirant change aussi. En conséquence, c’est du vieillissement en formation dans la psyché dont il sera essentielle- ment question ici. Le vieillissement psychique n’est pas un événement comme la naissance, mais un processus lent et progressif comparable à celui de la croissance, à certains égards du symétrique inverse de la croissance. On peut lui assigner 2 Le vieillissement psychique un début psychique puisque ce vieillissement commence au moment où le fantasme d’éternité rencontre une limite jusque-là ignorée par la libido, lorsque ce fantasme est mis à mal par l’apparition d’un fléchissement durable, que ce fléchissement soit une baisse de séduction chez la femme ou une réduction de puissance chez l’homme, fléchissement aux multiples conséquences affectives, mentales, corporelles, professionnelles ou sociales. Un fantasme organise la pensée désirante : le fantasme d ’éternité. Ce fan- tasme consiste à penser que la mort ne nous menace pas vraiment, comme si la mort n’était qu’un malheur n’arrivant qu’aux autres. La preuve? C’est que nous continuons à vivre quand les autres disparaissent. N’est-ce pas établir que nous serions plus forts qu’eux ou plus malins ou mieux protégés par notre dieu favori? Si nous sommes encore vivant c’est qu’aux yeux de l’inconscient nous aurions su mieux faire que ceux qui ont déjà cessé de l’être. En fait notre mégalomanie infantile continue à œuvrer en coulisses pour nous offrir l’illusion d’une place à part. On voit ici la composante œdi- pienne qui fait de la disparition des aînés et des rivaux une affaire attendue, pour ne pas dire souhaitée. Ce fantasme est alimenté par la conviction nar- cissique du moi en son immortalité : le moi dès l’origine se pose comme s’il était impérissable. Selon l’expérience courante le vieillissement est un processus de décrois- sance au cours duquel le sujet est soumis à un mouvement pulsionnel inverse à celui qu’il avait rencontré au cours de l’adolescence. Comme la quantité de ressources disponibles diminue, les possibilités d’investissement se res- treignent. En sorte que le vieillissement bien accompagné consiste moins à gaver un vieillard dont l’appétit décline parce que l’appétit est supposé venir en mangeant ou parce que le soignant a besoin de se défendre de la peur d’être mauvais nourrisseur, qu’à apprécier avec le vieillard la façon dont celui-ci souhaite désormais s’alimenter. Le bon accompagnement passe d’abord par l’appréciation de la capacité restante de l’investissement. Le début du vieillissement peut en conséquence être situé à mi-vie, en arti- culation avec la crise du milieu de la vie. La crise du milieu de la vie a été décrite par Elliot Jaques. Elle correspond à l’arrivée sur la scène mentale d’une nouvelle donnée : celle de notre inéluctable finitude. Jusque-là nous pouvions faire comme si la mort était affaire d’accident, ou de maladie, ou de mauvais sort ou de malheur plus ou moins mérité. À présent, à partir du moment où la jeunesse se termine, la finitude s’impose comme incontour- nable, y compris pour soi. Avec la fin de la jeunesse qui préfigure la fin de l’existence, avec un nombre d’années derrière soi déjà plus grand que celui des années qui restent probablement à vivre, la mort qui se profile est désor- mais une réalité imparable avec laquelle il faut compter. La notion de crise rejoint ici l’observation clinique selon laquelle l’appareil psychique évolue plus par crises successives que de façon linéaire. Ces crises autant provoquées par le dehors (perte d’objet) que par le dedans (perte de soi) déstabilisent l’organisation du moi jusqu’à ce que celui-ci parvienne à Le vieillissement psychique 3 se réorganiser, généralement à un niveau inférieur au précédent. Car c’est aussi ouvrir la porte à l’illusion que d’attribuer toutes les vertus à la capacité de perdre, à la possibilité de supporter la perte : il est des pertes dont on se remet pas parce que l’amputation est si sévère qu’elle handicape définitive- ment le perdant si doué fut-il jusque là pour affronter l’adversité. La position de la crise de mi-vie n’est pas fixe. Elle varie d’un individu à l’autre; elle varie d’une époque à l’autre. Par exemple, Balzac la situait à trente ans pour la femme au début du XIXe siècle, tandis que nous pourrions aujourd’hui la situer vers l’âge de quarante cinq ans pour la femme du début de ce millénaire. On peut admettre que le siècle prochain la retardera encore de quelques années. Le vieillissement psychique est un mouvement multiple. Ce mouvement associe une composante de l’espèce à celle de l’individu. La composante de l’espèce ne se limite pas à la seule potentialité génétique qui serait d’après les estimations actuelles de l’ordre de 120 ans, elle s’étend aussi aux interactions que l’individu développe avec son milieu. La qualité de ces interactions a été constamment améliorée par les inventions de la culture, notamment au cours du XXe siècle. Au sein de ces interactions favorables au processus vivant, le vieillissement de l’être humain apparaît clairement comme une conquête récente de l’évolution. Dans l’inconscient, la vie sexuelle occupe la place d’un organisateur de pre- mière grandeur, d’où la nécessité de tenter de repérer ce qu’il advient de celle-ci au cours du vieillissement. Depuis les descriptions génétiques de Freud, on admet que le développe- ment de l’appareil psychique de l’enfant, puis celui de l’adolescent fédère les pulsions partielles (orales, anales) sous le primat de la génitalité; en con- séquence la vie sexuelle adulte était d’abord placée sous la marque génitale. Cette marque génitale se décompose en génitalité corporelle et en génitalité psychique. Au cours du vieillissement, la génitalité corporelle diminue la première, avant la génitalité psychique. Ce décalage temporel crée un écart dans le moi du sujet vieillissant, un écart qui ébranle son narcissisme jusqu’à pro- voquer parfois des troubles de l’identité en particulier lorsque les perfor- mances corporelles ne sont plus au rendez-vous du désir comme elles l’étaient auparavant. Examinée sous l’angle de la sexualité, la prématurité du vieillissement cor- porel par rapport au vieillissement psychique est le changement majeur qui engage l’expérience de terminaison. L’expérience de terminaison affecte l’appareil psychique de plusieurs façons. Au cours de la jeunesse et de la vie adulte, l’illusion développemen- tale qui entourait nos perspectives de croissance nous donnait à espérer que nous finirions bien par obtenir ce que nous désirions, si ce n’était aujourd’hui ce serait demain. Or, à mi-vie cette illusion est altérée par une nouvelle épreuve de réalité. En effet, ce qui n’a pas encore été vécu, perd 4 Le vieillissement psychique progressivement ses chances de l’être un jour. L’avenir se rétracte en peau de chagrin. Le manque commence vraiment à manquer, sans espoir de satis- faction, même différée. Jusque là on pouvait à la rigueur jongler avec la castration, faire comme si celle-ci était évitable, au moins jusqu’à un certain point. À présent, il faut vraiment vivre avec elle. Lorsque l’âge des artères se met à compter, les fantasmes installés par nature dans l’intemporalité, sont contrecarrés par une réalité de plus en plus défavorable. La toute puis- sance infantile perd les moyens de son ambition. Si le désir n’a pas d’âge, les moyens de sa réalisation en ont un. Un constat sexuellement observable, mais psychiquement aussi. Par exemple, le sujet de la cinquantaine note que sa mémoire est sensible- ment moins brillante qu’avant. À y bien regarder, la mémoire au sens ins- trumental du terme ne semble pas seule concernée car le dommage est effectivement plus étendu. Au vocabulaire qui est moins facile à retrouver, s’ajoute l’appauvrissement insidieux du réseau associatif. La mémoire stricto sensu est simultanément affectée d’un coefficient d’appauvrissement du recrutement associatif. Cet appauvrissement associatif n’est pratique- ment pas perceptible dans la vie courante où le fonctionnement opératoire de la psyché suffit à l’exécution des tâches ordinaires; en revanche, l’obser- vateur attentif s’en aperçoit parce que ses digressions associatives, qui accompagnent habituellement l’émergence d’un thème, sont moins géné- reuses et moins productives qu’avant. La clinique psychanalytique nous montre aussi que pour être universelle, l’association libre n’est pas une fonction également répartie. Par exemple elle est exceptionnellement riche chez les artistes et les créateurs; elle est moins riche chez des personnes très tournées vers le concret, l’argent, les activités répétitives et mécaniques. Le vieillissement atteint la pointe évolutive de la pensée qui s’était au cours de la croissance et de la vie adulte bien dégagée de la pesanteur corporelle. Mais à nouveau, la pensée se manifeste dans un contexte de réduction du nombre de synapses. On observe que le «Soi psychique» ne peut plus compter sur les ressources corporelles d’antan; en conséquence de quoi, le «Soi psychique» se distinguer moins bien du «Soi neurologique». À terme, le «Soi psychique» et le «Soi corporel» se rejoignent par le mou- vement qui ramène la psyché vers le corps. Cliniquement, la réduction de l’activité associative correspond à l’installa- tion d’une porosité fonctionnelle, qui par analogie avec la réduction de la trame osseuse pourrait s’appeler ici la psychoporose. À la qualité de l’activité associative, il faut ajouter l’importance de la charge de l’affect, on peut se demander ce devient la qualité du souvenir lorsque la pression de l’affect baisse comme celle d’une charge électrique. La liaison nouvelle entre affect et représentation se ferait moins bien, avec moins de solidité; la charge affective disponible pour la mémoire immédiate s’amenuise, et la capacité d’engranger de nouveaux souvenirs s’altère. A

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