Produire pour la ville, produire la ville: Etude de l’intégration des activités agricoles et des agriculteurs dans l’agglomération du Grand Khartoum (Soudan) Alice Franck To cite this version: Alice Franck. Produire pour la ville, produire la ville: Etude de l’intégration des activités agricoles et des agriculteurs dans l’agglomération du Grand Khartoum (Soudan). Géographie. Université Paris X- Nanterre, 2007. Français. NNT: . tel-00232876 HAL Id: tel-00232876 https://theses.hal.science/tel-00232876 Submitted on 2 Feb 2008 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université Paris X Nanterre Département de géographie PRODUIRE POUR LA VILLE, PRODUIRE LA VILLE : ETUDE DE L’INTEGRATION DES ACTIVITES AGRICOLES ET DES AGRICULTEURS DANS L’AGGLOMERATION DU GRAND KHARTOUM (SOUDAN) Thèse pour l’obtention du doctorat en géographie Présentée et soutenue publiquement le 29 novembre 2007 par Alice Franck Sous la direction de Jean-Louis Chaléard Jury : M. Bart, Professeur à l’Universite Bordeaux III Michel de Montaigne M. Chaléard, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, Directeur du laboratoire Prodig M. Denis, Chargé de recherche CNRS M. Dubresson, Professeur à l’Université Paris X Nanterre M. Souiah, Professeur à l’Université de Cergy-Pontoise 1 2 SOMMAIRE SOMMAIRE..........................................................................................................................................................3 REMERCIEMENTS................................................................................................................................................4 NOTE SUR LA TRANSCRIPTION.............................................................................................................................7 INTRODUCTION GENERALE..................................................................................................................................9 Quand le terrain se heurte au corpus théorique..........................................................................................13 Produire pour la ville/produire la ville : s’inscrire dans le corpus.............................................................20 Les enjeux fonciers au cœur de la definition et de la problématique de l’agriculture urbaine...................23 Les cadres de l’investigation.......................................................................................................................29 PREMIERE PARTIE : POIDS DE L’HISTOIRE, PART DE LA « CRISE » DANS L’ORGANISATION DE L’AGRICULTURE URBAINE DU GRAND KHARTOUM...................................................................49 CHAPITRE 1. NAISSANCE ET MISE EN PLACE D’UNE AGRICULTURE URBAINE COMMERCIALE.........................51 I. Une agriculture née de la ville.................................................................................................................52 II. Le temps des « crises »............................................................................................................................80 CHAPITRE 2. AGRICULTEURS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI............................................................................115 I. Rôle de l’Ancienneté en ville dans l’accès a une activité agricole.........................................................116 II. Les activités agricoles : leurs migrations, leurs migrants....................................................................144 DEUXIEME PARTIE : PRODUIRE POUR LA VILLE ?...........................................................................183 CHAPITRE 3. UNE REPONSE PRODUCTIVE ADAPTEE ET FORTE A UNE DEMANDE ALIMENTAIRE URBAINE ACCRUE ET SPECIFIQUE...................................................................................................................................185 I. Le système alimentaire du Grand Khartoum et l’agriculture urbaine...................................................186 II. Quelle participation de l’agriculture urbaine à l’approvisionnement en produits frais du Grand Khartoum ?................................................................................................................................................218 CHAPITRE 4. DYNAMIQUE FONCTIONNELLE DE L’AGRICULTURE URBAINE..................................................250 I. L’agriculture un domaine attractif économiquement et dynamique techniquement...............................251 II. Usage agricole/fonctionnalités urbaines..............................................................................................280 TROISIEME PARTIE : PRODUIRE LA VILLE ?......................................................................................321 CHAPITRE 5. ESPACES AGRICOLES ET AGRICULTEURS A L’EPREUVE D’UNE CONCURRENCE FONCIERE ACCRUE ........................................................................................................................................................................324 I. Dynamiques spatiales de l’agriculture urbaine.....................................................................................325 II. Des agriculteurs entre intégration et marginalisation urbaine............................................................363 CHAPITRE 6. LES POUVOIRS PUBLICS : QUELS GARANTS POUR L’AGRICULTURE URBAINE ?.........................394 I. Mécanismes et acteurs institutionnels intervenant dans la gestion de l’agriculture urbaine.................395 II. Transformation des terres agricoles et images de « modernité ».........................................................410 CONCLUSION...................................................................................................................................................427 Annexe 1. Questionnaire soumis aux eleveurs de vaches laitières............................................................433 Annexe 2. Questionnaire soumis aux cultivateurs.....................................................................................439 Annexe 3. Entretiens et organismes consultés...........................................................................................447 Annexe 4. Principaux groupes ethniques soudanais et liste des ethnies/tribus citeés dans le texte..........451 Annexe 5. Complexes laitiers de l’Etat de Khartoum (2005)....................................................................455 Annexe 6. Arrivage de légumes du Souk El Markezi Khartoum le 26 mars 2004.....................................457 GLOSSAIRE DES MOTS D’ARABE SOUDANAIS...................................................................................................459 SIGLES EMPLOYÉS...........................................................................................................................................465 BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................................467 TABLE DES FIGURES........................................................................................................................................503 TABLE DES CARTES.........................................................................................................................................504 TABLE DES PHOTOGRAPHIES...........................................................................................................................505 TABLE DES MATIERES.....................................................................................................................................506 3 REMERCIEMENTS Depuis ce premier séjour en 1999 où j’ai découvert le Soudan, la route fut longue, imprévue, et les gens qui m’y ont accompagnée, qui m’ont aidée à la tracer et à la terminer, nombreux. Je tiens tout d’abord à remercier Jean-Louis Chaléard, pour avoir accepté le principe et la direction de cette recherche. Je le remercie de m’avoir suivie et fait confiance malgré mon éloignement et ma tendance à m’éloigner plus encore, et surtout pour m’avoir aidée à aller au bout de cette thèse. Ma gratitude va ensuite à l’Académie d’Agriculture de France qui a été la première institution à soutenir financièrement mon travail. Sans cette aide, la première année de terrain de thèse au Soudan n’aurait pu se faire et ce « coup de pouce » financier a assurément aidé à en trouver un autre auprès de l’Académie Française, par le biais de la bourse Zellidja que je remercie également. Je remercie l’institution du CEDEJ et au travers elle, ses chercheurs, pour l’attention qu’elle a porté à ma recherche dès l’année de maîtrise et le soutien financier qu’elle a bien voulu m’accorder qui est à l’origine de la durée du travail de terrain. Je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements aux chercheurs du CEDEJ rencontrés à Khartoum, et particulièrement à Christian Delmet, qui m’a, le premier, accueillie, a accompagné ma découverte du pays m’aidant à entrevoir la complexité soudanaise, m’a guidée au cours de mes premières expériences de terrain et m’a depuis toujours accordé son attention lorsque je l’ai sollicitée. Qu’Eric Denis, François Ireton, Karim Rahem, Einas Ahmed, Amani el Obeid, sachent qu’ils ont représenté durant ces années de terrain mon « univers » de recherche et qu’ils sont avec les étudiants et chercheurs de passage (Raphaëlle Guibert, Hélène Thiollet, Vincent Battesti, Saja et Vincent Bouix, Armelle Choplin) à l’origine d’une intense émulation scientifique et amicale. Merci également à eux pour leur soutien qui s’est prolongé au-delà de Khartoum. Au CEDEJ, je tiens également à remercier Osman, pour son attention de chaque instant à mon égard, pour toute l’aide qu’il m’a apportée dans cette recherche et dans les à- côtés de la vie khartoumoise. Toute ma reconnaissance va à la « tribu » d’interprètes qui m’a accompagnée lors de mes enquêtes : Hiyam, Safa, El Wathig, Muneim. Sans eux, rien n’aurait été possible. Au-delà de leur immense participation à cette thèse, je tiens également à les remercier pour leur amitié, pour leurs qualités humaines, pour m’avoir tant appris, enfin et peut-être surtout pour avoir été à l’origine de tant de bons moments à Khartoum. Les femmes de la famille Khidir Mahmud (Hiba, Halla, Iptihal, et les quatre filles) occupent une place toute particulière dans ces remerciements ; pour m’avoir accueillie, dorlotée, chahutée, m’avoir appris mes premiers rudiments d’arabe, m’avoir fait vivre des moments inoubliables, avoir été ma famille à Khartoum durant ces longues années, mille mercis et pensées. 4 Azza, merci d’avoir été là. A deux thésardes perdues dans Khartoum, la recherche parait moins dure. Nul doute que le temps d’y retourner ensemble et sans nos thèses est bientôt là. Au soudan, je tiens également à remercier tout particulièrement les agriculteurs rencontrés pour s’être prêtés avec enthousiasme au « jeu » de l’enquête par questionnaire. Je remercie aussi Raouda qui ne lira vraisemblablement pas ces remerciements, qui sont pourtant bien là. En France, je remercie très vivement Margot, qui ponctue mon travail depuis la maîtrise de ses clins d’œil, mais aussi de ses précieuses compétences de graphiste. Nicolas, merci d’avoir su lutter contre mon esprit parfois retors, et d’avoir su me «coacher » sans me brusquer trop vivement. Jérôme, Claire, merci aussi pour votre soutien dans l’achèvement de ce travail. Je remercie avec la même émotion la bande de géographes, Alex, Guilhem, Fadhel et Virginie ; Marie Morelle bien sûr également, pour ses nombreux et précieux conseils, son soutien constant, et le modèle qu’elle a représenté. Merci encore à Claire Leroy, pour tous ces moments de partage doctorants ou pas. Merci aussi à Clémence pour nos « séminaires doctoraux ». Pascaline, Marie, Caroline, vous savez je pense à quel point votre amitié m’a été nécessaire; je tiens à le redire ici. A Sébastien, victime privilégiée de mon manque d’autonomie dans le travail de rédaction et des réactions parfois peu rationnelles qu’il a pu générer, merci, et pardon. Merci aux lyonnaises (Claire – un peu soudanaise aussi – Audrey, Elise, Stéphanie), et à Lyon encore, merci aux tripiers. Bien sûr, je tiens à remercier ma famille pour le soutien qu’elle m’a apporté tout au long de cette démarche, et pour n’avoir jamais douté de moi en dépit de mes efforts plus ou moins volontaires en ce sens. A tous ceux de mes amis non cités, merci pour vos encouragements, mais aussi pour avoir su me parler d’autre chose que de mon travail. Merci également Théo, pour avoir constitué une source de diversion sûre lorsque j’en ressentais le besoin. Enfin, merci à Ivan pour…tout. 5 6 NOTE SUR LA TRANSCRIPTION Les critères adoptés pour la transcription des mots arabes dans ce travail sont les suivants : ء ’ أ ā ض d (cid:5) ب b ط t (cid:3)(cid:4) ت t ظ z (cid:5) ث t ع ، ج j غ gh ح h(cid:4) ف f خ kh ق g ou q selon la prononciation soudanaise د d ك k ذ z ل l ر r م m ز z ن n س s ه h (a en finale) ش sh و ū, ō et/ou : w ص s(cid:4) ي ī et y, voire é selon la prononciation soudanaise Les mots arabes sont écrits en italique à l’exception des noms propres. Pour ces derniers, dont la transcription est très flottante, nous avons conservé la transcription la plus usuelle, généralement anglaise. Il s’agit principalement de noms de lieux. Ainsi par exemple, on écrira « Shendi » et non pas « Chandi », et « Tuti » et non pas « Touti ». Les noms de tribus non arabes qui apportent aussi leur lot de difficultés seront également transcrits selon la graphie anglaise largement dominante dans les travaux sur le Soudan : on écrira par exemple « Shilluk » et non pas « Chillouk », « Fur » et non pas « Four ». Cependant, certaines localités et personnalités, aujourd’hui largement assimilées dans la langue française seront reproduites dans la graphie française. Ainsi, on écrira par exemple « Port Soudan » et non pas : « Port Sudan », ou « Darfour » et non pas « Darfur », « Monts Noubas » et non pas « Nubas Mountains ». De la même façon, les noms communs arabes qui sont passés en français seront reproduits tels qu’on les trouve dans les dictionnaires de langue française : souk, mosquée, etc. La prononciation dialectale soudanaise a été privilégiée dans la transcription par rapport à l’arabe classique. Ainsi, la lettre ق presque toujours réalisée au Soudan par le son [g] sera représentée dans la majorité des cas par la lettre g et exceptionnellement par la lettre q lorsque la prononciation classique est conservée. Le ث et le ذ ont rarement la prononciation classique, th et dh et sont plutôt réalisés t et z. C’est pourquoi, nous garderons cette dernière transcription. Le j est prononcé « mouillé » se rapprochant parfois du [dj] a, i, u, e, o pour les voyelles courtes. Elles ont également été choisies pour coller au plus près de la prononciation soudanaise. Certaines appellations officielles anglaises ne possédant pas de traduction adéquate en français seront laissées en anglais dans le texte. Elles apparaîtront sans italique mais entre guillemets anglais : “The Title of Land Ordinance”, “Native Administration”, “Gezira Scheme”, etc. Enfin, les termes techniques latins des plantes seront écrits en italique et entre crochets, par exemple : [Medicago sativa]. 7 8 INTRODUCTION GENERALE Si les activités agricoles urbaines s’observent dans la plupart des villes d’Afrique subsaharienne, et sont aujourd’hui à l’origine d’une importante littérature, les villes sahéliennes en sont les grandes absentes. Les conditions climatiques qui prévalent dans la zone sahélienne1 limitant considérablement les possibilités de cultures sous pluies, les travaux sur l’agriculture de ces villes se concentrent souvent sur les activités d’élevage. Khartoum, ville du Sahel2, présente comme caractéristique principale de se situer au confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc. C’est ce qui lui donne cette forme si particulière. Khartoum, ou plutôt ce que les Soudanais appellent « les trois villes » - Omdurman, Khartoum, Khartoum Nord -, établies de part et d’autre de la confluence, ont évolué jusqu’à ne plus constituer qu’une seule entité urbaine, le Grand Khartoum devenu capitale du Soudan3. Dans un milieu déjà marqué par la sécheresse, c’est la présence des Nil qui permet à la capitale soudanaise, peut-être plus qu’aux autres villes sahéliennes, d’accueillir grâce à l’irrigation des activités agricoles. Sur le plan agricole, le Soudan présente en outre la particularité d’avoir connu très tôt une commercialisation et une industrialisation de ses productions dont on peut penser qu’elles ont affecté les filières agricoles urbaines. La troisième singularité d’une étude sur l’agriculture urbaine de la capitale soudanaise vient de la taille de la ville elle-même. Avec aujourd’hui plus de 5 millions d’habitants, le Grand Khartoum se classe au rang des plus grandes villes d’Afrique ; après Le Caire et Lagos 1 Sahel : mot arabe signifiant rivage qui désigne dans son sens restreint les rivages du Sahara. Néanmoins, le terme Sahel est plus fréquemment employé pour désigner la lisière sud de l’espace saharien, soit une longue bande qui va du Sénégal au Soudan. Les limites du Sahara quant à elles varient selon les disciplines et fluctuent dans le temps. Toutefois, l’isohyète 100 mm est retenu par les climatologues, les géomorphologues et les biogéographes comme la limite méridionale du Sahara. 2 La capitale reçoit en moyenne 160 mm de pluie par an ce qui correspond parfaitement aux caractéristiques pluviométriques de la zone sahélienne. On s’approche même de la limite nord de la zone sahélienne. Khartoum est décrite comme soumise à un climat semi désertique (LAVERGNE, 1991, p. 27). 3 Il est important d’éliminer dès à présent toute confusion dans l’usage du terme Khartoum. Bien que celui-ci désigne dans le langage courant, soit la capitale soudanaise, soit l’une des trois villes, il ne sera employé dans ce travail que dans son sens le plus strict, désignant l’ensemble urbain délimité par le Nil Blanc à l’ouest et par le Nil Bleu au nord et à l’est. On utilisera tout au long de cette recherche, le terme de Grand Khartoum pour désigner l’ensemble de la conurbation. 9
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