PRODUIRE EN ACP 12 DES FRUITS ET LÉGUMES ISSUS DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE Tous les chapitres du Manuel de formation 12 ont été rédigés par André Leu, président de l’IFOAM et Eva Mattsson, de Grolink, sous la coordination de l’unité de formation du PIP. Le PIP est un programme de coopération européen géré par le COLEACP. Le COLEACP est un réseau international qui fait la promotion d’un commerce horticole durable. Le PIP est financé par l’Union européenne et a été mis en œuvre à la demande du Groupe des États ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). En accord avec les Objectifs de Développement du Millénaire, l’objectif global du PIP est de « Préserver et, si possible, accroître la contribution de l’horticulture d’exportation à la réduction de la pauvreté dans les pays ACP ». Cette publication a été rédigée avec l’aide de l’Union européenne. La responsabilité de son contenu incombe exclusivement au PIP et au COLEACP et ne peut en aucun cas être considérée comme le reflet des vues de l’Union européenne. PIP c/o COLEACP 130, rue du Trône • B-1050 Bruxelles • Belgique Tél : +32 (0)2 508 10 90 • Fax : +32 (0)2 514 06 32 E-mail : [email protected] www.coleacp.org/pip PRODUIRE EN ACP DES FRUITS ET LÉGUMES ISSUS DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE Chapitre 1: Agriculture biologique : principes et définition 1.1. Origines de l’agriculture biologique 1.2. Principes de l’agriculture biologique et définitions 1.3. Une opportunité de développement Chapitre 2: Fertilité du sol dans l’agriculture biologique 2.1. Les sols dans l’agriculture biologique 2.2. Éléments de la fertilité du sol 2.3. G estion de la fertilité du sol dans l’agriculture biologique 2.4. Éviter les techniques agricoles qui détruisent la matière organique du sol Chapitre 3: Protection phytosanitaire 3.1. Prévention 3.2. Méthodes curatives de protection 3.3. Exemples de plans de lutte contre les ravageurs Chapitre 4: Gestion des adventices et de la végétation 4.1. Prévention 4.2. Traitements curatifs contre les mauvaises herbes 4.3. Utilisation de l’approche agro-globale Chapitre 5: Production de semences et de plants biologiques 5.1. Caractéristiques des variétés 5.2. Production de semences et de plants 5.3. Sélection des variétés 5.4. Définitions Chapitre 6: Conversion biologique 6.1. Principes et objectifs de la conversion 6.2. Indicateurs de faisabilité 6.3. Facteur positifs et négatifs pour la conversion 6.4. Considérations lors du lancement d’un projet biologique 6.5. Rapidité de la conversion 6.6. La durée de la période de conversion définie dans les réglementations et les normes 6.7. Le plan de conversion Chapitre 7: Réglementation et certification 7.1. Réglementations et normes internationales 7.2. Normes régionales en Afrique de l’Est, dans le Pacifique, en Asie et en Amérique centrale 7.3. Standards privés 7.4. Autres standards et systèmes de certification sociaux et environnementaux 7.5. Certification Abréviations et acronymes les plus utilisés Références bibliographiques Sites Web utiles 12 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition 1.1. Origines de l’agriculture biologique .....................................................................6 1.2. Principes de l’agriculture biologique et définitions ..........................................12 1.3. Une opportunité de développement ...................................................................19 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition 1.1. Origines de l'agriculture biologique 1.1.1. Les origines du terme « organic »1 Jerome Irving Rodale fut le premier auteur et éditeur de livres et magazines important à traiter de l'agriculture biologique et à être reconnu à l’international. Son principal magazine s’appelait « Organic Farming and Gardening » (Agriculture et jardinage biologiques). Ce magazine était publié aux États-Unis, mais il était lu par plusieurs milliers de personnes dans le monde entier. Son auteur y faisait largement la promotion du terme « organic farming » (agriculture biologique) et l’adjectif « organic » a rapidement prévalu, se substituant à d’autres adjectifs tels que « naturel », « permanent » et « écologique » également utilisés à l’époque pour décrire ce type d'agriculture. Le terme « organic » a différents sens dans les dictionnaires, de nombreuses personnes préférant la définition du dictionnaire Oxford (organisé, systématique ou coordonné) dans le contexte de l’utilisation du terme dans l’agriculture. L’utilisation de l’expression « organic farming » par M. Rodale se rapportait spécifiquement à l’utilisation dans ce type d’agriculture de la matière organique comme principale source pour la santé du sol et la nutrition de plantes, s’opposant à l’utilisation de fertilisants chimiques de synthèse de l’agriculture conventionnelle. M. Rodale a maintes fois réitéré que le socle fondamental de l’agriculture biologique était l’amélioration de la santé des sols et la constitution d’humus par diverses pratiques qui permettent de recycler la matière organique (Rodale, 2011). 1.1.2. Les origines du mouvement Le mouvement de l’agriculture biologique a vu le jour vers la fin des années 1800 en Europe et aux États-Unis, du fait des préoccupations liées à la perte de qualité des récoltes suite à une augmentation des maladies et des attaques de ravageurs nuisant au rendement, après l’introduction des engrais chimiques. L’utilisation de ces engrais chimiques était fondée sur les recherches publiées du baron Justus Von Liebig en Allemagne dans les années 1840. Liebig fut le premier chimiste moderne à s’intéresser à la croissance des plantes en laboratoire. Il a défini que les plantes avaient besoin pour se développer de minéraux du sol et de dioxyde de carbone de l’air. Il a démontré que même si les plantes sont en présence d’azote dans l’air, elles ont besoin de puiser cet élément par leurs racines sous forme d'ammoniaque. M. Liebig a déclaré que l’azote était le minéral le plus important et il a démontré que les engrais chimiques de synthèse pouvaient remplacer les engrais naturels comme le fumier animal en tant que source d'azote. 1 NdT : En anglais, l’agriculture biologique est appelée « organic agriculture ». Ce paragraphe explique l'origine de l'expression anglaise. L’origine de l’expression utilisée en français est expliquée plus loin. 6 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition Du fait que nombre des expériences étaient réalisées au laboratoire dans du sable et d’autres milieux de culture hors-sol qui ne contenaient pas d'humus ni de matière organique, Liebig a pensé que l’humus ne jouait pas un rôle important dans la nutrition des plantes. Il pensait que les plantes avaient seulement besoin de proportions adéquates de sels minéraux contenus dans certains types de composés chimiques solubles dans l’eau. Les recherches de Liebig ont fondamentalement changé l’orientation de l’agriculture et ont constitué le fondement de l’agriculture conventionnelle telle qu’elle est pratiquée dans le monde entier. Les personnes impliquées dans les mouvements qui donnèrent lieu à l’agriculture biologique moderne pensaient qu’il existait un lien direct entre la santé du sol, les cultures qui y poussaient et, en fin de compte, les animaux et les personnes qui consommaient ces cultures. Paradoxalement, le baron Justus Von Liebig fut l’une des premières personnes à faire état par écrit de ses inquiétudes quant aux préjudices occasionnés par ces produits chimiques sur le sol et la qualité des cultures. Vers la fin de sa vie, il pensait que les autres chercheurs utilisaient sa recherche hors contexte, ce qui occasionnait des problèmes. Dans le contexte de ces préoccupations exprimées par des agriculteurs et des chercheurs, plusieurs livres clés ont été publiés, prônant des solutions autres que les engrais chimiques. Ces livres figurent encore parmi les textes de référence du mouvement « bio ». Parmi ceux-là, nous pouvons citer « Bread from Stones » (Du pain à partir de la pierre) publié en Allemagne en 1893 par Julius Hensel et « Farmers of Forty Centuries – Permanent Agriculture in Japan, China and Korea » (Quarante siècles d’agriculteurs – L’agriculture permanente au Japon, en Chine et en Corée), écrit aux alentours de l’année 1900 par F.H. King et publié à titre posthume aux États-Unis en 1911. On peut retracer l’origine la plus plausible du mouvement en tant que tel en 1924 en Allemagne, date à laquelle le philosophe Rudolf Steiner a animé une série de huit conférences sur l’agriculture. Cette participation faisait suite à des requêtes réitérées d’un groupe d’agriculteurs préoccupés par la dégradation de la qualité de leurs sols et de leurs cultures depuis l’introduction des engrais et pesticides de synthèse. Plus tard cette année-là, les conférences furent publiées dans un livre intitulé « Agriculture ». M. Steiner a chargé Ehrenfried Pfeiffer de mettre au point des préparations spécifiques et des méthodes agricoles fondées sur les concepts philosophiques plus larges mis en avant dans ses conférences. 7 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition M. Pfeiffer a mis au point les préparations et a proposé le terme « Biodynamique » pour décrire ce nouveau concept agricole. Il a donné de nombreuses conférences dans toute l’Europe et a initié le mouvement « biodynamique ». C’est la raison pour laquelle de nombreux pays européens utilisent les termes « bio » ou « biologique » pour décrire ce type d’agriculture. Les pratiques et les préparations biodynamiques se sont maintenant répandues dans le monde entier. Préparations biodynamiques Peu de temps après le début du mouvement biodynamique, un éventail d’autres organisations préoccupées par le lien entre la santé du sol et la santé humaine ont vu le jour au cours des années 1930 et 1940. Ces organisations, présentes essentiellement dans les pays de langue anglaise ou les anciennes colonies du Royaume-Uni comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États- Unis, l’Inde et l’Afrique du Sud, se fondaient sur le concept de la santé du sol et portaient des noms tels que Soil Association, Healthy Soil Society, Soil and Health. L’une des plus importantes est la UK Soil Association qui continue à jouer un rôle prépondérant au sein du mouvement bio au Royaume-Uni et à l'international. Ehrenfried Pfeiffer a pris la parole lors de conférences et d’événements importants organisés par les membres fondateurs de la UK Soil Association. La plupart de ces organisations ont publié des magazines et des livres lus par un très large public. Le livre qui eut la plus grande influence à l’époque fut « An Agricultural Testament », écrit par Sir Albert Howard. M. Howard a passé beaucoup de temps en Inde et inventé des formes de compostage efficaces qui ont permis d’obtenir des rendements élevés de plantes saines. Il a eu une grande influence sur M. Rodale qui a largement divulgué ses méthodes et diffusé le nom d’« agriculture biologique », pratique basée sur le recyclage de la matière organique grâce au compostage préconisé par M. Howard. 8 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition En 1962, la publication « Silent Spring » par Rachel Carson eut un effet retentissant pour sensibiliser le grand public aux dangers des pesticides alors couramment utilisés dans l’agriculture. Elle a suscité une énorme controverse et de grandes préoccupations quant aux résidus chimiques présents dans les aliments et l’environnement. La pression du public a entraîné un renforcement des réglementations sur les pesticides et, encore plus important, la création d’un mouvement de consommateurs exigeant que les aliments soient fabriqués sans produits chimiques toxiques. À ce moment aussi, la sensibilisation du grand public quant à l’impact de l’agriculture sur l’environnement s'est accrue et a entraîné un certain nombre d’approches « d’ensemble de systèmes » qui s’inscrivaient dans le paradigme biologique au sens large. On peut citer, par exemple, « The One Straw Revolution », écrit par l’agriculteur japonais Masanobu Fukuoka, qui avait publié d’autres livres, mais celui-ci fut publié en anglais en 1978 et est rapidement devenu l’un des livres les plus influents. Ses méthodes d’« agriculture naturelle » se fondaient sur une observation de la nature, puis sur la conception d’un système qui faisait de la nature son allié. C’est la raison pour laquelle cette méthode était appelée parfois « agriculture du non-agir » (Do- nothing farming en anglais). 9 Chapitre 1 Agriculture biologique : principes et définition Malheureusement, certaines personnes ont mal compris le concept et au lieu de mettre en place des systèmes soigneusement planifiés où la nature faisait le travail à la place des hommes, ils ne firent rien, puis critiquèrent M. Fukuoka disant que sa méthode était infructueuse. Il fut l’un des pionniers des systèmes de culture biologique des céréales sans labour et sans recours aux herbicides. Ces systèmes étaient faciles à appliquer dans les petites exploitations. En marge des travaux de M. Fukuoka, deux chercheurs australiens, Bill Mollison et David Holmgren, publièrent en 1979 un livre intitulé « Permaculture ». Le terme permaculture est un mot-valise résultant de la fusion des termes « permanent » et « agriculture » ; le concept fut inventé par F.H. King dans son livre « Farmers of Forty Centuries », publié en 1911. La permaculture est un ensemble complet d'approches systémiques qui vise à former des systèmes entièrement intégrés incluant non seulement les pratiques culturales, mais englobant aussi les concepts de l’écologie, l’horticulture, l’empilement vertical des systèmes de production pour augmenter le plus possible la captation de l’énergie solaire, les animaux, les systèmes aquatiques, l’architecture, l’efficacité énergétique et bien d’autres. L’idéal serait de partir d’un bloc de terre libre et de concevoir un nouveau système basé sur les spécificités de ce bloc, son climat, sa topographie et d'autres particularités. Ainsi, chaque exploitation de permaculture serait unique. En 1979, trois livres furent publiés traitant du concept de l'agroécologie. Gliessman publia le livre intitulé « Agroecosistemas y tecnologia agricola tradicional », alors que Cox et Atkins publiaient « Agricultural Ecology: An Analysis of World Food Production Systems » et Hart « Agroecosistemas: conceptos básicos ». Ce fut le début du mouvement de l’agroécologie. Le laboratoire d’agroécologie de l’université de Californie à Berkeley propose la définition suivante : « L’agroécologie est à la fois une science et un ensemble de pratiques : en tant que science, l’agroécologie consiste à appliquer la science écologique à l’étude, la conception et la gestion d’agrosystèmes durables » (Altieri, 2002). « Cela implique une diversification des exploitations en vue de faciliter les interactions et les synergies biologiques parmi les composantes de l’agrosystème, de manière à ce que la fertilité du sol puisse se régénérer, à maintenir la productivité et à protéger les cultures » (Altieri, 2002). Tous ces systèmes agricoles s’inscrivent dans le paradigme de l’agriculture biologique au sens large et font partie intégrante de la croissance continue et l’évolution des systèmes organiques. 10
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