ebook img

Préparation évangélique, Livre VII PDF

167 Pages·049.85 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Préparation évangélique, Livre VII

SOURCES N° 215 EUSÈBE DE CÉSARtE LA PRÉP ARATION ÉV ANGÉUQ1JE VII LIVRE INTRODUCTION, TRADUCTION ET ANNOTATION PAR Guy SCHRŒDER Attaché de recherche au C.N.R.S. TEXTE GREC RÉVISÉ PAR Édouard des PLACES, s.j. Correspondant de l'Institut Ouvrage publié avec le concours du Cenlre National de la Recherche Scientifique LES ÉDITIONS DU CERF, 29, BD DE LATOUR-MAUBOURG, PAJUII-7' 1975 INTRODUCTION Si Eusèbe avait donné un titre à chacun des qUÏDle ~ de la Préparalion Évangélique, le septième eftt sans doute pu. s'appeler « la théologie des Hébreux », car, face aux" mythea aberrants » CV Il, 5, 2) des païens qui ont été dénoncés et réfutés tout au long des six premiers livres, y est exaltée la pieuse philosophie» (1, 1) de ces anciens Hébreux qui, « dans la pensée de l'historien, sont les ancêtres spirituels directs des chrétiens 1. 2 9 1 \ 1. VII ANALYSE DU LIVRE fUSE lUS On y distingue aisément trois parties bien nettes, dont IIC f\' Jq~ II~ les préoccupations particulières se laissent aussi reconnaitre du point de vue de la forme. Eusèbe s'emploie d'abord à présenter les anciens Hébreux en insistant sur leur ancienneté et sur le caractère unique de leur piété; mais les chapitres -6' restent plutôt une série de divers rensei So ùR.C ES (1.' gnements fort suggestifs, sans toutefois constituer un véri Ch.r-éh~ table exposé historique. Très cohérente, au contraire, la partie centrale (chap. L' -L1:') étudie méthodiquement les ( 2.1 5") 1. Le principe d'une lignée spirituelle ininterrompue entre les anciens Hébreux et les chrétiens est en effet l'idée fondamentale _ et implicite _ de toute l'œuvre apologétique d'Eusèbe. cr. J. SIRI NELLI, Les vues historiques d'Eusèbe de Césarée durant la période prénicéen , Dakar 1961, en particulier le chapitre IV, p. 139 s. ne r C 1974, Les Éditions du C er . 'Eutèbe prête auX ''l''!:&') ,'-Lr.' grou~e J. par un de B. Leur doctrine (chapifreJ ... "eJllp· à la nature de la matIère: tbllII L'éloge de Moise aboutit à celui de lia. ~ent forme un tout, prolonge .... . il en rompt le rythme et ramener toutes choses à un Dieu, Cause -. l)6I." IDe- cloctriJI8I, ro818 passe ainsi de la partie historique à rel.Jll"~. (chap. L'). Un premier développement, de caractère IWtfnIatlo du anciens Hébreux (chapitres oc' -e' J. moral et même parénétique, sert en quelque sorte d ,.. n duclion (chap. tOC' -LW) : après avoir montré l'action biea& l~ œ~vre, 1 bref chapitre initial rappelle pr?pOS de l' faisante de la Providence divine sur l'Univers, Eusèife de justifier les chrétiens d'avOlr rejeté le pagamsme invite l'homme à ne pas rester le seul être qui s'y dérobe; adopter les doctrines hébraïques. . ' il évoque ce faisant la puissance créatrice de Dieu, la nature .~ en quelques traits véhéments, Eusèbe stIgmatIse de l'homme créé à l'image du Logos, les ruses du Démon, 1& ue demière fois les erreurs et les vices de tous les autres perte du Paradis et le désir que chacun doit avoir de retrou peuplee (chap. ~'). pour mieux faire éclater la vertu des ver cette vie bienheureuse. ancien Hébreux: reux-ri sont d'abord présentés à la façon Mais Eusèbe, s'apercevant (10, 16) qu'il s'est laissé de Sages qui, appliquant leur esprit à la connaissance de emporter par l'enthousiasme, reprend ab initia un exposé l'UnÏ\'en, ont su discerner dans le monde le Créateur à tra méthodique appuyé sur des citations de l'Écriture. vers la beauté de la création (chap. y') et, en l'homme, l'âme En tête se trouve naturellement une théologie de la Cause derri re l'l'lI\'l'loppe du corps (chap. 8'). Aussi cette dignité première de l'Univers: l'action créatrice et providentielle de "ie et cette rlairvoyance spirituelle leur ont-elles acquis de Dieu est présentée d'après le récit de la Genése, les l'amitié divilll', IIlllllifeslée par des théophanies (chap. E'). prophètes et les paroles des patriarches rapportées par les Changea lit de ton, Eusèbe introduit alors des considéra livres de l\loïse (chap. ty'); puis vient une théologie de la tions historiques - el polémiques aussi! - pour faire Cause seconde, Logos ou Sagesse de Dieu, selon les livres Bloir la haute antiquité ùes Hébreux, soigneusement distin sapientiaux, Philon l'Hébreu, Aristobule ... et le prologue gués des Juifs, leurs descendants dégénérés au contact de johannique (chap. tS'). Eusèbe déclare en effet (12, 9) que l'~pt.e : il a fallu que l\Ioïse soumît ces derniers à une l'enseignement de Moïse et des prophètes ne peut se l~slatI~n: . alors que leurs pères vivaient libres grâce à comprendre qu'à la lumière de l'Évangile : dès lors la IlDlpas ~bllité de leur âme (chap. ç'). doctrine des anciens Hébreux est la même que celle des vi Les "les de quelques-uns de ces hommes pieux modèles chrétiens, et il ne cherchera même plus à les distinguer. vants de toutes .les vertus, sont décrites aux chap' itres Yl'e' Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir l'angélologie avec pl us ou O1oms de dét '1 ., tnos ~ h al s et parfois de pittoresque : (chap. LE') commencer par la mention de l'Esprit Saint, chef Jacob, J:~c JO::P~~~ "Melchisédech, Abraham, Isaac et des puissances spirituelles. Une curieuse image empruntée veulent (cbap r:: 6" OIS~ enfin, dont Eusèbe loue successi au symbolisme sidéral illustre la hiérarchie des êtres intel de législateur: d~éC~~,a~Slm) les talents d'homme politique, ligibles : dans le ciel qui contient tout (figure du Dieu am, de pédagogue , de the' o 1o gI. en, II. D'Euaàw.,1II LES SOURCE8 la luJPière et mené à sa La PriJHliUlillli ......... . a"ec l'aide d'un peuple La Préparation essentiellement UII8 ij_".~~ q111~ les hommes l'erreur 1'1'''' _ ..... .., .. est aux deux tiers ~!. la "enue du Sauveur constituée textes emprunta l •• doDt DOUI ad_v,- de citations et regroupés à des .. .. - tiques, procédé qui, autc.roeuf.v,,r'iaIn• t. '. sont les Hébreux qui ont ..-_ l'QIIIhTOpologte • ce l" e d r~it à 1.' œuvre sa. vi~ueur démonstrative en la __ tore de l'homme, « créé à unag e 1 autonté des écnvams cités et qui en fait aujourdlllli - dtftDl la DI d mier homme a fait perdre le véritable mine de renseignements où les historiens viennent Et li la flute u pre 1 té t ....... oftIlDel. n ~ ~ecouvr.er faut s'eftorcer de a pure e puiser avec reconnaissance. Le travail rédactionnel d"Eu,. divin d l'essence intelligible qUI est en nOUS)) sèbe se limite donc volontairement aux introductiona, ;UJèbe tO) ~n~ut donc à la supériorité des Hébreux transitions, conclusions qui établissent le lien entre les Greee l III qui ont tenté de les plagier (chap. LÇ). exlraits fournis comme pièces à conviction et orientent l'inlerprétation du lecteur en soulignant ce qu'il en faut C. Le dOlliu final de textes sur la matière (chapitres LYJ' -d:J' ). retenir. On pourrait certes porter sur cette attitude des jugements contradictoires et tantôt y admirer la scrupu 00 eGt pu s'attendre à ce que le livre se terminât là ; leuse conscience et l'humilité d'un historien qui s'efface mali Eusèbe, à l'aide de longues citations, revient sur un devant les textes, tantôt y déceler au contraire les limites point bien précis, celui sans doute qui présentait le plus de d'un esprit qui n'oserait pas voler de ses propres ailes; ditBcuItéS pour que la pensée grecque pût l'admettre: la mais il ne faut en aucun cas oublier que la véritable origi doctrine de la création de la matière. Remarquons que, nalité d'Eusèbe réside précisément dans les amples concep des quatre auteurs cités, Denys d'Alexandrie, Origène, tions qu'il a de l'évolution historique et religieuse de Philon et « Maxime trois sont chrétiens; ce qui confirme, l'humanité et autour desquelles il organise les fruits de sa 11, lU tsme de cet exposé de la doctrine des anciens Hébreux, prodigieuse érudition 1. On peut dire que chaque texte cité combien naturelle et complète était dans la pensée d'Eusèbe n'cst qu'une pierre judicieusement incorporée dans une l'identité spirituelle et doctrinale des chrétiens et de ces vaste architecture. • Hébreux D. Or, le livre VII fait exception La proportion à cette règle : si l'on met à part le est inversée dossier sur la nature de la matière ...1 . Ce thème du plagiat de s B ar b ares par les Grecs n'est qU'esquissé dans le livre VII _ dont l'analyse ci-dessus nous a _1I Il .I.v..a.n. mt det devenir. 1e sU.I e t propre du h. vre X. C'est pour Eusèbe ll'k_o.'~-edn Be ssentiel que de mon t rer que les Grecs se sont mI. s es arbares et en art· l' 1. Ces conceptions, très solides et cohérentes, ont été mises en cIIrttle'Wn . . ainsi t ' p ICU 1er des Hébreux, ancêtres des eJIItst'e""m• e Cf so. n, renversés 1e s grI. efs tu. és de la nouveauté du lumière. par la thèse de J. Sirinelli, déjà citée. • . Ill,ra, p. 22 s. et 92 s. _, OD peut dire -"~tédalJleletiO~ d'Eusèbe lui D .straits __i ~ la de Philon et _"aJ~ )rel. d la doctrine des l'_posé e le livre est déjà .._ .alt'DeDt,IO:::quable peut sans SECTION 1 dift61aace aUJll r terme de la minu- __h Mo 'quernent: au ........ ,..., __- -111 poursuivie pendant • ..., ..u"D LE ROLE DES HÉBREUX erreurs det patennepSar l'enthousiasme et .. 1.... se }aisse gagner d DANS L'ARGUMENTATION D'EUS~BE Bu- t 1 artie positive e son ....d ance en abordant so~!nt dans le style même .._ limple}ecture"on,sen t '1 n'est pas coutumier: conVlction d on Devant les vastes proportions de son ouvrage, Eusèbe ahIledr et une , f t1 à mesure que le li. vre éprouve périodiquement le besoin de rappeler au lecteur, .-..lm Il foi MaiS au ur e .-..._e ' t mpère les extraits d'auteurs non sans lourdeur parfois, mais toujours utilement, d'où ......." " l'ardeur se e . , 'rt ••, ,_, réa ltre pour finalement 1 empo er : l'on vient et où l'on ya Nous nous autoriserons donc de 1, _cent l , PP::thode et les livres VIII et IX, qui son exemple pour évoquer brièvement la structure de la 1'biItOrien a repns sa ' . t d' rtiennent à la même division, seron un Préparation Évangélique et mettre ainsi en évidence quel pourtant appa point fondamental de l'argumentation représentent les ton plus neutre et objectif, anciens Hébreux, pourtant, dire qu'Eusèbe s'abs- Problème tient pendant quelque douze cha- dea lOurces pitres au moins de citer in extenso 1. L'ENTREPRISE APOLOGÉTIQUE D'EUSÈBE 1. auteurs de sa chère bibliothèque, ne signifie nulle Préparation et Démonstration Évangéliques sont les deux ment qu'il s'alTranchisse de ses sources t Nous pensons au parties d'une même œuvre, la Grande Apologie, et Eusèbe contraire pouvoir monlrer, dans le commentaire qui va a dû les composer simultanément vers les années 314-320' : suivre, que là même où il ne fait pas de citations explicites, l'ère des persécutions était close, et l'Église s'installait dans Eusèbe semble encore se référer à des auteurs bien précis que essaierons d'identifier, DOUS 1. Ce constant souci, très pédagogique et un peu scolaire, de • faire le point. se rencontre au début ou à la fin de presque tous les livres, Remarquons qu'Eusèbe préfère en général évoquer soigneusement ce qui a été précédemment démontré plutôt qu'annoncer avec préci sion ce qui va suivre. C'est ainsi que le plan le plus net qu'il ait donné de la Préparation Évangélique se trouve, en guise de récapitulation, au début du dernier livre (XV, 1). 2. Cf. J. SIRINELLI, Les vues historiques ... , p. 26 et l'Introduction générale à la P.E., SC 206, Paris 1974, p. 8 s. ...~ et de aéCUfÏté dont 2) lee vingt Uvrw" iii propos d'Eusè~el. vaient contre les Juifa la 4e la vérité éVangélique s'accomplissent les 1)I'(lllb,6tiliI. ... _te W- 6e. et atJernUr dalia?s tl~Ur coltlv :!eJtle dessein à la ré sa lon L,'aml~leUl~deJ~_." Une composition proportions liii-',.c- œuvre gigante.sque ; cette quasi architecturale ment l'art de l'81rcbitel_~ ..._ IaMbe 'ers chapitres du livre 1 ,.""011d aDJ JeI ~reuu Ul' servent de préface représentation graphique rendra immédiatement du développement logique de l'ensemble. La PflUHlrrat tpQIIgéllque, q 1 . fonnulaient en effet contre es _1IIbI1I. lM (ierJtiIJ ti d'avoir abandonné les cou- la double aCCUlAd :;ter celles des J ulis; or ces 31- peatralee ,pour \ de leur avoir dérobé les Écri- dé ...... Iea aCCUJllent J ' li et de détOurDer à leur avantage les promesses qu e es D~MONSTRATlON ~vÀNG~LlQUE , ...i eol. Eusèbe répond donc successive- PId de la ment à ces griefs: ....a d. Apologie 1) les quinze livres de la Prépa- N1ion tlHUlgtlique sont la réplique aux Gentils; l'argumen NG~L QUE PR~PARAT ON tation se dé\'eloppe en trois étapes: .) les livres I-VI réfulent les polythéismes grec et bar I-I1I IV-VI VII-IX X-XII XIII-XV bares, en montrant l'absurdité de leurs mythes et l'erreur exposition: conftrmation réfutation de leurs doctrines (oracles, sacrifices, destin) ; • les Hébreux ...- --\ b) les livres VII-IX présentent les Hébreux et les Juifs 1 Ieura successeurs comme les initiateurs de la vraie philo IOphie; c:) les livres X-XV viennent confirmer le choix en faveur 1. On peut sans exagération percevoir dans l'œuvre Uttéralre des Hébreux, qui l'emportent sur toute la philosophie d'Eusèbe comme un écho des vastes constructions, soUdes, gran grecque: Moise est à la fois antérieur et supérieur à Platon dioses et presque démesurées dont son époque avait le gollt. Comment qui ra plagié; douter, en effet, que celui qui, vers 316, avait pris la parole pour la cérémonie de consécration de la basilique de Tyr et célébré « la lon gueur et la largeur de l'édifice, sa beauté éclatante, sa grandeur _ .1... ..P_ o_u r nous en tenir au se u1 li vre VI, Ic'I tons : « ces choses ont _ ..... ant trouvé leur accompli t supérieure à toute parole. (H.E X, 4, 43, SC 55, G. Bardy, p, 95), JIOIIl' le dlre s'il lait à D' ssemen . (8, 40) ; , mais maintenant, n'ait été particulièrement sensible à cette forme d'art et ne s'en IOit ...._ Sa P leu, grâce à l'enseignement évangélique de plus ou moins consciemment souvenu dans l'élaboration de l'ouvrage ......" uveur tous les peu 1 d auIIder d h P es e tous les coins de la terre font es ymnes vers le Die d .. , auquel il devait déjà travailler vers les mêmes années? u IIIIlle Sauveur le Ro' t 1 D' ont nous avons appris qu'il est lui ,le C leu de l'Univers . (16, 11). lliiillJ. .. .utf centrale de Justin, la Démo1tBll'tdüJJi C. .: ,. ... ...> s.'al~puie sur d'Irénée, l'Adl1ersus Judaeos dtl ~lC1iI_ ta.l1lt6ilr80 livres 1-VI. Préparation, elle se situe dans la lenpi dolwe elle-même accès qui critiquaient le paganisme, le plus 801M~• p•a1r• . • IF• • coupole, domine le tout. en dérision : ce courant, issu de la littêJ.lilti.~M l~rtddell1ce la place privilégiée s'était encore grossi des arguments formulés pli'" sophes grecs eux-mêmes contre le polythéisme et:. M.dt s'épanouir chez les Pères apologistes pour se proJonpr Préparation et Démonstration encore après Eusèbe, notamment dans la Thérapeutique lia tuangéliques prennent le ~elais de maladies helléniques de Théodoret2 Tous ces apports, • toute une tradition littéraIre avec Eusèbe les accueille et les regroupe autour d'une solide laquelle Eusèbe est familier de vision historique qui leur donne un sens : toute l'histoire longue date : la confection de spirituelle de l'humanité s'ordonne autour des Hébreux et ...r ire Ecclésiastique l'avait amené à scruter tous les de leurs héritiers les chrétiens . ..: tel chrétiens qui lui étaient access~les, et son ~u.vre IIPOlogétique lui a certainement été in.spIrée par l.a medIta~ tIon des auteurs qu'il avait lus. AUSSI peut-on dIre que nI II. LES ANCIENS HÉBREUX, ANCÊTRES ET GARANTS 1OJl1J1'Ojet lui-même, ni les idées ou arguments qui le sou DES CHRÉTIENS tl8llnent, n'ont rien de bien neuf: le plus souvent, Eusèbe 4efait que reprendre, amplifier, structurer ce qu'il a trouvé L'attitude des Grecs à l'égard des Barbares n'avait jamais dhez ses prédécesseurss. Ainsi la Démons/ra/ion n'est-elle été très cohérente : au mépris de principe qu'ils procla qu'un jalon de plus dans la polémique contre les Juifs maient volontiers s'est toujours mêlé beaucoup de curiosité, 3 eommencée dès les écrits de saint Paul, poursuivie ensuite voire d'admiration plus ou moins avouée. Lorsque les par la Controverse de Jason e/ Papiscus, attribuée à Ariston conquêtes d'Alexandre eurent fait tomber les derniers ~ ~ella, et par tous les ouvrages qui probablement s'en préjugés, la situation acheva de se renverser et bientôt le JDapIrent': la Première Apologie et le Dialogue avec Tryphon monde gréco-romain se laissa même submerger par les =:: 1. Chacune de ces cinq n ( d'é al 1 e s g e argeur figure chacun des cinq Uvr~s définis par Eusèbe au début du livre XV. Cette tion - Sciences religieuses, t. LXXV, 1967-1968, p. 162-167 (c.r. de UlQu.8la rlg té n est nullement artificielle : elle s'adapte parfaite la conférence consacrée à cette question au cours de l'année 1966- oureuse démonstration qu' II ab't 2. Voir infra, • 35-4 ; e n e sans la contraindre. 1967). atil.l:e., les remar p 0, à propos d un chapitre inspiré par Aris- 1. Thème essentiel de l'Ancien Testament qui raconte les efforts ques que l'on peut fair l' . . . du peuple de Dieu pour s'arracher aux idoles, la critique. du p~ga­ allteurs qull'ollt précédé. e sur utilisatIOn par Eusèbe nisme s'est faite sous des formes allant de l'indignation (mvectives Cf. M. SillON, Verus Israël P . des prophètes) à la dérision (Sag. 13-15, par exemple) et s'est prolongée pIbe 'YI, p. 188-213 .• La polé .' ans 1964', en particulier le cha- • . mlque a t· . . .. Cf. P. NAunN • HisÉtoC' ;: d n I-JUlve. Son argumentation ». dans les littératures apologétiques juive, puis chrétienne. .' u.u l, ln Ânnuair~ de /' P cs dogmes et des sacrements chré 2. Cf. P. CANIVET, Histoire d'une entreprise apotogétique au V sl~c/e, rotlque des Hautes Études, V. Sec- Paris 1958. 2 adI-_-..o.Y ._b _P tIlart danS cet chrétiens ont abandonn6 ~ jmlljlillÎlÎ leur prosély- ancêtres; mais c' est pour adlop4lelL"-dl~iIIil bien plus ancien que les Grecs. Certlt,'l •• oet'PhiloD avaient ils-i. ._ .... _liqtle et de la pensée séparés des Juifs; c'est qu'en etlet, lM,.,U lut:hifqUllS' Josèpbe avait pré aux enseignements de leurs pères. AU:asi _iià'a'\flrdstcril'e de son peuple et. dans times des Hébreux ne sont-ils pas les Juifs, _.w;1iïFBI" tiens qui ont retrouvé la véritable piété des temps an"",,, "t\lIInl)ntlrt la supériorité des institutions Telle est bien l'argumentation fondamentale de I..-GrcuuIe t leurs lettres de noblesse YJ • ~;jll1iI J8B Juifs avalen Apologie: la Préparation prouve qu'il était raisonnable1 d6 • peuples. la part des chrétiens de préférer la doctrine des Hébreux. plus ancienne et meilleure que toutes celles des Grecs ou Les chrétiens. au contraire, fai des Barbares; la Démonstration justifie les chrétiens dans saient figure de nouveaux venus. leur différend avec les Juifs par l'examen des propbéties. D'une part. ils rejetaient en bloc les La cohésion de l'œuvre repose en fait sur cette notion de Ihdtél et les doctrines des Grecs aussi. bien ~ue des continuité sans faille entre les anciens Hébreux et les ii'bIœea ; de l'autre, ils avaient répudié la 101 d~s J uif~, tout chrétiens, continuité telle que s'opère spontanément dans -prétendant garder leurs livres sacrés et s en frure le~ l'esprit d'Eusèbe l'identification de leurs modes de vie et de 'f6titablesinterpretes. Comment ne leur eût-on p.as reproche leurs doctrines - nous l'observerons en détail dans l'exa i bon droit de u tracer pour eux-mêmes un sentler nouveau men de la théologie qu'il prête aux anciens Hébreux, et qui etlOlltaire '1 Lorsqu'on se souvient que, selon la mentalité ll ne diffère en rien de la théologie chrétienne. Ainsi ces .antique, l'autorité d'une doctrine dépendait essentiellement chrétiens que les Grecs méprisaient pour leur nouveauté • son ancienneté, on comprend toute la gravité de cette pourront revendiquer, au terme de la démonstration .accuaation de nouveauté portée contre le christianisme. d'Eusèbe, une antiquité plus haute que n'importe quel autre peuple. Eusèbe s'emploie donc, dans la Les chrétiens, Prépara/ion Évangélique, à repren On peut reconnaître, dans la per héritiers dre les arguments des Grecs en les L'historien sonnalité littéraire d'Eusèbe, trois deaHébreux retournant contre eux s. Certes, les au service aspects fondamentaux qui appa de l'apologiste raissent à des degrés variables selon P 1. Cf. A.-J. FssTUGl~RE, La révélation d' Hermès Trismégiste, t. l, les œuvres, mais qui sont à vrai dire indissociables: l'apo- d~O~:'.~ particulier le chapitre 11, p. 19-44 : • Les prophètes 2. P.B. 1,2,4, SC 206, J. Sirinelli p 107 chez les Hébreux qui" seuls ont pris une voie différente » (VII. 3, 1). • 3_. .D e fat it, Eusèbe ne sait pas s' a! Tr'a"n chlr. de la • problématique » Alors seulement, le scandale du 1-'6VOL s'efface grâce à la haute anti YM.ou-té cdoen leam dp o..r..a..i _ns . Au li.e u de s' at t acber à démontrer que la nOU- quité du 7tpW1:0L qui le précède dans l'expression 7tpW1:0L xI11 1L6wL tltd'emblée juOs~tiufiwéee charré tsIae nne n.' es.t pas un mal en soi, mais qu'elle (3, 2). ex cbrétIoftO un Pé supériOrité morale, il s'efiorce de donner 1. Le caractère rationnel du choLx des chrétiens est souligné par le - pass une ant' ·t die Hébreux. Ce qu'U n:a "t IqUl é, en les plaçant dans la lignée chapitre initial du livre VII. V81 osé vanter chez les chrétiens, il le louera 1i HO_ __ en effet n'est une simple curioai'f.é : ·eHililY_ _iid. purement dans la description d'un long cil. .... .. ..,.at des Hébreux est au cœur de l'histoiœ,• • d6jà. répondre à un qu'Eusèbe entend montrer danl cette pa_~ M.1iÎfII __f Je'JIJ8~~~ la haute anti ara entre l'histoire la Préparation. llèle il. i:J:::~nnpe upp les. Ce m.m ut i'e uX t ra- 'est pas pure spéculation, III. VII iWl_lêr ~e D r des synchronismes sûrs PLACE DU LIVRE DANS L'ENtlEMBLB DE L'OUVRAGE 1IÀI.;.~ilft- d~OJl' su port aUX Grecs, et ceci à ..,1ICIf UX par rlaP1";sse clairement entendre (étude du chapitre cx.') •~ . ..., ~~quE"', coAm m1e feo r.t.e. raison ce me. me desse.m GiiI.dil'oU.vragel. pus l'Ho t . Chaque mot ou presque du bref chapitre qui ouvre le .. d des œuvres comme ol.re I.S livre VII contient le rappel de l'un des grands thèmes autour '~r!t::~:reconnattre a/Ïon Évangeltque : toute a ans . . 1 ou 1a Pr é par ' f' 'il desquels s'ordonne la Préparation Évangélique. Eusèbe . 'montre au service dune qu 01 entend en effet souligner le fait qu'il tourne ici une page '... ,.. de l'bistto fn'e n s yro gresser. Cela ne s.Ign'if ie nui le ment décisive de son argumentation et aborde la partie posi 't.iutdéfendlre e a1l'e P . . d l'ho t . .., ...m ' ais mettre en doute la probite e IS onen; tive de son œuvre. Il suffit donc d'expliciter ces allusions Jl'1» eJam il' t d b' ...U pIoIIulr bien comprendre son œuvr~, lffiPO: e e len pour mettre en pleine lumière la situation privilégiée de ,parélc iser son point de vue et ses intentiOns. Eusebe ne peut ce livre. qu'aurai~ parler des Hébreux avec le détachement un D'emblée se trouve exprimé le lUBtorien grec à l'égard des Égyptiens ou des Babylomens. Pour ce dernier, l'histoire ne fait que répondre aux ques Les grands thèmes thème de la préférence, 7tpo't't't'tlL~­ de la Préparation XCX:ILtV (1, 1), qu'il convient d'accor tions d'un esprit curieux. Pour Eusèbe, au contraire, l'histoire prend un sens à la lumière de la Révélation; la der à la pieuse philosophie des Hébreux plutôt qu'à toute vie de toute l'humanité, et de chaque homme en parti autre doctrine: c'est l'idée fondamentale de toute la Prépa culier, s'y trouve engagée. Aucun événement, aucun fait ration et sa justification commence véritablement mainte nant. Les nécessités de l'exposition ont amené Eusèbe à distinguer trois aspects de ce thème de la préférence; ils sont 1. Cf. Die Chronik des Hieronymus (Eusebius Werke, t. VII), évoqués ici et résument chacune des étapes dialectiques GCS 47, R. Helm, Berlin 1956', p. 7-19, en particulier p. 12, 1. 5-? : • aine ulla ambiguitate Moyses et Cecrops, qui primus Atheniensium que nous avons mentionnées dans notre analyse de l'œuvre. lU fuit, isdem fuere temporibus ». Le premier roi des Athéniens est =..., Ce sont: contemporain de Moise qu'Eusèbe présente, dans notre livre (8, 40), 1) l'abandon, cX7t6Àe:tljJtç (1, 2), des théologies menson- comme le dernier des anciens Hébreux 1 Les intentions d'Eusèbe gères des Grecs aussi bien que des Barbares, qui marque la dana la Chronique ont été définies par J. SIRINELLl Les vues histo conclusion des six premiers livres et fournit la réponse au p. 31-63, qui insiste particulièrement sur l:originalité et le ~=B~ment de l'historien dont la méthode reste étrangère à toute premier grief des Grecs contre les chrétiens; I". ,tion tendancieuse .• Eusèbe ici est avant tout un historien, 2) l'adoption, ILe:'t'cx.7toh)<1LÇ (1, 2), des doctrines hébraïques, P.. ___ q u un apologiste 1 (p . 52) ,lbe' n que son pro;et ait «pris lllU.S Sance ... -... un contexte de ca ra ctè re polérru. que » (pJ . 56). Ja--4'_. ... « sagesse des nations» ou de en sorte que leur autorité rejailli_ _ aN. .... ~1JIjI\C (1, 3), de spirituels, les chrétiens. iiIii_~ annonce déjà l'argu n faut enfin ~. :::arqeuse les Grecs oynt été Rationalité du l'accent est mis IIU' le ~ .. • • 1l,.]C'!I : quand ils trou- choix des chrétiens rationnel et judicieux du ~iy '" ~fiti_.illl des . e grâce de reprocher • _i-nt mauv8lS chrétiens: e:ùÀ6ywc, (titre); OÙ)( a>.6y<tl. lŒKp,~ al ~ !~::~~!iJ&:;."';;isi la doctrine des Hébreux, <iWcppOVL ÀOyL<ifLiil (1, 2). On reconnait là un thème constant de l'apologétique chrétienne depuis ses débuts. N'oubliQna xnemeure· -""alla_la 1 onc1usion de l'exposé de pas que la Préparation Évangélique, dans l'esprit de son a ,;,iPiifi'A"- thème forJDer8 E cèbe y souligne que les auteur, voudrait seulement continuer et si possible cou Hébreux1 us . lIJIt,rine ...1.._. .' dè les temps les plus anCIens ronner une longue série de défenses de la religion chrétienne: ..._ ont eu cette dol'cetxrtinstee ncse des Grecs; face a'1 ' anf elle procède des mêmes intentions que les apologies d'AIi& 1- _.deI .•..') . a~t même . araissent comme « tout juste tide ou de Justin; mais la méthode d'Eusèbe aboutit à une Hébreux. app (' ) ceUX-Cl des u nouveauX venus» Ve:OL, œuvre savante et réfléchie bien différente par le ton de ces • <X6L~ol)'éscodmmpe iller à la dérobée (Ù7tO<iuÀ&v) les pamphlets vigoureux et incisifs. En outre, comme l'ampleur ....1 ICI BOnt empress e u li Ai . de l'œuvre décourage, en général, une lecture systématique, ~:"" des Barbares» - et des Hébreux ~n particu er. nSI, le lecteur moderne se contente d'aller au livre, voire au :::jlllDt valoir la philosophie des anciens Hébreux, anté- chapitre ou à l'extrait qui l'intéresse, et néglige ainsi de MoIse Eusèbe va-t-il donner tout son tranchant • Jo fleurs h 'f T tien en prendre en considération les raisons profondes de cette à l'argulim ent f,o rgé par les apologistes c re le?S, a œuvre gigantesque. Or, si l'on veut comprendre comment particulier. Tandis que ce dernier se proposait, de montrer et pourquoi ont été réunis ces riches collections de textes, que la philosophie des chrétiens était plus a~cIenne que,la il est indispensable de se rappeler que la Préparation n'est civilisation des Grecs et choisissait pour pomts de repere pas un jeu d'érudit, mais un écrit polémique; et cette Moise et Homère Eusèbe s'affranchit de l'apologétique l, observation est plus nécessaire encore pour le livre VII juive, d'après laquelle les chrétiens continuaient à faire de que pour les autres. Il ne faut donc pas Y chercher un MoIse le pivot de leurs spéculations chronologiques il voit S ; tableau objectif de la vie des anciens Hébreux ou l'exposé au contraire en celui-ci le dernier représentant d'une tradi serein de leurs idées. Ce livre est la partie positive d'une tion de piété remontant, par delà le Déluge, aux origines de longue plaidoirie; aussi faut-il s'attendre à Y trouver une l'humanité'. Cette démonstration tend donc à faire des certaine emphase, des oppositions violemment contrastées, anciens Hébreux les seuls possesseurs véritables de la des simplifications frappantes des données his~oriques et certains glissements dans l'interprétation doctrmale. t. P.B. VII, 18, 11. a Ct DiBCOUta aux Grecs 31. 1. Sur ces notions, cf. J. DANIÉLOU, Message éuangélique el c~/lure S. L'lnlIuence du Contre Apion fut déterminante sur l'apologétique hellénistique aux II' et II le siècles (Hisloire des doctrines chré/lennes ~e; Eusèbe utilise et cite souvent les arguments de Josèphe, auant Nicée II J, Tournai 1961, p. 41 s. ......, li parfois il les dépasse. &. Voir notamment P.E. VII, 6 et 8.

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.