Fédération Internationale des Instituts d'Études Médiévales TEXTES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 2 PRATIQUES DE LA CULTURE ÉCRITE EN FRANCE AU XVe SIÈCLE LOUVAIN-LA-NEUVE 1995 Fédération Internationale des Instituts dÉtudes Médiévales TEXTES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 2 PRATIQUES DE LA CULTURE ÉCRITE EN FRANCE AU XVe SIÈCLE Actes du Colloque international du CNRS Paris, 16-18 mai 1992 organisé en l'honneur de Gilbert Ouy par l'unité de recherche «Culture écrite du Moyen Age tardif» édités par Monique ORNAT O et Nicole PONS LOUVAIN-LA-NEUVE 1995 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Copyright© 1995 Fédération Internationale des Instituts d'Études Médiévales Collège Thomas More, Chemin d'Aristote, 1 B 1348 LOUVAIN-LA-NEUVE D/1995/7243/2 SOMMAIRE G. ÜUY, Avant-propos ............................................... ix PREMIÈRE PARTIE : L'HUMANISME EN FRANCE AU xve SIÈCLE . . . . . . . . . . 1 G. BILLANOVICH, Il primo umanesimo italiano : da Lovato Lovati a Petrarca .. .. . .. .. . . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. . .. .. .. .. .. .. 3 M.-R. JUNG, Situation de Martin Le Franc ........................ 13 E. BELTRAN, Guillaume Fillastre (ca. 1400-1473) évêque de Verdun, de Toul et de Tournai................................... 31 G.M. RoccATI, La formation des humanistes dans le dernier quart du XIVe siècle .... ....... .................................... 55 C. JEUDY, La bibliothèque cathédrale de Reims, témoin de l'humanisme en France au xve siècle ...... .. ..... .... ..... .. .. 75 E. MORNET, Gerson en Scandinavie................................. 93 F. BÉRIER, Remarques sur l'évolution des idées politiques de Nicolas de Clamanges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 G. DI STEFANO, Il Decameron : da Laurent de Premierfait a Antoine Le Maçon . . . . .. . . .. . . .. . . . . . . .. . . . .. . . . . . . .. . . .. . . .. . . . . . . 127 H. MILLET, Qui a écrit Le livre des faits du bon messire Je han Le Maingre dit Bouciquaut? .................................... 135 E. HICKS, Pour une édition génétique de l'Epistre Othea . . . .. . . . 151 L. DULAC et Chr. RENO, L'humanisme vers 1400, essai d'exploration à partir d'un cas marginal : Christine de Pizan, traductrice de Thomas d'Aquin.......................... 161 G. MoMBELLO, Une hypothèse sur l'origine d'une légende: Hugues Capet fils d'un boucher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 vi SOMMAIRE DEUXIÈME PARTIE: SOCIÉTÉ, POUTIQUE ET CULTURE ÉCRITE . . . . . . . . . . 191 F. AUTRAND et Ph. CONTAMINE, Les livres des hommes de pouvoir : de la pratique à la culture écrite . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 I. Pratique diplomatique et culture politique au temps de Charles V ............................ ... .......... ............ 193 xve - II. Le témoignage des ordonnances royales, début xvre début siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 C. GAUYARD, Les humanistes et la justice sous le règne de Charles VI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 C. BozzoLo, H. LOYAU et M. ÜRNATO, Hommes de culture et hommes de pouvoir parisiens à la Cour amoureuse . . . . . . . . . . . 245 I. Une approche prosopographique..... ..... ..... .. ... .. ...... 245 II. Une approche monographique :Bureau de Dammartin... 259 M. LEJBOWICZ, Langues vernaculaires et langage scientifique: l'enjeu médiéval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 J.-P. BOUDET, Prévision de l'avenir et connaissance du passé: les relations entre astrologie et histoire à la fin du Moyen Age.................................................................. 299 P. S. LEWIS, Jeu de cubes : réflexions sur quelques textes et manuscrits .............. ................... ........... .. .. . .... ..... 313 B. GUENÉE, Comment le Religieux de Saint-Denis a-t-il écrit l'histoire ? L'exemple du duel de Jean de Carrouges et Jacques Le Gris (1386) ... ... ...... ..... ... ..... ... ..... .......... 331 J.-Ph. GENET, Les auteurs politiques et leur maniement des sources en Angleterre à la fin du Moyen Age . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345 N. PoNs, A l'origine des dossiers polémiques : une initiative publique ou une démarche privée? . ................ ....... ..... 361 M.-A. RousE et R.-H. ROUSE, La famille d'André Le Musnier, de 1400 jusqu'à 1511 . .. ... . .. . . .. . . . .. . . .. . . .. . . . . . . .. . . .. . . . .. . . 379 B. MERRILEES et W. EDWARDS, Un dictionnaire incunable: le Vocabulariusfamiliaris de Guillaume le Talleur ..... .. .. . .. .. . 389 J. VERGER, Le livre dans les universités du Midi de la France à la fm du Moyen Age . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403 SOMMAIRE vii TROISIÈME PARTIE : LIVRE, CULT URE, SOCIÉTÉ . .. . . . . . . . .. . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . 421 C. J. BROWN, Poètes, mécènes et imprimeurs à la fin du Moyen Age français : une crise d'autorité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423 R. BERGERON, Le nom du livre. Manières d'intituler les premiers livres imprimés en français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441 A. CHARON, Usages du livre en France au xye siècle . .. . . . .. .. .. 459 D. NEBBIAI-DALLA GUARDA, La description du livre au xye siècle: pratiques et modèles .. . . . . . . . .. . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . 473 Chr. DE MÉRINDOL, Le livre peint à la fin du Moyen Age, support privilégié d'une politique dynastique, familiale ou personnelle. Les Miracles de Notre-Dame (B. N., n. a. fr. 24541) et le Livre d'heures de Pierre II de Bretagne (B. N., lat. 1159) . . . .. . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . .. . . .. . . . . . . 499 A. H. VAN BUREN, Le sens de l'histoire dans les manuscrits du xve siècle . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515 C. R. SHERMAN, Les thèmes humanistes dans le programme de traduction de Charles V : compilation des textes et illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 527 A. D. HEDEMAN, Les perceptions de l'image royale à travers les miniatures: l'exemple des Grandes Chroniques de France 539 S. LusiGNAN etE. ÜRNATO, Conclusions du colloque . . .. .. . .. .. 551 I. L'humanisme en France ...................................... 551 II. Les difficultés d'une typologie des écrits du Moyen Age tardif............................................................ 559 INDEXGÉNÉRAL .•.....•....•..........•.................................. 565 INDEX DES MANUSCRITS ET SOURCES D'ARCHIVES ....................... 587 j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j j AVANT-PROPOS Mesdames, Messieurs, chers Collègues, chers Amis, Ce n'est pas sans émotion que je vois aujourd'hui réunies dans cette salle tant de personnes avec qui - pour certaines depuis plus de quarante ans- je n'ai cessé d'entretenir des rapports de travail et d'amitié, l'un allant rarement sans l'autre. Je tiens à les remercier de tout coeur d'être venues, parfois de fort loin, pour participer à notre colloque. Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance à mes amis de l'équipe, qui ont choisi pour organiser cette rencontre l'année où je dois prendre ma retraite : ils voulaient -je ne l'ai su que plus tard - me procurer cette grande joie à un moment où l'on éprouve normalement quelque mélancolie. Encore qu'à vrai dire, pour un chercheur, le mot « retraite » n'ait guère de sens, tant la recherche fait partie de sa vie. De quoi pourrais-je donc vous parler sinon, précisément, de la re cherche, et surtout de celle que l'on mène dans les manuscrits médiévaux, sur lesquels a toujours porté l'essentiel de notre travail ? Je ne crois pas m'écarter du sujet en évoquant un très vieux souvenir, celui de ma toute première expérience dans ce domaine. Lorsque, il y a plus de quarante-six ans, je fus recruté au Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale, ce fut d'abord, bien modes tement, en qualité de « chômeur intellectuel » : pour avoir droit à un poste de bibliothécaire, il me fallut patienter encore plusieurs mois, car je devais auparavant être titulaire du diplôme d'archiviste-paléographe, et donc avoir soutenu ma thèse de l'Ecole des chartes. Cette thèse portait sur l'édition et l'étude d'une oeuvre philosophique et théologique fort peu connue du XIVe siècle. Or, au lendemain de la guerre, il demeurait pratiquement impossible de commander des micro films à l'étranger, et les seuls manuscrits dont j'avais pu disposer pour l'édition s'étaient révélés très fautifs ; déjà difficile pour un médiéviste débutant, le texte devenait par endroits tout à fait inintelligible. Cela m'inquiétait d'autant plus que je ne discernais pas toujours très bien si l'incompréhension résultait de l'incompétence des copistes ou de la mienne. En outre, rendu depuis peu à la vie civile, j'avais presque un an de retard à rattraper. Ma nouvelle supérieure hiérarchique, la regrettée Marie-Thérèse d'Alverny, qui était la bonté même, se garda bien de me x G.OUY confier aucune tâche pendant ces quelques mois, estimant que je devais consacrer tout mon temps à achever ma thèse. C'est bien là, en effet ce que j'aurais dû faire si j'avais été raison nable. Hélas, j'avais -fort imprudemment- sollicité et obtenu le droit d'accès aux magasins. La tentation était trop forte : j'en vins bientôt à passer toutes mes journées au milieu des manuscrits latins ; c'était une sensation grisante que de se voir ainsi entouré de milliers de volumes maintes fois séculaires et de pouvoir les manipuler en toute liberté. Je les prenais un par un sur les rayons, les ouvrais au hasard, tantôt admirant une lettre ornée, tantôt m'interrogeant sur la date ou l'origine d'une écriture. Et voici qu'un beau jour, alors que je feuilletais un gros recueil de l'ancien fonds de Saint-Victor, je tombai à l'improviste sur un important fragment de l'oeuvre même que j'avais choisie pour sujet de thèse ! Commençant et s'interrompant au milieu d'une phrase, dépourvu de titre comme de nom d'auteur, ce texte ne pouvait guère être identifié que si on le connaissait déjà - ce qui, bien sûr, était mon cas, puisque je venais tout récemment de l'éditer. La collation avec ce témoin de dernière heure - qui, lui, était por teur d'un texte d'excellente qualité - fit ressortir un si grand nombre d'omissions et de fautes de toutes sortes dans les manuscrits utilisés jusqu'alors qu'il me fallut passer ensuite une bonne partie de mes nuits à refaire entièrement l'édition des douze ou treize chapitres que conte nait ce fragment. Tout se termina bien, cependant. La découverte du nouveau manu scrit dut faire bonne impression sur le jury et le rendre plus indulgent aux insuffisances d'un bien médiocre mémoire. C'est ainsi que je fus très tôt amené à prendre conscience du rôle décisif que joue le hasard dans nos recherches. Peut-être n'en va-t-il pas ainsi dans d'autres domaines, mais, pour ce qui est des manuscrits, j'ai pu bien vite me convaincre que le verbe chercher n'appelle pas de complément d'objet. Quaerite et invenietis, promet l'Ecriture, et elle dit vrai ; mais elle omet de préciser que les trouvailles -presque toujours inattendues, parfois inespérées - ne correspondent que rarement à ce que l'on cherchait. C'est également dès ces premières semaines que je commençai à en trevoir, encore bien confusément, une autre grande vérité, à savoir qu'un manuscrit est avant tout un élément d'un ensemble, et que, le plus souvent, son intérêt ne se révèle que lorsqu'on a pu le confronter avec d'autres éléments du même ensemble.