OBSERVATOIRE DES MUTATIONS POLITIQUES DANS LE MONDE ARABE POUVOIR MÉDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE PAR SOPHIE-ALEXANDRA AIACHI Consultante en communication, spécialiste du monde arabe Directrice du programme MENA chez Youth Diplomacy NOVEMBRE 2013 POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE Par Sophie‐Alexandra Aiachi / Consultante en communication, spécialiste du monde arabe, Directrice du programme MENA chez Youth Diplomacy INTRODUCTION La corrélation entre la « révolution tunisienne » et les médias au sens large du terme, est aujourd’hui évidente et intrigante. Ainsi, en 2011, le quotidien britannique The Times consacre comme « Homme de l’année » Mohamed Bouazizi. La « révolution » tunisienne, même si elle est symbolisée par la date du 14 Janvier 2011, il n’en reste pas moins que le mouvement de révolte a débuté, quant à lui, le 17 décembre 2010 lorsque le vendeur ambulant s’est immolé. L’acte désespéré du jeune homme a déclenché une vague de mobilisation inédite à travers toute la Tunisie pendant plusieurs jours, engendrant alors la chute du gouvernement et le départ précipité du Président Ben Ali au pouvoir depuis 23 ans. Si, aujourd’hui, on peut parler de cette grande mobilisation, il n’était pourtant pas possible de le faire durant la dite période. En effet, au cours de celle‐ci, aucun média étatique tunisien n’a relayé les revendications et les critiques faites au régime en place. Les demandes légitimes du peuple tunisien telles que la dénonciation du chômage, la hausse des prix et les inégalités régionales, n’ont pas été reprises par les médias étatiques. Seuls les médias sociaux ont pu propager ces informations. Les réseaux sociaux ont donc joué le rôle de médias d’information. Néanmoins, certains médias internationaux comme Al Jazeera, ont réussi à retransmettre les images des manifestations et des affrontements permettant alors le relayage certain de l’information. Pour autant, est‐il juste de dire que la « révolution » tunisienne a été une « révolution 2.0 » ? Quel rôle les médias nationaux, internationaux, sociaux et alternatifs ont‐ils joué pendant la « révolution » ? C’est d'abord sous le règne du Président Bourguiba, en 1956, que l’État tunisien a commencé à exercer un contrôle étroit des médias. Ceux‐ci étaient conçus pour être les relais de la voix officielle de l’État. Dans sa continuité, Zine El Abidine Ben Ali a lui aussi tenu d’une main de 1 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 fer tous les moyens de communication, publics et privés, du pays. Les sites web critiques étaient fermés dès leur ouverture, les livres censurés et les journaux d’opposition quand ils parvenaient à être imprimés, étaient automatiquement détruits par la police. La presse écrite ne fut pas le seul objet de cette censure, les mouvements de foule étaient également réprimés. Lorsque le mouvement révolutionnaire a atteint Tunis, les protestations sont devenues plus étouffantes pour le régime en place, la rue a commencé à scander le fameux « Dégage », les tunisiens ont vaincu la peur du régime et ont exigé le respect de leurs libertés. Dès lors le Président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille ont été forcés de quitter le pays précipitamment. Ce départ, qualifié de « révolution », s'est répercuté dans plusieurs pays du Monde arabe et fut repris plus tard par les plus grands spécialistes sous les termes de « Printemps Arabe ». La Tunisie est aujourd’hui engagée dans un processus de transition démocratique. D’abord avec l’élection de l'Assemblée Nationale Constituante à travers les premières élections libres en Tunisie du 23 Octobre 2011. Avec 41% des voix, ces élections ont déclaré vainqueur le Parti islamiste Ennahda ce qui lui a ensuite permis de constituer un gouvernement de transition, appelé Troika, composé d'Ennahda et de deux partis considérés comme démocrates, le Congrès pour la République (CPR) et le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). Ces élections ont également permis d’élire une Assemblée Nationale Constituante qui s’emploie à rédiger une nouvelle constitution et à contrôler l’action gouvernementale. Dans ce contexte, le rôle des médias dans la participation à l’édification d’une démocratie en Tunisie semble crucial. Sachant qu’ils étaient soumis à la propagande politique seulement deux ans plus tôt, quel est le bilan de la transition démocratique en Tunisie à travers le prisme médiatique ? En effet, arène essentielle du jeu démocratique, le but étant pour les médias aujourd’hui de contribuer à la construction d’un espace démocratique. Est‐il possible de qualifier les médias tunisiens de quatrième pouvoir aujourd’hui ? 2 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 La liberté et l’indépendance des médias sont des indicateurs de la naissance d’une démocratie et du bon fonctionnement de la société civile. Ces derniers constituent l’exigence première des démocraties. Les expériences de transition démocratique attestent toutes de l’importance des moyens d’information et du rôle des médias. I. ROLE ET POUVOIR DES MEDIAS DURANT LA PERIODE « REVOLUTIONNAIRE » A. LES MEDIAS INTERNATIONAUX DANS LA « REVOLUTION TUNISIENNE » Bien avant le début du soulèvement en Tunisie, la plupart des médias étrangers s’étaient imposés en Tunisie notamment parce qu’ils permettaient aux opposants du régime de Ben Ali de pouvoir s’exprimer. C’est le cas d’Al Jazeera, par exemple, qui n’a pas hésité à offrir des tribunes à des opposants tel qu’Ahmed Néjib Chebbi ou Moncef Marzouki. Lorsque le soulèvement tunisien s'est intensifié, Al Jazeera n’a pas hésité à embrasser pleinement les revendications populaires, en donnant à cette « révolution », une ampleur et un lyrisme qui l’a poussé vers des aspirations panarabiques. Al Jazeera a eu une influence évidente sur les milliers de téléspectateurs tunisiens mais elle a également gagné sa place dans le paysage médiatique mondial. Elle est entrée, grâce à la « révolution » tunisienne, dans le classement des principales chaînes d’informations internationales. En réalité Al Jazeera s’est distinguée dans la couverture participative de la « révolution » tunisienne par sa volonté d’accompagner les manifestants et de soutenir leurs revendications. Concrètement, la chaîne a choisi de couvrir en continu les événements avec la diffusion de vidéos et images obtenues à travers les manifestants. En ce sens, Al Jazeera a joué un rôle dans la « révolution » tunisienne car elle a réellement permis aux tunisiens de suivre les événements. La question des médias internationaux est forcément à soulever lorsque le sujet du rôle des médias dans la « révolution » tunisienne est abordé. Quel rôle ces médias ont‐ils joué en 3 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 Tunisie lors de la « révolution » ? Cette question est légitime dans le sens où les médias étrangers en Tunisie ont eu un rôle très important : celui d’informer. Ils ont rempli cette tâche de manière remarquable, prenant part aux événements, informant la population et relayant les revendications populaires. En somme, les médias étrangers étaient tellement impliqués dans ce soulèvement populaire qu’ils ont contribué à l’amplifier. Sans la participation active des médias étrangers comme relais de ces revendications, la « révolution » tunisienne aurait certainement eu lieu mais dans un laps de temps plus long. Si les médias étrangers (Al Jazeera, BBC World, France 24, Al Arabiya, CNN) n’avaient pas été présents, il aurait été plus difficile pour les tunisiens de s’informer et de savoir ce qui se passait dans le pays. La plupart des chaînes étrangères recevaient directement les informations des manifestants qui envoyaient leurs vidéos et restaient constamment en alerte afin de donner le maximum d’informations. S’il est vrai que les médias étrangers ont contribué à propager rapidement ce qui était alors un soulèvement populaire, c’est le cas également des médias sociaux qui ont eu un grand rôle. Ces deux entités, à savoir les médias étrangers et les réseaux sociaux, étaient en réalité des vases communicants. Ainsi, l’agence Média Scan a réalisé un sondage sur 775 personnes entre décembre 2010 et janvier 2011 dont les résultats sont éloquents. Cette enquête a démontré l’importance des médias étrangers avec un pic pour Al Jazeera et France 24. Cependant, le média social qui a eu un véritable engouement est Facebook à hauteur de 61%. B. LES MEDIAS SOCIAUX DANS LA « REVOLUTION TUNISIENNE » La Tunisie a fait son entrée sur le web en 1991 ce qui constitue un repère important. Ce pays sera un des pionniers en termes d’activisme en ligne. Internet fut pour le Président Ben Ali un enjeu économique évident. Si le taux de pénétration était de 34%, cela s’expliquait par sa volonté de promouvoir les NTIC et Internet. Néanmoins, sa volonté s’arrêtait là où le risque commençait. En effet, le Président Ben Ali, redoutait une certaine « démocratisation d’Internet ». Pour garder le contrôle sur ce puissant outil, il imposa une censure sévère sur 4 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 plusieurs sites internet (RSF, Youtube et même Facebook à un moment donné). C’est à ce titre, qu’il faut souligner l’importance qu’a revêtu le web bien avant la« révolution ». En effet, nombreux sont les militants et les citoyens engagés qui ont bravé les sanctions et les limites de ce qu’offrait l’ancien régime en terme de possibilité informatique. Certains ont dû faire appel à des professionnels, d’autres ont appris à « hacker » pour créer des sites internet ou encore administrer des blogs. Ces militants ont voulu informer la population sur les failles du système et élargir leurs connaissances aux autres tendances politiques, comme celles des opposants au pouvoir : la cyber‐dissidence était née. La presse internationale a très vite publié une multitude d’articles visant à expliquer le surprenant « Printemps Arabe ». Ces révolutions sont le fruit d'une utilisation massive de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux et médias alternatifs. A n’en plus douter, les nouvelles technologies numériques ont joué un rôle certain dans le déroulement du Printemps Arabe. Pour autant, les médias sociaux ont‐ils fait la « révolution » ? L’histoire est loin d’être écrite mais l’apport qu’ont constitué Internet, les blogs et les réseaux sociaux a certainement été décisif mais pas sine qua none. Facebook ouvre en 2006, dès lors le nombre de membres au sein de cette communauté n’a pas cessé de croître. Le réseau réunit plus de 100 millions de membres et fait partie des « 10 sites les plus fréquentés par les internautes arabes » moins de deux ans après son ouverture. Facebook a été le réseau social le plus utilisé en Tunisie, il a permis la mobilisation des internautes, de la jeunesse, la coordination des actions et surtout la diffusion de vidéos et photos relayant fort bien les revendications et les actions coup de poing. Dès le début des événements, ce réseau a vu l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de nouveaux utilisateurs à la recherche d’information. En effet, face au silence des médias nationaux, la toile, Facebook en particulier, est devenue le principal vecteur d’information. C’est Facebook qui permettra aux tunisiens de communiquer, d’échanger des informations, et surtout de se cacher de la répression du régime. Ainsi tout comme les médias étrangers, Al Jazeera et Facebook, entre autres, ont permis d’accélérer le mouvement de contestation. Au‐delà du simple relayage d’informations, ils ont également permis la mobilisation de masse et le passage de ce mouvement du « virtuel » à la réalité de la rue. On peut à présent considérer 5 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 l’action libératrice des nouvelles technologies de communication comme une réalité. Elle a d’abord permis la mobilisation des citoyens en leur offrant la possibilité de se retrouver sur un support sans craindre directement pour sa vie. Cette mobilisation a ensuite était organisée, dans le sens où il a été facile de créer des événements afin de pouvoir se retrouver dans la «vie réelle», sur le terrain. Cette mobilisation, puis la coordination, a permis de faciliter une action collective dans les rues. C’est à travers cette « cascade d’informations », de vidéos et de messages partagés sur la toile que les médias traditionnels ont pu relayer les événements, créer un récit, faire connaître les revendications et ouvrir la porte à des soutiens. Il paraît assez évident maintenant de dire que Facebook a joué un rôle certain de déstabilisateur du régime en place. Si l’on ajoute le rôle qu'il a joué, à celui des médias étrangers, du développement des NTIC en Tunisie et du rôle de la diaspora, on comprend aisément la mobilisation et la visibilité exemplaire dont a jouit la « révolution » tunisienne. II. ENJEUX DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE, LES MEDIAS COMME QUATRIEME POUVOIR ? A. L’ADOPTION D’UN CADRE JURIDIQUE FAVORABLE AU PLURALISME DES MEDIAS Une transition démocratique aboutie est indissociable des médias et du rôle qu’ils ont à jouer dans ce processus. Il s’agit de construire un espace de citoyenneté véritable où l’information est primordiale. Elle permet de donner à une personne un accès à la condition de citoyen. En ce sens, non seulement les médias ont un rôle à jouer mais ils détiennent surtout un grand pouvoir, celui d’informer et donc d’orienter l’opinion publique. Avant la « chute » du Président Ben Ali, les médias étaient sous le contrôle très strict de l’État. Comme il a été indiqué à plusieurs reprises plus haut, le nombre de radios, de journaux et de chaînes de télévision était très limité. Par ailleurs, l’agence de presse appartenant à l’État, la TAP, créée en 1961, a « évolué en un instrument politique du régime et seule source d’information officielle ». 6 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 Suite au 14 janvier des instances ont été mises en place afin de garantir le pluralisme et la diversité des médias. Une de ces instances est l’INRIC, l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication, qui est née en mars 2011. Elle a pour but de superviser et réguler les médias et est également chargée d’attribuer des licences à des stations de radio sur la bande FM ou aux chaînes de télévision. Cet organisme a développé des critères de sélection pour garantir le pluralisme comme, par exemple, l’interdiction de lancer plusieurs médias à la fois. L’instance de régulation du secteur audiovisuel sur laquelle l’INRIC et la sous‐commission médias travaillaient est devenue l’HAICA (Haute Autorité Indépendante de l’Audiovisuel). Celle‐ci a été chargée de contrôler la transparence et le pluralisme des médias audiovisuels. Indépendante, elle dépend du Décret‐loi 2011‐116 relatif à la liberté de communication audiovisuelle, garantissant, entre autres, le « pluralisme d’expression des idées et opinions » ainsi que « l’objectivité et la transparence ». Ainsi, le pluralisme des médias garantissant la liberté d’expression des différentes opinions, y compris celles en opposition au gouvernement en place, a été un véritable accomplissement. La pluralité se traduit par l’existence de médias publics, privés, commerciaux, alternatifs, nationaux et communautaires. Leur contenu se doit d’être diversifié. Depuis le 14 janvier, de nouveaux journaux et médias électroniques ont été lancés et de nouveaux services de radio et télévision ont été autorisés. Les médias ont également adopté une couverture plus critique et plus diversifiée de l’action gouvernementale. Ainsi, au lendemain de la « chute » du Président Ben Ali, le paysage de la presse écrite, pour ne citer que lui, a beaucoup évolué. Il a notamment été constaté la parution de journaux comme le quotidien indépendant Al‐Maghreb ou l’hebdomadaire Al‐Fajr appartenant au parti Ennahda. La première réédition de ce dernier en date du 9 avril 2011 avait dépassé les 100.000 exemplaires. Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur a déclaré le 20 septembre 2011 7 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 que 187 périodiques entre quotidiens, hebdomadaires, bimensuels, mensuels et revues ont obtenu leurs récépissés légaux. Les nouveaux quotidiens sont les suivants : El Mouharrer et Al Maghreb. En ce qui concerne les hebdomadaires ce sont : Al Hakika, Arrissala, Al Yaoum, Al Massa, Al Qattous, Al Fajr, Al Waka’a, 14 janvier, Al Akhbar, Al Irada, Asrar, Al Hassad El Ousboui, L’audace et sa version arabophone El Jor’aa (bimensuel), Arabia, Arraya, Sawt Echaab et Al Karama. En juin 2011, l’INRIC a recommandé au Premier ministre du gouvernement provisoire l’attribution de 12 licences de diffusion à de nouvelles stations de radios (8 radios en région, 7 radios commerciales généralistes, 2 commerciales et thématiques et 3 radios associatives) ainsi que 5 licences à des chaînes de télévision. B. PERFORMANCE DES MEDIAS EN TANT QUE PLATE‐FORME DANS LE DEBAT DEMOCRATIQUE L’accès à l’information permet la construction d’une citoyenneté véritable. Si l’information souffre d’une propagande politique ou est soumise à une déontologie bancale, le droit à l’information n’est pas respecté. Seul l’accès à l’information et à des faits vérifiés permet l’épanouissement du débat démocratique et la consolidation du processus de transition. Est‐il nécessaire de souligner l’importance des médias pendant une élection ? Leur rôle primordial durant un processus électoral est évident. Ils sont à même de conditionner les votes. En effet, ils déterminent le choix des électeurs et le regard qu’ils porteront sur les candidats. Ainsi l’activité médiatique a été dominée au courant du mois d'octobre 2011 par la campagne électorale et ses résultats. Le rôle des médias durant cette période électorale a été déterminant. Le pouvoir de la presse écrite et des médias audiovisuels n’était contesté par aucun membre de la société ni par la scène politique, bien au contraire. A ce titre, l’ISIE, ayant élaboré le cadre juridique réglementant les activités des médias en lien avec celle des politiques, soit le temps de parole des candidats, et les conditions 8 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe POUVOIR MEDIATIQUE ET TRANSITION POLITIQUE : LE CAS DE LA TUNISIE / SOPHIE‐ALEXANDRA AIACHI ‐ NOVEMBRE 2013 d’utilisation de la publicité, affirme que les premières élections ont été relativement bien traitées du point de vue médiatique. Néanmoins, la transformation du système d’information dans un processus de transition démocratique suppose la fin des monopoles, et donc de l’instrumentalisation des médias à des fins politiques, qu’ils soient publics ou privés. Le système doit permettre une ouverture sur la diversité des opinions. Cependant, durant la campagne électorale, une instrumentalisation certaine des médias a été permise. Le pouvoir des médias a été si considérable qu’il a permis à un homme alors inconnu du grand public, Hechmi Hamdi, et à sa liste indépendante, Al Aridha Achabiya, de percer et d’arriver en troisième position dans le résultat des élections du 23 Octobre 2011. Sa chaîne de télévision, Al Mustaqillah, lui a permis de toucher la population tunisienne sans avoir à quitter son lieu de résidence : Londres ! Hechmi Hamdi a compris l’importance du petit écran et s’est mis en avant en devenant lui‐même présentateur. Les résultats du monitoring de la campagne électorale sur les réseaux sociaux par la MOE UE sur la période du 12 septembre au 22 octobre, n’a pas montré un engouement extraordinaire. En effet, le nombre de fans Facebook et Twitter des partis politiques n’a pas « connu d’augmentation significative durant cette période ». Selon la MOE UE toujours, « le flux des messages politiques ayant circulé sur l’Internet a été de faible intensité, sans commune mesure avec le rôle joué par les réseaux sociaux dans la diffusion de l’information durant la révolution ». Parlant de l’importance des médias, autrefois on disait « Donnez‐nous un journal, nous vous donnerons un parti ». Pendant longtemps les médias ont joué un rôle essentiel dans la vie des partis, souvent porte‐paroles de leurs directions, parfois, détracteurs de leurs actions. Durant cette période électorale, l’observation du traitement médiatique de la campagne a été sujet à discussion. En effet, les médias ont échoué dans leur capacité à rendre de manière juste l’ensemble des programmes électoraux. Alors que la Tunisie a subit une « 9 IRIS ‐ Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe
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