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Pour une esthétique de la réception PDF

166 Pages·1978·1.368 MB·French
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Hans Robert Jauss Pour une esthétique de la réception TRADUIT DE L'ALLEMAND PAR CLAUDE MAILLARD PRÉFACE DE JEAN STAROBINSKI I B. U. Reims Lettres Gallimard PRÉFACE Les divergences textuelles qui peuvent être constatées entre l'original Alors que les principales études de Hans Robert Jauss ont été allemand et la traduction correspondent à des modifications apportées traduites en espagnol, en italien, en serbo-croate, en japonais, par l'auteur lui-même à ses textes, à l'occasion de la traduction. alors que les revues américaines ont fait connaître ses écrits « programmatiques » les plus marquants, qu 'on y a même publié le sténogramme de débats le concernant1, ses travaux n'ont été connus en France, à ce jour, que par deux ou trois articles2 rela tifs à la littérature médiévale, et non par les textes majeurs qui intéressent les tâches de la recherche littéraire et la fonction même de la littérature. La traduction que voici vient toutefois à son heure, sans le décalage excessif dont ont pâti Spitzer, Auer- bach, Friedrich. Pour ceux-ci, les traductions françaises, bien venues en dépit du retard, réparaient une injustice et rendaient accessibles des interprétations qui ne pouvaient être ignorées; mais, à tort ou à raison, elles n'étaient pas en mesure d'influer sur les débats de méthode des années 60 et 70, largement domi nés par le structuralisme et par la sémiologie. Il n'en va pas de même dans le cas de Jauss. Car le point de départ de sa réflexion, les problèmes qu'il soumet à l'examen et à la discus sion la plus serrée, sont ceux mêmes dont il est aujourd'hui le © Petite apologie de l'expérience esthétique : Kleine Apologie der plus souvent question dans les pays de langue française. J'en ästhetischen Erfahrung, Verlagsanstalt, Constance, 1972. augure que ce livre recevra sans tarder l'audience qu'il mérite et © De 1'«Iphigenie.» de Racine à celle de Goethe (avec la postface), que les thèses de Jauss, si fortement énoncées, seront prises en La douceur du foyer: Rezeptionsästhetik, Wilhelm Fink Verlag, compte, comme c'est le cas actuellement en Allemagne, par ceux Munich, 1975. © Pour les autres textes: Literaturgeschichte als Provokation, _ Suhrkamp Verlag, Francfort-sur-le-Main, 1974. 1. Diacritics, printemps 1975, p. 53-61. © Editions Gallimard, Paris, 1978, pour la traduction française 2. Surtout: «Littérature médiévale et théorie des genres», Poétique, I, 1970, pp. 79-101 ; «Littérature médiévale et expérience esthétique», Poétique, 31 sept. et la préface. 1977, pp. 322-336. Non recueillis dans le présent volume. 8 Préface Préface 9 qui tiennent à voir l'histoire et la théorie littéraires justifier leur nologie (celle de Husserl, d'Ingarden, de Ricoeur); la pensée hei- activité par les arguments les mieux fondés. J'ose même croire deggérienne, dans les prolongements «herméneutiques» qu'elle qu'une écoute et une réception attentives des écrits de Jauss reçoit chez Gadamer; le marxisme, tel qu'il s'exprime chez seraient de nature à faire évoluer, pour leur bien, les recherches W. Benjamin, G. Lukâcs, L. Goldmann, et surtout dans la «cri littéraires françaises. tique de l'idéologie» formulée par l'Ecole de Francfort (Adorno, Un double intérêt peut nous attacher aux écrits «programma Habermas); les recherches «formalistes» des théoriciens de tiques» de Jauss: d'une part, leur originalité, leur vigoureuse Prague (Mukafovsky, Vodicka); les divers structuralismes (Lévi- formulation; d'autre part, le champ très large des doctrines phi Strauss ; R. Barthes) ; la « nouvelle rhétorique », etc. C'est bien là, losophiques, esthétiques, « méthodologiques », récentes ou moins reconnaissons-le, notre paysage intellectuel, notre constellation récentes, dont ils font état, dont ils recueillent ou récusent la de «problèmes», ou d'écoles, mais illustrés par des témoins leçon, toujours au terme d'un exposé et d'une discussion qui sont plus nombreux, dont certains sont parfois moins familiers aux allés à l'essentiel. On ne saurait qu'admirer ici l'ampleur de l'in Parisiem. formation dont Jauss dispose pour marquer, par dérivation ou Et de même que les énoncés théoriques de Jauss ne se dévelop par opposition, les principes qu'il organisera, moins d'ailleurs pent pas dans la solitude par rapport aux autres programmes en un «système» qu'en un ensemble d'incitations à des tâches théoriques contemporains, ils ne souffrent pas davantage de cette futures. On ne trouvera chez lui ni l'étalage indéfini et neutre de solitude plus grave encore à laquelle se condamnent tant de la simple doxographie, ni le dogmatisme clos des systèmes qui théoriciens, lorsqu'ils échafaudent leur système à partir d'un sortent tout armés de la tête d'inventeurs solitaires, superbement «corpus» minuscule d'œuvres ou de pages effectivement lues. ignorants de ce qui a été pensé en d'autres lieux ou d'autres L'expérience littéraire acquise, au contact des textes, chez Jauss, temps. Si le champ théorique et historique dont Jauss possède la est d'une incomparable ampleur. Dans sa formation de «roma maîtrise est aussi vaste, c 'est qu 'il lui importe de faire le point de niste» — selon la tradition philologique des universités alle sa propre position par rapport au plus grand nombre possible de mandes — il a vue sur l'évolution de la langue et de la littérature positions repérables dans le domaine de la pensée. Ce théoricien françaises en leur entier, des origines au temps présent. C'est l'in de la réception commence lui-même par percevoir et recevoir. Le timité avec la littérature (et avec des problèmes précis d'histoire plaisir et le bénéfice que j'éprouve à lire Jauss tiennent pour une littéraire) qui précède et nourrit l'interrogation théorique de large part à cette ouverture du dialogue (qui parfois s'accentue en Jauss (ce qui fait que la théorie sait de quoi elle parle). Le pas polémique), à cette volonté de ne rien omettre de ce qui réclame sage est rapide, incessant, réciproque, des problèmes de la théorie attention, mais aussi à ce courage de trancher, de décider, de ne à ceux de la recherche appliquée. Une thèse de doctorat sur pas s'en tenir à un confortable éclectisme, et de franchir le pas, Proust ', des travaux sur de très nombreux auteurs, dont Diderot, lorsque de nouveaux problèmes et de nouvelles réponses s'annon Baudelaire et Flaubert, des études d'ensemble sur l'épopée ani cent plus fructueux. (On s'apercevra d'ailleurs que Jauss, au male (TierdichtungJ et sur l'allégorie au Moyen Âge2, la préface cours des années, se corrige et se «dépasse» lui-même...) Pour d'une réédition du Parallèle des Anciens et des Modernes de rendre manifestes les enjeux du débat, il suffit de signaler, fût-ce Charles Perrault, mettant dans sa juste lumière l'importance de sommairement, les courants doctrinaux avec lesquels Jauss ce livre pour l'évolution du concept de modernité; la conception est en étroit rapport, soit qu'il en ait retenu certaines sugges et la direction (avec E. Köhler) du monumental Grundriss der tions, soit qu'il en conteste les prétentions ; ces courants doctri naux, s'ils sont d'origine fort diverse, sont tous représentés avec 1. Zeit und Erinnerung in Marcel Proust «A la recherche du temps perdu » : ein quelques variantes et transpositions dans les pays de langue Beitrag zur Theorie des Romans, Heidelberg, 1955; 2e éd. revue, Heidelberg, française; nous ne rencontrons rien de radicalement étranger 1970. dans les systèmes auxquels Jauss apporte réponse: la phénomé- 2. Ces travaux ont été partiellement rassemblés sous le titre Attentat und Modernität der mittelalterlichen Literatur, Munich, W. Fink, 1977. 10 Préface Préface 11 romanischen Literaturen des Mittelalters ', donnent l'idée des au moment où pourtant l'histoire littéraire, dans ses aspects tra tâches concrètes que Jauss a abordées, et à partir desquelles il a ditionnels, semble avoir perdu de son efficace et de son attrait. été amené à se poser les questions fondamentales touchant le rôle Les études qu 'on lira ici proposent une défense et illustration de de l'historien, la raison d'être de l'enseignement universitaire, la l'histoire littéraire, en même temps qu'une révision fondamen fonction de communication et de transformation sociales de la tale de son statut; elles invitent à déplacer le point d'application littérature. de l'attention historienne. Fixant de nouveaux objets, investie Tout critique, tout historien parle à partir de son lieu présent. d'une responsabilité accrue, l'histoire se trouve en mesure, dès Mais rares sont ceux qui en tiennent compte pour en faire l'objet lors, de lancer un défi fécond à la « théorie littéraire » — défi qui de leur réflexion. Les enjeux contemporains, les périls et les a pour effet non de contester la légitimité de la théorie littéraire, chances d'aujourd'hui marquent chez Jauss le point de départ et mais de l'inviter à reprendre en charge la dimension historique le point d'arrivée de chacune des études théoriques : il s'agit pour du langage et de l'œuvre littéraire, après les années où l'approche lui d'une question prioritaire: quelle est aujourd'hui la fonction «structurale» semblait impliquer nécessairement l'abandon de de la littérature? Comment penser notre rapport aux textes du la dimension « diachronique ». Tel est le sens de l'écrit program passé? À quel sens actuel peut accéder la recherche qui travaille matique de 1967, Literaturgeschichte als Provokation der Lite- au contact des époques révolues? Questions qui, au premier raturwissenschaft, «.L'histoire de la littérature: un défi à la abord, semblent celles d'un philologue soucieux de ne pas laisser théorie littéraire ». sa discipline s'ensabler dans les routines positivistes, et désireux de prouver à ses collègues, comme à un plus large public, que * cette vénérable discipline est capable de l'aggiornamento requis par les circonstances présentes. Mais les propositions de Jauss, La polémique de Jauss se porte contre tout ce qui sépare, contre qui ont très évidemment une portée considérable pour l'institu tout ce qui réduit la réalité en substances fictives, en essences tion universitaire (si celle-ci veut rester en vie), s'inscrivent dans prétendument éternelles. Le romantisme absolutisait les génies la perspective plus large d'une interrogation sur les chances pré nationaux, l'historisme envisageait des époques closes, chacune sentes d'une communication (par le moyen du langage et de l'art « immédiate à Dieu » (Ranke), et coupée de notre présent; le posi en général) qui fût tout ensemble libératrice et créatrice de tivisme a cru se conformer au modèle des sciences exactes ; mais, normes pour l'action vécue. Conscient de l'insertion temporelle sans atteindre la précision causale, il s'est perdu dans l'illimité de son propre travail, Jauss mesure d'autant mieux la distance des sources et des influences ; sous la plume d'auteurs plus qui le sépare d'un passé différent, dont pourtant le message ne récents, l'histoire des idées, celle des topoi, postule la pérennité cesse de l'atteindre. C'est parce que l'historicité du moment pré des « thèmes » fondamentaux, et se soustrait à l'historicité ; dans sent s'impose à lui de façon si vive, que la rêtrospection histo le marxisme, qui entend au contraire rendre justice à l'histori rienne lui importe corrélativement au plus haut point : les enjeux cité, l'œuvre littéraire est soit reflet involontaire, soit imitation du monde actuel ne deviennent pleinement perceptibles qu 'à une délibérée d'une réalité socio-économique qui a toujours le pas conscience qui a mesuré les écarts, les oppositions, la dérive, et sur elle; le douteux privilège de la substantialité passe à l'infra qui fait le point à l'égard de traditions dont la persistance n 'a été structure, et, tout au moins jusqu'à une date récente, la pensée possible que moyennant mutations et reconstructions. La res marxiste ne conçoit pas que l'œuvre d'art puisse participer à la ponsabilité que Jauss éprouve à l'égard du présent est donc ce qui constitution de la réalité historique. Le formalisme, de son côté, le retient de renoncer à être historien (historien de la littérature), n'envisage la succession des codes, des formes, des langages esthétiques que dans l'univers séparé de l'art: à l'en croire, les systèmes littéraires, en se succédant, développent l'histoire 1. Cet ouvrage de grande envergure a commencé à paraître en 1962 chez Cari Winler à Heidelberg. propre des systèmes; mais les formalistes n'ont pas les moyens 12 Préface Préface 13 (ou souvent le désir) de replacer cette évolution dans le contexte un texte récent, à citer, à l'appui de ses propres thèses sur l'expé de l'histoire au sens le plus large. Chez ceux qui cherchent dans rience esthétique, les textes où Kant compare au « contrat social » le texte, et dans sa constitution matérielle une origine première l'appel que l'œuvre d'art adresse au consensus libre et à la com (ou une autorité dernière), Jauss reconnaît un besoin d'absoluti- munication universelle '. ser qui, paradoxalement, n'est pas sans ressemblance avec la Le lecteur est donc tout ensemble (ou tour à tour) celui qui référence aux idées platoniciennes de la Beauté et de l'harmonie occupe le rôle du récepteur, du discriminateur (fonction critique — elles aussi fondements indépassables. L'erreur ou l'inadéqua fondamentale, qui consiste à retenir ou à rejeter), et, dans cer tion communes aux attitudes intellectuelles que Jauss réprouve, tains cas, du producteur, imitant, ou réinterprétant, de façon c'est la méconnaissance de la pluralité des termes, l'ignorance polémique, une œuvre antécédente. Mais une question se pose du rapport complexe qui s'établit entre eux, la volonté de privilé aussitôt: comment faire du lecteur un objet d'étude concrète et gier un seul facteur entre plusieurs; d'où résulte l'étroitesse du objective ? S'il est aisé de dire que seul l'acte de lecture assume la champ d'exploration: on n'a pas su reconnaître toutes les per- «concrétisation» des œuvres littéraires, encore faut-il pouvoir sonae dramatis, tous les acteurs dont l'action réciproque est dépasser le plan des principes, et accéder aune possibilité de des nécessaire pour qu'il y ait création et transformation dans le cription et de compréhension précises de l'acte de lecture. Ne domaine littéraire, ou invention de nouvelles normes dans la sommes-nous pas condamnés aux conjectures psychologiques? pratique sociale. Le grief est double: l'on a posé des entités, des Ou à la lecture exhaustive des comptes rendus contemporains substances, là où devaient prévaloir les liens fonctionnels, les de la parution des œuvres (pour autant qu'ils existent)? Ou à rapports dynamiques ; et non seulement l'on n'a pas su recon l'enquête socio-historique sur les couches, classes et catégories naître le primat de la relation, mais, en centrant la recherche lit de lecteurs? En chaque cas, la réalité risque d'être élusive. Thi- téraire sur l'auteur et_sur l'œuvre, l'on a restreint indûment le baudet, dont Le liseur de romans (1925) avait esquissé ce type de système relationnel! Celui-ci doit, de toute nécessité, prendre en problème («c 'est le lecteur qui nous intéresse »), avouait à propos considération le destinataire du message littéraire — le public, le du feuilleton, genre contemporain, son embarras, et s'en tirait lecteur. L'histoire de la littérature et de l'art plus généralement, par une pirouette: « Quel est le genre d'action de cette littérature insiste Jauss, a été trop longtemps une histoire des auteurs et des sur le lecteur et surtout sur les lectrices, puisque plus des trois oeuvres. Elle a opprimé ou passé sous silence son «tiers état», le quarts de son public sont un public féminin. Je ne sais pas trop. lecteur, l'auditeur, ou le spectateur contemplatif. On a rarement Il faudrait une enquête très longue, très vaste et très bien menée , parlé de la fonction historique du destinataire, si indispensable dans les milieux populaires, et les enquêteurs professionnels qu'elle fût depuis toujours. Car la littérature et l'art ne devien- trouvent d'ordinaire plus avantageuse la besogne toute faite que \ nent processus historique concret que moyennant l'expérience de leur fournissent les confrères rasés par leurs questionnaires sau ; ceux qui accueillent leurs œuvres, en jouissent, les jugent — qui grenus1.» L'on peut trouver chez Felix V. Vodicka des proposi 1 de la sorte les reconnaissent ou les refusent, les choisissent ou les tions plus encourageantes pour la description de la figure oublient—; qui construisent ainsi des traditions, mais qui, plus «concrétisée» que prend l'œuvre dans la conscience de ceux qui -, particulièrement, peuvent adopter à leur tour le rôle actif qui la reçoivent1. Mais c'est à Jauss (et avec lui à Wolfgang Iseret à \ consiste à répondre à une tradition, en produisant des œuvres \ nouvelles. L'attention portée ainsi sur le destinataire, répondant 1. Ästhetische Erfahrung und literatische Hermeneutik, Munich, W. Fink, \et «actualisateur» de l'œuvre, rattache la pensée de Jauss à des 1977, p. 22-23. On sait que le rôle du lecteur a été étudié par Gaétan Picon, Arthur Nisin, Michael Riffaterre : Jauss expose leurs idées et les discute. La Rhé '• antécédents aristotéliciens ou kantiens : carAristote et Kant sont torique de ta lecture de Michel Charles (Paris, 1977) propose, sur ce même sujet, à peu près les seuls, dans le passé, à avoir élaboré des esthétiques une approche très originale. où les effets de l'art sur le destinataire ont été systématiquement 2. Albert Thibaudet, Le liseur de romans, Paris, Crès, 1925, p. xix. pris en considération. Jauss le sait fort bien et n 'hésite pas, dans 3. On peut le lire en allemand, dans l'excellente traduction de Jurij Striedter: Struktur der Entwicklung, Munich, 1975. 14 Préface Préface 15 ses collègues de 1'«école de Constance») que revient le mérite question de la subjectivité ou de l'interprétation, celle du goût de d'avoir développé les lignes directrices d'une esthétique de la différents lecteurs ou de différentes couches sociales de lecteurs réception1, aujourd'hui assez affirmée pour se prêter à un large ne peut être posée de façon pertinente que si l'on a préalablement débatjaL.pour servir de hase méthodologique à des recherches pré- su reconnaître l'horizon transsubjectifde compréhension qui cises\L'une des idées fondamentales, ici, est que la figure du des conditionne l'effet (WirkungJ du texte '. » ' tinataire et de la réception de l'œuvre est, pour une grande part, On aura remarqué queJauss fait crédit à l'expérience du lec inscrite dans l'œuvre elle-même, dans son rapport avec les teur «ordinaire». Les textes n'ont pas été écrits pour les philo œuvres antécédentes qui ont été retenues au titre d'exemples et de logues. Ils sont d'abord goûtés, tout simplement. L'interprétation normes. « Même au moment où elle parait, une œuvre littéraire reflexive est une activité tard venue, et qui a tout à gagner si elle ne se présente pas comme une nouveauté absolue surgissant garde en mémoire l'expérience plus directe qui la précède. dans un désert d'information; par tout un jeu d'annonces, de Et l'on aura également remarqué que, pour connaître l'expé signaux — manifestes ou latents — de références implicites, de rience de la réception d'une œuvre, Jauss recourt très subtilement caractéristiques déjà familières, son public est prédisposé à un à une méthode différentielle ou contrastive, qui requiert plus de certain mode de réception. Elle évoque des choses déjà lues, met savoir que le simple repérage des structures intratextuelles : il le lecteur dans telle ou telle disposition émotionnelle, et dès son faut avoir reconnu l'horizon antécédent, avec ses normes et tout début crée une certaine attente de la "suite"et de la "fin", attente son système de valeurs littéraires, morales, etc., si l'on veut éva qui peut, à mesure que la lecture avance, être entretenue, modu luer les effets de surprise, de scandale, ou au contraire constater lée, réorientée, rompue par l'ironie. Dans l'horizon premier de la conformité de l'œuvre à l'attente du public. La méthode exige, l'expérience esthétique, le processus psychique d'accueil d'un chez qui l'applique, le savoir complet de l'historien philologue, texte ne se réduit nullement à la succession contingente de et l'aptitude aux fines analyses formelles portant sur les écarts et simples impressions subjectives ; c 'est une perception guidée, qui les variations. (C'est peut-être la difficulté, dans un monde où se déroule conformément à un schéma indicatif bien déterminé, abonde la demi-science outrecuidante: l'esthétique de la récep- un processus correspondant à des intentions et guidé par des tiçri n 'est pas une discipline pour débutants pressés.) signaux que l'on peut découvrir et même décrire en termes de lin • La notion d'horizon d'attente, à laquelle Jauss recourt, joue guistique textuelle f...]Le rapport du texte singulier à la série des un rôle central dans sa théorie de la réception] La notion est de textes antécédents qui constituent le genre dépend d'un processus provenance husserlienne. Jauss cherche à discerner des « conte continu d'instauration et de modification d'horizon. Le texte nus de conscience », dans un système descriptif indemne de tout nouveau évoque pour le lecteur (ou l'auditeur) l'horizon des psychologisme, et avec un lexique d'une très grande sobriété. attentes et des règles du jeu avec lequel des textes antérieurs l'ont Rappelons que Husserl utilise la notion d'horizon pour définir familiarisé ; cet horizon est ensuite, au fil de la lecture, varié, cor l'expérience temporelle : il y a un « triple horizon du vécu » ; il y a rigé, modifié, ou simplement reproduit. Variation et correction aussi un horizon d'attention : «L'expression d'horizon de vécu déterminent le champ ouvert à la structure d'un genre, modifica ne désigne pas seulement [...] l'horizon de temporalité phénomé tion et reproduction en déterminent les frontières. Lorsqu'elle nologique. [...], mais des différences introduites par des modes de atteint le niveau de l'interprétation, la réception d'un texte pré donnés répondant à un nouveau type. En ce sens un vécu qui est suppose toujours le contexte vécu de la perception esthétique. La devenu un objet pour un regard du moi et qui a par conséquent le mode du regardé, a pour horizon des vécus non regardés ; ce qui I. Il faut rattachera 1'«école de Constance» les noms de Jurij Striedter, Wolf- est saisi sous un mode "d'attention", voire avec une clarté crois gun(î Proisendanz, Manfred Fuhrman, Karlheinz Stierle et Rainer Warning. On sante, a pour horizon un arrière-plan d'inattention qui présente trouvera un choix de textes représentatifs, une bibliographie et une très bonne exposition générale dans: Rainer Warning, éd., Rezeptionsàslhetik. Théorie und Praxis, Munich. W. Fink, 1975. 1. Cf. p. 55 du présent volume. 16 Préface Préface 17 résolue. Jauss affirme ainsi que la réception des œuvres est une des différences relatives de clarté et d'obscurité, ainsi que de relief appropriation active, qui en modifie la valeur et le sens au cours et d'absence de relief.» Le concept d'horizon d'attente, chez des générations, jusqu'au moment présent où nous nous trou Jauss, s'applique prioritairement (mais non exclusivement) à vons, face à ces œuvres, dans notre horizon propre, en situation l'expérience des premiers lecteurs d'un ouvrage, telle qu'elle peut de lecteurs (ou d'historiens). Or c'est toujours à partir de notre être perçue « objectivement» dans l'œuvre même, sur le fond de la présent que nous essayons de reconstruire les rapports de l'œuvre tradition esthétique, morale, sociale sur lequel celle-ci se à ses destinataires successifs : quoique la procédure herméneu détache. A certains égards, cette attente est « transsubjective » tique exige constamment que nous opérions la distinction entre — commune à l'auteur et au récepteur de l'œuvre, et Jauss lesou- l'horizon actuel et celui de l'expérience esthétique révolue, cette tient a fortiori pour les œuvres qui transgressent ou déçoivent distinction ne doit pas favoriser l'illusion de l'historisme, qui se sciemment l'attente qui correspond à un certain genre littéraire, croit à même de reconstituer et de décrire l'horizon révolu tel ou à un certain moment de l'histoire socioculturelle. Il écrit: qu'il était effectivement. Pour progresser, la réflexion herméneu «La possibilité de formuler objectivement ces systèmes de réfé tique doit s'appliquer toujours à tirer consciemment les consé rences à l'histoire littéraire est donnée de manière idéale dans le quences de la tension qui intervient entre l'horizon du présent et cas des œuvres qui s'attachent d'abord à provoquer chez leurs le texte du passé. Nous ne pouvons que tenter d'aller à sa ren lecteurs l'attente résultant d'une convention relative au genre, à contre, avec les intérêts, la culture — bref l'horizon — qui sont la forme ou au style, pour rompre ensuite progressivement cette les nôtres. C'est ce que Jauss, après Gadamer, nomme la «fusion attente — ce qui peut non seulement servir un dessein critique, des horizons». Il convient, pour expliciter davantage une notion mais encore devenir la source d'effets poétiques nouveaux2. » A difficile, de citer ici Gadamer: «L'horizon du présent est en for ce point, la théorie de Jauss ne ferait qu 'étendre et dynamiser—à mation perpétuelle dans la mesure où il faut perpétuellement, la dimension du vécu historique et sous un regard qui ne veut mettre à l'épreuve nos préjugés. C'est d'une telle mise à l'épreuve^ laisser échapper aucun des éléments constitutifs du sens global — que relève elle aussi la rencontre avec le passé et la compréhen le rapport de la langue à la parole énoncé par Saussure ou Jakob sion de la tradition dont nous sommes issus. L'horizon du pré son, ou le rapport entre la norme et l'écart stylistiques dont sent ne peut donc absolument pas se former sans le passé. Il n'y a Spitzer ne faisait pas seulement un procédé heuristique pour pas plus d'horizon du présent qui puisse exister séparément qu'il, l'analyse interne des œuvres, mais de surcroît un indice perti n'y a d'horizons historiques qu 'on puisse conquérir. La compré nent, éclairant l'histoire des mentalités et les mutations qui s'y hension consiste bien plutôt dans le processus de fusion de ces i produisent. L'écart inscrit dans l'œuvre, puis, à mesure que horizons qu'on prétend isoler les uns des autres » Cette fusion l'œuvre devient «classique», homologué par la réception, inscrit des horizons est, si l'on peut dire, le lieu de passage de la tradi dans la tradition, est un facteur de mouvement «diachronique», tion. Pour Gadamer, ce sont les œuvres «classiques» qui assu qui ne peut être évalué qu'à partir d'une prise en considéra rent la médiation à travers la distance temporelle : Jauss ne le tion d'un système de normes et de valeurs «synchroniques». suit pas sur ce point. Il engage à ce propos une discussion cri Mais alors même qu'une œuvre ne transgresse en rien les règles tique où apparaît à l'évidence sa volonté de récuser tout ce qui «synchroniques» d'un code préexistant, la réception, d'âge en pourrait ramener à une conception substantialiste, platonisante, âge, impose des «concrétisations» changeantes, donc met en de l'œuvre dans laquelle, en vertu de sa puissance mimétique, les mouvement une histoire «diachronique». L'opposition, qui un hommes seraient capables en tout temps de se reconnaître eux- moment, au cours des années 60, avait pu sembler irréductible mêmes: pour Jauss, «s'insérer dans le procès de la transmis- entre approche «structurale» et approche «historique» se trouve 1. Nous citons d'après : E. Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie, trad. P. Ricoeur, Paris, Gallimard, 1950, p. 277 à 280. 1. Nous citons d'après : H. G. Gadamer, Vérité et Méthode, trad. E. Sacre, rev 2. Cf. p. 56 du présent volume. par P. Ricœur, Paris, 1976, p. 147. 18 Préface Préface 19 sion »1 (ou de la tradition), selon la formule utilisée par Gadamer réception dispose ainsi des œuvres, en modifie le sens, suscitant, pour définir l'acte de comprendre, c'est sacrifier l'aspect dialec de proche en proche, pour un lecteur qui tient pour irrecevable la tique, mouvant, ouvert du rapport entre production et réception, réponse donnée par l'œuvre consacrée, l'occasion de produire, et de la succession jamais achevée des lectures; c'est aussi se sur le même thème, une œuvre qui apportera une réponse entière donner à trop bon compte le moyen de discriminer entre vraie et ment nouvelle. Et l'échange de questions et de réponses inscrites fausse autorité de la tradition des œuvres du passé. dans des œuvres successives constitue, dans son ensemble plei Cette réserve, qui est importante, n'empêche pas Jauss de nement développé, la réponse que le passé apporte à la question suivre Gadamer dans le domaine de la procédure herméneutique. posée par l'historien. La belle étude sur /'Iphigénie de Racine et D'abord, mais avec plus de nuances, il approuve sa polémique /'Iphigénie de Gœthe constitue la démonstration exemplaire de contre les méthodes scientifiques objectivantes, auxquelles s'op l'herméneutique de la question et de la réponse, à la fois dans son pose l'interprétation questionnante et compréhensive, «garante exercice et dans ses résultats, dont la portée dépasse largement ce de vérité ». Mais ce que Jauss retient, surtout, c 'est la « logique de que le comparatisme nous propose habituellement. Il apparaît la question et de la réponse». Car il ne suffit pas d'avoir mis en très clairement que toute œuvre d'art s'élabore d'emblée comme place l'auteur, l'œuvre, les lecteurs, l'interprète actuel, dans leurs l'interprétation «poétique» d'un matériau à interpréter; qu'à son rôles et leurs horizons respectifs : il faut rendre ces rôles et ces tour l'œuvre d'art devient objet d'interprétation pour une lecture rapports «descriptibles», disposer d'un moyen précis de les tantôt « naïve », tantôt « critique », laquelle produit une nouvelle faire parler et de les percevoir. L'herméneutique, au début du œuvre soit en percevant différemment le texte reçu, soit en le dou XIXe siècle, s'était donné pour tâche d'accéder à la conscience blant d'un commentaire, soit enfin en le récrivant de fond en même des écrivains — dont l'œuvre était l'expression, moyen comble. Mais la chaîne des interprétations que j'évoque ici nant une interprétation supplémentaire de la part du critique (de inclut prioritairement, selon Jauss, le «grandpublic», le lecteur l'herméneute). Gadamer, ni Jauss, ne croient plus à une hermé ordinaire, qui ne sait pas ce que c'est qu'interpréter, et qui n'en neutique orientée vers une genèse subjective, originaire. Pour éprouve pas le besoin. Sans ces lecteurs-là, nous ne compren eux, toute œuvre est réponse à une question, et la question qu 'à drions pas, pour l'essentiel, l'histoire des genres littéraires, le son tour doit poser l'interprète, consiste à reconnaître, dans et destin de la «bonne» et de la «mauvaise» littérature, la persis par le texte de l'œuvre, ce que fut la question d'abord posée, et tance ou le déclin de certains modèles ou paradigmes. (Et il se comment fut articulée la réponse. Cela n'implique ni l'effort trouve, pour Jauss, qu'un coup d'œil sur la masse des œuvres d'empathie, ni l'ambition de reconstruire une expérience mentale médiocres n 'est pas sans intérêt, puisque le regard se trouve ren possédant une antécédence ontologique absolue par rapport à voyé, plus rapidement qu'on ne l'eût attendu, vers le «chemin de l'œuvre. C'est le texte qui doit être déchiffré; l'interprétation a crête » des chefs-d'œuvre.) Ceci amène Jauss à établir une distinc pour tâche d'y déceler la question à laquelle il apporte sa réponse tion entre /'effet (Wirkung) — qui reste déterminé par l'œuvre, et propre. Or en premier lieu, ce texte a été interrogé par ses premiers qui de ce fait garde des liens avec le passé où l'œuvre a pris nais lecteurs ; il leur a apporté une réponse à laquelle ils ont acquiescé sance — et la réception, qui dépend du destinataire actif et libre ou qu'ils ont refusée. Pour les œuvres qui ont survécu, les traces qui, jugeant selon les normes esthétiques de son temps, modifie de l'acquiescement ne sont pas uniquement lisibles dans les par son existence présente les termes du dialogue éloges des contemporains. Le seul fait de survivre est l'indice d'un accueil. D'autres lecteurs, dans un nouveau contexte histo * rique, ont posé de nouvelles questions, pour trouver un sens dif férent dans la réponse initiale qui ne les satisfaisait plus. La 1. Op. cit., p. 130. 1. Cf. pp. 269 et 284 du présent volume. 20 Préface Préface 21 Contre les méthodes qui restent involontairement partielles psychologie contemporaine sur l'un des territoires où elle se tout en se voulant totalisatrices, l'esthétique de la réception, donne droit de regard, mais tout aussi bien, l'on retrouve la Poé tout en visant une totalité, se déclare « partielle » ; elle ne veut tique aristotélicienne, et l'un des problèmes majeurs qu'elle trai pas être une «discipline autosuffisante, autonome, ne comptant tait et dont les psychologues se sont souvenus: la catharsis. La que sur elle-même pour résoudre ses problèmes »'. La théorie voie s'ouvre pour que l'objet d'étude et la valeur à promouvoir ne que je viens de résumer très brièvement, et dont les travaux de soient qu'un seul et même intérêt: la fonction communicative Jauss et de son groupe d'amis attestent suffisamment la fécon de l'art. A travers le plaisir esthétique, l'art du passé a souvent dité, ne nous était pas offerte comme un système achevé. Depuis été émancipateur, ou créateur de normes sociales; pourquoi 1967, date où Jauss en a exposé les principes fondamentaux, ne poursuivrait-il pas aujourd'hui les mêmes buts? Savoir le l'esthétique de la réception a élargi son champ d'inspection et reconnaître et le mettre en lumière accroîtra l'audience des cri enrichi encore son répertoire de questions. De plus en plus, tiques et des historiens eux-mêmes — que le public considère Jauss a souhaité ne pas s'en tenir à la reconstruction de l'hori trop souvent comme des spécialistes perdus dans leurs abstrac zon d'attente «intralittéraire», tel qu'il est impliqué par l'œuvre. tions: «La pratique esthétique, dans ses conduites de reproduc Lorsque existent des informations suffisantes, il souhaite recou tion, de réception, de communication, suit un chemin diagonal rir toujours davantage à l'analyse des attentes, des normes, des entre la haute crête et la banalité quotidienne; de ce fait, une rôles «extra-littéraires», déterminés par le milieu social vivant, théorie et une histoire de l'expérience esthétique pourraient ser qui orientent l'intérêt esthétique des différentes catégories de lec vir à surmonter ce qu'ont d'unilatéral l'approche uniquement teurs. L'étude sur «La douceur du foyer», qu'on trouvera dans ce esthétique et l'approche uniquement sociologique de l'art; cela volume, est l'illustration exemplaire de ce type de recherche, qui pourrait être la base d'une nouvelle histoire de la littérature et de révèle la structure d'un monde vécu (Lebenswelt) historique, à l'art, qui reconquerrait, pour son étude, l'intérêt général du travers un système de communication littéraire. L'histoire litté public à l'égard de son objet '.» L'historien se tourne, bien sûr, raire, à ce point, rejoint la «sociologie de la connaissance». A vers le passé; mais la manière dont il le questionne, la vigueur cet élargissement du champ social de l'enquête (qui le rappro et l'ampleur de son interrogation déploient leurs conséquences cherait de «l'école des Annales »A correspond un élargissement au niveau du présent, et, dans une large mesure, décident du sta corrélatif du champ psychique exploré. Dans la « Petite apologie tut de l'historiographie et de l'historien dans la société d'au de l 'expérience esthétique », Jauss ne se borne pas à prendre la jourd'hui. Jauss ne se contente pas de le dire; il est l'un de ceux défense (avant Barthes) de la jouissance esthétique — contre la qui, par l'ouvrage accompli, par la «provocation» méthodo vieille condamnation platonicienne et contre l'accusation som logique, ouvrent au métier d'historien de nouveaux champs maire lancée par les «critiques de l'idéologie», qui, réprouvant d'action et lui restituent la «fonction communicative» sans le «plaisir du texte» comme le pur et simple acquiescement au laquelle il dépérirait. statu quo social, préconisent un art de la « négativité» (Adorno), ascétique et accusateur; Jauss souhaite surtout atteindre de Jean Starobinski. plus près /'expérience esthétique elle-même (aisthesis, poiesis, catharsis), et non plus seulement les jugements qui ont consti tué la tradition, par les choix et les interprétations échelonnés dans l'histoire. Or étudier l'expérience esthétique, selon Jauss, c'est chercher à reconnaître les types de participation et d'iden tification requis par les œuvres littéraires : on retrouve ainsi la I. Ces lignes constituent la conclusion de la préface que Jauss a rédigée pour I. Cf. p. 267 du présent volume. l'édition japonaise de son livre. L'histoire de la littérature: un défi à la théorie littéraire i De notre temps, l'histoire de la littérature est tombée dans un discrédit toujours plus grand, et qui n'est nullement immé rité. Le chemin que cette discipline vénérable a suivi depuis cent cinquante ans est, il faut bien le reconnaître, celui d'une décadence continue. Ses plus grandes réussites remontent toutes sans exception au xixe siècle. Écrire l'histoire de la littérature d'une nation : au temps de Gervinus, de Scherer, de Lanson, de De Sanctis, c'était l'œuvre d'une vie et le couron nement d'une carrière de «philologue»1. Le but suprême de ces patriarches: représenter, à travers l'histoire des pro duits de sa littérature, l'essence d'une entité nationale en quête d'elle-même. Cette voie royale n'est déjà plus aujour d'hui qu'un souvenir lointain. Sous sa forme héritée de la tra dition, l'histoire de la littérature survit péniblement en marge de l'activité intellectuelle du temps. Elle s'est maintenue en tant que matière obligatoire au programme d'examens qu'il serait grand temps de réformer; en Allemagne, l'enseigne ment secondaire a déjà presque complètement renoncé à l'im poser aux élèves. En dehors de l'enseignement, on ne trouve plus guère d'histoires de la littérature que, peut-être, dans la bibliothèque des bourgeois cultivés, qui les consultent surtout pour y trouver la réponse aux questions d'érudition littéraire I. Dans le sens que la tradition universitaire allemande a donné à ce mot : la philologie est l'étude des langues et littératures (N. d. T.). (Cf. note 3, p. 32.)

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