Plaidoyer pour le Bonheur

291 Pages·2012·1.38 MB·French

by  Matthieu Ricard

Matthieu Ricard.

Né en 1946, fils de Jean-François Revel, docteur en biologie
moléculaire à l’institut Pasteur sous la direction de François Jacob,
Matthieu Ricard a abandonné sa brillante carrière scientifique pour se
convertir au bouddhisme qu’il a découvert à la fin des années 1960.
Ordonné moine en 1978, il est devenu l’un des spécialistes mondiaux du
bouddhisme et accompagne fréquemment le Dalaï-Lama dans ses
voyages en qualité d’interprète. Le moine et le philosophe (NiL Éditions,
1997), retranscription d’un dialogue qu’il eut avec son père, le philosophe
Jean-François Revel, fut un best-seller en France avant d’être traduit en
vingt langues. Il a publié d’autres ouvrages, parmi lesquels un album
photographique L’esprit du Tibet (Seuil, 1996), des essais : L’infini dans
la paume de la main avec Thrinh Xuan Thuan (NiL Éditions, 2000),
Plaidoyer pour le bonheur (NiL Editions, 2003) ainsi que de nombreuses
traductions de textes tibétains. Etabli depuis 1972 dans les Himalayas, il
vit au monastère de Shétchen au Népal.
En hommage à Jigmé Khyentsé Rinpoché, à ma sœur Eve, qui a su
extraire le bonheur de l’adversité, et à tous ceux et celles qui ont inspiré
les idées de ce livre.
«Le bonheur n’arrive pas automatiquement, ce n’est pas une grâce
qu’un sort heureux peut répandre sur nous et qu’un revers de fortune
peut nous enlever ; il dépend de nous seuls. On ne devient pas heureux
en une nuit, mais au prix d’un travail patient, poursuivi de jour en jour. Le
bonheur se construit, ce qui exige de la peine et du temps. Pour devenir
heureux, c’est soi-même qu’il faut savoir changer.»

Luca et Francesco Cavalli-Sforza1
Table des matières
1 – VOUS AVEZ DIT BONHEUR ?
Une étonnante variété
Un avant-goût du bonheur
Une manière d’être
Réalité et connaissance
2 – LE BONHEUR EST-IL LE BUT DE L’EXISTENCE ?
De l’analyse à la contemplation
Aimer la souffrance ?
«Avoir tout pour être heureux» ?
Le soleil derrière les nuages
Notre bonheur passe par celui des autres
3 – UN MIROIR À DEUX FACES
Peut-on cultiver le bonheur ?
Faudrait-il se contenter d’être soi-même ?
4 – LES FAUX AMIS
Bonheur et plaisir : la grande confusion
Vive l’intensité !
L’euphorie de pacotille
Le bonheur et la joie
Dissiper les illusions
Souffrance et malheur
5 – L’ALCHIMIE DE LA SOUFFRANCE
Les modalités de la souffrance
Les causes de la souffrance
Les quatre vérités de la souffrance
Lorsque la souffrance se traduit en mal-être
Tirer le meilleur parti de la souffrance
Éviter de faire retomber le blâme sur les autres
Gérer la souffrance
Le pouvoir des images
La force de la compassion
Contempler la nature même de notre esprit
La nature de l’esprit
6 – LE BONHEUR EST-IL POSSIBLE ?
Le bonheur ne serait-il qu’un répit dans la souffrance ?
Lorsque le messager devient le message
De l’ermitage au bureau ?
7 – UNE REGRETTABLE MÉPRISE
La cristallisation de l’ego
Que faire de l’ego ?
L’imposture de l’ego
La déconstruction du moi
À la recherche du «moi» perdu
Les visages fragiles de l’identité
Au travers du mur invisible
8 – LE FLEUVE DES ÉMOTIONS
L’impact des émotions
Ce qu’en dit la science
Vers une psychologie positive
Pourquoi parle-t-on d’émotion négative» ?
9 – EMOTIONS PERTURBATRICES : LES REMÈDES
La spirale des émotions
Est-il possible de se libérer des émotions négatives ?
L’usage des antidotes
Libérer les émotions
Utiliser les émotions comme catalyseurs
Trois méthodes, un seul but
Les émotions dans le temps
Un travail de longue haleine
10 – LE DÉSIR
Le désir aliénant
Les mécanismes du désir
Du désir à l’obsession
Désir, amour et attachement
11 – LE GRAND SAUT VERS LA LIBERTÉ
Les méandres de l’irrésolution
Le paradoxe du renoncement
Libre du passé, libre de l’avenir
L’intelligence du renoncement
Le baume de la simplicité
Un vagabond pas comme les autres
Libre pour les autres
12 – LA HAINE
Les visages hideux de la haine
Le désir de vengeance, sosie de la haine
Haïr la haine
Méditations sur l’amour et la compassion
13 – BONHEUR ET ALTRUISME
La pêche, quel bonheur !
Les joies de l’altruisme
Sommes-nous naturellement égoïstes ?
Un altruisme véritable
L’or reste de l’or
14 – LE BONHEUR DES HUMBLES
15 – LA JALOUSIE
Démanteler le bastion
16 – VOIR LA VIE EN OR, EN ROSE OU EN GRIS
Le faux procès de l’optimisme
Deux manières de regarder le monde
L’espoir
L’espoir de vivre
La détermination
L’optimisme au service du développement
La faculté d’adaptation
Regret et culpabilité
La sérénité
La force intérieure
Le sens
17 – LE BONHEUR DANS LA TEMPÊTE
Lorsque les pensées surgissent en ennemies
Parer au plus pressé
Avoir plus d’une corde à son arc
Un exercice spirituel : observer la source des pensées
Au fond du gouffre
Pourquoi accuser le monde entier ?
Le sublime échange du bonheur et de la souffrance
Cultiver la sérénité
La force de l’expérience
18 – TEMPS D’OR, TEMPS DE PLOMB, TEMPS DE PACOTILLE
Au-delà de l’ennui et de la solitude
Revenir au temps d’or
19 – CAPTIVÉ PAR LE FLOT DU TEMPS
Donner au flux toute sa valeur
20 – UNE SOCIOLOGIE DU BONHEUR
L’hérédité du bonheur
Les conditions générales du bonheur
Traits personnels
Bonheur et longévité
Et alors ?
Du bonheur national brut
21 – LE BONHEUR AU LABORATOIRE
Sans peur et sans colère
La plasticité du cerveau
La carte de la joie et de la tristesse
Une rencontre remarquable
Le moine au labo
Les premiers résultats
Des découvertes sans précédent
Sursauter ou ne pas sursauter ?
Que faire de tout cela ?
22 – L’ETHIQUE, SCIENCE DU BONHEUR ?
Le point de vue de l’autre
Mille innocents ou un seul ?
Le bouddhisme et les grands courants de l’éthique
L’idéalisation du Bien et du Mal
L’éthique utilitariste
Condamnation, punition, réhabilitation
Les limites de l’utilitarisme
Une éthique en crise ?
23 – COMME LE TORRENT QUI COURT VERS LA MER...
Se rappeler la mort pour enrichir chaque instant de la vie
«Et je ne serai plus, et rien ne sera plus»
La mort des autres
Mourir plus vite
La mort du sage
24 – UN CHEMIN
Entendre, réfléchir, méditer
Comme un cerf blessé...
Au bout du chemin
Au-delà du. bonheur et de la souffrance
Dernière déposition d’un témoin de la défense
NOTES ET BIBLIOGRAPHIE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
REMERCIEMENTS
1 – VOUS AVEZ DIT BONHEUR ?

Tout homme veut être heureux ; mais, pour parvenir à l’être, il faudrait
commencer par savoir ce que c’est que le bonheur.

Jean-jacques Rousseau1

Une amie américaine, devenue une grande éditrice de photographie,
me racontait qu’après avoir passé leurs examens de fin d’études, elle-
même et un groupe de camarades s’interrogèrent sur ce qu’elles
désiraient faire dans l’existence. Lorsqu’elle déclara : «Je souhaite être
heureuse», il y eut un silence gêné, puis une de ses compagnes
s’exclama : «Quoi ? Comment quelqu’un d’aussi brillant que toi peut-il
n’avoir d’autre ambition que d’être heureuse !» Ce à quoi mon amie
rétorqua : «je ne vous ai pas dit comment je voulais être heureuse. Il y a
tant de façons d’accéder au bonheur : fonder une famille, avoir des
enfants, faire carrière, vivre des aventures, aider les autres, trouver la
sérénité en soi... Quelle que soit l’activité, que je choisisse, j’attends de
l’existence un bonheur véritable.»
Pour le Dalaï-lama, «le bonheur est le but de l’existence». L’essayiste
Pascal Brukner affirme quant à lui : «Le bonheur ne m’intéresse pas2.»
Comment est-il possible d’avoir deux visions à ce point opposées de ce
qui, pour la majorité d’entre nous, est une composante fondamentale de
l’existence ? Ces deux personnes parlent-elles de la même chose ? Ne
s’agirait-il pas d’un profond malentendu à propos de la définition même
du bonheur ?
Ce mot aurait-il été tellement galvaudé que, dégoûté par toutes les
illusions et les mièvreries qu’il inspire, on s’en serait détourné ? Pour
certains, il est presque de mauvais goût de parler de recherche du
bonheur. Revêtus d’une carapace de suffisance intellectuelle, ils s’en
gaussent comme d’un roman à l’eau de rose.
Comment a-t-on pu en arriver à une telle dévaluation ? Serait-ce dû à
l’aspect factice du bonheur que nous proposent les médias et les paradis
artificiels ? Est-ce le signe de l’échec des moyens malhabiles mis en