ebook img

Philologie et subjectivité PDF

92 Pages·2002·1.159 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Philologie et subjectivité

Philologie et subjectivité Dominique de Courcelles (dir.) DOI : 10.4000/books.enc.1095 Éditeur : Publications de l’École nationale des chartes Année d'édition : 2002 Date de mise en ligne : 26 septembre 2018 Collection : Études et rencontres ISBN électronique : 9782357231399 http://books.openedition.org Édition imprimée ISBN : 9782900791547 Nombre de pages : 111 Référence électronique COURCELLES, Dominique de (dir.). Philologie et subjectivité. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Publications de l’École nationale des chartes, 2002 (généré le 03 mai 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/enc/1095>. ISBN : 9782357231399. DOI : 10.4000/books.enc.1095. Ce document a été généré automatiquement le 3 mai 2019. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. © Publications de l’École nationale des chartes, 2002 Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540 1 La naissance de la philologie à la fin du Moyen Age et à la Renaissance implique la réorganisation des savoirs : de nouvelles interprétations - bibliques, philosophiques, théologiques, juridiques, politiques - remettent en cause les textes canoniques. Cette critique des autorités traditionnelles fait accéder le philologue lui-même au rang d' auctoritas. L'entreprise philologique donne lieu à la revendication d'une autonomie créatrice, à l'affirmation de la subjectivité. L'interprétation du texte est désormais aussi une interprétation de soi. 2 SOMMAIRE Introduction Dominique de Courcelles Philologie, mystique, politique : une histoire inaugurale et quatre moments espagnols Dominique de Courcelles 1. — UNE HISTOIRE INAUGURALE 2. — PHILOLOGIE ET CONVERSION DES FORMES DE PENSÉE, DES FORMES D’ÉCRITURE, DES FORMES DE VIE : RAYMOND LULLE 3. — LA BIBLE DE ALCALÁ : PHILOLOGIE ET CONCURRENCE DES SENS 4. — PHILOLOGIE, CONSCIENCE NATIONALE, RÉFORME SPIRITUELLE : JUAN DE VALDÉS 5. — THÉRÈSE D’AVILA : ENTRE PHILOLOGIE ET HERMÉNEUTIQUE Filología y derecho: subjetividad humanista e identidad política en la obra de Enrique de Villena Pedro-Manuel Cátedra Sante Pagnini, traducteur ad litteram et exégète secundum allegoriam de l’écriture (1520-1536) Max Engammare Isagoge ad sacræ scriptura sensus Pour conclure Croire à tout, croire à rien La question du style dans les lettres-préfaces d’Érasme à son édition de saint Jérôme (Bâle, Jean Froben, 1516) Alexandre Vanautgaerden Autonomie de la pensée et stratégie du moi philologique Autour du De conscribendis d’Érasme et de la Declamation des louenges de mariage procurée par Louis de Berquin Viviane Mellinghoff-Bourgerie Pour l’amour des mots : la philologie comme mythologie langagière Pascale Hummel 3 NOTE DE L’ÉDITEUR Actes de la journée d'étude organisée par l'École nationale des Chartes (Paris, 5 avril 2001). 4 Introduction Dominique de Courcelles 1 La naissance de la philologie à la fin du Moyen Age et à la Renaissance implique la réorganisation des savoirs. Les auctoritates traditionnelles sont soumises à la critique ; de nouvelles interprétations des textes canoniques — bibliques, philosophiques, théologiques, juridiques, politiques, etc. — voient le jour. 2 Les institutions traditionnellement gardiennes des savoirs et des interprétations sont remises en question, cependant que le sujet interprétant advient à la conscience de soi comme auctoritas propre. Celui qui lit et interprète est un sujet responsable, un « auteur ». Le philologue est désormais l'auctoritas ; ainsi peut-il par exemple s’inventer exégète, philosophe, théologien, poète, croyant, etc. La philologie est donc liée aux réformes des savoirs et à l’avènement d’une nouvelle conscience de soi. L’entreprise philologique donne lieu à la revendication d’une autonomie créatrice ; l’interprétation du texte désigne une interprétation de soi et le geste d’écriture est un geste d’écriture de soi. 3 La remise en question d’un corps de sens textuel, par exemple d’un sens allégorique, produit la dislocation textuelle, sémantique, véritable déconstruction et condition de refondation. Il est remarquable que la remise en question d’un corps institutionnel producteur de dogmes accompagne aussi bien l’affirmation des monarchies absolues fondées sur le double corps du roi quela découverte du corps de soi comme sujet et lieu d’autobiographie. 4 Les études réunies dans ce volume ne sauraient prétendre donner un panorama complet du thème. Elles sont destinées essentiellement à présenter des recherches en cours, à montrer comment se renouvellent certaines problématiques. Il a paru nécessaire de rappeler l’importance de la philologie dans l’élaboration de la littérature de la Renaissance en Espagne, selon deux perspectives originales, celle de la religion et de la mystique (Dominique de Courcelles) et celle du droit (Pedro Cátedra). La liberté d’interprétation des philologues de la Renaissance se déploie aussi bien dans l’exégèse et l’interprétation de la Bible — Sante Pagnini n’hésite pas à allier philologie et allégorie (Max Engammare) — que dans l’exégèse et l’édition des œuvres patristiques — Érasme dans ses lettres-préfaces à son édition des œuvres de saint Jérôme procède à une véritable réécriture de soi (Alexandre Vanautgaerden). Érasme est bien le témoin d’une nouvelle 5 philologie travaillée par le principe d’individualité, face à certains de ses contemporains, tel Louis de Berquin, qui, traduisant en 1525 son ouvrage l’Encomium matrimonii en fait le manifeste d’un nouvel esprit collectif (Viviane Mellinghoff-Bourgerie). 5 Les philologues ultérieurs se réapproprient à leur manière l’héritage de la Renaissance (Pascale Hummel), cependant que l’émergence de cette parole subjective s’apprête à participer de la crise de conscience européenne et d’une querelle des Anciens et des Modernes. 6 Je remercie le directeur de l’École nationale des chartes, Yves-Marie Bercé, et le secrétaire général de l’École, Jérôme Belmon, d’avoir bien voulu accueillir cette Journée d’étude. 6 Philologie, mystique, politique : une histoire inaugurale et quatre moments espagnols Dominique de Courcelles 1 La fonction de la philologie à la Renaissance, comme ars critica, dans les différents champs de l’histoire des idées semble essentielle. On s’interroge sur la manière dont elle est constitutive ou non du discours savant et sur les inflexions de ses procédures, sur ses effets dans lamesure où elle peut servir d’argument. On s’est moins interrogé sur ce que représente exactement la philologie, la science philologique et ses enjeux, dans l’histoire du sujet et de la subjectivité. Le rapport au texte qui implique que le « philologue » cherche à travers la lecture et la méditation à la fois la vérité d’un texte et celle d’une méthode a caractérisé, depuis les origines du christianisme, ceux que l’on appelle les « spirituels », qui ne sont pas forcément philosophes, théologiens, savants, qui sont des hommes ou des femmes, des clercs ou des laïcs. Ils travaillent sur les textes sacrés, mettant ainsi en œuvre les activités de compréhension, interprétation et explication, pour ensuite élaborer leurs textes propres. Ils se situent le plus souvent en marge des savoirs institués. Tous ont la passion du langage qui ne peut jamais achever de dire ce qu’ils veulent dire. Ils participent à leur mesure à l’advenue du philologue de la Renaissance à la conscience de soi comme auctoritas propre. 1. — UNE HISTOIRE INAUGURALE 2 Au commencement il y a une histoire inaugurale, fondatrice de cette activité philologique. C’est l’histoire de saint Augustin (354-430) qui fut d’abord professeur de rhétorique à Carthage et Milan, puis, après s’être converti à l’écoute de la voix divine au jardin de Milan, évêque, magnifique prédicateur et écrivain d’une œuvre théologique immense en langue latine. Augustin par excellence se situe entre les savoirs. La première conversion d’Augustin est philosophique ; il a raconté qu’il la doit à Cicéron, dont l' Hortensius lui apprend à se détacher du monde. Bientôt il refuse l’Académie et son scepticisme. Il se convertit alors au Christ, au Verbe divin : cette conversion est philo- 7 logique, c’est l’amour du Logos, du Verbe qui la suscite. La voix entendue au jardin de Milan enjoignant « prends, lis, prends, lis » ne correspond à rien qu’Augustin puisse identifier dans sa propre mémoire d’homme ; elle agit sur son corps, puisqu’il pleure, crie et saisit le livre de l’Écriture. Pierre Courcelle a bien expliqué que « tollere » et « legere » sont, dans l’Antiquité, des termes techniques en usage dans les consultations d’oracle et que, dans le christianisme, la formule est employée par les chrétiens en tant que renvoyant à l’autorité du Verbe ; elle convient en particulier pour décrire la remise aux hommes d’un texte sacré par un personnage divin. La voix s’étant évanouie, Augustin lit le livre qu’il va désormais porter, réécrire, traduire inlassablement dans sa propre vie : « Tu avais blessé notre cœur des traits de ton amour, nous portions tes paroles fixées dans nos entrailles »1. Augustin est le premier grand philologue de la tradition chrétienne latine. De philosophe il se fait philologue, exégète. Il choisit de retenir tels ou tels éléments de la philosophie antique, il fournit le premier à l’Église latine un vaste corpus d’idées et de livres qu’elle n’a pas encore, car le christianisme est né en Orient. Il propose des parcours multiples, nécessairement contradictoires, de sens :« Écrire de telle manière que tout ce que chacun peut saisir de vrai dans ces matières eût son écho dans mes paroles, plutôt que de mettre un seul sens véritable assez clairement pour en exclure tous les autres... »2. Il y a là un véritable programme philologique portant sur la réalité langagière mais tenant compte aussi de la nécessité de lier parcours multiples et amour qui est aussi compréhension du Verbe. L’amour du Verbe amène Augustin à l'amour des mots et à leur matérielle réalité. L’histoire de la philologie est liée à l’histoire des livres et à l’histoire des significations indéfinies, multiples. Le philologue qu’est Augustin n’en a jamais fini avec l’herméneutique du Verbe, progressant d’affirmation en rétractation, de livre en livre, dans la mesure où le Verbe regimbe à tout formalisme et à toute conceptualisation. Le spirituel qu’il est s’interroge au terme de sa vie, écrivant ses Retractationes, sur la superposition étouffante par ses propres livres, par sa propre parole, de la place vide creusée en lui par la voix originaire perdue du jardin de Milan3. 3 Dans une perspective semblable, Denys pseudo Aréopagite, auteur du Ve ou VIe siècle revêtu du nom d’un disciple athénien de saint Paul, explique au début de son ouvrage intitulé Théologie mystique que les « mystères simples, absolus et incorruptibles », cette « ténèbre lumineuse, invisible et intangible » dont la théologie a pour projet de rendre compte, échappent à tout enfermement dans des mots qui se dérobent, qui manquent. Seules les « écritures mystiques » sont aptes à les révéler par leur silence, un silence qui est ici, pour celui qui a l’amour du Verbe, suggestion de l’infini par des approximations, c’est-à-dire par des tropes et des figures. À chaque fois le langage humain se soumet à des épreuves et à des usages incomparables afin que s’élaborent de nouvelles valeurs sémantiques. 4 De même que le jeu, concept cher à Wittgenstein pour rendre compte du langage, de la pensée et de l’expérience, libère des possibilités nouvelles de comportement et de vision, de même ce que l’on peut dénommer le jeu textuel des « écritures mystiques » libère des possibilités de sens retenues par les formes ordinaires du discours. Le jeu est le seul moyen de traduction de ce qui est indicible, fondé sur le désir, sur le manque : à la fois singulier et concret, en cohérence avec le mode d’existence de ses auteurs ; ne ressortit-il pas en fin de compte à la sagesse divine ? La conversion augustinienne au Verbe a permis ce jeu, elle informe le savoir philosophique tout en le bouleversant. La philologie se fait théologie et contribue à promouvoir chez ceux et celles qui en jouent le jeu, soit comme 8 un moment privilégié de leur vie, soit comme un moment emblématique de leur vie entière, un nouveau mode d’existence ; elle les rend à leur liberté. 5 La réflexion sur le langage et les mots trouve un nouveau développement au XIIe-XIIIe siècles, particulièrement en Espagne. Un demi-siècle environ après la prise de Tolède en 1085 par les chrétiens se produit le plus important mouvement d’acculturation qu’ait jamais subi le monde occidental latinophone. Devenus maîtres de Tolède les chrétiens se mettent à traduire. En latin d’abord, puis bientôt aussi, en langue vernaculaire. Au XIIe siècle, Bernard de Clairvaux continue la rénovation intellectuelle de la vie monastique amorcée par Anselme en s’attachant à approfondir le patrimoine occidental, c’est-à-dire la pensée augustinienne, et en contribuant ainsi à l’essor des arts du langage, sans rien demander à la nouvelle logique, contre Abélard : c’est l’Augustin amoureux du Verbe, le philologue, le maître spirituel, qui inspire ses écrits. Bernard a le souci du bien dire qui est le juste dire et le dire d’expérience. Dès le XIIIe siècle les textes savants sont traduits en langue vernaculaire et les laïcs sont amenés à philosopher. 6 Il est remarquable qu’à cette même époque les spirituels, qu’ils soient laïcs ou clercs, élaborent dans leur langue vernaculaire des œuvres importantes, qui sont souvent les premières œuvres de leur langue vernaculaire. Dès 1220-1240, dans les Flandres, la béguine Hadewijch d’Anvers, qualifiée par ses contemporains de « maîtresse de doctrine », soucieuse d’enseigner ses sœurs béguines, est le premier grand écrivain de prose et poésie en langue flamande. La béguine Marguerite Porete, brûlée en 1310 à Paris, est également un remarquable écrivain en langue française. En Catalogne, Raymond Lulle (1235-1316), laïc lui aussi, soucieux de la conversion du monde chrétien et infidèle, conformément à l’illumination qu’il déclare avoir reçue du Christ, démontre par son œuvre immense que la langue catalane peut être un véhicule convenable du savoir et de la foi, et il s’affirme comme le créateur d’une belle langue philosophique catalane à partir du latin et de l’arabe, quelque vingt ans avant l’essor de la mystique allemande. En Italie, Dante Alighieri, laïc également, soucieux de s’adresser à tous ceux qui n’ont pas eu le privilège d’étudier la philosophie, fait œuvre philologique en fondant d’une manière théorique la suprématie de la langue maternelle et vulgaire dans son traité De vulgari eloquentia de 1305 et il réclame une langue italienne unifiée, c’est-à-dire toscane ; sa pensée est pénétrée d’influences arabo-musulmanes, lesquelles, tout en se prétendant aristotéliciennes, sont d’inspiration très platonicienne ; selon lui, la langue vulgaire, parce qu’elle est vivante et dynamique, est un medium possible de la philosophie et de la science4. Catherine de Sienne (avant 1347-1380) traduit dans sa langue maternelle des aspects controversés, voire méconnus, de la Somme de Thomas d’Aquin. Ni Raymond Lulle, ni Hadewijch d’Anvers, ni Dante, ni Catherine de Sienne — et on pourrait citer d’autres exemples — ne sont des philosophes de métier, mais tous sont des laïcs dont le cheminement spirituel est aussi un cheminement intellectuel, à l’imitation de ce qu’ils peuvent connaître des Confessions de saint Augustin. 2. — PHILOLOGIE ET CONVERSION DES FORMES DE PENSÉE, DES FORMES D’ÉCRITURE, DES FORMES DE VIE : RAYMOND LULLE 7 Le souci philologique du laïc majorquin Raymond Lulle (1235 ?-1316), converti en 1265, est lié à sa conception de l’organisation du savoir universel. L’Ars lullien, révélé par Dieu à

See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.