Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon dorothée ALeX sommaire p.4. ........Préface p.6. ........introduction p.7 .........Lyon et le pisé p.12 .......début de visite : reconnaître le bâti en pisé p.16 .......Quatre parcours urbains p.18 .......itinéraire saint-Just p.24 .......itinéraire Vaise p.28 .......itinéraire tassin la demi Lune p.34 .......itinéraire croix-rousse p.38 .......Lexique p.39 .......carnet d’adresses Auteurs, contributions & remerciements ce document a été réalisé par dorothée ALeX nous remercions tout particulièrement : Anne-sophie cLemenÇon, historienne d’art et chercheure à Avec des contributions de crAterre-ensAg l’ens, gilbert storti, Pierre VurPAs, maria FernAndeZ, Patrick david gandreau, hubert guillaud,t hierry Joffroy, sébastien mori- burdiLLAt, rainier hodde set, romain Anger, Laetitia Fontaine, bakonirina rakotomamonjy, Arnaud misse conception graphique Arnaud misse crédit Photographique dorothée ALeX, crAterre-ensAg, Anne-sophie clémençon isbn : 978-2-906901-??-? - © crAterre éditions - mai 2012 dorothée ALeX Petit guide t n e m u c o des Architectures d e r o i s V i o r en Pisé P à Lyon « construire avec la terre ! La matière première la plus disponible, la plus répandue, riche et belle, variée et variable, colorée, stable et instable (...) architecture vivante (...) indispensable dans la pensée architecturale contemporaine. » renzo Piano building Worksop 4 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon préface La ville de Lyon est classée « Patrimoine de d’identifier les constructions en pisé car celui- l’humanité », pourtant cette appellation ne ci n’est visible qu’à de rares moments (parties recouvre nullement un patrimoine méconnu abîmées à l’air libre, réparations, réfections de et très menacé, les constructions en pisé de façades…). terre. de fait, l’agglomération lyonnaise est Anne-sophie cLémenÇon sans doute l’une des rares villes en europe Le travail de d. Alex est important et il faut historienne des formes urbaines à concentrer une telle proportion de « pisé le continuer. en effet, le pisé de terre, et les et de l’architecture urbain». ce sont des bâtiments, parfois de constructions en terre en général, constituent chargée de recherche au cnrs grande hauteur, construits au centre comme une réponse de qualité à des questions très université de Lyon en périphérie, selon une tradition ancienne contemporaines. il est clair maintenant que « environnement/Ville/société » (umr 5600) ecole normale supérieure de Lyon jusqu’au début du XXe siècle. Le fait que l’un l’avenir de l’architecture doit répondre à des des plus importants théoriciens historiques, préoccupations écologiques. nous n’avons François cointereau (1740-1830), soit originaire tout simplement pas le choix. Les questions de cette cité, dans laquelle il a largement expé- d’empreinte écologique, de matériaux renou- rimenté ses propositions, n’est sans doute pas velables, de baisse de la consommation lors anodin. de la construction comme lors de l’utilisation du bâtiment…sont au coeur de la réflexion ac- un travail de recherche précurseur, composé tuelle. or, le pisé de terre, qu’il ait été mis en d’une étude historique et d’un premier inven- oeuvre dans le passé ou qu’il soit contempo- taire des bâtiments, a été mené en 1981-1983 sur rain, constitue une réponse extrêmement perti- ce territoire par deux historiennes de l’architec- nente à ces préoccupations. en effet, c’est un « ture et un ethnologue1. il prenait place dans un contexte alors favorable à la réflexion sur la construction en terre : l’étude sur cointereau dont il constitue un chapitre, l’exposition « des architectures de terre » au centre georges Pom- pidou2, et le lancement d’un quartier contem- porain en terre à l’isle-d’Abeau entre grenoble et Lyon. trente ans après, ce travail est repris et développé par dorothée Alex, dans le cadre de son master à l’ecole d’architecture de Lyon. elle s’inspire du premier inventaire dans lequel elle fait des choix, elle y ajoute ses propres dé- couvertes et elle développe des comparaisons en plaçant côte à côte les photos anciennes et récentes. cela permet de voir l’évolution des bâtiments en trente ans et multiplie les chances 1 dominiqueb ertin,A nne-sophiec lémençon,d omari drissi“, L’architecturee nt erre,u nm oded e constructionu rbainl, ec asd eL yone ts ab anlieue”d, ansF rançoisc ointeraux1, 740-1830a, rchitectured et erre, ministèred el ’urbanismee td ul ogements, ecrétariatd el ar echercheA rchitecturaleP, arisr, apport1 °p hase mars1 981,r apport2 °p hased écembre1 981,r apport3 °e td ernièrep hasem ars1 983. 2 Jeand ethier( dir)d, esa rchitecturesd et erreo ul ’avenird ’unet raditionm illénairec, atalogued ’exposi- tion, centre georges Pompidou, centre de création industrielle, Paris, 1981. 5 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon véritable matériau écologique » : inépuisable et l’eau, qui génère d’importants dégâts dans recyclable, économe en énergie, à forte inertie un laps de temps très court. A partir d’un in- thermique, aux propriétés acoustiques élevées, ventaire systématique, et en accord avec les aux capacités d’assainissement de l’air, et aux services publics et les gestionnaires de ces im- grandes qualités esthétiques, s’intégrant bien meubles (les « régies » lyonnaises), une mesure au site et présentant des couleurs et des formes d’urgence pourrait être mise en place chaque variées. un de ses inconvénients majeurs est fois qu’un dégât des eaux est décelé dans ce toutefois sa fragilité à l’eau, qu’il est possible type de constructions. elle entraînerait alors de prévenir comme l’explique d. Alex. Le pisé une intervention rapide qui éviterait une ag- de terre mis en oeuvre dans le passé nous gravation irrémédiable du problème. ensuite, montre donc la voix d’une solution contem- l’un des défis de l’architecture ancienne en poraine. Lui donner un statut patrimonial et le terre va être de s’adapter aux nouvelles normes protéger, c’est reconnaître ses qualités et les énergétiques, en particulier le renforcement de projeter dans l’avenir. l’isolation thermique. celle-ci est nécessaire sur l’ensemble du bâti ancien pour faire face Le chantier qui s’ouvre à nous maintenant pour à l’augmentation du prix du chauffage, réper- reconnaître et mettre en valeur ce patrimoine cutée par celle des énergies fossiles en voie de pourrait s’orienter dans trois directions princi- disparition. cependant, concernant le pisé de pales : prévention, mise aux normes, connais- terre, cela est rendu plus difficile par la néces- sance. il faudrait mettre en place une préven- sité de conserver une bonne visibilité des murs tion adaptée à la fragilité principale du pisé, pour détecter rapidement les fuites d’eau. en- La construction en terre est une tradition fin, une des façons les plus efficaces de protéger un patrimoine est de le faire connaître. il faut vieille de 11 000 ans. néanmoins, contraire- donc accroître la recherche dans ce domaine, ment aux autres techniques de construc- en particulier vers un inventaire systématique tions traditionnelles (comme l’adobe, la du bâti existant, puis aller vers les publications bauge ou le torchis), le pisé est en compa- scientifiques comme grand public. raison relativement récent puisqu’il semble apparaître pour la 1ère fois à carthage en tunisie en 814 av. Jc. cette technique nouvelle va s’étendre autour du bassin méditerranéen et dans le maghreb. A partir du Viiie s., avec l’expan- sion de l’islam, le pisé s’exporte en europe, d’abord en espagne, puis en France. en France, c’est dans la région rhône- Alpes que le patrimoine en pisé est le plus important : il représente plus de 40% du patrimoine architectural rural. mais il est aussi présent dans les centres urbains, qui Page de gauche, grande rue de la conservent de nombreux bâtiments encore croix-rousse. ci-contre, quartier saint- habités. Just, rue benoist mary. deux secteurs riches de constructions en pisé. 6 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon introduction « Lorsque le passé n’éclaire plus l’avenir le camilio boito disait que « recenser une ar- présent marche dans les ténèbres » chitecture c’est avant tout reconnaître sa va- cette phrase de l’écrivain Alexis de tocqueville leur comme héritage. La donner à voir, c’est (1805-1859) conserve tout son sens aujourd’hui, prendre conscience de son importance, c’est lui et peut s’appliquer à bien des domaines, y com- redonner vie et lui apporter la reconnaissance pris à l’architecture. en observant comment les dont elle a besoin ». nous avons donc pris le hommes bâtissaient autrefois et en considérant parti avec ce guide de dresser l’inventaire des les techniques anciennes avec un regard du XXiè constructions en pisé de la ville de Lyon, pour siècle, nous sommes capables d’en faire une sauver de l’oubli l’architecture terre, et pour- analyse raisonnée des qualités comme des dé- quoi pas la réhabiliter. Pourquoi avoir choisi fauts, et ceci nous aide à faire des choix éclairés Lyon ? en s’intéressant au patrimoine architec- pour l’avenir. Par exemple quand nous essayons tural bâti en terre crue en France, il apparaît de trouver des réponses aux problèmes envi- nettement que la région rhône-Alpes constitue ronnementaux que pose l’habitat de demain. un foyer riche en constructions en pisé. Prin- or, dans l’histoire des constructions, il existe cipal domaine d’étude du laboratoire greno- un matériau, utilisé pour construire depuis des blois crAterre, cette région a déjà fait l’objet milliers d’années, et qui, à chaque époque, a de plusieurs inventaires. mais, peut-être parce fourni les réponses aux contraintes spécifiques que l’architecture de terre est traditionnelle- de son temps : la terre. Quoi de plus naturel en ment associée au monde agricole, aucun n’a effet que de construire avec ce que nous avons été fait sur la ville de Lyon1. Pourtant, nous le sous les pieds ? issue du milieu environnant, re- verrons, cette architecture rurale s’est implan- lativement peu transformée, à disposition sans tée aussi en ville, et un nombre non négligeable nécessité de transport, elle répond immédiate- de constructions y subsistent. ment à la demande en habitat. A ces avantages pratiques s’ajoutent d’indéniables qualités esthétiques : parce qu’elle est prise sur le lieu même de construction, elle s’adapte parfaite- ment avec son environnement, dans la diversité de ses formes, de ses couleurs, et de ses textures. si l’on ajoute les performances économiques et écologiques qui lui sont maintenant reconnues, et qui répondent à certains de nos objectifs ac- tuels, nous avons logiquement matière à lui re- faire une place dans les esprits. 1L ad ernièreé tuder éaliséep arl ac hercheuseA nne-sophiec lémençond, ated e1 983e tm éritaitd ’être réactualisée et mise en lumière. 7 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon Lyon à l’époque gallo-romaine, sur le plateau de fois encore des campagnes. à l’est, sur la rive Fourvière, les romains utilisaient déjà la terre gauche du rhône, qui, par sa nature maréca- qu’ils avaient sous les pieds pour construire. geuse, n’était habitée que par une population et le pisé dans le 5e arrondissement de Lyon, rue des pauvre issue du monde paysan. L’historienne Farges, des archéologues2 ont trouvé de mul- d’art et chercheure Anne-sophie clemençon, tiples témoignages de ce type de construc- dans son article Lyon, pisé urbain3, nous retrace tion, et les fouilles ont notamment permis de l’histoire de l’urbanisation des constructions en comprendre les différentes méthodes mises en pisé : oeuvre par les romains. ceux-ci utilisaient cou- « dès la fin du XVie s. commençait l’urbani- ramment la brique de terre crue moulée (adobe) sation de la croix-rousse, par la grande rue, pour leurs habitations. Par la suite, entre la fin dont une partie importante est construite en du ier et iie s. ap. J.c., les constructions en adobe pisé et où des ensembles complets subsistent furent remplacées peu à peu par des habitations aujourd’hui. […] L’urbanisation commence à pans de bois utilisant le torchis comme rem- autour de 1550 mais c’est surtout à la fin du plissage. mais la technique spécifique du pisé XVie s. et au début du XViie s. que s’intensifie ne semble pas être attestée à cette époque. Les l’édification de petites maisons basses de 1 à 2 constructions en terre disparaissent ensuite au étages […]. dans la première partie du XiXe s, profit des constructions en bois ou en pierre au la rive gauche du rhône, entre le vieux bourg moyen-âge. elles reparaissent vers le milieu du de la guillotière au sud et le nouveau quartier XVie s. avec l’urbanisation croissante de Lyon ; morand au nord, est urbanisée ». et elles prendront véritablement leur plein essor ici, dans le quartier des brotteaux, les terrains au XiXe s. avec le phénomène de l’exode rural. appartiennent aux hospices civils de Lyon (hcL) effectivement, en se développant, Lyon attire qui, en attendant qu’ils prennent de la valeur, des populations agricoles attirées par sa prospé- les louent à bas prix à des fermiers venus s’ins- rité. elles s’installent en arrivant aux portes de la taller à Lyon, et ce pour des baux de courte ville, près des grands axes de circulation ; et elles durée (3, 6 ou 9 ans), les terrains devant être apportent leur savoir-faire en construisant avec à terme rendus libres. Les constructions de ce le matériau disponible sur place : la terre. Les fait y sont bien souvent précaires, car elles sont constructions en pisé sont de ce fait situées sur- construites rapidement, pour peu de temps, tout sur des zones frontières entre la campagne utilisant le matériau terre local, qui ne néces- et la ville. La carte ci-après nous donne la répar- site aucun transport et s’emploie directement tition de ces habitations dans la ville de Lyon. sans transformation. on trouve donc, derrière les façades de l’habitat bourgeois constitué de on retrouve ces constructions : au nord de maisons hautes en maçonnerie de pierre, des Lyon, dans les quartiers de la croix-rousse, de entrepôts, usines, ateliers et petites maisons, caluire, sur l’axe de pénétration des dombes. dont le principal matériau de construction est A l’ouest, à Vaise, au carrefour de la route de le pisé, auquel sont souvent adjoints, le bois, le Vienne et de la route de Paris, entre les ter- mâchefer, la pierre et parfois la brique, maté- ritoires du morvan et bourbonnais ; dans le riaux de récupération, associés de façon anar- Limite de l’étude : Lyon intra- 5e arrondissement et ste-Foy qui étaient autre- chique pour des raisons pragmatiques, par une muros et trois communes du grand Lyon > 2 Voira rticled esbAt( A.),« r ued esF arges:l at erreg allo-romaineà L yon» ,P ignons urr ue,m ensuel 3 cLemenÇon( A.s.)b, ertin( d.)a, rticleL yonP: iséu rbaind ansP ignons urr uem, ensuelr égionald ’informa- régionald ’informationa rchitecture-urbanisme-construction,n °30,m ai1 981p 1 2. tion architecture-urbanisme-construction, n°30, mai 1981. p 18. 8 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon construire en terre, oui, mais laquelle? on ne construit pas avec n’importe quelle population pauvre. Pour cette population, le de mâchefer dans toute l’étendue de l’agglo- terre. Les terres à bâtir sont prélevées sous pisé est considéré comme un matériau à part mération lyonnaise, y compris la commune de la couche végétale (20 à 40 cm de pro- entière, et jugé comme fiable, en particulier Villeurbanne4 ». seront également interdits les fondeur), elles ne doivent plus comporter pour ses qualités ignifuges (contrairement murs de clôture en pisé ayant une partie ma- d’éléments organiques. idéalement La au bois qui sera interdit bien avant le pisé à çonnée inférieure à 2 m. il conclut ainsi : « en terre à pisé est constituée de grains de cause des nombreux incendies qu’il favorise). conséquence, il ne sera plus à l’avenir, élevé différentes tailles en proportions assez meilleur marché, économique et donc popu- dans toute l’étendue de l’agglomération lyon- homogènes (cailloux, graviers, sables, laire, il est utilisé par les classes sociales défa- naise de construction autres qu’en bonne ma- silts et argiles), vorisées comme la pierre l’est par les bourgeois çonnerie de chaux et de sable »5. Les construc- traditionnellement elle est prélevée et et les nobles. à plusieurs reprises, notamment tions en pisé devenues dangereuses à la suite mise en oeuvre au printemps, quand son par un décret en 1840, l’administration tente de cette crue, ne pourront ainsi pas être répa- taux d’humidité est idéal, ni trop mouillé, de limiter, voire d’interdire, la construction en rées, et devront être démolies. se voyant inter- ni trop sec. pisé, en réglementant par exemple la hauteur dire de construire avec le seul matériau éco- des bases en maçonnerie à 1 m 50 et en limitant nomique à leur disposition, les classes sociales la hauteur des constructions à 5 m. cependant, défavorisées sont alors contraintes de s’instal- ces habitations continuent de se construire, et ler plus à l’est ; laissant la place à une classe de ce n’est qu’après la terrible crue du rhône de moyenne bourgeoisie devenue à l’étroit dans 1856 qui submerge la rive gauche et détruit en la presqu’île. en 1872, un nouveau décret est une journée la quasi-totalité des maisons en établi : la construction en terre n’est plus inter- pisé, que des mesures drastiques sont prises dite, mais réglementée. cet assouplissement se couche par le préfet Vaïsse le 19 juin de la même année. justifie par l’éloignement de la menace princi- suPérieure il interdit « les constructions de chaux grasse et pale : l’eau, grâce à la construction de barrages orgAniQue et l’aménagement du cours du rhône. mais l’avènement de l’ère industrielle, vers la fin du XiXe s. et le début du XXe s., apporte d’autres matériaux, comme le béton banché, qui rem- placent le pisé et engendrent sa disparition progressive comme matériau de construction. terre Aujourd’hui, ce sont donc des constructions à antérieures à 1900 qui persistent dans le pay- bâtir sage urbain lyonnais. bien qu’ignorées par la plupart des traités sur l’architecture lyonnaise, elles sont encore nombreuses, et témoignent d’une époque et d’un savoir-faire oublié, qu’il est important de faire connaître, comme l’a fait en son temps l’architecte et entrepreneur lyon- roche nais François cointeraux. mère 4 extraits du texte du décret du préfet Vaïsse, datant du 19 juin 1856. 5 ibid Quartier saint-Just, rue de la Favorite. 9 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon Planches du cahier d'architecture rurale de François cointeraux. FrAnÇois cointerAuX mique français, pour faire l’apologie du pisé. (1740-1830) inventeur du terme « agritecture », discipline qui lie architecture et agriculture, il fut tout à la figure marquante de la ville de Lyon. fois architecte, géomètre et entrepreneur. Attiré par l’aspect économique du matériau terre, il en vante les mérites à une époque qui se pré- si le pisé du Lyonnais reste la référence pre- occupait du bien-être social et où se dévelop- mière en matière de pisé, c’est en partie grâce pait tout un mouvement en faveur du logement à François cointeraux (ou cointereaux, les 2 populaire. Le pisé permet en effet de construire orthographes existent), lyonnais, entrepreneur des maisons économiques et incombustibles, de du XViiie s. siècle, un personnage qu’il convient grande solidité et salubrité. sa carrière lyonnaise de redécouvrir. il contribua en effet à faire re- est fort longue (1740-1786), il réalisa dans sa connaître l’architecture en pisé non seulement à ville la plus grande partie de ses constructions, Lyon, mais à travers toute l’europe, les états-unis dont certaines subsistent encore. mais curieuse- et même l’Australie, grâce à la création d’écoles ment, ce théoricien inventif reste méconnu dans d’architectures rurales et à la publication d’une la ville qui l’a vu naître. il construit en pisé dans trentaine d’ouvrages de vulgarisation traduits les quartiers de st-Just, de st-irénée et surtout en plusieurs langues, qui offraient une approche de Vaise. intéressé par la construction sociale, didactique de la manière de construire en pisé. il élève dans ce quartier, pour les soyeux lyon- né à Lyon en 1740 et mort à Paris en 1830, il a nais, un ensemble de 24 boutiques-logements, été l’un des premiers entrepreneurs à s’intéresser connues aujourd’hui sous le nom de « maisons aux constructions rurales dans l’espace agrono- cointeraux » et qui sont toujours visibles. c’est Lyon qui lui offrit également matière à réflexions sur la maintenance des constructions en pisé, puisque c’est là que, revenu de Paris, il publia, en 1796, Le pisé à l’épreuve du canon, ouvrage écrit à la suite d’une série de bombardements lors du siège de Lyon qui ravagèrent plusieurs de ses maisons dans le faubourg de Vaise. ces destructions lui inspirèrent le moyen de « faire solidement tenir les enduits sur l’ancien pisé6 ». La même année, il installe à Lyon son école d‘architecture rurale, établie à Vaise. elle est la quatrième du genre, après celles de grenoble, Amiens et Paris. ses écoles proposaient, non seulement de présenter des modèles expéri- mentaux de constructions en terre et de pro- mouvoir leurs procédés par des textes et des gravures, mais aussi de former des élèves-ar- chitectes et des ouvriers-piseurs. 6 cointeraux F., Xe conférence, Paris, 1808-1809, p239 et suite. 10 Petit guide des Architectures en Pisé à Lyon elles étaient ouvertes à tous, notamment aux carrière à Paris. c’est là qu’il publie la majorité entreprises qui pouvaient venir voir différents de ses ouvrages techniques qui contribuèrent à types de construction en pisé. tout ce qui était installer sa renommée à travers le monde. Au- présenté au public reproduisait l’architecture jourd’hui, des constructions spectaculaires en de pierre dans le style néoclassique de l’époque pisé restent le témoignage de son œuvre, no- de la révolution et de l’empire, que F. cointe- tamment en Allemagne (dont un immeuble de raux s’attachait à adapter au matériau terre. Le 7 étages édifié en 1830 à Weilburg par l’archi- rayonnement de ces écoles fut assez important tecte Wimpf, disciple de cointeraux). ses idées, en France et de nombreux particuliers firent sa réflexion technique, économique et sociale, appel à cointeraux pour leurs habitations. mal- restent pertinentes aujourd’hui, et son œuvre heureusement, l’école de Lyon ferma ses portes mériterait d’être reconnue en France, et encore peu de temps après sa création : obligé de quit- plus à Lyon, qui a été le terrain d’expérience de ter la ville ne s’y sentant plus en sécurité, il part cointeraux l’inventeur. définitivement en 1796 pour faire sa seconde La mise en oeuvre du pisé Le pisé lyonnais constitue la technique de Planche sur la mise en oeuvre du pisé, extraite référence, tant par ses outils que par sa du premier cahier d'architecture rurale de François cointeraux. mise en œuvre, et ce grâce à la diffusion mondiale de F. cointeraux. celui-ci nous explique la technique du pisé : « Le pisé est un procédé d’après lequel on construit des maisons avec de la terre [...] sans le sou- tenir par aucune pièce de bois. il consiste à battre, lit par lit, entre des planches, à l’épaisseur ordinaire des murs et moellons, de la terre préparée à cet effet. Ainsi battue, elle se lie, prend de la consistance et forme une masse homogène qui peut être élevée à toutes les hauteurs données pour les habitations.1 » Le pisé est donc une technique de maçonnerie de mur en terre crue monolithique coffrée, faite de couches superposées de terre compactée. Le mur obtenu est un mur porteur, d’une épaisseur de l’ordre de 50 cm en moyenne. 1F .c ointeraux,é coled ’architecturer uralee té conomique,P aris,1 790