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Paysage argente PDF

161 Pages·2011·0.74 MB·French
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Paysage argenté Charlotte Lamb Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre : HAUNTED La loi du 11 mars 1957 n'autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et sui- vants du code pénal. © 1983, Charlotte Lamb © 1984, Traduction française : Édimail S.A. 53, avenue Victor-Hugo, Paris XVIe — Tél. 500.65.00 ISBN 2-280-00183-7 ISSN 0182-3531 1 Elizabeth n'avait pas retenu le nom de son interlocuteur, elle l’avait à peine regardé depuis qu'on le lui avait présenté. C'était un petit homme corpulent, d'une cinquantaine d'an- nées, vêtu avec un luxe tapageur. Une énorme chevalière en or brillait à son doigt. Il s'agissait d'une réception d'affaires, mais cet homme-là n'était pas un de leurs clients. Aussi Elizabeth pouvait-elle se contenter de hocher poliment la tête de temps à autre sans vraiment l'écouter. Elle admirait distraitement les tableaux accrochés aux murs quand l'un d'eux la fit brusquement tressaillir Elle ne l'avait pas remarqué tout de suite, il était à demi dissimulé derrière une énorme fougère. Mais la jeune fille le reconnut immédiatement Elle s'en souvenait si bien ! N'avait-elle pas passé des heures sur la berge de la rivière, tandis que Damian le peignait ? Il représentait un paysage serein, tout en vert et en argent. Les saules, les canards sauvages, la douce lumière d'un ciel d'automne... — Il possédait une excellente technique, déclara l'homme à côté d'elle. Elle se tourna vers lui sans comprendre. — Je vous demande pardon ? 5 — Damian Hayes. C'est bien son œuvre que vous con- templiez, n'est-ce pas ? Il a peint cette toile voici deux ou trois ans. Ensuite, son style s'est transformé, il est devenu plus sombre, plus tourmenté, si vous voyez ce que je veux dire. Elizabeth voyait exactement ce qu'il voulait dire. Elle continua à fixer le tableau ; le visage de Damian se surimposa sur la peinture, dur, austère, avec un éclat sauvage dans les yeux. Quand il avait cette expression, Damian la terrorisait. C'est pour cela qu'elle avait tenté de l'oublier, pour cela qu'elle avait dressé l'océan Atlantique entre eux. Elle n'avait plus eu de nouvelles depuis si longtemps, et pourtant, elle revoyait le jour où il avait peint ce paysage comme si c'était la veille seulement. Deux ans. Deux ans s'étaient écoulés et il était toujours présent dans son esprit, il hantait ses pensées. Lui non plus ne l'avait pas oubliée, elle en était convaincue. Parfois, la nuit, elle se réveillait avec le sentiment qu'il pensait à elle. C'était une curieuse impression, comme s'il essayait de l'atteindre, et elle se redressait dans son lit en tremblant de tous ses membres. A cause de lui, elle n'osait pas rentrer chez elle, en An- gleterre. Elle voulait mettre la plus grande distance possible entre eux. Même ainsi, elle redoutait toujours de le voir surgir à New York. Elle ne lui avait pas dit qu'elle partait pour les Etats-Unis, et ses parents avaient juré de garder le secret. Mais sait-on jamais ? Quelqu'un pourrait apprendre qu'elle travaillait ici, le répéter à Damian, et alors... — Un drame épouvantable. Elle avait cessé d'écouter son interlocuteur depuis un bon moment ; elle entendit seulement ces deux derniers mots. — Quoi donc ? s'enquit-elle avec un sourire poli. — Sa mort. Elizabeth devint glacée. 6 — La mort de qui ? Ce n'était pas possible, il ne pouvait pas parler de Da- mian. — Celle de Bayes ! s'exclama l'homme d'un air mécon- tent. Vous ne m'écoutiez pas ! Elle l'avait blessé dans son amour-propre, il la toisa avec une vive irritation. — Il 'est pas mort, assura Elizabeth d'une voix rauque. Vous devez le confondre avec quelqu'un d'autre, il a seule- ment trente-cinq ans. — Il a été tué dans un accident de voiture l'année der- nière. Je l'ai appris dans les journaux. Il venait tout juste de présenter une grande exposition à Paris, son nouveau style avait fait fureur. C'est une perte tragique, il aurait pu devenir un très grand artiste. L'homme secoua la tête en soupirant. Elizabeth était pé- trifiée. Elle essaya de déglutir, en vain. Sa gorge était sèche et douloureuse. Cela ne pouvait pas être vrai. Elle s'efforçait de le croire et n'y parvenait pas. Damian ? Comment aurait-il pu mourir sans qu'elle le sache ? Combien de fois avait-elle pen- sé à lui, rêvé de lui, senti sa présence ? Non, c'était impos- sible, il ne pouvait pas être mort, pas lui ! Elle regarda autour d'elle sans rien voir, le visage blême. A l'autre bout de la pièce, un homme l'observa un moment puis, se détachant du groupe où il se tenait, il s'approcha d'elle. La jeune femme ne pleurait pas, mais elle avait les yeux embués. Elle n'aperçut pas Max avant qu'il soit juste devant elle. — Que se passe-t-il, Liz, vous semblez décomposée. Avez-vous un malaise ? Elizabeth sursauta. — Ah ! C'est vous, Max ! Elle essaya de sourire, mais Max ne fut pas dupe. Il se 7 tourna vers le compagnon de la jeune femme d'un air mena- çant. — Eh bien, Greenheim, comment trouvez-vous cette soirée ? — Oh ! Très agréable ! Très agréable ! s'empressa de répondre M. Greenheim, fort inquiet. Max Adams était un homme important. Il était riche et entendait, le devenir davantage encore. Sa haute taille, sa carrure d'athlète, ses épais cheveux roux, ses yeux noirs et vifs... tout en lui trahissait l'homme énergique et combatif. Sa firme de prêt-à-porter croissait à vue d'œil, en partie grâce à. sa farouche détermination, et en partie aussi grâce au talent d'Elizabeth. Les modèles créés par elle se vendaient comme des petits pains. Elle dessinait des imprimés origi- naux, jeunes et élégants. « Beaucoup de classe, », avait dit Max le jour où elle lui avait apporté ses premiers échantillons. « Beaucoup de style », avait-il ajouté en hochant la tête. Quand on rencontrait. Max pour la première fois, on était impressionné, voire intimidé. Mais Elizabeth avait très vite appris que sous cette apparence se cachait un cœur en or. Il n'épargnait rien pour la rendre heureuse : il avait trop peur qu'un de ses concurrents ne tente de la lui prendre ! Il lui donnait un salaire excellent, il lui avait trouvé un charmant appartement en plein centre de la ville, tout près du bureau, il l'avait convaincue de venir faire de la course à pied dans le parc tous les matins avec lui. Max organisait tout, il n'oubliait jamais le moindre détail, il choyait Elizabeth, et il la proté- geait. Il foudroya M. Greenheim du regard. — Qu'y a-t-il, Liz ? répéta-t-il. — Il fait très chaud, expliqua-t-elle. Il y a trop de monde. Elle avait besoin de se retrouver seule. Comment faire 8 pour savoir si la nouvelle donnée par M. Greenheim était exacte ? Si ses parents l'avaient appris, ils le lui auraient sû- rement dit. Qui appeler pour demander si Damian... Elle ne pouvait pas prononcer le mot, même mentale- ment. Il ne pouvait pas être mort. — Bien, je vous raccompagne, décida Max en lui pas- sant un bras autour des épaules. Excusez-nous, Greenheim, allez vous resservir à boire. La réception avait lieu chez Max, dans un vaste appar- tement au sommet d'un gratte-ciel. Par ses fenêtres, on voyait toute la ville avec ses artères géométriques, ses millions de lumières, et la masse verte du parc, au milieu. Max avait chargé un décorateur professionnel de tout installer. Les sièges étaient confortables, les moquettes profondes et douces, les couleurs harmonieuses. « Une maison où il fait bon vivre », avait déclaré le jeune homme avec satisfaction. Max était doté d'un solide sens pratique. Tandis qu'ils se dirigeaient vers la porte, ils durent s'arrê- ter plusieurs fois. Elizabeth avait du mal à contenir son impa- tience, elle ne tenait pas en place et ne parvenait pas à ré- pondre aux questions anodines de leurs connaissances. Max s'en aperçut, il prit congé d'un dernier groupe d'invités et en- traîna sa compagne vers la sortie. Dans l'ascenseur, elle t'adossa à la paroi, paupières closes. Elle se sentait sur le point de s'évanouir. Ils étaient au douzième étage quand elle rouvrit les yeux. Les numéros des étages s'allumaient les uns après les autres, onze, dix, neuf... — Quand avez-vous acheté ce Damian Hayes ? deman- da-t-elle soudain sans regarder Max. Il ne répondit pas tout de suite. — Le mois dernier, quand j'étais à Londres, dit-il enfin d'une voix neutre. Il vous plaît ? — Oui. 9 Elle pensait : « Je l'ai tout de suite aimé, pendant que Damian le peignait. J'ai vu chaque coup de pinceau, je me souviens de chacun de ses gestes. Il ne peut pas être mort, ce n'est pas vrai. » Et elle attendait que. Max dise quelque chose, qu'il fasse une remarque à propos de Damian. Assurément, si Damian était mort, on le lui aurait dit quand il avait acheté ce tableau ? Elle ne se résignait pas à lui poser la question, elle avait peur. Si elle le lui demandait, tout deviendrait réel, elle ne voulait pas entendre sa réponse, elle préférait le doute. — Il est apaisant, commenta Max. — Oui. Damian était calme et détendu le jour où il l'avait com- mencé. Ses yeux noirs brillaient, un sourire tranquille retrous- sait ses lèvres. Ç'avait été un moment serein, là-bas, à côté de la rivière, sous les arbres. L'eau murmurait à leurs pieds, tout semblait endormi, ils avaient été heureux. Cette parenthèse magique n'avait pas duré, mais son souvenir ne s'était pas effacé, et le tableau le lui avait remis en mémoire. Une peine atroce la déchira. — J'aimerais en acheter d'autres, reprit Max. Ils en avaient un second, très différent. Celui-là ne m'a pas plu du tout. Il avait changé de style, paraît-il. J'ai dit, au vendeur qu'il aurait mieux fait de continuer dans le sens de ses premières œuvres. Max éclata de rire ; Elizabeth se tourna vers lui, cho- quée. — Qu'y a-t-il de si drôle ? — Je revoyais la tête du marchand quand je lui ai expli- qué cela. Il m'a regardé comme si j'avais blasphémé !... En- fin ! Il avait raison, d'une certaine façon. Hayes avait beau- coup de talent, il aurait pu devenir un des plus grands peintres de notre époque... Il s'interrompit en voyant la jeune femme chanceler. 10

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