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Parures et artifices: le corps exposé dans l'Antiquité PDF

291 Pages·2011·18.595 MB·French
by  BodiouLydie
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Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité Collection Histoire, Textes, Sociétés dirigée par Monique Clavel-Lévêque et Laure Lévêque Pour questionner l'inscription du sujet social dans l'histoire, cette collection accueille des recherches très largement ouvertes tant dans la diachronie que dans les champs du savoir. L'objet affiché est d'explorer comment un ensemble de référents a pu structurer dans sa dynamique un rapport au monde. Dans la variété des sources – écrites ou orales –, elle se veut le lieu d'une enquête sur la mémoire, ses fondements, ses opérations de construction, ses refoulements aussi, ses modalités concrètes d'expression dans l'imaginaire, singulier ou collectif. Déjà parus Stève Sainlaude, Le gouvernement impérial et la guerre de Sécession (1861-1863), 2011. Laure Lévêque (éditeur), Paysages de mémoire. Mémoire du paysage, 2006. Laure Lévêque (éditeur), Liens de mémoire. Genres, repères, imaginaires, 2006. Monique Clavel-Lévêque, Le paysage en partage. Mémoire des pratiques des arpenteurs, 2006. Lydie Bodiou Florence Gherchanoc Valérie Huet Véronique Mehl Parures et artifices : le corps exposé dans l’Antiquité Couverture : Pyxide attique à figures rouges, attribuée au peintre de Meidias, vers 420-400 avant notre ère. Terre cuite, Londres, British Museum, E775 © Trustees of the British Museum. © L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-55464-1 EAN : 9782296554641 Introduction Lydie Bodiou Florence Gherchanoc Valérie huet Véronique Mehl « Avec de l’ambroisie, elle efface d’abord de son corps désirable toutes les souillures. Elle l’oint ensuite avec une huile grasse, divine et suave, dont le parfum est fait pour elle […]. Elle en oint son beau corps (chroa), puis peigne ses cheveux de ses propres mains et les tresse en nattes luisantes, qui pendent, belles et divines, du haut de son front éternel. Après quoi, elle vêt une robe divine qu’Athéné a ouvrée et lustrée pour elle, en y ajoutant nombre d’ornements [d’éléments travaillés] (daidala polla). Avec des attaches d’or, elle l’agrafe sur sa gorge. Elle se ceint d’une ceinture qui se pare de cent franges. Aux lobes percés de ses deux oreilles elle enfonce des boucles, à trois chatons, à l’aspect granuleux, où éclate un charme infini. Sa tête enfin, la toute divine la couvre d’un voile tout beau, tout neuf, tout blanc comme un soleil. à ses pieds luisants elle attache de belles sandales. Enfin, quand elle a ainsi autour de son corps disposé toute sa parure (panta peri chroi thêkato kosmon), elle sort de sa chambre, elle appelle Aphrodite à l’écart des dieux […] »1. C’est ainsi qu’Héra met en ordre ses atours pour séduire et reconquérir son époux. Tout le corps de la déesse est objet de soin, de la tête aux pieds : la chevelure, la peau (enveloppe corporelle) ointe d’huile parfumée avant d’être parée de vêtements joliment ouvragés (robe, voile, chaussures), agrémentés de bijoux et autres accessoires (agrafes, ceintures) – des fanfreluches2. 1. Homère, Iliade, XIV, 170-189 (traduction P. Mazon, CUF). 2. La « parure brillante (kosmos phaeinos) » d’Aphrodite faite de « broches, spirales courbes, fleurs et colliers (porpas te gnamptas th’helikas kalukas te kai hormous) », d’une ceinture (zônê) et d’une robe éclatante (heimata sigaloenta) est comparable : cf. Hymne à Aphrodite I, 162-164 et aussi 61-66 et 84-90. 7 Introduction Aussi, les vêtements, bijoux et parures placés sur son corps, auxquels s’ajoute le « ruban brodé, aux dessins variés (kestos himas poikilos), où résident tous les charmes (thelktêria panta) » – don d’Aphrodite – constituent-ils tout le kosmos (v. 187). Dans l’épopée, kosmos désigne donc l’ensemble des atours d’Héra bien agencés et organisés autour de sa personne. Et, cette « mise en ordre, par l’ordre même qui est ajouté à l’état naturel, devient parure, mise en beauté »3. Mais cette beauté, l’ajout du beau au beau, recèle en elle une part d’artifice ; elle est en partie fabriquée (entre autres au moyen de daidala) et ordonnée. Les parures et un charme trompeur intensifient la beauté primaire et resplendissante de la déesse. Ils sont destinés à ensorceler Zeus. Du passage d’un corps nu à un corps paré (une parure quelle qu’elle soit), il y a l’artifice, une œuvre de mêtis, d’intelligence rusée, l’utilisation d’une technê. La kosmêtikê technê est ainsi précisément l’art de mettre en ordre, de s’arranger, de se parer ; il définit l’art de la toilette. Proche de cette dernière notion, la kommôtikê technê caractérise, elle, l’art de se parer, s’orner, se pomponner, d’où se farder. L’éventail couvert par le champ de la parure est donc très large. Les sources choisies par les différents auteurs du présent volume le montrent d’ailleurs. De la poésie lyrique archaïque à l’épigraphie, en passant par les vases, les reliefs ou les stèles, toutes concourent à tisser une image complexe et ambivalente des corps antiques. Le corps vêtu ou dévêtu, les parures, le voile, les coiffures, les tatouages, les parfums, les bijoux, les sandales et autres fards sont autant de manières de dire, de se montrer, d’agir et de provoquer. L’apparence et le souci de soi, les artifices et les parures dévoilent l’individu, l’identité, le genre, son appartenance à un statut et à un groupe ou, au contraire, suffisent au premier coup d’œil ou à la première effluve à rejeter l’Autre : le Barbare, l’esclave, l’efféminé… tous ceux qui, dans la cité grecque et à Rome, ne connaissent ou ne respectent pas les codes relatifs aux manières d’être et en jouent. Ainsi le kosmos, à l’origine, définit le nomos, l’euphonie et représente un idéal de conduite sociale interpersonnelle : il dit l’ordre, l’harmonie et la beauté4. Néanmoins, comme parure dépareillée et/ou décalée, il dénature, défigure, enlaidit et caractérise de ce fait un mauvais comportement, l’indécence et une attitude atypique susceptible d’être critiquée. Le corps paré, fardé, marqué voire déguisé exacerbe la personnalité d’un individu, mais donne aussi à voir de l’intimité, parfois avec subtilité, parfois au contraire, avec ostentation. C’est la frontière entre ce trop ou ce pas assez, entre le naturel et l’artifice au croisement de la nature et de la culture, qui va dire ce qu’il convient d’afficher dans une société où le « paraître » ou « les modes », le « convenable » ou l’« inconvenant » semblent tour à tour séduire ou exclure. Le large spectre chronologique choisi comme l’ample espace couvert, les mondes anciens, grec, étrusque et romain, facilitent la lecture des permanences mais aussi des ruptures et la mise en relief parfois des effets d’attrait voire des modes, ou 3. M. Casevitz, « à la recherche du kosmos », Le temps de la réflexion, X, 1989, p. 99. 4. P. Cartledge, P. Millet, S. von Reden (éd.), Kosmos, Essays in Order, Conflict and Community in Classical Athens, Cambridge, 1998, p. XIII. 8 Introduction des rejets : de l’Orient, de la richesse ostentatoire, de la sobriété retrouvée ou souhaitée. Une chose est certaine, le rôle de l’apparence et de ses outils ne se dément pas, seuls les objets, les matières, les goûts et les intentions changent. Les significations et les attendus aussi. Le corps est ainsi observé, scruté, célébré et vanté par une multitude de signes et d’objets. Se parer, se maquiller, se déguiser, se montrer nu ou sale, tatoué, coiffé ou tête nue, s’épiler ou porter perruque, sont autant de feintes, de ruses, de fards qui disent la mise en valeur et le beau comme le factice et la tromperie, en dévoilant ou bien en voilant l’identité, l’âge ou le statut. Mais ces subterfuges, babioles et autres fioritures qui marquent, révèlent ou masquent le corps, loin d’être des futilités exposent une société dans le jeu des apparences. Une démarche pesante, un visage trop fardé, un peplos pourpre ou un crâne dégarni sont des outils de lecture efficients qui donnent au corps, comme objet historique, toute son importance. Ces parures jouent comme des prolongements du corps. Leur association devient instrument de rhétorique et contribue à des modes d’action. Leur alliance constitue des processus actifs, dynamiques et « performatifs »5. Soumis au regard des autres, le corps ainsi paré attire, ensorcèle, dérange et s’avère parfois dangereux. Cet ouvrage est né de l’association amicale et scientifique des membres de plusieurs laboratoires, le LAHM-UMR 6566 (Rennes 2), Phéacie (Paris 1 et Paris 7) et le Centre Louis Gernet (EHESS)6. En effet, Lydie Bodiou (Université de Poitiers) et Véronique Mehl (Université de Bretagne Sud) mènent depuis plusieurs années, au sein de l’axe « Corps » du laboratoire LAHM-Crescam, des recherches sur l’expression des corps antiques7, sur les corps outragés8 et sur le parfum et les odeurs dans les mondes anciens9. Florence Gherchanoc (Université Paris Diderot - Paris 7) et Valérie Huet (à l’époque, à l’Université Paris Diderot - Paris 7) ont co-dirigé de 2004 à 2009 un axe de recherches sur la mise en perspective et en contexte des vêtements, les formes de dénudations et la nudité des Anciens, dans leurs dimensions sociologique et culturelle, tout en privilégiant une approche anthropologique10. 5. C. S. Colburn, M. K. Heyn (éd.), « Introduction », dans Reading a Dynamic Canvas. Adornment in the Ancient Mediterranean World, Cambridge, 2008, p. 1-2. Lire par exemple F. Gherchanoc, « Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance », RH, CCCV/4, 2003, p. 739-791. 6. Les deux derniers laboratoires sont dorénavant réunis dans la nouvelle équipe ANHIMA- UMR 8210. 7. L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (éd.), L’expression des corps. Gestes, Attitudes, Regards dans l’iconographie antique, Rennes, 2006, premier volume d’une collection initiée et dirigée par le LAHM-Crescam, Les cahiers du corps antique aux Presses Universitaires de Rennes. 8. L. Bodiou, V. Mehl, M. Soria (éd.), Corps saccagés, corps outragés. Regards croisés de l’Antiquité au Moyen-Age, Turnhout, 2011. 9. L. Bodiou, D. Frère, V. Mehl (éd.), Parfums et odeurs dans l’Antiquité, Rennes, 2008. 10. F. Gherchanoc, « Le(s) voile(s) de mariage. Le cas particulier des anakaluptêria », Mètis, 9

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