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Oeuvres philosophiques PDF

420 Pages·1751·11.09 MB·French
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ŒUVRES PHILOSOPHIQUES. Dm nobis baec otia ficit. Viigil À B E R L I N , c h e z E T I E N N E d e BO U R D E A U X , LIBRAIRE DU ROV ET DE LA COUR MDCCLL D I S C O U R S P RÉ L I MI NAI RE . e me propofe de prouver que la Philofophie, toute contraire qu'elle eft à la Morale & à la Religion, non feulement ne peut détruire ces deux liens de la Société, comme on le croit communément, mais ne peut que les reflerrer & les fortifier de plus en plus. Une diflèrtation de cette importance, fi elle eft bien faite, vaudra bien, à mon avis, une de ces Pré­ faces triviales, où l'Auteur humblement à genoux devant le Public, s’encenfe cependant avec fit modeftie ordinaire: Et j’efpère qu'on ne la trouvera pas déplacée à la tête d'Ouvrages a 2 de IV D I S C O U R S de la Nature de ceux que j’ofe remporter, malgré tous les cris d'une haine (*) qui ne mérite que le plus parfait mé­ pris. Ouvrez les yeux; vous verrez affichés de toutes parts: „ Preuves de l'exiflence de Dieu par les merveilles de la Nature. >,Preuves de l'immortalité de l’Ame par la Géométrie & l’Algèbre. ,,La Réligion prouvée par les faits. „ Théologie Phyfique. Et tant d*autresr Livres femblables. Lifez-les, fans autre pré­ paration, vous ferez perfuadé que la Philofophie elt par elle même favorable à la Religion 8c à la Morale, 8c qu’enfin l’é­ tude de la Nature eft le plus court chemin pour arriver, tant à la connoiffance de fon adorable Auteur, qu'à l’intelligence des vérités morales & révélées. Livrez-vous enfuite à'çe genre detude; & fans embrafler toute cette vafte étendüe de Phyfique, de Botanique, de Chymie, cTHiftoire nlçmelle, d'Anatomie, farts vous donner la peine de lire les meilleurs Ouvrages des Philofophes de tous les fiédes, faites vous Médecin feulement, 8c à coup fâr vons te ferez comme les autres. Vous recormokrez la vanité de nos Déclamateurs, fbit qu’ils fafient retentir nos Temples, foit qu'ils fe récrient éloquetrtrttent dans leurs Ouvrages fur les merveilles de la Nattirei 8c fuivaftt l’Homme pas *à pas, -dans ce qu'il tient de fés Pères, dans fes divers âges, dans lèspartions, dans fes mate* 'C) Odlam Thcologicum. y P R E L I M I N A I R E . maladies, dans là ftruéiure, comparée à celle des Animaux, vous conviendrez que la foi feule nous conduit à la croiance d’un Etre fbprême; & que l’Homme, organisé comme les autres Animaux, pour quelques degrés d’intelligence de plus* fournis aux mêmes loix, n’en doit pas moins fubir le même fort. Ainfï du faite de cette immortalité glorieufc, du haut de cette belle Machine Théologique, vous descendrez, comme d'une Gloire d’Opera, dans ce Parterre phyiîque, d’où ne vo* yant par-tout autour de vous que madère étemelle, & formes qui fe fuccédent & périflfcnt fans ceflè, confus, vous avouerez qu'une entière deflraétion attend tous les corps animés. Et enfin ce Tronc du Syftême des moeurs parfaitement déraciné par la Philofophie, tous les efforts qu’on a faits pour conci­ lier la Philofbphie avec la Morale, & la Théologie avec la Raiibn, vous paraîtront frivoles & impuiflàns. Tel eil le premier point de vtie, & le Plan de ce Dis­ cours; avançons de dévelopons toutes ces idées vagues & générales. La Philofophie, aux recherches de laquelle tout eft fournis, eft foumife elle-même à la Nature, comme une fille à fa Mère. Elle a cela de commua avec la vraie Médecine, qu’elle k frit honneur de œt efclavage, qu’elle n’en connoit point d'autre, dç n’entend point d’autre voix. Tout ce qui n’eû pas puifé dans le fein même de la Nature, tout ce qui u’eft pas Phénomènes, Caufes, Effets, Science des chofès eu un mot, ne regarde eu rien la Philofophie»devient d’une iburce qui lui eft étrangère. Telle a ) VI D I S C O U R S Telle eft la Morale; Irait arbitraire de la Politique,' qui peut à jufte titre revendiquer ce qu’on lui a injuftement ufor- pé. Nous verrons dans la fuite, pourquoi elle a mérité d’être mife au nombre des parties de la Phiîofophie, à laquelle il eft évident que proprement elle n’appartient pas. Les Hommes allant formé le projet de vivre enfemble» il a fallu former un Sÿftème de moeurs politiques, pour la fûreté de ce commerce: Et comme ce font des Animaux indociles, difficiles à dompter, & courant Jpontanément au Bien- être perfas& nef as, ceux qui par leur fagefie & leur génie ont été dignes d’être placés à la tête des autres, ont fagement appellé la Réligion au fecours de Régies & de Loix, trop froides & trop fenfées, pour pouvoir prendre une Autorité abfolüe fur l’impétueufe imagination d’un Peuple turbulent & frivole. Elle a para les yeux couverts d’un Bandeau lâcré; & bientôt elle a été entourée de toute cette multitude qui écoute bouche béante & d’un air ftupéfâit les merveilles dont elle eft avide; merveilles qui la contiennent, ô prodige! d’au­ tant plus, qu’elle les comprend moins. Au double frein de la Morale & de la Religion, on a prudemment ajoûté celui des fupplices. Les bonnes, & for- tout les grandes A étions n’ont point été fans récompenfe, ni les mauvaifes fans punition; & le fonefte exemple des cou­ pables a retenu ceux qui alloient le devenir. Sans les Gibets, les Roües, les Potences, les EchaflTauts, fans ces Hommes ÿilst rebut de la Nature entière, qui pour de l’argent étrangleraient l’Univers, malgré le jeu de toutes ces merveilfeufos machines, le plus foible n’eût point été à l’abri du plus fort. Puis- P R E L I M I N A I R E . vu Puisque la Morale tire ion Origine de la Politique; comme les Loix 8c les Bourreaux; il s'enfuit qu'elle n’eft point l’ouvrage de la Nature, ni par confisquent de la Philo- fophie, ou de la Raifon, tous termes fynonimes. De là encore il n’eft pas furprenant que la Philofophie ne conduite point à la Morale, pour fe joindre à elle, pour prendre fon parti, & l’appuier de fes propres forces. Mais il ne faut pas croire pour cela qu'elle nous y eonduife, comme à l’Ennemi, pour l’exterminer; fi elle marche à elle, le flam­ beau à la main, c’eft pour la reconnoître en quelque forte, 8c juger de fang froid de la différence efTentielle de leurs intérêts Autant les choies font differentes des]moeurs, le fenti- ment, des Loix, 8c la vérité, de toute conventionjarbitraire, autant la Philofophie eft différente de la Morale; ou; li fon veut, autant la Morale de la Nature (car elle a la tienne) dif­ fère de celle qu’un Art admirable a (àgement inventée. Si celle-ci paraît pénétrée de Refpeét pour la célefte fource dont elle eft émanée (la Religion;) fautre n'en a pas un moins profond pour la vérité, ou pour ce qui en a même la fîmple apparence, ni un moindre attachement à lès goûts, fes plai- tirs, & en général à la Volupté. La Religion eft la Bouflole de fune: le plaifir celle de l’autre, en tant qu'elle font; la vé. rité, en tant qu'elle penfe. Ecoutez la première: elle vous ordonnera nnpérieufe- ment de vous vaincre vous-mêmes; décidant fins balancer que rien n’eft plus facile, & que »pour être vertueux, il ne faut » que vouloir.» Prêtez l'oreille à la féconde ; elle vous invi­ tera VIH D I S C O U R S tera à fuivre vos penchans, vos Amours, & tout ce qui vous plaît; ou plutôt dès-lors vous les avez déjà fuivis. Eh! que le jplaifir qu’elle nous infpire, nous fait bien fenrir, fans tant de raifonnemens fuperflus, que ce n’eft que pat lui qu’on peut être heureux! Ici, il n’y a qu’à fe laifler doucement aller aux agréables impullions de la Nature; là, il faut le roidir, fe régimbtr con- tr’elle. Ici, il fuffit de fe conformer à foi-même, d’être ce qu’on eft, & en quelque forte, de fe redèmbler; là, il fout reflèmbler aux autres malgré foi, vivre 8c presque penfer comme eux. Quelle Comédie! Le Philofophe a pour objet ce qui lui paraît vrai, ou foux, abftraêlion faite de toutes conféquences; le Législateur, peu inquiet de la Vérité, craignant même peut-être (foute de Philofophie, comme on le verra) qu’elle ne tranfpire, ne s’oc­ cupe que du jufte & de l’injufte, du Bien & du Mal Moral. D’un coté, tout ce qui paraît être dans la Nature, eft appelle vrai; 6c on donne le nom de foux à tout ce qui nÿ eft point, à tout ce qui eft contrédit par l’obfèrvation 8c par l'expérien­ ce: de l’autre, tout ce qui fovorife la Société, eft décoré du nom de jufte, d’équitable, 6cc. tout ce qui blefle fes intérêts; eft flétri du nom d’injufte; en un mot, la Morale conduit à l’Equité, à la Juftice &c. 6c la Philofophie, tant leurs objets font divers, à la Vérité. La Morale de la Nature, ou de la Philofophie, eft donc aufti differente de celle de la Réfigion 6c de la Politique, Mère de Pane & de l’autre, que ‘la Nature feft de l’Art. , Dia- P R E L I M I N A I R E . ix diamétralement oppofées, jusqu'à fe tourner le dos, qu'en faut-il conclure, finon que la Philofophie eft abfolument in­ conciliable avec la Morale, la Religion & la Politique,Rivales triomphantes dans la Société, honteufement humiliées dans la folitude du Cabinet & au flambeau de la Raifon: humi­ liées fur-tout par les vains efforts mêmes que tant d’habiles gens ont faits pour les accorder enlêmble. La Nature auroit-elle tort d’être ainfi faite, & la Raifon de parler fon langage, d'appuyer fes penchans & de fàvorifer tous fes goûts? La Société d’un autre côté auroit-elle tort à fon tour de ne pas fe mouler fur la Nature? Il eft ridicule de de­ mander l’un, & tout à fait extravagant de propofer l'autre. Mauvais moule (ans doute, pour former une Société, que celui d'une Raifon, fi peu à la portée de la plûpart des hommes, que ceux qui l’ont le plus cultivée» peuvent feuls en fentir l’importance & le prix! Mais aufli, plus mauvais moule encore pour former un Philofophe, celui des préjugés & des erreurs qui font la baze fondamentale de la Société! Cette réfléxion n'a point êchapé à la prudence des Lé­ gislateurs éclairés; ils ont trop bien connu les Animaux qu'ils avoient à gouverner. On fait aifément croire aux hommes ce qu'ils défirent; on leur perfuade fans peine ce qui flatte leur amour propre; & ils étoient d'autant plus faciles à féduire, que leur fupério- rité fpr les autres Animaux, les avoit déjà aidés à fe laitier éblouir. Ils, ont cru qu'un peu de boüe oiganifée pouvoir être immortelle. b La X D I S C O U R S La Nature défavotie cependant cette Doétrine puérile: c’eft comme une écume qu’elle rejette & laide au loin fur le rivage de la mer Théologique ; &, fi l’on me permet de con­ tinuer de parler métaphoriquement, j’oferois dire que tous les rayons qui partent du fein de la Nature, fortifiés & comme réfléchis par le précieux miroir de la Philofophie, détruifent & mettent en poudre un Dogme qui n’efl fondé que fur la prétendue utilité morale dont il peut être. Quelle preuve en demandez-vous? Mes Ouvrages mêmes, puisqu'ils ne tendent qu'à ce but, ainfi que tant d'autres beaucoup mieux faits ou plus divans; s'il faut l’être pour démontrer ce qui faute aux yeux de toutes parts: qu’il n'y a qu'une vie, & que l’homme le plus à projets, l’homme le plus fuperbe, les ; éta­ blit en vain fur une vanité mortelle comme lui. Oüi, & nul Sage n'en disconvient, l'orgueilleux Monarque meurt tout entier, comme le fujet modefte & le chien fidèle: Vérité ter- rible, fi l’on veut, mais pour ces Efprits dont l’enfance efi l’âge étemel, ces Efprits auxquels un fantôme fait peur; car elle ne laide pas plus de doute que de crainte chez ceux qui font tant foit peu capables de réfléchir, chez ceux qui ne dé­ tournent pas la vtie de ce qui la frappe à chaque inflant d'une façon fi vive & fi claire, chez ceux enfin qui ont acquis, pour le dire ainfi, plus de maturité que d'adolescence. Mais fi la Phitofophie efi contraire aux ’ conventions. Sociales, aux principaux Dogmes de la Religion, aux moeurs, elle rompt les liens qui tiennent les hommes entr'eux! Elle fâppe l'édifice de la Politique par fes fondemens! Efprits

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