M O N T P E L L I E R , M A R S 2 0 1 0 , N ° 3 LLLL CCCC EEEESSSS AAAAHHHHIIIIEEEERRRRSSSS DDDDEEEE OOOO COXINEL LLLL’’’’ BBBBSSSSEEEERRRRVVVVAAAATTTTOOOOIIIIRRRREEEE Observer les circuits courts pour accompagner leur développement régional Apports d’une démarche territoriale en Languedoc-Roussillon et autres exemples L es circuits courts repré- fois peu d’informations sur A travers ce cahier, nous sentent aujourd’hui un thème les CC locaux leurs dynami- allons chercher à montrer ce de prédilection pour la ques. Plus largement, La qu’est un observatoire, en SOMMAIRE presse. Au-delà de ce succès connaissance et le suivi quoi une démarche d’obser- médiatique, une réflexion de des systèmes alimentaires vation des CC peut être per- fond se développe autour de territoriaux1 semblent au- tinente pour agir en concer- la réappropriation de la jourd’hui importants pour tation pour le développement Qu’est-ce qu’un ob- 1 question alimentaire par définir un projet collectif au- d’un territoire. Enfin une troi- servatoire ? les territoires. tour de l’alimentation et sième partie nous permettra construire des outils adaptés. d’aborder des exemples : Pourquoi un observa- 2 En Avril 2009, le MAAP* a nous nous baserons sur une toire des CC défini officiellement un circuit Le projet PSDR-COXINEL, étude menée dans le Pays court (CC) en tant que moda- qui fait suite au projet Equal- Haut-Languedoc et Vignobles Comment fait-on ? 3 lité de vente mobilisant au CROC, cherche à caractériser en LR, afin d’illustrer la façon plus un intermédiaire entre le l’importance économique des dont nous proposons de producteur agricole et le circuits courts de commercia- construire un observatoire Étude sur le Pays 4 consommateur intégrant ain- lisation en Languedoc-Rous- des CC pour l’action et nous si la remise directe par l’agri- sillon et leur contribution au présenterons également les HLV culteur ou la vente via un développement durable de la démarches d’observatoires seul intermédiaire. Région. Dans ce cadre, se développées sur deux autres Autres lieux, autres 10 pose la question de l’obser- territoires français. démarches Les différents acteurs des vation dynamique et territo- territoires possèdent toute- riale de ces circuits. Bilan 12 Qu’est-ce qu’un observatoire ? A ujourd’hui, de nom- Technologique (RMT) sur une méthodologie de co- * Sigles et breux observatoires sont l’Observatoire des Activi- construction d’observatoire Abréviations * créés en France et dans le des pratiques agricoles. Monde sur différents thè- CC: Circuit Court mes : observatoires écono- J.M. Vinatier, coordinateur CL : Circuit Long miques, sociaux (emplois, général du RMT OAAT et chef retraite…), techniques, envi- du pôle « Agronomie, envi- CIVAM : Centre d’Initia- tive pour Valoriser l’Agri- ronnementaux (pollution des ronnement et Territoires » à culture et le Milieu Rural eaux…). Leurs échelles sont la Chambre Régionale d’Agri- aussi variées qu’il existe d’é- culture de Rhône Alpes, défi- EA : Exploitation Agricole chelons territoriaux : du bas- nit en 2008 l’Observatoire sin versant au canton, de la des Pratiques Agricoles FEADER: Fonds Européen région au territoire national © Diane Pellequer comme un « dispositif struc- Agricole pour le Dévelop- voire supranational. Maraîcher près de Bédarieux turé (base de données) d’ob- pement Rural servations et d'analyses MAAP: Ministère de l’Ali- Au niveau agricole, des tés Agricoles sur les Terri- (indicateurs) pour décrire et mentation, de l’Agri- observatoires ont été mis en toires (OAAT2) s’est montée suivre l’évolution des prati- culture et de la Pêche place, notamment pour sui- en 2007. Ce réseau regroupe ques agricoles dans le temps vre l’impact des pratiques de nombreux acteurs du et dans l’espace ». OTEX : Orientation Tech- agricoles sur l’environne- monde agricole qui, à travers nico-économique de l’Ex- ment. Un Réseau Mixte trois projets, visent à établir ploitation PHLV : Pays Haut- 1 système alimentaire territorial : entendu selon Denéchère (2007) comme « l’ensemble de la production/ Languedoc et Vignobles transformation/distribution/consommation sur un territoire donné, dont les limites géographiques sont détermi- nées par la consommation. Il est influencé par des habitudes alimentaires, des politiques publiques, des savoir- SIG : Système d’Infor- faire en matière de production ou transformation, des caractéristiques territoriales… Cela correspond à la ma- mation Géographique nière dont une société s’organise pour s’alimenter. ». 2 http://www.obsagri.fr/ Page 2 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 Dans le cas des circuits courts, il chelle de la Région Languedoc-Roussillon, s’agit d’observer ces circuits de commer- quels sont les impacts de ces CC sur le cialisation sous toutes leurs formes qu’elles plan économique, social et environnemen- soient traditionnelles (marchés, foires) ou tal. Dans ce cadre, ces acteurs cherchent à plus récentes (AMAP, livraison par Inter- mettre au point des méthodes de création net) mais aussi selon différents approches. et d’analyse de données sur les circuits Observer les CC d’un territoire implique courts des territoires, notamment à travers non seulement mieux connaître les prati- des enquêtes et des activités d’échange. ques de commercialisation des agri- culteurs mais aussi de comprendre les Parallèlement, le Réseau Rural Fran- pratiques de consommation de la popu- çais, dispositif co-piloté par le MAAP et la lation de ce territoire. De même, il est né- DIACT, cherche à capitaliser les expérien- cessaire d’identifier les différentes ac- ces autour du développement local : les tions et attentes en rapport avec la thé- liens complexes entre agriculture et ali- matique : actions publiques, de la société mentation dans les territoires sont l’une civile, des associations, des entreprises des priorités. privées… Quels intérêts y a-t-il, localement, à Les partenaires du projet PSDR- créer un observatoire territorial des circuits COXINEL essaient de comprendre, à l’é- courts ? Pourquoi un observatoire territorial des CC ? L a question de l’alimentation apparaît une meilleure qualité de l’alimentation des comme une préoccupation de plus en plus citoyens et lutter contre la désertification soulevée face aux problèmes de santé pu- agricole. Ceci amène à repenser conjoin- blique qui se développent. Certaines collec- tement production agricole et consom- tivités territoriales sont en recherche de mation alimentaire dans les territoires alternatives pour améliorer l’alimentation et à réfléchir au développement d’une de leurs concitoyens. Parallèlement, cer- gouvernance alimentaire territoriale3 tains territoires sont con- 3 La gouvernance alimentaire territo- face à la multiplicité des frontés à un non renouvel- riale est définie comme « nouvel en- acteurs impliqués dans le lement de la population semble de coopérations entre les diffé- système alimentaire terri- agricole et à un abandon rents acteurs et les échelons d’inter- torial1 : consommateurs, vention géographiques, dont l’arène des terres productives. agriculteurs, entreprises, commune est l’enjeu alimentaire ». associations, agents de Définition issue lors du séminaire d’i- nauguration du Réseau Rural Français développement, collecti- Des solutions sont pro- à Bordeaux en 2008 (atelier 3) vités… posées pour à la fois offrir P 1. our mutualiser des compétences dispersées… Cette étape suppose donc un dia- Agir, décider appellent une information gnostic de la situation et des acteurs « globale », à l’échelle du territoire. Or la locaux agissant autour de cette thémati- question du développement des circuits que. Organiser un observatoire des circuits courts met en relation une multitude d’ac- courts permettrait de rassembler et de ca- teurs diversifiés. Chacun détient des infor- pitaliser les données à l’échelle du terri- mations clés sur le fonctionne- toire. ment et l’organisation des CC locaux. En mutualisant leurs Plusieurs projets de recherche et dé- connaissances et compétences veloppement sont arrivés à ce constat, à travers un outil commun, il comme celui porté par les acteurs du pro- est possible de passer d’une jet SALT en Bretagne (cf. encadré p. information fractionnée à une droite) qui vise, à terme, la création d’un vue d’ensemble du territoire observatoire régional des circuits courts. © Diane Pellequer en termes d’alimentation locale Une des premières actions en 2008 s’est Consommateurs de « ZenAMAP » à Pézenas (34) et de circuits courts. tournée vers la cartographie des initiatives collectives de CC à l’échelle de leur région. 2. Pour co-construire de nouveaux indicateurs… Peu de données sont disponibles sur le nouvellement et leur potentiel, les CC doi- fonctionnement précis des CC. Le dernier vent aujourd’hui faire l’objet de créa- Recensement Général Agricole de 2000 a tions, collectes et productions de don- permis d’aborder la vente directe du point nées dans une perspective de développe- de vue de l’exploitant agricole, mais les ment des territoires. réponses se limitent à déclarer pratiquer la vente directe sans mention de volumes ou C’est pourquoi, au-delà de cette mu- de chiffre d’affaires. Pour intégrer leur re- tualisation, il est nécessaire de réfléchir Page 3 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 localement aux indicateurs pertinents à me- surer afin d’être en capacité de comprendre les dynamiques en cours et d’évaluer les impacts Un exemple, le projet SALT en Bretagne territoriaux des CC sur les plans économique, social mais aussi environnemental. Définition… Le projet SALT propose des indicateurs à la fois économiques (CA…) et géographiques. Dans Le projet Systèmes Alimentaires Territorialisés le projet COXINEL, une réflexion est menée pour associe, entre 2007 et 2011, organismes de recherche (Agrocampus Ouest, Université Rennes 2, Uni- rendre compte aussi des liens entre acteurs versité Rennes 1, CNRS, INRA, ISARA Lyon, ESA Angers), comme vecteur de changement, c’est-à-dire d’a- associations de développement rural (FR CIVAM Breta- border le fonctionnement d’un système d’organi- gne, FRAB, Agrobio 35, Accueil Paysan, AFIP) et collecti- sation d’une manière globale. vités locales (Pays de Dinan, Rennes Métropole, Pays du Centre Ouest Bretagne) dans un objectif général de Deux types d’indicateurs sont à combiner : connaissance des circuits courts pour « favoriser l’émer- des indicateurs usuels (revenu, marge brute…) et gence de systèmes alimentaires territoriaux » en Breta- des indicateurs d’impacts plus innovants : au ni- gne. veau économique (contribution à l’économie lo- A terme, l’objectif opérationnel est de lancer un cale), social (fierté, reconnaissance…) ou environ- observatoire territorial des CC afin de suivre l’impact nemental (forme d’agriculture pratiquée, trans- économique des circuits courts sur le territoire et de pro- port…). Cette évolution des indicateurs est discu- poser un outil de compréhension pour l’élaboration de tée au niveau national et international, à travers stratégies locales. En effet, les acteurs font le même notamment le rapport de la commission Stiglitz constat : il existe aujourd’hui peu d’informations écono- qui reprend l’idée de «nouveaux indicateurs de miques sur les CC à une échelle territoriale. richesse» (source : www.idies.org). Les auteurs Outils et indicateurs mobilisés : Les dynamiques terri- de ce rapport appellent à mettre en place des toriales sont comprises à travers des approches géogra- dispositifs participatifs pour définir et valider col- phiques et sociologiques mais aussi par une approche lectivement ces indicateurs. Cette pratique est à économique avec le relevé et le suivi d’indicateurs envisager pour aborder la question de la gouver- comme le chiffre d’affaires ou les emplois générés par les nance alimentaire d’un territoire avec les diffé- CC. rents acteurs du système alimentaire. Étapes du projet pour aboutir à l’observatoire : E 3. t se coordonner pour agir ! Étape 1 : définition des concepts clés, élaboration et validation sur 3 territoires tests d’un protocole d’analyse Une démarche d’observatoire permet de faire économique des CC, publication d’un premier guide mé- travailler en réseau des structures qui ne le font thodologique, Étape 2 : lancement structure de pilotage, réalisation pas forcement, amenant probablement une cer- d’une grille d’analyse socio-économique adaptée à l’é- taine cohésion sur le territoire. Un observatoire chelle territoriale, diffusion des résultats (supports variés: territorial des circuits courts peut donc être com- articles, séminaires…), pris comme un lieu de négociation, de coopéra- Étape 3 : lancement d’un observatoire régional des CC tion, d’échange entre acteurs locaux et non pas avec fonctionnement coopératif, collecte de données, comme un simple outil de création de données. création interface publique, d’un SIG* scientifique et d’aide à la décision, publications. L’objectif d’un observatoire territorial des circuits Plus d’infos : www.civam-bretagne.org. courts est de replacer l’action organisée au cen- tre de la démarche d’observation : observer et mutualiser pour développer le territoire. Un observatoire, comment fait-on? Le terme « observatoire » désigne des dis- qui ? Des questions se posent aussi sur les liens et les acteurs qui participent à l’observatoire : positifs diversifiés dont les modalités de fonction- comment les choisit-on, comment participent-ils, nement dépendent des besoins des acteurs et quels partenariats, quel partage des tâches, quel- peuvent être co-construites en fonction des situa- les implications ? tions. Dans le cas d’un observatoire des circuits Les travaux menés par le RMT OAAT ont courts territorial, plusieurs démarches sont en abouti à une méthodologie générique de cons- cours. Le projet SALT se décline en trois étapes truction d’observatoire des pratiques agricoles à pour atteindre l’objectif de construction d’un ob- partir l’étude de cas réels d’observatoires qui se servatoire régional : une première étape théori- sont mis en place en France. que, puis la construction d’une grille d’indicateurs pour l’analyse des CC et la diffusion des résultats Quelques questions initiales qu’ils soulèvent auprès d’acteurs à travers différents moments peuvent être relevées : Que veut-on observer ? d’échange (colloques…). Pour quelles finalités ? Qui observe ? Comment observe-t-on (quels outils sont nécessaires, com- Trois autres exemples de démarches d’obser- ment recueille-t-on l’information, comment la vation du système alimentaire local réalisées en traite-t-on) ? A quelle fréquence observe-t-on ? 2009 vont permettre d’illustrer cette question Comment communique-t-on les informations et à dans les paragraphes suivants. Page 4 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 En Languedoc-Roussillon, étude sur Le Pays Haut-Languedoc et Vignobles L 1. a démarche de l’étude A75 Le besoin d’acteurs locaux A9 Situé sur l’ouest héraultais, le Pays Parallèlement, des agri- HLV a été créé en 2005. Son contrat de culteurs et agents du réseau des Pays est axé autour de quatre grands ob- CIVAM* de l’Hérault, FDCIVAM34, jectifs : renforcer l’identité commune, dé- s’interrogent sur les CC. La FDCI- velopper et valoriser les productions éco- VAM34 décide de travailler en partenariat Un besoin de nomiques, répondre aux besoins de meil- avec le Pays HLV sur cette question afin de connaissance leures conditions de vie, maîtriser l’aména- dégager des pistes d’actions pour le déve- gement de l’espace et de l’environnement loppement des CC en PHLV. sur le système (source : http://www.payshlv.com). alimentaire L’étude proposée initialement visait à local pour Dans le cadre du développement et de connaître la perception et l’engagement la valorisation des productions, le Pays pour les CC à la fois chez les producteurs, structurer les s’est engagé à soutenir une agriculture les consommateurs mais aussi les profes- actions... raisonnée, à travailler sur le post arra- sionnels de l’alimentaire et les élus du ter- chage des vignes et le développement des ritoire du PHLV. L’enjeu consistait donc circuits courts de son territoire. Les res- à révéler un système alimentaire terri- ponsables du PHLV ont alors ressenti la torial (SAT) en prenant en compte la di- nécessité de réaliser un état des lieux des versité des acteurs qui l’influencent. CC de leur territoire. Les étapes du travail Outils d’analyse La sociologie des organisations 1. Recensement de l’information et des actions sur pour observer et comprendre… les circuits courts territoriaux Différentes approches permettent de mieux comprendre Chercher à comprendre un système alimentaire territorial néces- comment les acteurs du territoire construisent et coor- site d’identifier quelle structure détient quelle information et agit en donnent leurs activités. J.P.Darré montre que l’adoption lien avec la commercialisation des produits agricoles. Il s’agit aussi de d’innovations chez les agriculteurs se fait au travers recenser les dispositifs de transformation et de commercialisation d’un « groupe professionnel local », qui construit, ajuste et valide collectivement la nouveauté, à travers les ré- (marchés, boutiques, foires...) du territoire. Les pratiques et attentes seaux de dialogue entre producteurs. Le concept « d’ac- des différents opérateurs ayant un lien avec la commercialisation des teur stratégique » de Crozier et Friedberg amène toute- produits en CC (producteurs, consommateurs, associations, coopéra- fois à penser que l’acteur agit aussi selon sa logique tives, entreprises privées…) sont à identifier. Enfin, dans une pers- d’action propre. En reprenant les termes du sociologue pective de développement durable, il semble important de connaître Max Weber, trois types de logiques ou « rationalités » également quelles pratiques de l’agriculture et quelles qualités sont peuvent être distinguées : la logique traditionnelle, qui valorisées à travers ces modalités de vente en CC. réfère aux actions menées par habitude, la rationalité en valeur, motivée par des valeurs que l’on souhaite défendre et la rationalité en finalité, qui privilégie les 2. Entretiens auprès d’un échantillon de producteurs du terri- objectifs à atteindre. toire et de leurs réseaux La sociologie des régimes d’actions Il a été choisi d’approfondir le volet « offre alimentaire » en pour approfondir les logiques d’actions… cherchant à comprendre le stratégie et les pratiques de commerciali- sation des producteurs. 49 agriculteurs du PHLV et 2 responsables Une autre approche permet de compléter l’analyse des de collectifs de producteurs ont été interrogés sur la situation actuelle logiques d’actions : Thévenot, notamment, développe de leur système de commercialisation (volume et CA par modalité de le concept de régime de justification qui permet d’iden- vente, complémentarité entre modalités...). Nous avons aussi cher- tifier des « grandeurs » auxquelles se réfère un individu pour justifier ses choix. 6 grandeurs ou « conventions » ché, à travers la compréhension de leur trajectoire de vente, à identi- ont été identifiées : la convention marchande qui fait fier les facteurs qui les ont amenés à changer ou à rester stables en prévaloir les lois du marché, l’inspirée qui renvoie au matière de commercialisation. L’objectif était de dégager les fac- génie créateur, la civique où l’intérêt général est privilé- teurs qui forment des leviers ou des freins au développement gié, celle de l’opinion où le principal fondement est le des CC. regard de l’autre, l’industrielle qui place la performance et l’efficacité au premier plan et enfin la domestique où Cette étude de l’offre alimentaire locale ne comprenait pas le les figures de référence sont la famille et la tradition. recensement de l’offre en vin (domaines, coopératives) malgré la prépondérance de l’activité viticole sur ce territoire (80% des exploi- La sociologie de l’innovation tations). Néanmoins elle a pris en compte les exploitations diversi- pour accompagner les acteurs… fiées, qui peuvent produire à la fois du La sociologie de l’innovation développée par Callon et raisin pour la coopérative ou du vin et Latour, amène à concevoir un processus d’innovation un autre type de production. collectif, tel que la mise en place d’un observatoire ter- ritorial par exemple, comme la construction d’un réseau L’analyse des facteurs de stabilité associant des acteurs et des objets, réunis par l’action ou de changement de commercialisation d’intermédiaires à même de traduire les intérêts de a permis de construire une typologie chacun au service d’un projet collectif et capables de tisser des alliances. de producteurs en fonction de leurs © Diane Pellequer logiques d’action et ainsi de structurer Le village d’Olargues en PHLV En savoir plus sur ces approches : cf. Amblard (1996) Page 5 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 une diversité de comportements autour de cas par des focus sur des publics en particulier : po- types. A ce niveau, nous avons essayé de relier pulation à petit budget, personnes seules… Un structures d’exploitation, pratiques de commer- travail sur les réseaux déjà structurés de cialisation et insertion dans les réseaux sociaux. consommateurs engagés sur l’achat de produits alimentaires locaux (associations formelles ou informelles) peut permettre de dégager les fac- 3. Entretiens auprès d’un échantillon de consommateurs du territoire et de leurs teurs de succès de ces démarches. Il semble 4 types réseaux aussi intéressant de passer par d’autres rassem- d’acteurs à blements de citoyens, pas forcément liés aux questions alimentaires (ex association de connaître pour Le 3ème temps de la démarche s’intéresse sport…), pour comprendre dans quelle mesure caractériser un aux consommateurs du territoire : comment se ces réseaux déjà structurés pourraient être mo- caractérise la population, quels sont les bassins SAT: les teurs du développement d’un approvisionnement de vie et de consommation du territoire, quel local. producteurs, les sont leurs pratiques et besoins alimentaires, sont-ils sensibles aux produits locaux ? Les 4. Enquêtes auprès des autres acteurs éco- consommateurs, motivations et réticences des consomma- nomiques et politiques du territoire les acteurs teurs à s’approvisionner en produits du terri- toire sont à étudier pour identifier le potentiel Dans le cadre de l’étude du système alimen- économiques et de développement. Ce travail peut se matériali- taire territorial, il semble important de connaître les élus. ser par des enquêtes auprès d’un panel repré- le point de vue des acteurs économiques lo- sentatif de consommateurs du territoire et par caux : transformateurs, commerçants, mais aus- si des élus. Q 2. uelques résultats… Les connaissances et actions sur les circuits courts Les résultats de cette démarche, notamment ceux de l’étape 1 et 2, vont être présentés. Ils sont issus d’un stage de fin d’étude réalisé au cours de l’été 2009 au sein de la FD CIVAM 34 et encadré par l’INRA. Le tableau n°1 présente les organismes connaissant des producteurs et des lieux de vente en CC sur le Pays Haut-Languedoc et Vignobles. Ceci permet un premier aperçu de la multiplicité des acteurs impliqués et de la dispersion des connaissances. Néanmoins, ce tableau ne prétend pas à l’ex- haustivité et il mériterait d’être complété : Organismes publics ou Domaines d’expertise et liens privilégiés parapublics Chambre d’Agriculture - Producteurs des marchés de « producteurs de pays » - Réseau des agriculteurs « Bienvenue à la ferme » : 80 producteurs sur l’Hérault dont 29 sur le PHLV (12 vin, 17 autres) - Label Qualité Hérault : 1 producteur, 2 boutiques sur le PHLV - Réseau des Boutiques Paysannes Conseil Régional, Général Annuaire des marchés de l’Hérault Collectivités territoriales : - Listing et cartes d’agriculteurs proposant des produits de terroir com de com, pays, - Guide des productions agricoles du PNR Haut Languedoc : 79 producteurs en vente PNR Haut Languedoc directe sur l’exploitation recensés dont 49 sur le PHLV (17 vin, 32 autres) Office du tourisme Expertise sur les lieux de vente de produits locaux, les foires... Mairie, - Certains sites internet de mairies : agriculteurs en vente directe services municipaux, - Placiers de marchés : agriculteurs des marchés Organismes économiques Collectifs d’agriculteurs : Liste des membres ou des adhérents du collectif (parfois magasin de coopérative) coopératives, SICA Grossistes, marchés gare Producteurs fréquentant le marché gare Lieux de vente de produits Agriculteurs vendant des produits dans la boutique de producteurs Réseau associatif Syndicats de produits, de Nombre d’adhérents des réseaux, expertise sur les circuits utilisés filière : GDS, LRE, AOC Association de producteurs : Liste des adhérents de matériel de transformation et de commercialisation en commun CUMA, FR CUMA et connaissance de projets collectifs Confédération Paysanne - Réseau « Accueil Paysan », 13 producteurs sur l’Hérault, dont 6 sur le PHLV - ARDEAR : expertise sur les projets d’installation et les installations récentes FD CIVAM 34 Expertise sur les CC, connaissance de projets (par Equal CROC), www.mangetic34.org - CIVAM Racines : 29 producteurs en Hérault dont 14 sur le PHLV - CIVAM BIO 34 : Annuaire des marchés, foires, magasins et producteurs biologiques de l’Hérault, orientation, lieux principaux de commercialisation, 106 prod dont 42 sur PHLV ADTV 34 Expertise sur les projets d’installation et les installations récentes Association des marchés Répertoire des marchés de producteurs, Connaissance de projets collectifs paysans de l’Hérault Association mixte consom- Expertise et connaissance des réseaux de producteurs-consommateurs et des projets mateurs et producteurs LR AMAP, FDFR34... Tableau 1 : Organismes ayant des connaissances et des actions sur les CC en Pays HLV, source auteur Page 6 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 La compilation des données permet de construire une carte des outils de commercialisation du terri- toire et de ses alentours. Cette carte a été construite à partir des connaissances des différents organismes précédemment cités et de l’enquête sur les pratiques de vente des agriculteurs enquêtés. Figure 1 : Les outils de commercialisation sur le Pays Haut-Languedoc et Vignobles, source auteur Deux types d’outils de commercialisation recensement des foires agricoles (hors foires viti- ont été recensés : des outils de « gros volu- coles). Les ventes aux bords des routes n’ont en mes » (coopératives, marchés gare…) et les ou- revanche pas été répertoriées, parce qu’elles mê- tils de vente au détail (marchés, boutiques, lent producteurs et revendeurs et que leur locali- exploitations en vente directe… ). Les outils de sation est difficile. Pourtant ces ventes ne sont gros volumes ont été répertoriés de façon à inté- pas négligeables. grer la complémentarité entre CC et CL pratiqués par les producteurs. Certains outils de volumes Ces initiatives sont plus ou moins récentes et importants ont mis en place des filières courtes, issues de dynamiques individuelles (vente à la comme la SICA du Caroux près de Bédarieux qui ferme…) mais aussi collectives : associations de possède un magasin de vente au détail des pro- producteurs s’étant constituées pour monter un duits de ses adhérents : cerises, pommes, châtai- marché, une boutique… Certaines émanent de gnes sont les principales productions locales com- volontés citoyennes partagées entre produc- mercialisées dans ce magasin. Cette structure a teurs et consommateurs comme pour les pa- même contractualisé avec des producteurs non niers collectifs de produits locaux à Bédarieux et adhérents pour offrir une gamme de produits di- à Capestang. Elles naissent aussi de volontés versifiés. Les outils de commercialisation de détail d’élus comme la création du marché bio à Béda- sont nombreux et de modalités variées : 31 mar- rieux. chés de plein vent dont 2 à 100% paysan, 2 bou- tiques de producteurs, 2 paniers collectifs ont notamment été recensés. Cartographier les données du territoire du Pays HLV a permis Les ventes ponctuelles de produits locaux de visualiser les zones représentent un volume non négligeable de l’acti- de chalandise où la vité économique en lien avec le tourisme estival. concentration de lieux Leur importance économique n’est pas à négliger de vente de produits comme le souligne Pujula (2007) dans son étude locaux est consé- © Diane Pellequer des foires et salons agricoles. Elles sont illustrées Agricultrice vendant ses abricots sur le quente (cercles pleins) sur cette cartographie du PHLV par un premier bord de route et les zones à Page 7 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 potentiel de développement pour ce type nord-est du territoire du Pays, vers Avène, d’activité (cercles en pointillés). station thermale, et au sud-ouest, vers Olonzac. Deux localités présentent un nombre Un partenariat entre les établissements ther- élevé de modalités de vente en CC : la maux accueillant des centaines de curistes par zone de Bédarieux-Hérépian-Villemagne an, les lieux de restauration et les producteurs (rond noir) et, dans une moindre mesure, locaux pourrait être mené. De même, la zone celle de Saint-Pons de Thomières (rond sud-ouest du pays est traversée par un axe rouge). Les « zones blanches », ou zone routier assez fréquenté (D11 appelée « La Mi- faiblement investie par les lieux de vente nervoise ») et présente des sites touristiques en CC, se situent vers principalement au attractifs : Minerve, La Caunette. Les enquêtes, données sur les systèmes de commercialisation des producteurs 49 entretiens de producteurs du Pays HLV ont été réalisés soit environ 18% de la population agri- Identités des producteurs enquêtés cole supposée du PHLV hors viticulteur ou vigneron non diversifiés4. L’encadré ci-contre présente l’i- ● Reprise exploitation - 23 personnes (47%) création d’EA dentité des enquêtés. - 26 p. (53%) ont repris une EA ● Statut Sur cette cinquantaine d’agriculteurs, 88% 43 p. (88%) exploitant à titre principal déclarent vendre en circuit court dont 20 per- ● Âge sonnes (41%) à 100% de leurs volumes et 23 18 p. entre 35-45 ans (37%), 15 p. entre 45-55 ans (31%) et 9p. entre 55-65 ans combinant CC et CL (47%). En moyenne un agri- 18,4% des enquêtés 88% des culteur commercialise ses productions à travers =>plus de 88% des enquêtés > 35 ans producteurs 2,6 circuits de vente. On peut différencier trois ● Main d’œuvre sur l’EA situations de commercialisation : 15 p. sont seuls (31%), 10 EA composées d’un enquêtés chef d’exploitation et de son/sa conjoint (20%) • soit l’agriculteur ne mobilise qu’un seul circuit de 6 EA (12%) déclarent de la main d’œuvre sala déclarent vendre riée => moyenne travail par EA à 2 UTH vente, c’est le cas pour 10 personnes (20%) [6 à tout ou une partie ● Orientations de l’EA (OTEX)* 100% grossiste ou coopérative, 4 que le marché], • 2 en Bovin Viande (4%), 12 en Autres herbivo- de leur production soit 1 circuit principal pour 80% des volumes et res (24%), 1 en Bovin lait (2%), 1 en porc des circuits de diversification. 70% des produc- (2%), 9 en Maraîchage horti (18%), 5 en Arbo en circuit court. teurs sont dans cette situation dont plus de la (10%), 17 classées comme Autres (35%) : EA diversifiées…. moitié vendent 80% de leurs volumes en coopé- ● Surface rative et le reste par de la vente directe sur l’ex- Superficie de 50% EA < 20 hectares dont 10 ploitation ou des tournées de revendeurs, EA < 2ha, 3 EA > 300ha • 5 producteurs (10%) ont un système commercial ● Labels, signes de qualité Aucun, 23 p. (47%), AB 9 p. 18% et 4p. En qui combine CC et CL sans prédominance d’une conversion AB, AOC 6 p. (12%), appellation modalité sur l’autre. d’origine 5 p. (10%), label rouge 2 p. (4%) Les producteurs ont été interrogés sur l’évolu- tion de leur commercialisation. 61% des enquê- se sont opérés soit dans les années qui tés déclarent avoir fait évoluer leur système suivent l’installation ou la reprise soit 10 à de commercialisation, soit 30 personnes. La ma- 15 ans après. Le tableau ci-dessous relate jorité de ces changements relatés se sont faits les différents éléments mentionnés pour dans le sens d’une augmentation des CC dans expliquer ce changement de commerciali- leurs systèmes de vente. Ces changements sation vers les CC. Données sur les facteurs de changement de commercialisation Élément mentionné Facteur Facteur % n°1 2aire Facteurs territoriaux Prix payé par la coopérative 5 4 21 % Le prix payé par Relation avec d’autres agriculteurs 2 3 12 % la coopérative est Création, destruction de lieux de vente 2 3 12 % ressorti comme le Demande de consommateurs locaux 0 3 7 % facteur principal Facteurs individuels Investissement dans un atelier de transformation 1 3 10 % d’explication du Fidélisation Client /démarche commerciale 2 2 10 % changement de Arrivée d’un nouvel associé 2 0 5 % commercialisation Accès au foncier 1 1 5 % vers les CC. Envie de faire de la vente directe 0 2 5 % Tableau 2 : Nombre de citations des éléments principaux pris en compte dans le changement de commercialisa- tion vers les CC, d’après des déclarations spontanées, sur la base de 30 enquêtes de producteurs, source auteur 4 Les calculs ont été réalisés sur la base du nombre d’exploitants agricoles par commune (données SRISE issues du RGA de 2000) en sélectionnant seulement les 89 communes du Pays HLV puis en ne sélectionnant que les exploitations à OTEX* non viticoles. Page 8 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 Le changement de commercialisation Les facteurs « liens avec d’autres pro- vers plus de circuits courts est expliqué ducteurs », création de « lieux de vente » avant tout par les facteurs suivants : mé- et « demande de consommateurs » peu- contentement vis-à-vis du « prix payé vent être, en revanche, interprétés comme par la coopérative », influence des re- des processus où les producteurs sont ac- lations avec d’autres agriculteurs, évo- teurs. De même, investir dans un atelier de lution des lieux de vente et demande transformation ou savoir fidéliser sa clien- de consommateurs locaux. Le facteur tèle peuvent être interprétés comme d’au- « prix payé par la coopérative » peut être tres leviers qui ont permis à ces produc- compris comme un phénomène subi de la teurs de conforter leurs ventes en circuits part des producteurs, il s’agit d’un constat courts. © Diane Pellequer vis-à-vis duquel ils se sentent impuissants. Apiculteur ayant investi dans une miellerie et vendant son miel dans des boutiques de terroir On peut poser l’hypothèse que pour développer les CC sur le PHLV, il est possible d’activer certains leviers : animation du réseau local d’agriculteurs, création de lieux de vente et émergence d’une demande locale de consommateurs, sans ou- blier de remobiliser les outils collectifs comme les coopératives. Parallèlement, des freins au changement de commercialisation vers les CC ont été explicités par les producteurs n’ayant pas changé de commercialisation : Élément mentionné Facteur Facteur % 2aire Facteurs généraux Les règles sanitaires sont trop contraignantes 1 2 10% Facteurs territoriaux Difficulté de trouver les débouchés 1 2 10% Facteurs individuels Manque de main d'œuvre 7 1 26% Incompatibilité de valeur : mon métier c'est de 5 2 23% produire, pas de vendre Nécessité d’investir dans un atelier de transformation 1 2 10% Nécessité d’investir dans du matériel 1 1 6% Je produis de trop gros volumes 0 2 6% Je n'ai pas les compétences 0 2 6% Tableau 3 : Nombres de citations des principaux éléments pris en compte dans les freins au changement vers les CC, d’après des déclarations spontanées, sur la base de 19 producteurs enquêtés, source auteur Le manque de Le manque de main d’œuvre est formes de circuits courts mobilisant un main d’œuvre perçu comme le frein principal à un chan- intermédiaire et sur les formes collectives. est perçu par gement de commercialisation vers plus de circuits courts. L’incompatibilité de va- Tous les agriculteurs enquêtés n’ont les produc- leur apparaît aussi comme un facteur non pas fait appel aux mêmes justifications teurs comme négligeable : 7 producteurs enquêtés ont pour expliquer leurs choix de commerciali- une vision de leur métier n’intégrant pas sation et de trajectoires. Afin de représen- le frein princi- d’autres fonctions que celle de la produc- ter leur diversité, une typologie a été pro- pal pour aller tion. Ce constat révèle que pour ces agri- posée avec comme critères : structures vers plus de culteurs, le terme de circuit court reste d’exploitation, trajectoire de commerciali- associé uniquement à la notion de vente sation, système commercial actuel, logique circuit court. directe, où il y a effectivement un acte de et conventions évoquées lors des explica- vente de la part du producteur. Il serait tions du changement ou non changement pertinent de communiquer sur les autres de commercialisation : Type de Structure Trajectoire de Système de Logique Conventions producteur d’EA commercialisation vente actuel (V) d’action L’attaché Reprise d’EA Pas de changement 100% CL ou gros V Traditionnelle Industrielle et au métier familiale, sur marché +grossiste domestique Le preneur Reprise d’EA 100% CL -> dvpt CC CL + CC En finalité marchande d’opportunité plutôt élevage vers 2000 (- de 50% V en CC) Le reconverti Reprise d’EA CL + un peu CC -> CL + CC En finalité et Domestique, mar- pédagogue dvpt CC vers 2000 (- de 50% V en CC) en valeur chande et civique Le chercheur Création EA CL+ un peu CC -> dvpt 100% CC En finalité et Marchande et d’équilibre Petit volume CC depuis 20ans en valeur domestique L’engagé Création EA Très vite 100% CC 100% CC En finalité et Inspirée, mar- convaincu Surtout F&L depuis 20 ans en valeur chande, civique L’original Création EA Très vite 100% CC 100% CC voire En valeur Inspirée, idéaliste Petit volume 100% VD opinion Page 9 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 Par la suite, nous avons cherché à comprendre plus finement comment s’imbriquent les différents facteurs de changement de commercialisation évoqués par un producteur à travers une analyse de sa trajectoire de commercialisation. L’exemple ci-dessous présente l’exemple de la trajectoire d’un en- gagé convaincu : Monsieur X s’est installé en 1995 sur 0,5 ha en Plus assuré techniquement, il se résout à investir maraîchage biologique. Ne venant pas du milieu dans une serre froide pour augmenter ses volumes agricole, il a dû se former aux techniques de cultu- et ses surfaces jusqu’à 1 ha. Il retourne alors ven- res. Il avait décidé de vendre ses productions sur le dre sur le marché. Proposant désormais une offre marché, mais n’ayant pas une production sur l’an- régulière sur l’année grâce à sa serre, il se fait née, il éprouve des difficultés à s’organiser pour connaître et se constitue un réseau de clients. Les vendre et à se faire connaître auprès des clients. Il plus fidèles sympathisent avec Monsieur X et vien- se tourne alors vers une coopérative pour se libérer nent désormais directement acheter les légumes sur de la contrainte de la commercialisation et se consa- l’exploitation. Depuis 2004, une quinzaine de ces crer uniquement à la production. Très vite, Monsieur clients l’ont sollicité pour mettre en place des pa- X est mécontent du prix payé par la coopérative. niers de légumes, « mais c’est informel ». Figure 2 : Trajectoire et choix de commercialisation de Monsieur X, source auteur Cet exemple révèle comment s’imbri- Plusieurs leviers de développement et quent les différents facteurs qui ont amené de pérennisation des circuits courts se dé- Monsieur X à son système de commerciali- gagent de cette trajectoire. C’est l’investis- sation actuel. Ce travail illustre le rôle clé sement dans le système de production qui que joue la coopérative au démarrage de a permis de pérenniser dans un premier l’activité : elle sécurise les débouchés, per- temps l’exploitation, combiné aux efforts mettant au nouveau producteur de se foca- de fidélisation de la clientèle, compétence liser sur le technique et ainsi de se profes- qui n’est pas acquise par tous. sionnaliser sur les méthodes de culture. Zoom sur un levier de développement des circuits courts : les liens entre agriculteurs On l’a vu, les relations entre agriculteurs sont citées comme un des leviers au changement de commer- cialisation. Comment fonctionnent-elles ? Une analyse des réseaux sociaux synthétise les liens répertoriés lors des enquêtes entre les différents producteurs enquêtés. Trois types de liens ont été considérés : échange de conseils, collaboration et amitié, ces types ayant été déterminés comme influençant les comportements individuels et collectifs (Grave, Chiffoleau, 2008). La figure 3 présente ce réseau de liens : Chaque numéro représente un producteur 45 enquêté. L’épaisseur des liens est fonction du népoamisb rpel udse letysp leies ndse sroenlat tnioonms b:r epuluxs. lLea tcraoiut leeusrt 44 8 42 26 24 47 1 est fonction de la typologie des agri- culteurs précédemment définie. 46 43 20 Cette analyse de réseau montre qu’il existe 60 51 57 38 de nombreux liens entre les producteurs du 21 7 58 50 53 39 Pays HLV. Globalement, ces agriculteurs for- 56 40 9 4 ment un groupe relativement structuré, pou- 12 41 10 vant s’apparenter à un Groupe Professionnel 5 Local ou GPL tel que le décrivent Darré et al. 59 6 11 52 (1989). Plusieurs groupes restreints de produc- 33 55 3 54 teurs se détachent en fonction d’un nombre 14 Les « attachés au métier » : important de liens qui les relient (ronds oran- 35 31 34 Les « preneurs d’opportunité » : ges). Ces « grappes » regroupent plutôt des 37 Les « chercheurs d’équilibre » : personnes étant dans les mêmes logiques (n° 25 32 15 Les « reconvertis pédagogues » : 36 48 Les « engagés convaincus » : 18/17/28) mais d’autres sont davantage liées à 16 Les « originaux idéalistes » : 22 une proximité géographique (n°20/48/44 sont 30 13 voisins). 2 18 28 23 Certains des individus font la jonction entre 29 27 deux «grappes » ou vers d’autres agriculteurs 49 19 liés à d’autres réseaux non décrits sur la figure 17 Pajek (ex n°12). Il est nécessaire de d’identifier ces Figure 3: Réseau local entre les agriculteurs enquêtés, source auteur personnes clés ou « ponts » car elles sont capa- bles de faire du lien entre des positions contras- tées. Page 10 Les Cahiers de l’Observatoire COXINEL N°3, Mars 2010 BILAN : de l’observation à l’action, Au-delà de ce travail avec les produc- quelles pistes pour le PHLV ? teurs, d’autres pistes d’actions en faveur Ce travail est un premier pas dans l’é- des autres acteurs du système alimentaires : tat des lieux et l’analyse des CC sur le ter- local sont apparues ritoire du Pays Haut-Languedoc et Vigno- • Il serait utile d’informer les coopératives bles. Il permet de mettre en évidence les sur les possibilités de ventes en local, de facteurs de changement et de réticence les aider à mieux communiquer sur leurs des producteurs à vendre en circuit court. actions locales et à renouer le dialogue Cette démarche met en avant l’impor- avec leurs adhérents. Cette tance du rôle des réseaux dans la dif- • On l’a vu, lorsque les consommateurs analyse fusion de nouvelles pratiques de com- locaux s’organisent et se mobilisent, il mercialisation mais aussi dans la structu- permet de s’agit d’un levier puissant pour motiver ration de ces nouvelles pratiques. Ces ré- mettre en les producteurs à s’engager dans les CC. seaux représentent un espace de dialogue Sensibiliser et informer les citoyens du évidence des et de projets encore fort dans le PHLV. territoire font partie des enjeux pour une leviers de alimentation plus locale. développeme Nous avons pu faire ressortir des en- • Un travail d’information et de formation nt des CC sur jeux spécifiques et des pistes d’actions des élus sur les questions d’alimentation le PHLV. adaptées selon le type de producteurs. locale semble aussi une des pistes d’ac- Quatre enjeux peuvent être soulignés : tion. l’information, la formation et l’accompa- gnement sur l’installation ou les initiatives Il y a donc un enjeu d’information, collectives. Il semble par exemple perti- de débat et d’échange autour de l’alimen- nent d’explorer une mutualisation au ni- tation locale sur le territoire du PHLV. De veau de l’emploi (groupements d’em- plus, travailler avec cette diversité d’ac- ployeurs) face au frein « manque de main teurs serait un gage de création d’une d’œuvre » qui a souvent été cité : bonne gouvernance locale autour de l’ali- mentation et permettrait de structurer un Information sur les différentes modalités de CC développement concerté des CC sur le ter- Formation, différents niveaux : ritoire du PHLV. - temps d’échange sur des expériences du territoire, avec les autres acteurs (conso, élus…) - formation sur des outils de pilotage économiques ou Enfin, il nous semble utile de co- techniques (ex suivi des marges brutes/lieux de vente) construire un dispositif de suivi de toutes - voyage d’étude sur d’autres territoires ces actions, à l’échelle du territoire, pour Accompagnement d’initiatives collectives (ex outils col- évaluer leurs impacts au niveau des moda- lectifs en transformation, points de vente, organisation collective de la distribution, groupement d’employeurs…) lités de CC (création , destruction, pérenni- sation…), des collectifs d’agriculteurs Accompagnement d’installations : travail sur le foncier (ex : favoriser foncier agricole, pépinières d’activités (facteurs de succès…) et des partenariats agricoles…) et le technique entre producteurs avec d’autres acteurs. Tableau 4 : Pistes d’actions selon le type de producteurs du PHLV, source auteur Autres lieux, autres démarches… Un observatoire des produits fermiers en Charente Maritime D’après l’étude réalisée par Aline Delpeuch, 2009 Le Pays Saintonge Romane (PSR) travaille depuis 2002 sur la question des producteurs fermiers en partenariat avec la Chambre d’Agriculture (CA) de Charente-Maritime. Un recensement des ex- ploitations du territoire pratiquant la vente directe sur la base des lis- tings de la CA et du Groupement d’Agriculture Biologique (GAB 17) complété par des enquêtes auprès des mairies a été réalisé et est ac- Le Pays de Saintonge Romane : • tualisé chaque année. En 2009, 123 exploitations pratiqueraient la Au centre de la Charente-Maritime vente directe, soit 12% des exploitations présentes sur le territoire du • Syndicat mixte de 5 communautés de PSR. De plus, un guide à destination des consommateurs communes et 1 commune (touristes et locaux) présentant ces producteurs et leurs produits a été • Population : 79 000 habitants créé et diffusé depuis 2005 –45 000 exemplaires-. Dans ce cadre une charte éthique de la production fermière a été élaborée. Ses missions : activités d’étude, d’ani- mation et de gestion nécessaires à la réali- En 2009, le PSR et la CA ont souhaité connaître l’impact de cette sation des projets économiques, sociaux, environnementaux, culturels et touristiques, action et ajuster leurs stratégies de soutien à la production fermière Il est aussi en charge de l’élaboration du en circuits courts. Pour cela ils ont cherché à mieux connaître les si- Schéma de Cohérence Territorial (SCOT) et tuations que vivent les producteurs et ont réfléchi à la création d’un porte le programme Leader du Pays. observatoire de la production fermière à l’échelle du territoire qui réunirait les différents organismes en lien avec la thémati- que pour générer de l’information partagée. Par observatoire, le PSR et la Chambre entendent un espace partagé entre plusieurs
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