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Nouvelles mosaïques inscrites d'Osrhoène PDF

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Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot Nouvelles mosaïques inscrites d'Osrhoène Madame Janine Balty, Madame Françoise Briquel Chatonnet Citer ce document / Cite this document : Balty Janine, Briquel Chatonnet Françoise. Nouvelles mosaïques inscrites d'Osrhoène. In: Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 79, 2000. pp. 31-72; http://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_2000_num_79_1_1372 Document généré le 20/05/2016 NOUVELLES MOSAÏQUES INSCRITES D'OSRHOÈNE par Janine Balty* et Françoise Briquel Chatonnef Le plus souvent détruites (mais connues par un dessin au cube à cube) ou fragmentaires, les mosaïques d'Édesse et d'Osrhoène ont maintes fois retenu l'attention des chercheurs ces trente dernières années. Essentiellement liées d'abord aux noms de J. B. Segai1 et de J. Leroy2, elles ont été regroupées, dès 1972, en vue d'une étude épigraphique, par H. J. W. Drijvers3. Intégrées ensuite dans une présentation générale des mosaïques du Proche-Orient, elles ont été analysées du point de vue de l'histoire de l'art et définies comme un ensemble demeuré « dans son essence même foncièrement étranger à l'art de l'Empire »4: en effet, si la technique de la mosaïque est de toute évidence gréco-romaine, le style des œuvres est oriental, évoquant, par la frontalité des attitudes et la fixité du regard, la comparaison avec la sculpture palmyrénienne ou les peintures de Doura Europos. Quelques thèmes (poursuites d'animaux, le phénix, Orphée) et une série de motifs géométriques utilisés pour les bordures renvoient cependant directement au répertoire classique traditionnel. C'est sur cet aspect qu'insiste davantage la synthèse présentée par M. A. R. Colledge au IVe Colloque international sur la mosaïque antique, en 19845: s'appuyant sur une nouvelle lecture de trois des inscriptions édesséniennes accompagnant les scènes, cet auteur voit dans les ' Centre Apaniée de Syrie, Bruxelles. Je remercie vivement Javier Teixidor de m'avoir invitée à participer aux travaux de l'Institut d'Études sémitiques du Collège de France, comme maitre de conférence, d'octobre a décembre 1998. Ce fut l'occasion d'une expérience passionnante à tous égards, qui m'a permis de prendre mieux conscience des problèmes de double culture en Osrhoene et de la nécessité de « ponts » interdisciplinaires. (Test enfin ce qui a rendu possible une féconde collaboration avec Françoise Briquel Chatonnet, d'où est né le présent article, ré-examen attentif des nouvelles mosaïques inscrites publiées dans le recueil de H. ). \V. Drijvers et |. F. Healey (cf. n. 7). ** (ÏNkS, Etudes séwiti(]ues, Paris. 1 J. B. Si-:<;ai., « Pagan Syriac Monuments in the Vilayet of L'rfa », An. St. 3, 1953, p. 116-118 ; In., « New Mosaics from Kdessa », Arcliaeology 12, 1959, p. 150-157 ; In., « New Syriac Inscriptions from Fdessa », BSOAS 22, 1959, p. 24-27 ; In., luh'ssa.'ï he Hlcssed (./(}'' (Oxford, 1970), passim. 2 J. I.i.ROY, " Mosaïques funéraires d'Fdesse », Syria 34, 1961, p. 159-165. 3 H. ). W. Dkijvihs, Old Syriac (E.dessean) Inscriptions (Leyde, 1972), p. 31-43 (bini, ant.l. 4 J. Bali y, « Fa mosaïque antique au Proche-Orient, 1. 1 )es origines à la Tetrarchie », /\,YKU', II. 12. 2 ( Berlin-New York, 19X1 ), P- 3^7-39»- 5 M. A. R. CoiJinci., « Some Remarks on the Kdessa Funerary Mosaics », La mosaïque gréco-romaine, IV, éd. J.-R I )armon et A. Rebourg (Paris, 1994), p. 189-197. 32 MONUMENTS PIOT mosaïques funéraires d'Édesse un ensemble chronologiquement unitaire, exécuté entre 218 et 238 par un même atelier - peut-être deux, l'un s'étant spécialisé dans la composition d'images en bustes - pour répondre à la demande de certains membres de l'aristocratie locale, soucieux de plaire « aux nouveaux maîtres romains »6. Sans doute est-il difficile de souscrire à l'ensemble de ces conclusions, trop précises eu égard au petit nombre de documents qui les fondent. La parution récente du nouveau recueil des inscriptions édesséniennes7 invite d'ailleurs à la réflexion : aux mosaïques bien connues et souvent commentées s'ajoute, en effet, une série de panneaux originaux dont l'intérêt pour l'histoire de la culture dans cette région doit être souligné. Aussi, reprendrons-nous l'examen de ces documents, tant du point de vue de l'iconographie que de l'épigraphie. I. MOSAÏQUE DE PROMÉTHÉE8 Description (fig. 1) Le panneau9, approximativement carré, comprend deux registres nettement distincts, cependant reliés entre eux par certains artifices de composition. Le registre supérieur aligne, de droite à gauche, cinq personnages d'inégale importance. Le personnage principal, désigné par l'inscription Maralahe, le « Seigneur des dieux », doit être identifié comme Zeus : barbu, la tête couronnée de laurier et nimbée, il est représenté légèrement de trois-quarts, assis sur un trône sans dossier ; le torse est nu et le bas du corps drapé dans un manteau d'où ne dépasse que l'extrémité des jambes croisées ; les pieds sont chaussés de sandales ; le bras gauche est appuyé sur l'accoudoir du siège, le bras droit tendu vers l'avant, la main largement ouverte, paume vers le haut, dans un geste d'accueil ou d'acquiescement. Zeus est le seul qui soit nimbé. À gauche, à côté de lui, apparaît une figure féminine complètement enveloppée d'un ample manteau ; elle porte un collier autour du cou. Une inscription la désigne comme Héra : légèrement tournée vers son époux, la déesse fait du bras droit un geste dans sa direction, en le regardant ; son visage ovale, aux grands yeux ombrés, est encadré d'une chevelure sagement coiffée en bandeaux et retenue en un petit chignon à l'arrière, dégageant à peine l'oreille ornée d'un bijou discret. 6 Ibid., p. 196. 7 H. J. W. Drijvers et J. F. Healey, The Olà Syriac Inscriptions ofEdessa and Osrhoene. Texts, Translations and Commentary, HdO 1.42 (Leyde-Boston-Cologne, 1999) [cité infra Drijvers et Healey]. Nous préférons appeler « édesséniennes » les inscriptions araméennes rédigées dans l'écriture propre au royaume d'Édesse, réservant le terme « syriaque » à la langue et à l'écriture des chrétiens d'Orient, même si celles-ci dérivent bien sûr de celles qui étaient en usage à Édesse. 8 Collection particulière américaine. Nous remercions très vivement son propriétaire d'avoir bien voulu nous autoriser à publier cette étude et de nous avoir fourni une photographie de la mosaïque. Dimensions : 207 x 201 cm (ht/larg.). 9 Driivers et Healey, n" Cm 11, p. 220-221 et fig. PC f■ > •A "W — ~i- Ci « V V .»•> »r -Z'**- ï1 S * ! V r** "«t rïif î• T^r'^ * *■'», ^Î^*>S •* f •* V - ... ir - ' ^ « S"* Fig. 1 - Mosaïque de Prométhée (photo du collectionneur). 34 MONUMENTS PIOT Le troisième personnage, accompagné d'une inscription visiblement corrompue, que nous proposons de lire « Kronos », est présenté de trois-quarts vers la droite, orienté donc, lui aussi, vers le « Seigneur des dieux ». Caractérisé par une longue chevelure bouclée, une moustache et une longue barbe, il est vêtu d'une tunique claire qui lui dégage toute la partie droite du torse et le bras de ce côté ; de la main droite, il tient devant lui une sorte de grand cerceau (souvent appelé improprement « roue »), qui peut appartenir à l'iconographie d'Aiôn, divinité du Temps éternel. Du point de vue de la composition, ce personnage - qu'on ne voit qu'à mi-corps - referme le groupe des divinités du cosmos. À l'arrière, dans l'angle supérieur gauche, deux figures debout, un homme et une femme, représentés plus petits et en retrait, occupent ensemble moins d'un tiers de l'espace total ; ils sont placés de trois-quarts, comme les autres, et également orientés en direction de Zeus. L'homme est identifié par une inscription : il s'agit de Prométhée ; le regard lointain, le visage mangé par une chevelure abondante et une barbe drue, le Titan créateur du genre humain est reconnaissable seulement à sa tunique d'artisan, à manches courtes. La femme qui l'accompagne, lui posant la main sur l'épaule gauche, anonyme, reprend, en léger décalage, les lignes essentielles de sa silhouette : même inclinaison de la tête, même position du corps, même geste du bras droit replié sur la poitrine ; coiffée en bandeaux symétriques autour du visage, les cheveux noués en chignon sur la nuque, elle porte - comme Héra - un collier autour du cou ; son vêtement, attaché sur les épaules (la droite seule est visible) et les dégageant, correspond exactement au péplos échancré d'Athéna dont il reproduit jusqu'au détail du repli caractéristique à hauteur de la ceinture (apoptygma) et du plissé très serré qui retombe le long des hanches et des jambes. C'est donc cette déesse, protectrice officielle des potiers (et de tous ceux qui travaillent l'argile) qu'on proposera de voir ici. Si le registre supérieur évoque le monde statique et éternel des dieux, c'est dans le domaine mouvant de la matière que nous ramène la scène du registre inférieur. Se déroulant visiblement de gauche à droite, elle représente un groupe de figures dont l'identification ne pose pas de problème, même si aucune inscription ne les désigne. Arrivant à grands pas de la gauche, le premier personnage - chaussé de petites bottes à lacets et entièrement nu sous une chlamyde qui lui couvre l'épaule gauche et vole derrière lui - est présenté de trois-quarts, le tronc penché vers l'avant, le visage imberbe, la chevelure courte et bouclée dégageant l'oreille ; sur le front, deux ailettes — qui ressemblent plutôt à des cornes - permettent de reconnaître sans hésitation Hermès, identification que confirme la suite de la scène. Hermès amène, en effet, en la poussant par derrière, une petite figure féminine, en long chiton, pourvue des deux ailes de papillon qui caractérisent régulièrement Psyché ; celle-ci, comme d'habitude dans ce contexte, fait un geste de réticence ou d'effroi sur lequel on reviendra. Précédant le groupe mais se retournant vers lui, un petit personnage ailé — sans aucun doute Eros/Amor - semble inviter Psyché à s'approcher du dernier protagoniste de la NOUVELLES MOSAÏQUES INSCRITES D OSRHOENE 35 scène. Par la raideur de son attitude - les jambes serrées, les bras collés au corps, le regard fixe - et la couleur sombre de sa carnation, cette figurine ne peut être comprise que comme la créature qu'a modelée en terre Prométhée et à qui manque encore l'âme (\j)i)/rj) pour qu'elle soit véritablement un être humain. C'est donc l'ensemble de la composition en triangle, regroupant Psyché, Eros et la figurine en argile, qui symbolise l'homme, face à l'ordre immuable du monde représenté au registre supérieur ; le groupe Prométhée/ Athéna et Hermès, le médiateur par excellence, relient entre elles les deux zones. Dans l'angle inférieur droit, un peu à l'écart du reste de la scène, sont représentés, en position oblique par rapport à la ligne de sol, deux personnages - un homme imberbe aux cheveux courts et une femme dont la longue chevelure couvre les épaules — l'un à côté de l'autre, étroitement serrés. La tête de face - aux yeux largement ouverts -, les bras dans l'alignement du corps, ils ne sont ni debout, ni couchés mais dans une attitude intermédiaire qui est celle d'un redressement progressif. La couleur des corps n'est ni brune, comme pour la créature de Prométhée, ni chair, comme pour les autres personnages, mais d'un ton moyen entre le gris et le rose pâle. On notera, pour terminer, que tous les personnages de ce registre inférieur sont accompagnés d'une ombre portée, dirigée vers la droite, d'un rendu très schématique. Étude iconographique Exécutée à Édesse ou dans la région, comme en témoignent les inscriptions, cette mosaïque met en oeuvre - pour le rendu de presque tous les personnages - des types ou des schémas iconographiques proprement gréco-romains ; seule la composition d'ensemble pourrait être locale. Maralahe/Zeus - Héra L'image de Zeus/Jupiter, assis de trois-quarts, le torse complètement nu, sans sceptre et dans la seule compagnie d'Héra, ne trouve aucun parallèle satisfaisant, en dépit d'une documentation abondante10. En représentation officielle, le dieu apparaît le plus généralement de face, tenant du bras gauche levé son sceptre, un pan de son manteau lui retombant sur l'épaule gauche ; de surcroît, il est toujours, dans ce cas, entouré d'Héra/Junon et d'Athéna/Minerve, constituant avec ces deux déesses la Triade capitoline, omniprésente dans l'imagerie de l'Empire romain". Or, on constate avec étonnement que le schéma repris ici appartient non pas à l'iconographie de Zeus et 10 On se reportera aux articles du /./MC VIII. 1-2 (1997), s.v. Zens fin peripheria orientali), p. 384-388 (C. Auge et R l.inant de Bellefonds) ; s.v. Zeus/luppiter, p. 421-461 (H Canciani). 11 Cf. /./A/C VIII. 1-2 (1997), s.v. Triade capitolina, p. 461-470 (A. Costantini). 12 Cf. IJXU: IY.1-2 (1988), s.v. Hadcs/l'luto, p. 399-406 (R. I.indner) ; VIII. 1-2 (1997), s.v. Persephone, p. 966-978 (G. Gùntner). MONUMENTS PIOT Fig. 2 - Rome, Musée du Vatican : sarcophage d'Alceste; détail d'Hadès et Perséphone (photo DAI. Inst. Neg. 72593). d'Héra mais à celle des dieux infernaux, Hadès et Perséphone12. Un sarcophage du Musée Chiaramonti (Vatican), provenant d'Ostie13, offre à cet égard une confrontation tout à fait frappante (fig. 2) : la figure de notre Maralahe/ Zeus se superpose presque à celle d'Hadès, jusqu'au détail du bras droit tendu et à la position alanguie de la main gauche sur l'accoudoir ; de même, l'attitude d'Héra, tournée vers son époux, répond bien à celle de Perséphone/Proserpine penchée vers Hadès/Pluton et affectueusement appuyée à son épaule tandis qu'elle l'incite à rendre Alceste au monde des vivants14 ; c'est peut-être aussi comme une tentative d'intercession que l'on interprétera le geste d'Héra envers Zeus. En dépit de quelques variantes, qui s'expliquent aisément par les nécessités de la transposition (addition d'une couronne de laurier et d'un nimbe pour le « Seigneur des dieux » ; suppression du flambeau et du voile connotant les Enfers), les deux couples reproduisent à l'évidence un modèle identique ; c'est donc dans le répertoire des thèmes funéraires romains qu'a puisé le pictor, créateur du carton de notre mosaïque. 13 LIMC IV.1-2 (1988), s.v. Hades/Pluto, no 67 p. 404 ; S. Wood, « Alcestis on Roman Sarcophagi », A] A 82, 1978, p. 499-510 ; H. Sichtermann et G. Koch, Griechische Mythen auf rômischen Sarkophagen (Tiibingen, 1975), n" 8, p. 20-21, pi. 16 ; 17, 2 ; 19, 2. 14 LIMC I.1-2 (1981), s.v. Alkestis, n" 8 p. 535 et commentaire p. 542-544 (M. Schmidt). NOUVELLES MOSAÏQUES INSCRITES D OSRHOENE 37 Kronos L'inscription qui désigne le dernier personnage de ce groupe pourrait s'être lue à l'origine « Kronos », divinité dont la présence au côté de Zeus - pour traduire l'idée du cosmos - paraît tout à fait conforme au panthéon traditionnel15. Au plan iconographique cependant, on ne manquera pas d'être surpris de ne pas retrouver sur l'image les traits essentiels qui définissent, dans la plupart des cas, la figure de Kronos (ou Kronos/Saturne à l'époque romaine)16 : sans doute est-on bien en présence d'un homme âgé, aux cheveux longs, portant barbe et moustache, revêtu d'un manteau qui lui dégage largement le torse, tout en formant un bourrelet de plis à la taille ; mais ce qui, au-delà de cet aspect général, assure d'habitude formellement l'identification de Kronos, c'est le fait qu'il a la tête voilée et qu'il tient, presque toujours, à la main l'attribut spécifique qu'est la harpe17. Le personnage de notre mosaïque est caractérisé, en revanche, par un autre attribut : un objet circulaire ou elliptique que l'on identifiera sans doute au cercle zodiacal18 ; or, c'est aux représentations d'Aiôn que renvoie cet attribut19. Un intéressant parallèle est, en effet, fourni par une mosaïque d'Antioche que D. Levi date de la deuxième moitié du IIIe siècle20, où l'on voit A'kjo'v — identifié par une inscription — sous les traits d'un homme âgé, chevelu et barbu, assis à une table de banquet, à côté d'une grande « roue » qu'il actionne ; un peu plus loin, sur le même lit, sont installés trois autres convives plus jeunes, désignés comme Xqo'voi par une inscription d'ensemble, chacun étant accompagné de surcroît d'une inscription personnelle : naQa)(i)xïi|iévoç (le passé), 'Evéoicpç (le présent) et MéXkwv (l'avenir). Face à ces temps relatifs de la vie humaine, Aiôn représente sans aucun doute le Temps absolu, immuable, éternel21. Il paraît normal qu'à la notion d'éternité se soit attachée de préférence la figure d'un 15Cette théologie cosmique remonte au Timée de Platon : cf. A. J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, II. Le Dieu cosmique (Paris, 1949), p. 73-152. 16 Cf. LIMC VI. 1-2 (1992), s.v. Kronos, p. 142-147 (E. D. Serbeti) et surtout LIMC VIII. 1-2 (1997), s.v. Saturnus, p. 1078-1089 (K Baratte). 17 Cf. L/MC VIIII. 1, s.v. Saturnus (F. Baratte), p. 1087 : « D'une manière générale, les caractéristiques principales du dieu, la harpe et le voile, constituent des emprunts à Kronos... ». 18 E. Simon, « Zeit-Bilder der Antike », Ausgewàhlte Schriften, IL Rômische Kunst (Mayence, 1998), p. 229 : « Das wichtigste Attribut antiker Zeitbilder ist der Zodiacus als Kreis oder als lang gezogene Ellipse... ». 19 Le thème de l'iconographie d'Aión a été maintes fois traité et controversé ces dernières années. Il existe, en fait, deux types iconographiques d'Aiôn bien distincts, le type âgé et barbu propre aux provinces grecques de l'Empire, et le type jeune et imberbe, toujours accompagné des Saisons et associé au zodiaque, qu'on trouve en Occident, et surtout en Afrique (mais sans inscription attestant le nom d'Aiôn). Seul le type âgé, grec, nous intéresse ici : il serait donc hors de propos de revenir sur le détail de la sion.On se reportera, pour les généralités et la bibliographie, à l'article du /./MCI. 1-2 (1981), s.v. Aion, p. 399-411 (M. Leglay), jteur distingue les deux types d'Aiôn tout en essayant de les « réconcilier » dans sa conclusion. La mise au point la plus récente - avec toute la bibliographie antérieure - est due à I). Parrish, « The Mosaic of Aion and the Seasons from Haidra d'uni ;ia) : an interprétation of its meaning and importance », AnTard, 3, 1995, p. 165-191. 2( D. I.KVi, Antioch Mosaic Pavements (Princeton, 1947), p. 197-198 et p. 625 (tableau chronologique). Pour le commentaire philosophique de la mosaïque, D. Levi, « Aion », Hesperia 13, 1944, p. 269-314 (en particulier, p. 274) ; ; que, selon l'auteur, la « roue » que fait tourner Aiôn n'est pas le cercle zodiacal mais le symbole du temps qui passe (p. 284). Ne pourrait-ce être aussi le cas sur la nouvelle mosaique d'Édesse ? MONUMENTS PIOT Fig. 3 - Damas, Musée National : mosaïque cosmologique de Philippopolis (photo J. Ch. Balty). vénérable vieillard. Ce type iconographique d'Aiôn âgé est peu représenté toutefois. On citera d'abord l'exemple d'une mosaïque de Nea Paphos, datée du IVe siècle, où Aiôn (identifié par une inscription) est couronné et nimbé, reprenant un type iconographique propre à Zeus et s'identifiant ainsi au dieu cosmique, âme du monde22. Plus intéressant pour notre propos est le relief d'Aphrodisias (fin du Ier siècle avant J.-C), où l'éternité des honneurs rendus à la mémoire de Zoïlos, prêtre d'Aphrodite, bienfaiteur de sa cité, est symbolisée par un personnage âgé, barbu, la tête en partie voilée, représenté assis et désigné par l'inscription A'io/v23: le type iconographique repris ici est celui de Kronos, mais sans la harpe. Le relief d'Aphrodisias et la mosaïque d'Édesse se répondent ainsi étrangement, à des siècles de distance, l'un appelant « Aiôn » une figure de Kronos, l'autre dénommant « Kronos » une figure d'Aiôn, contamination des types icono- 22 W. A. Daszewski, Dionysos lier Erlôser. Gnechische Mythen un spiitantiken Cypern, Mayence, 1985, p. 33. Sur Aiôn compris comme dieu cosmique, A. J. Festugiere, La révélation d'Hermès Trisniégiste IV (Paris, 1954), p. 180-182 ; R. Turcan, « Le piédestal de la colonne antonine, à propos d'un livre récent », RA 1975, p. 314 ; M. Lkglay, loc. cit., p. 409. 23A. A\.\6w\,Aion in Menda unii Aphrodisias (Mayence, 1979) [- Madrider Beitriige 6\, p. 13-25 ; cf. aussi IAMCA. 1,5. v.Aion (M Leglay), p. 401. NOUVELLES MOSAÏQUES INSCRITES D OSRHOENE 39 graphiques singulièrement significative, qui démontre que les deux figures pouvaient être ressenties comme identiques au point d'être interchangeables pour la représentation du Temps éternel24. Ni l'Aiôn d'Aphrodisias, ni celui de Nea Paphos ne sont associés au cercle zodiacal ; on se demandera d'ailleurs, avec Marcel Leglay25, si cet attribut appartenait bien, à l'origine, au type iconographique du vieillard Aiôn ou s'il ne serait pas plutôt le résultat d'une contamination avec l'image de l'Aiôn jeune, systématiquement accompagné du zodiaque et lié à l'idée de Fécondité garantie par le retour immuable des Saisons. Cette figure n'est toutefois jamais explicitement désignée comme « Aiôn » et, de plus, elle n'apparaît que dans la partie occidentale de l'Empire romain26. Un seul document oriental offre une représentation d'Aiôn - authentifiée par une inscription - sous les traits d'un homme imberbe, dans la force de l'âge, tenant le cercle zodiacal et ostensiblement lié au cycle de la nature et à la richesse qui en découle, c'est la mosaïque de Shahba- Philippopolis27 qu'on s'accorde aujourd'hui à dater de l'époque de Philippe l'Arabe (fig. 3) ; mais il s'agit ici d'un cas tout à fait particulier où l'image d'Aiôn s'inscrit dans le cadre de la propagande impériale, en liaison avec la célébration du millénaire de Rome en 24828 d3 - la notion romaine (et politique) Aeternitas Augusti se superposant implicitement à la notion grecque (et plus philosophico-religieuse) du « vieil Aiôn », Temps éternel29. Quoi qu'il en soit, c'est assurément à celui-là - l'Aiôn-Kronos - que se réfère notre mosaïque. Prométhée et sa compagne Le personnage de Prométhée, tel qu'il apparaît ici - en spectateur inactif, debout, loin de son œuvre - constitue pratiquement un hapax au plan de l'iconographie30 et serait difficilement reconnaissable sans l'inscription qui l'accompagne et sans la scène 24 Four l'équivalence Kronos-Aiôn, A. A1.1 oi.di, op. cit., p. 25. Au plan iconographique, il est tentant d'ajouter un troisième parallele, en Occident cette fois : la figure de Saecuiitm sur la mosaïque cosmologique de Mérida paraît, en effet, répondre au même type de l'Aiôn âgé ; sur l'équivalence Saeailum-Aiùn, cf. A. Ai.foi.di, op. cit., p. 5 ; I). Farrish, loc. cit., p. 184 (qui reconnaît en même temps la présence d'Aiôn jeune dans la figure à'1 Aeternitas) ; contra, M. -H. Quet, La mosaïque cosmologique de Mérida (Faris, 1981), p. 97-99 (qui reconnaît seulement l'équivalence Aeternitas- Aïôn). 25 LIMC. I. 1, s. v. Aion (M. Leglay), p. 409-410. I). Levi ne reconnaissait pas, quant à lui, le cercle zodiacal comme attribut d'Aiôn (cf. ci-dessus n. 21). 26 Sur les variantes possibles eie cette figure, cf. en dernier lieu D. Farrish, loc. cit., p. 170-184, 187-191 (plus particulièrement sur le problème de son identification comme Aiôn et sur les noms latins proposés en équivalence : p. 170-174). 27 E. Win., « L'ne nouvelle mosaïque de Chahba-Fhilippopolis », AAS 3, 1953, p. 24-48 ; A. J. Festucmère, « La mosaïque de Fhilippopolis et les sarcophages 'au Prométhée' », Hermétisme et mystique païenne (Faris, 1967), p. 313-321 ; J. Chakbonneaux, « Aiôn et Philippe l'Arabe », MF.FRA 72, i960, p. 252-272 ; M. -H. Quei, op. cit., p. 164-167 ; J. Bai.ty, Mosaïques antiques du Proche Orient. Chronologie, iconographie, interprétation (Faris, 1995), p. 144 et n. 25 ; 1). Parrish, loc. cit., p. 184-186. 28 Que l'on souscrive ou non a l'identification de Philippe l'Arabe avec Aiôn, proposée par J. Charbonnhaix, loc. cit., il n'est pas douteux que la mosaïque doit être mise en rapport avec cet événement important du règne. 29 S'il est vrai que ces deux visions de l'Eternité puissent paraître conciliables et complémentaires, il est difficile d'imaginer que deux types iconographiques aussi différents aient pu répondre a un seul et même nom, ce qui semble cependant bien être le cas. Cf. dans le même sens, L. Simon, loc. cit., p. 227 : « Aion ist in der antiken Kunst keine ikonographisch festumrissene Figur. Er nimmt Ziige anderer (iôtter und Fersonifikationen an, die mit der Zeit in Be/iehung stehen ». 30 Pour l'iconographie de Prométhée, cf. /./ÀfC YII.1-2 (1994), s. v. Prometheus,p. 543-547 et commentaire p. 552 (J.-R. (iisler).

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