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Notions philosophie CAPES AUTRUI CNED PDF

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Capes externe de philosophie Notions de philosophie Autrui Cours Noëlla Baraquin Autrui et la communication. PREMIERE PARTIE AUTRUI L Le problème d'autrui comme problème moderne. Le solipsisme cartésien et l'absence de problématique d'autrui dans la pensée classique. L'invention d'autrui dans la pensée anti-cartésienne : empirisme, spinozisme. La pensée d'autrui dans l'idéalisme allemand (Kant, Fichte, Hegel). Kant : l'exigence d'accord universel à l'horizon du jugement. Fichte et Hegel : l'intersubjectivité condition de la subjectivité. La conscience de soi n'est plus définie par la certitude de soi interne. Le concept de Reconnaissance des consciences. Fichte : l'intersubjectivité constitutive de la conscience de soi. Déduction a priori de l'intersubjectivité. Hegel : l'interaction des consciences comme donnée immédiate, à partir de laquelle se construit le processus pratique de la reconnaissance mutuelle. Il. Husserl. Autrui, objet d'une visée spécifique. Remarques sur l'essor du problème d'autrui dans la pensée contemporaine à partir de la phénoménologie de Husserl. La notion de visée phénoménologiqueappliquée à autrui La perception d'autrui ne constitue pas pour Husserl une intuition originaire : l'« apprésentation analogique » d'autrui à partir de son corps nous donne indirectement autrui. L'expérience significative du double toucher : révélatrice du corps comme champ de localisation du psychisme. Interprétations différentes. 1 Comment Je devine qu'un corps est autrui. Indication et expression. La visée d'autrui est une intentionnalité médiate, indirecte, qui demande une seconde réduction, faisant abstraction de ce qui est étranger au moi. La notion de « sphère d'appartenance D. Difficultés de la thèse de Husserl. La constitution de l'alter ego ne se présuppose-t-elle pas elle-même ? Autrui peut-il apparaître comme corps sans que le sens autre soit constitué ? Comment l'analogie, qui repose surune ressemblance au niveau des objets, pourrait-elle fonder autre chose que le transfert d'un sens objectif, d'une visée d'objet ? Le recours à l'analogie sert à rendre compte de la contradiction constitutive d'autrui, proche et étranger par rapport à ego. Autrui : mon autre, non mon double. Mais l'idée de subjectivité transcendantale intégrale, d'ego apodictique, n'est-elle pas purement spéculative ? III. Le problème d'autrui selon Merleau-Ponty. Critique du solipsisme et de l'analogie chez Husserl. Critique de l'analogie. La perception et l'incarnation, fondements de la relation à autrui. La notion husserlienne d' « intersubjectivité transcendantale ». Un solipsisme transcendantal ? Le problème d'autrui selon Merleau-Ponty. Remarque préalable concernant un enjeu essentiel : la communication et la question politique et historique. Le primat de la perception fonde l'accès direct à Autrui. L'analyse d'autrui se précède elle-même : notion d'un monde présubjectif anonyme. La relation de réversibilité propre à la perception (d'autrui, du monde). Le monde comme chair. Images du chiasme et du doigt de gant. Une philosophie de la chair et du corps « charnel » contre la philosophie de la conscience. L'organisme, le corps, la chair. Comportement et forme. La connivence perceptive entre moi et le monde : « on perçoit en moi ». L'expérience d'autrui, démenti au réalisme comme à l'intellectualisme. L'évolution de la pensée d'autrui de IaPhénoménologie de la perception à Le visible et l'invisible. Deux étapes de la conception de l'incarnation : de l'opacité du corps propre à la visibilité universelle. Phénoménologie de la perception : c'est l'opacité du corps pour soi qui implique l'altérité. Subjectivité pré-personnelle ou anonymat pré-perceptif sont les conditions de la saisie d'autrui. La conscience n'est plus constituante. Le corps propre comme être-au-monde. 2 En quel sens peut-on parler de subjectivité prépersonnelle ? Conclusion générale sur la critique du solipsisme. Nouvelle problématisation d'autrui et de la perception dans Le visible et l'invisible. Le « mystère de la visibilité » (visibilité universelle de la « chair du monde »). Images du chiasme et du doigt de gant. La question du syncrétisme. L'unité du monde, lieu d'accord et de conflit. L'individuel et l'intersubjectif ne sont pas noyés dans la généralité de la chair. La chair ne relève pas d'une interprétation syncrétique, elle contient une pluralité de pôles charnels. Dimension, style. Le corps d'autrui dans l'espace. Autrui : une « incarnation inachevée ». L'interprétation du caractère insaisissable des limites du « corps propre ». Il n'y a pas de distinction de principe entre la chose et autrui, mais une continuité. Toute chose exhibe un style. Les choses : « des presque compagnons ». Spécificité relative de l'intercorporéité humaine. Autrui : « un surcroît d'intériorité D. Modification de la problématique de l'Ame et du Corps. Ame et corps, avers et revers de la chair. Critique de la conception sartrienne du pour autrui (L'Etre et le Néa*t Rappel de la conception de Sartre. La notion d'alter ego est contradictoire comme pour Husserl. L'expérience d'autrui est expérience pour la conscience, expérience d'être objectivée. Le pour autrui, extase du pour soi. La critique par Natalie Depraz de l'absorption de la conscience intentionnelle dans la chair chez Merleau-Ponty. Réhabilitation de l'analogie selon Husserl : la Paarung comme co-union garante de la séparation des sujets. Implications psychologiques des conceptions de l'altérité. Ambivalence du vécu, du perçu, du relationnel, notamment des sentiments. « Sentiments faux », « relations fausses D. Critique de la formule de Pascal « on n'aime jamais personne mais seulement des qualités ». Le primat de la perception rend sa valeur à la relation intersubjective. 3 La psychologie de l'enfant confirme le double caractère de l'intersubjectivité : harmonie et conflit. La paix de l'enfance constitutive de la relation à autrui, autant que la lutte à mort des consciences. La différence prend sens à partir de l'universel. Les nuances apportées à la critique de l'introspection. Heidegger et l'être-avec. Caractère secondaire de la relation à autrui par rapport à la relation à l'Etre. Objections de Lévinas à la perspective ontologique et naturaliste de Merleau-Ponty. 4 DEUXIEME PARTIE. LA COMMUNICATION. TRANSFORMATION DU PROBLEME D'AUTRUI A PARTIR DE LA COMMUNICATION. La communicabilité : « un objet nouveau en philosophie ». Remplacement de la communication des consciences par la communication des discours. Primat de la communication sur l'information. L'échec de Merleau-Ponty et de la perspective phénoménologique à comprendre la relation avec autrui et la communication. Conditions pragmatiques et dialogiques de la communication. 5 PREMIERE PARTIE AUTRUI ill. Le problème d'autrui comme problème moderne. Le solipsisme cartésien et l'absence de problématique d'autrui dans la pensée classique. La réflexion philosophique sur les questions posées par autrui n'a pris de l'ampleur qu'à partir d'une époque récente dans l'histoire des idées : la phénoménologie de Husserl. Mais plus généralement, le « problème » d'autrui est un problème moderne, induit par le primat cartésien de la subjectivité et de la conscience, et on a coutume de présenter la seconde Méditation, ses mécaniques articulées sous les chapeaux et les manteaux, comme significative d'un enfermement du sujet en lui-même, d'une mise à distance de tout lien organique à autrui, d'une forme d'étonnement devant la l'existence d'autres hommes, provoquant un sentiment de non évidence, voire d'absurdité. Si la pensée pré-moderne n'ignorait certes pas l'Autre, promu par le christianisme au statut de prochain, elle ne pouvait le constituer en un problème à part entière., Il fallait pour cela une philosophie qui développât une conscience de soi spécifiquement moderne d'elle-même, réfléchît sur la subjectivité, pensante et autre, accordât au Je une priorité de principe. Autrui ne constitue pas un problème tant que le sujet n'a pas reçu la dignité - que lui confère Descartes - d'un véritable principe de connaissance. Chez les Anciens et dans la philosophie théologique du Moyen âge et de la Renaissance, l'homme se voit en Dieu et trouve en lui le seul principe fondant la vérité et orientant la vie : dans la pensée chrétienne, le courant augustinien illustre cette perspective alors qu'ockhamisme et thomisme dessinent une frontière entre le temporel et le spirituel, spécifier certains problèmes comme concernant exclusivement l'humanité et la nature. La problématique d'autrui s'imposera dans le cadre d'une réflexion philosophique reposant sur elle-même, soit dans l'élaboration du cogito cartésien par l'idéalisme moderne. Elle ne cessera de se renouveler et de s'approfondir avec les mises en question de l'autonomie du sujet et on peut soutenirr qu'un intérêt pour la spécificité du rapport à autrui n'existe pas avant la phénoménologie de Husserl, quelle que soit la force spéculative de la dialectique de la reconnaissance qui lie chez Hegel le moi à l'Autre. La relation du sujet à « autrui » peut donc commencer à poser un problème quand le Je pense recueille à lui tout seul la charge de l'intelligibilité, après mise entre parenthèse de tous les contenus de la pensée et de l'expérience (les autres comme les choses). Mais il faut en plus que ce primat de la subjectivité soit lui-même remis en question pour que la spécificité d'autrui par rapport au reste des choses perçues apparaisse comme un problème. En effet, dans la seconde Méditation, la perception d'autrui n'en constitue pas un en elle-même : il s'agit de montrer que la perception - la perception en général, celle des hommes sous les chapeaux et les manteaux, après celle du morceau de cire sous ses changements - est l'oeuvre non de nos sens mais d'un jugement. Ce que je crois voir de mes yeux - d'autres 7 hommes que moi, et non des marionnettes costumées -, j'en juge en fait par une « inspection de l'esprit ». Les hommes vus par la fenêtre comme des silhouettes ambiguës dépourvues d'unité et de sens, n'apparaissent dans la seconde Méditation qu'à titre d'exemple destiné à mettre en valeur le travail de l'esprit dans la perception, pour montrer que lorsqu'on croit voir, on juge. La certitude qu'autrui est bien une évidence, que son existence réelle correspond bien à sa perception, sera retrouvée (lors de la sixième Méditation), en même temps que la certitude du monde, une fois établi sur un Dieu vérace le fondement de nos certitudes. Mais alors le primat de la subjectivité se voit établi, il est acquis que le principe de la connaissance est le seul sujet pensant, donc qu'aucune garantie métaphysique ne saurait réconcilier le sujet avec ses évidences immédiates. La modernité est née, avec la possession d'un principe de connaissance qui est le seul sujet, possession qui libère la pensée et fonde l'autonomie de sa démarche, en rompant notamment avec la pensée pré-scientifique. L'imputation de solipsisme (so/us ipse) adressée à la démarche cartésienne relève donc en quelque sorte de l'extérieur, d'une critique faite à la modernité, au primat du so/us. à la pensée. A la pensée fondée sur le seul sujet, il manquerait quelque chose. En découvrant la solidité d'un principe de connaissance dans le sujet autonome, le cartésianisme a induit une série de dualismes : il a isolé la pensée du corps, l'esprit de la matière, et cette séparation radicale implique aussi la solitude de l'être pensant, son absence de tout lien substantiel avec autrui comme avec le monde. Tout se passe comme s'il n'y avait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui-même, seul dans sa réflexivité. Comme s'il n'avait besoin de rien d'autre que de lui-même pour penser, de la référence à lui-même, à son ipséité. L'étape décisive dans la réflexion sur la relation à d'autrui est donc bien la phénoménologie, avec la cinquième des Méditations cartésiennes de Husserl (1929), partie comme les Méditations de Descartes d'une épochè, visant à permettre la description de la spécificité de l'expérience vécue, l'évidence (phénoménologique) d'autrui : comment puis-je savoir spontanément qu'autrui est un autre moi, un être comme moi ? Quel vécu singulier distingue la saisie d'autrui de celle d'un animal, d'une chose ? Y a-t-il une spécificité de la relation intersubjective ? S'il est évident qu'il en existe une, quel est le sens de ce vécu spécifique ? Avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un moment sur l'absence de toute problématique de ce type dans la philosophie grecque et les raisons de cette absence. Si l'on veut comprendre en effet le caractère éminemment moderne (le cogito cartésien) et contemporain (Husserl et la veine phénoménologique : Heidegger, Sartre, Merleau-Ponty, etc.), sans oublier les perspectives dialogiques (Martin Buber, Lévinas, Francis Jacques et la pragmatique linguistique...) dans l'histoire de la philosophie, il est nécessaire de faire certaines comparaisons. La personne comme telle n'intéresse pas les anciens, aussi ni la spécificité d'autrui, ni l'intersubjectivité' ne peuvent-elles faire l'objet d'une inquiétude particulière. Si la catégorie du moi, et même la dimension de l'intériorité, apparaît et se développe chez les épicuriens, les stoïciens, les cyniques (cf. E. Weil, Logique de la philosophie, chapitre sur la catégorie du Moi), le moi est pris dans sa généralité, non comme individualité singulière et subjective, inscrite hic et nunc dans tel corps, ainsi qu'il pourra l'être dans la pensée moderne, définie par le primat de la subjectivité (Descartes et les cartésiens), puis de l'individualité (existentialisme, dialogisme). Le sujet du cogito cartésien opère une rupture avec le « monde clos » et sensé qu'était le cosmos antique, où « l'homme » a sa place dans un ordre et une hiérarchie éternelle des êtres (A. Koyré). Rupture dont l'arme essentielle est la nature au sens de la science moderne, synonyme de matière et d'étendue obéissant à un ' Le terme est créé par Husserl, dans la cinquième des Méditations cartésiennes où apparaît le problème de la visée intentionnelle d'autrui. 11 désigne la communauté des ego constituée à l'intérieur de mon être propre (cf. plus loin). 8 mécanisme dépourvu de finalité et de sens. Même chez des matérialistes comme les épicuriens, sensibles au hasard et à l'absurdité qui entourent l'homme, la nature n'est pas tout à fait vide de sens, il existe des dieux, lointains modèles de bonheur et d'harmonie, image d'un ordre sensé par delà le hasard. De plus, la relation interpersonnelle n'est pas un sujet de réflexion : chez Aristote, Epicure, une relation intersubjective comme l'amitié reçoit un statut éminent, mais à titre d'expression de l'excellence d'un individu assigné à un modèle d'humanité, l'amitié faisant partie des vertus de l'homme de bien. La relation entre amis n'engage dans ce contexte aucune réflexion sur l'intersubjectivité, sur le relationnel, l'interhumain comme tels. Quant au dialogue platonicien, il suppose bien à titre de condition de possibilité une différence entre des perspectives qui s'affrontent, et par conséquent la considération des individus dans leurs relations réciproques. Le souci exprimé par Pascal : « Il faut avoir égard à la personne que l'on veut persuader », est constant chez Platon qui fait varier le discours suivant que l'on parle à Glaucon, à Gorgias, etc. Toutefois, dans la perspective ontologique qui est celle de Platon, l'individu, seul ou en relation, n'a pas sa valeur en et par lui-même, il doit s'abolir dans le logos impersonnel et universel. Bien sûr, il est vrai aussi que la vérité se découvre dans l'intersubjectivité, par le dialogue, la maïeutique, qu'elle est ce qui peut passer d'un individu à un autre (s'enseigner) mais si elle est ce que Glaucon, Gorgias, accordent, c'est en tant qu'ils participent chacun de la raison. Le dialogue a donc finalement pour but chez Platon d'effacer les individus dans l'unité de l'Idée : « Il faut dire ici adieu à Glaucon... ». De même l'amour ne s'adresse pas à la personne, mais à l'Idée à travers la personne. Le progrès de l'ascension vers le Bien dans Le Banquet consiste à dé- personnaliser ce sentiment. De l'amour d'un beau corps on passe à l'amour de tous les beaux corps, puis à l'amour d'une belle forme en soi, à l'amour des belles vertus, des belles sciences, et finalement à l'idée de Beau en soi. Donc en dernière analyse, la communication n'est possible que par la médiation de l'Idée. L'intersubjectivité n'est pas ici une relation spécifique. Et même la promotion extraordinaire d'autrui sous les espèces du prochain dans la pensée chrétienne a avant tout la signification du renoncement à l'égoïsme, de l'amour de charité qui sait diviniser la relation humaine, y introduire la transcendance, y retrouver le lien exemplaire de la créature au Christ, soit l'incarnation divine. Nous aurons l'occasion d'apprécier à quel point le thème de l'incarnation est essentiel dans la reconnaissance de la spécificité de la relation spécifique avec autrui. Il faut donc attendre la phénoménologie (Husserl puis essentiellement Merleau-Ponty, qui le reprend et le critique, mais aussi Heidegger et Sartre, ainsi que l'existentialisme chrétien chez Gabriel Marcel et la version éthique du problème chez Lévinas) et son souci de spécifier les « visées de conscience », pour que l'originalité du rapport à autrui fasse l'objet d'une interrogation philosophique. Toutefois on doit reconnaître que le terrain a été largement défriché par la critique du solipsisme dans l'idéalisme allemand chez Fichte et Hegel, elle- même préparée par la vaste réflexion critique sur le dualisme et l'intellectualisme cartésien (empirisme de Hobbes, Hume, Smith, spinozisme, rousseauisme). Dans le cadre du cartésianisme, nous l'avons dit, repli sur la certitude unique du cogito, autrui ne constitue pas un problème et l'existence des objets est aussi bien mise en doute que celle des autres hommes, la solution ne sera pas différente pour les uns et pour les autres à la sixième Méditation, la véracité divine fondera la connaissance vraie de tous les êtres extérieurs au moi pensant. Même l'existence de mon corps est mise en doute et sa certitude ainsi refondée métaphysiquement. Que nous fassions l'expérience de l'existence d'autres personnes est ici un fait qu'aucun échafaudage spéculatif ne vient contester. Le solipsisme – affirmation théorique d'une solitude de principe de la conscience, affirmation selon laquelle il n'y aurait pour le sujet pensant d'autre réalité que lui-même – constitue une imputation extérieure au cartésianisme, car il ne peut s'agir d'« une doctrine effectivement soutenue comme telle <...> la difficulté n'est pas de constater que nous faisons l'expérience d'autres consciences, mais d'élucider les conditions de possibilité de cette expérience. Comment pouvons-nous, dans tel objet, déceler le produit d'une activité humaine, c'est-à-dire la manifestation d'une 9 subjectivité dont le sujet cependant ne nous est pas donné en tant que tel ? Comment pouvons-nous surtout, dans tel corps en face de nous, percevoir la présence d'une conscience comme la nôtre et la comprendre comme un alter ego, un autre moi, alors même que seules nos propres pensées nous sont directement données ? »2 Si un problème se dessine, c'est en fonction de l'affirmation du primat du cogito, du primat de la seule conscience – conscience d'être pensant - comme point de départ permettant d'accéder à un fondement certain de la connaissance. Dieu, qui est ce fondement certain, est, rappelons-le, rencontré au sein de la conscience, dans les idées qui constituent notre pensée, dont l'une, celle de l'Infini, nous renvoie à une transcendance qui ne peut provenir de nous-même (Méditation Ill). Alors, « l'expérience d'autrui nous est donnée comme une réalité, mais une réalité qui n'est pas immédiatement explicable, une réalité qui, dans son évidence même, résiste à l'intelligibilité. »3 Comment Autrui est-il possible ? Cette question n'est pas une invention ou une découverte pure de la phénoménologie, même si celle-ci apporte les bases spécifiques de sa formulation contemporaine –et cela malgré les critiques variées faites de la perspective phénoménologique. C'est la pensée anti-cartésienne, anti-dualiste, qui prépare la problématique d'autrui, problématique qui s'annonce sous deux formes : d'une part, celle de l'empirisme et de pensées qui donnent, pour des raisons diverses, de l'importance à l'affectivité (Spinoza, Hobbes, Hume, A. Smith, Rousseau) ; d'autre part, celle de l'idéalisme allemand (essentiellement chez Kant, Fichte et Hegel). L'INVENTION D'AUTRUI DANS LA PENSEE ANTI-CARTESIENNE : EMPIRISME, SPINOZISME. Classons ces critiques du dualisme cartésien selon les deux principaux critères dont elles s'autorisent pour contester le primat de la conscience et de la subjectivité, la séparation intellectualiste entre sujet et objet, corps et pensée, matière et esprit. Nous voyons que ces critères impliquent une mise en relief toute nouvelle de la relation à autrui. La conscience cessant d'être définie comme pure identité à soi, son rapport au corps apparaît comme constitutif, et ainsi également la relation aux autres corps – choses, animaux, humains. Montrons comment, avant d'acquérir toute sa portée dans la mouvance phénoménologique et d'y modifier profondément la notion d'autrui, cette idée d'une ouverture essentielle de la conscience sur ce qui n'est pas elle apparaît déjà chez bien des penseurs, conduisant à rompre avec le solipsisme, mais d'abord, pour cela, en le formuler comme un problème. Nous distinguerons deux principaux critères : d'une part le rapport à autrui est pris en compte dans l'opposition empiriste à l'intellectualisme cartésien (ainsi qu'aux spéculations abstraites métaphysiques, théologiques en général). C'est le cas chez : Hobbes, qui décrit l'état de nature comme la domination de chacun par l'égoïsme, certes, mais produisant une rivalité généralisée, donc une obsession d'autrui, sous le double signe de la crainte (l'autre peut vouloir ma mort) et de la vanité (l'autre doit reconnaître mon pouvoir : « chacun attend que son compagnon l'estime aussi haut qu'il s'apprécie lui-même », Léviathan, I, 13). Le pacte social, par lequel chaque individu remettra son pouvoir dans les mains d'un seul, est rendu possible par le fait que « les passions, à commencer par l'orgueil ou désir de gloire, relient originairement les individus les uns aux autres »4. 2 Mildred Szymkowiak, Autrui, GF Flammarion 1999, p. 12. Lire également l'article a Solipsisme » à la fin de l'ouvrage, p. 233- 237. 3 Ibid. p. 12. 4 Ibid., p. 132. Lire le texte de Hobbes, extrait de Léviathan, I, ch. XIII. 10

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