Nicolas Cabasilas : La Vie en Christ

182 Pages·035.844 MB·French

by  Daniel Coffigny

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Daniel Coffigny
•
•
DANIEL COFFIGNY
•
L a Vie en Christ
•
1
"'./
(
Épiphanie-Spiritualité orientale
Documents
LES lIDITIONS DU CERF
PAlUS
1993
-
INTRODUCTION
,
UN CHRÉTIEN DANS UN MOJl;DE EN CRISE:
NICOLAS CABASILAS
•
La vie de Nicolas Cabasilas se situe entre deux
moments déteililinants pour l'Empire byzantin: le sac
de Constantinople de 1204 par les Croisés et
l'annexion définitive de la capitale de l'Orient, par
les Turcs, en 1453,
La plupart des historiens situent la naissance de
Jl9colas Cabasilas à aitre 1319 et 1325.
Sa famille est d'aristocratie le Père Sala-
et
, ville précise: « Le nom de son père est Chamaétos.
C'est sa mère qui une Si Nicolas a
~ait
de préférence adopté c'est ou parce que ce
© Les Éditions du Cerf, 1993
enoore,
nom,a)l8it doute plus ou tout
et
(29, boulevard latour-Maubourg
75340 Paris Cedex 07) ensemb~ pour ne pu prise au jeu de mots
ISBN 2-204-04755-4 assez par le vocable
u-.ae
ISSN 0750-1862
tos, qui pourrait sil"ir_: OU
LA VIE E CH RIST
INTRODUcrION 9
8
" 1
Nous savons, par l'historien Phr:mt-
rent par la désorganisation de l'économie et de l'agri
r7mpant l' ["è're de Nicolas était une personne pieuse
culture. Andronic III flatte la jeunesse aristocratique
que a m , S '
"Le
.' 1 fin de sa vie, se retira au couvent amte-
en lui distribuant terres et pr ivilèges. Il attise d'autre
qUI, vers a
, 1
Théodora à Thessalomque , ,» , part la rruncœur du petit peuple accablé d'impôts. En
l'enfance de Nicolas, le long regne
1321, pour apaiser, semble-t-il, les menaces que son
Durant . h à f' L'
282-1318) d'Andronic Il touc e sa m, em pe-
petit-fils fait peser sur son règne, Andronic II lui attri
~e
l' une Église florissante. C'est l'ère de la
(1
bue « à titre impérial » la Thrace. Cela ne refrène pas
reur rus h' é . 1
magnifique éclosion du monac ISn:'e, sp cla ement au
Andronic III druns sa volonté tenace de conquérir le
mont Athos, proche de Thessalomque. Ces monastè-
pouvoir. S'allirunt au tsar bulgare, galvanisrunt les habi
en effet, « représentent pour les hommes les plus
tants de Macédoine, il s'empare, en mai 1328, de
res, ,. d ' d t
'vés de Byzance, au mlheu es tnstesses u emps,
It Constantinople.
" b '
CUI
le lieu de refuge et de méditation ou eaucoup vlen-
ces
Tous détails peuvent paraître superflus druns une
nenl finir leur vie sous l'habit monacal ' ».
Introduction à La Vie en Christ. Il me semble, cepen
Cette vie spirituelle intense de l'Église de Byzance
dant, nécessaire d'y recourir. Nicolas Cabasilas a
dépasse les frontières de Asie
l'Emp~re: Mi~eure,
grandi en entendant analyser et commenter ces évé
Ru sie, Lithuanie, Balkans. Le blian, en ce qUi con
nements historiques, pain quotidien des conversations
cerne l'État, est moins glorieux! L'armée est si
à Thessalonique comme ailleurs. On ne peut pas sépa
réduite qu'il faut en appeler à des mercenaires étran
rer l'histoire de l'Église et des chrétiens de l'histoire
gers pour se défendre. La flotte est pratiquement dis
générale de l'humanité. Les chrétiens vivent dans le
soute au profit des Génois. La petite noblesse et les
monde et bien des réalités politiques, sociales ou éco
couches paysannes courent à leur déclin.
nomiques détenninent leur existence et celle de
On sent là l'influence de la seconde femme
l'Église. Les informations n'avaient pas, alors, la rapi
d'Andronic, Irène de Montferrat. Elle transpose ce dité fugace des ima&es de m6dias d'aujourd'hui.
DM
qu'elle a connu des institutions féodales de l'Occident Les événements n'étaient connus qu'avec quelques
à l'Empire byzantin.
joufS ou semaines de : on avait le temps de
L'autocrator laisse l'Orient s'effriter au profit des
dlstemer ce que chaque fait aux yeux
membres de sa famille qui se partagent le territoire. de Di*"... Ces dei hommes sur
Cela entraîne une crise très dure entre l'empereur et le sens de la vie présente et future déjà, se
son petit-fils, le futur Andronic III ; la des frayer un l'esprit et le de notre
deux Andronic (\321 à 1328). Ces tensions se sold~ auteur.
L \ VIE E ' CHRIST
INTRODucno
1 1
10
'\. " ola, C.,basÎla ortait de l'adolescence, lorsque
~ir, alors " celui q u'on appelle « le flambeau de
B rfaDn, Grec originai.re de, Calabre, déclenche une 1 orthodoxIe » : G régoire Palamas,
qt!erd1e religieuse, qUI allaIt enflammer pour des
Du mont At~os. où il est mo ine, Grégoire lutte
d 'cnnie l'Orient byzantin. contre les théon es de Barlaam . Celui-ci ébranle en
effet, toute la tradition mystique de l'orthodo.' t
Philo ophe, Barlaam est déjà depuis 1330 à Cons
1 péc' al XIe e
us, s ement la pratique spirituelle des moines de
~
tantinople. L'empereur l'avait remarqué suffisamment 1
1 O~len t, connue sous le nom d '« hésychasme », c'est
pour l'envoyer auprès du pape Benoît X II comme
à-d Ire: calme, tranquillité,
porte-parole de l'Égii e grecque pour préparer l'Union
des Églises, Cette mi sion confidentielle ( 1339) en Avi
gnon montre l'importance de l'ambassadeur : « Un
et
L' hésychasme Palamas,
étranger n'aurait certainement pa mérité une telle Gr~goir.
confiance du gouvernement byzantin s' il n'avait don né
Cette théologie spirituelle de l' hésychasme a des
de important de a fidélité à l'Ortho doxie et
racines p,rofondes, ,Dès le. temps des Pères de l'Église
aux intérêts de l'E mpire ', »
du slecle, Macalfe d'Egypte, moine du désert est
IV'
À cette époque, la pensée de T homas d'Aquin passe
à l'origine de la prière du cœur ou « Prièr; de
pour le symbole de la théologie occidentale.
Jésus ». Ses contemporains fondent théologiquement
Pour permettre la réunion des Églises, Barlaam cette démarche spirituelle, en particulier Évagre du
recourt à la philosophie « nominaliste» de Guillaume Pont en Asie Mineure, Maxime le Confesseur et Gré
goire de Nysse.
d'Ockham qui alors l'Occident. Barlaam
Le relais est pris siècle par Siméon le Nou
'improvi e théologien: « Dès ses premiers essais X'
dU
veau Théologien, abbé de Saint-Marnas de Constan
théologique, diriges contre la théologie latine qui,
tinople,
pou r lu i, 'identifie avec celle de "Thomas"
Enfin, au début du siècle, viennent Grégoire
(d' '.juin ), c'e t au nom du nominalisme qu'il rejette XIV-
du Sinaï et Nicéphore l'Hésychaste. Ce dernier, d'ori
la prttention des latin de "connaître" Dieu et de
gine italienne, est moine mont Athos.
" démontrer" la processio n du Saint-Esprit à partir IlU
Grégoire Palamas affronte Barlaam sur son
du Fil , La pensée théologique de l'Orient chrétien
« agnosticisme nominaliste». S'il admet que notre
l'att ire précisément à cau se de son "apophatisme",
humain ne peut appréhender Dieu, qui est
~sprit
t-à·dire de son a ffirmation constante que Dieu est
( 'c
mconnaissable par nature, Grégoire rappelle une autre
inco nnai able ' , » Cette manière de penser fait réa-
13
INTRODUCTION
LA VIE EN CHRIST
12
Il existe entre la nature divine et la nature humaine du
' d otre foi. Le Christ, en s'incarnant, a
donnee e d" h . Christ incarné une union selon l'hypostase, une union
0
' l i a g e de Dieu à notre con ItlOn umame.
adapte e ang f . « hypostatique » ou personnelle.
, . notre rencontre pour nous aIre conmuA tre
JI VIent a " Divinité et humanité sont si étroitement liées dans le
'Ê . l'me de Dieu et nous assocIer à sa VIe, Notre ,
Christ, qu'elles constituent une seule personne, appartien
1 tre Il '
10 1 . .
. t Il'gence et toute notre personne sont, aInSI, so
1-
nent à une seule personne; l'union entre Dieu et les saints ,
me l . , l ' d
" à entrer dans cette commUniCatIOn, P eme e
elle, n'est pas de cet ordre. Dans cette union mystique
ctlees . ,
1 mière qu'est la RévélatIOn, C est en ce sens que
entre Dieu et l'âme, il y a deux personnes et non pas une
;alama~ parle de notre « déification ». « En partici
• seule; disons, pour être précis, qu'il y a quatre person
pant à Dieu lui-même, à sa grâce incréée, l'homme
nes : une personne humaine, et les trois personnes divi
devient lui-même Dieu' . » nes de l'indivisible Trinité,
à
Barlaam soupçonne alors Palamas de reprendre C'est une relation Moi-Toi: le « Toi reste « Toi si
» »
son compte le « messalianisme». Condamnée par proche de lui que soit le « Moi ». [ ... ]
l'Église byzantine, cette hérésie consistait à .dire qu'on L'union entre Dieu et les êtres humains qu'il a créés ~
1
peut voir « l'Essence divine avec les yeux corporels ». n'étant ni une union selon l'essence, ni une union selon
Grégoire précise donc que « voir Dieu face à face » l'hypostase, est donc une union selon l'énergie.
1
Les ne pas Dieu, mais ils participent
ne signifie pas « voir l'Essence divine ». sai~ts d~vien~ent
aux énergies de Dieu, c est-à-dlre à sa vie, à sa puissance,
Témoin, aujourd'hui, de cette démarche spirituelle,
à sa grâce et à sa gloire.
le Père Kallistos Ware nous en rend compte, en
Les énergies [. .. ] ne doivent pas être « objectivées »,
écrivant:
regardees comme un intermédiaire entre Dieu et l'homme,
une « chpse » ou un don que Dieu accorde à sa création.
Il existe entre les trois Personnes de la Trinité une union
Les énergies sont vraiment Dieu lui-même, non pas Dieu
selon l'essence: le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont « un
comme il existe en Lui-même, en sa vie intérieure, mais Dieu
en essence ». Par contre, entre Dieu et les saints, cette
tel qu'il se communique lui-même par l'amour qui vient de
union n'existe pas. Bien que «déifiés», les saints ne
Lui. Celui qu; participe aux énergies de Dieu rencontre Dieu
deviennent pas des membres additionnels de la Trinité,
face à face à }ravers une union d'amour directe et person
Dieu reste Dieu , l'homme reste l'homme. L'homme
nelle, dans la nrespre où un atre créé en est capable. Dire
devient Dieu par la grâce, mais il ne devient pas Dieu en
que l'homme parl1cipe aux énergies de Dieu mais non pas
essence, La distinction entre Créateur et créature est atté
à son essence, c'est dire qu'il existe entre l'homme et Dieu
nuée par l'amour mutuel, elle n'est pas abolie. Si proche
une union mais non pas une confusion ... c'est affirmer la
de l'homme soit Dieu, Dieu demeurera toujours « le Tout
proximité de Dieu tout en proclaman( son altérité'.
Autre» [. .. )
LA VIE EN CHRIST
14
INTRODUCTION 15
•
•
La controverse entre Barlaam et Grégoire Palamas
Temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous tenez
s'étend à d'autres réalités de la vie chrétienne. Bar
de Dieu? Et que vous ne vous appartenez pas' ? »
laam est, notamment, tout imprégné de « spiritualisme
Cette affirmation est reprise par Grégoire. Nos
platonicien », ce qui le conduit au mépris de la
corps ont. été sanctifiés par les sacrements de l'initia
matière et du corps. D'autre part, pour traiter de
tion chrétienne. L'eucharistie réactive en nous la vie
l'histoire humaine, notre philosophe épouse les idées
de Dieu qui circule dans nos membres. C'est donc au
du vieux paganisme hellénique.
dedans de nous que nous avons à découvrir le Dieu
Le « palamisme » comporte, aussi, la réactualisa vivant. Dieu est présent comme une Lumière, lumière -
«
tion de la Prière de Jésus ». Cette oraison heurte, qui était extérieure aux Apôtres, lors de la Transfi
de plein fouet, la suffisance intellectuelle de Barlaam, guration sur le Thabor. Désormais, la glorieuse Incar
tant est simple et populaire cette manière de s'adres nation rédemptrice du Verbe, à laquelle nous partici
ser à Dieu. La « Prière de Jésus », dit Myrrha Lot pons, intériorise en nous cette lumière. Grégoire Pala-
•
Borodine, « invoque continuellement le Nom sacré. mas ecn• t:
Prière jaculatoire remontant à une vénérable antiquité,
restée la colonne et l'axe de la spiritualité orthodoxe ... Le Fils de Dieu ( ... ) s'unit (. .. ) en se confondant Lui
même avec chacun des fidèles, par la communion à son
Dans sa brièveté voulue, consacrée par l'usage: "Sei
Saint Corps, (tiisqu'I1 devient un seul corps avec nous
gneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi
(Éphés;ens 3, 6) et fait de nous un Temple de la divinité
pécheur !", cette invocation, venant d'un cœur hum
tout entière.
ble et ardent, condense en une plénitude saturante le
Car daas le cams même du Christ habite corporellement
désir, l'espoir et l'attente de la Présence unique »
7.
toute la plénitude , la Divinité (Colossiens 2, 9). Com-
ment ceux qui communient dignement
La théologie de Grégoire Palamas a contrecarré les
au rayon divin de son qui est en nous, en éclairant
théories de Barlaam. Elle synthétise, aussi, remarqua
leur âme, comme il \es corps mêmes des disci
blem~nt, l'apport des Pères et la recherche spirituelle
ples sur le Thabor?
de l'Eglise d'Orient. Nous relevons quelques thèmes
Car, alors ce Corps, source de la lumière de la acke,
q,UI sous-tendront l'œuvre de Nicolas Cabasilas. Il
n'était pas encore uni l nos il illuminait, du
COlpi :
s agIt de la vie sacramentaire et de son efficacité
ceux qui en approchaient . et envoyait l'iIlumi-
quant à notre union à Dieu.
nation ll'lme par dies SfIIIibleI; .....
'(iD
eirc:oDfondu ••e c
aujourd'hui et . . . . .
. L'apôtre Paul déclarait dans l'Épître aux Corin JIOUI
th,Ch' . « Ne nous, il ill~lne 1·. . . jUllelDeDt de 1'fIItmea'.
. savez-vous pas que votre corps est un
17
INTRODUCTION
LA VIE EN C HRIST
16
, oulement de cette controverse entre Barlaam Devant ces faction s qui risquent d ' épuiser la vita
Le der ' dé . ,
égoire Palamas, et son Issue « termmerent lité de la foi orthodoxe, Andronic III réunit un con
G
et r - . ' 0 . . ff
'h' toire ultérieure de l'Eglise d nent: en e et, cile. À deux moi s d'intervalle - juin et août 1341
SI ,
l
' d l '
IS
tte dernière était restée passive evant es progres - on se rassemble dans les tribunes de Sainte-Sophie
~: nominalisme, il ne fait aucun doute que le vérita de Constantinople. Barlaam, condamné, fait route
ble ouragan d'idées nouvelles que les Temps Moder vers l'Italie. Quatre jours après la fin du concile de
nes amenaient avec eux, en rompant les cadres de la juin, Andronic III meurt. Jean VI Cantacuzène pré
société médiévale, l'aurait amenée à une crise sem side l'assemblée d'août. On y condamne, sans le nom
blable à que l'Occident chrétien a subie, c'est mer, Akindynos, le disciple de Barlaam . D'autre part,
cell~
à-dire au néo-paganisme de la Renaissance, à la on promulgue le « Tome synodal » qui approuve
Réforme de l'Église, conformément à la nouvelle phi l'œuvre de Grégoire Palamas.
losophie nominaliste " ». Jean Meyendorff ajoute: En fait, ce premier « concile palamite », loin de
« Barlaam qui avait fui, en Occident, le réalisme intel ramener la paix, avive la discorde au sein de l'Église.
lectuel de la Scolastique thomiste se heurtait ainsi en La « querelle hésychastc:» s'amplifie. D'autre part,
Orient au réalisme mystique des moines " . » la mort d' Andronic III déclenche une guerre de suc
C'est dans cette effervescence théologique que Nico cession qui dure six années. Bien des raisons s' entre
las Cabasilas passe sa jeunesse. Ces débats ne sont mêient... la politique à Byzance a toujours une colo
pas sans avoir marqué sa pensée et son œuvre. La ration ,-théologique !
dispute théologique entre les hésychastes et Barlaam
met à jour des courants divers qui traversent l'Église
de Byzance. L'élite intellectuelle, sous le masque, L'bomLie ea .. maturité: NIceIas CabMIIIIL
essaie de promouvoir l' hellénisme profane. Elle tente
de restaurer un certain néo-platonisme, qui n'est pas Nicolas çOmmenœ ses à Thes"lonique et
8 ~udea
sans résonance religieuse. D'autre part, les évêques les achève, lUITS 1340, à Coostantinople. «Cette
sont empêtrés avec nombre de fidèles dans un con période est coru\ue par ses lettres à son père et à
servatisme extrême: la sécurité doctrinale avant tout! plusieurs amis, où il exprime une vive nostalgie de
sa ville natale; cette nostaIaie, jointe à un trop
~e mieux est, alors, de répéter l'essentiel des sept con
cll.es ~cuméniques . « La tradition patristique appa grand enthousiasme pour 1'6tude, le fait tomber
malade". »
raissait figée comme les Pères eux-mêmes sur les
Les autres de maeat un
splendides mosaïques des églises byzantines " . »
LA VIE EN CHRIST
tNTRODUCTION 19
18
homme ayant acqu is une grande culture profane et
tée, ainsi que l' a prouvé par ses recherches le P. Sala
religieu e. N'est-il pas avec Démétrios Kydo nès, son ville, depuis des années" . »
ami d'enfance, un passionné de l'Antiquité grecque
En \345, Nicolas Cabasilas est un personnage
el de ses philosophies? L'amitié entre Nicolas et
apprécié pour son aptitude à la diplomatie. Il est un
Démétrios est suffisamment solide pour supporter des
des deux ambassadeurs que la ville de Thessalonique
divergences capitales quant à la foi. Pour Kydonès,
envoie à Berrhée. Il vient faire allégeance auprès de
Thomas d'Aquin est le philosophe qui amène à matu
Manuel, le deuxième fils de Jean VI Cantacuzène.
rité ce que contenait en germe la philosophie grec Avec l'avènement de Jean VI, en février 1347,
que. Démétrios traduira l'ensemble de la Somme con Démétrios et Nicolas sont appelés comme conseillers
tre les Gentils et une partie de la Somme théologi de l'empereur. Le mouvement hésychaste reprend
que. Il finira par se convertir à l'Église latine. vigueur. Sorti de son bannissement, Grégoire Pala
Le cheminement de Nicolas Cabasilas semble plus mas est ordonné archevêque de la capitale macédo-
subtil et plus riche. Comme toute l' élite intellectuelle nienne. La tâche du nouveau pasteur n'est pas aisée.
de on epoque, il est ou ert à l' humanisme qui se fait Les zélotes de Thessalonique, en effet, ne l'admettent
jour au-delà des frontières de l' orthodoxie. Il a accès pas. N'est-il pas envoyé par le pouvoir central de
Constantinople? violemment les injustices
à la philosophie et a la théologie latines. Son génie
sera de ne s'enfermer dans aucun courant, mais de sociales, Grégoire sanlJl progressivement se faire aimer
de son peuple, quand il pourra entrer à Thessaloni
butiner le meilleur suc de chacun. On trouve, ainsi,
que. Ce printemps de l'Église n'ensoleille pas, pour
dans son livre La Vie en Christ, la théologie pal a
autant, la situation de l'Empire!
miste distillée et ouverte à une audience plus large que
DlJfant une année, Nicolas demeure au mont
celle à laquelle pouvaient prétendre ceux qui s'en fai
Athos, auprès de Grqoire palamas, qui attend de
saient les « champions» . Sur le plan politique,
pouvoir rejoindre sa ville En \348, Nico
Myrrha Lot-Borodine est catégorique: « Il faut ( ... ]
las témoigne en faveur de Niphon accusé de « mes
écarter résolument la fâcheuse légende d'un Cabasi
salianisme ». Puis, il la capitale. Peut-être las
las politicien retors, transfuge opportuniste du camp
des turbul91ce5 du pouvoir, J"ft V1lOllIe, ~ 1.3~9,
des Paléologues au camp des Cantacuzènes, les deux
à se retirér clans un m~. Il s adJom-
dynasties rivales du Bas-Empire. En fait, une telle
dre ceux qui sont . . intimes: . ,
accusation, contraire aux témoignages irrécusables sur
eabuüaa.
Kydonès et Nicolal lOB HlStOln,
la parfaite honorabilité morale du maître byzantin,
l'empereur . . eera pu
repose ... sur une erreur de personnes doit être reje-
et
21
LA VIE EN CHRIST INTRODUCTION
20
'colas et Démétrios reçoivent ces louan- Profitant de la faiblesse de son beau-père, Jean V
N
envers eux. 1 d 1
1 .
. H mes ayant attelllt e sommet e a Paléologue fomente un coup d'État et entre, triom
ges « om . h'l h
. t qui n'ont pas été mOins p osop es en
phalement, à Constantinople le 22 novembre 1354.
1
Sagesse, e . d
. r le choix d'une vie chaste et exempte es Jean VI Cantacuzène abdique en décembre. Il se retire
action pa . "
au mont Athos et devient frère Joasaph.
maux inhérents au . », .
mar~a.ge
Mais la situation politique s aggrave et contraint Il semble désormais sérieusement acquis que, même
VI à demeurer à la tête de l'État. Tous ces évé-
s'il suivit un temps Jean VI dans sa retraite, Nicolas
J
ean à l' . d N'
nements n'étaient-ils pas présents espnt e ICO- Cabasilas soit resté, sa vie durant, un « laïc " », Et
las quand il écrivait: « Un grand nombre d'hommes nous nous rangeons, avec bien d'autres, à cette con
f rvents ont à s'occuper de multiples affaires. Ils sont,
clusion : « Dans sa vie active de conseiller de l'empe
e~
effet , responsables de villes et de domaines. Ma.l - reur comme dans sa retraite vouée à la prière et à
gré cela, ils n'ont pas sombré dans des tracas .a~g01s­ l'écriture, Nicolas a illustré cet hésychasme dans le
sants. Leur esprit n'a pas abandonné sa paIx . »
monde, sans qu'il soit besoin de postuler monachisme
Cette « paix », cette « tranquillité en Dieu» (hésy
ou sacerdoce pour rendre compte de cette vie "chaste
chasme) ne rallie pas l'ensemble de l'Église byzantine. Il
et sage" .»
L'historien et philosophe Nicéphore Grégoras, en par
Nicolas Cabasilas, retiré. de la vie publique, com
ticulier, mène une lutte acharnée contre les « palamis pose, alors, selon toute ses deux ouvra
tes». Nicolas Cabasilas entre en lice et publie un ges majeurs: L'Explication de la Divine Liturgie et
pamphlet intitulé: Contre les radotages de Grégoras. La Vie en Christ.
Cette situation conflictuelle pousse Jean VI à con Nil son oncle a succédé à la
voquer, en juillet 1351, un troisième concile. tête de de • Palamas
Gr~oire
assemblée se réunit aux Blachernes à (1359). Mais Nil meurt sans pu eue intronisé
a~oir
Nicéphore Grégoras et les adversaires de Palamas comme arcbeveque. Nicolas publie, en le raisant pré-
condamnés. L'hésychasme est reconnu cédier d'une de sa plume, l'ouvr. de son
conforme à la mystique orthodoxe et à la oncle sur Li{, dM StIùtt-EBprit.
des Pères de l'Église d'Orient. Ce concile La hiItorieu, situent la
v,rs
1397-1398.
aussi le premier désaccord de fond entre Nicolas mon de Nicolas
son ami Démétrios Kydonès. Celui-ci C'est dans ua de paix civile et
s'éloigne de plus en plus de Jean VI C~tacuzène que s'est d6roul6e la fin de la vie de N"1COIu, l qui
rejoindre le candidat Paléologue. « fut donnt, • de la )IIciM