ebook img

Moyen âge-Ostie. Larousse. La Grande encyclopédie. Tom 14 PDF

625 Pages·2016·23.81 MB·French
by  
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Moyen âge-Ostie. Larousse. La Grande encyclopédie. Tom 14

Volume 14 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Éditions Larousse en 1975 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Éditions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 tombeaux et bientôt des sarcophages, mentale les premiers programmes ico- lisation des bords de la Méditerranée Moyen Âge qui en ont assuré la conservation. Sur nographiques, à San Pedro de la Nave jusqu’aux pays d’entre Meuse et Rhin ; (art du haut) le plan des techniques, les objets de par exemple. il correspond à un déclin des voies de parure et les armes témoignent d’un commerce traditionnelles et à l’appari- Les influences de la Méditerranée travail des métaux très développé. tion de nouveaux courants de relation. La disparition de l’Empire romain orientale sont plus évidentes encore L’armement le plus redoutable, l’épée Surtout, il constitue un effort conscient n’entraîna pas ipso facto celle de la en Italie, où Byzance maintient puis- longue à double tranchant, sortait et résolu en vue de ressusciter la civi- culture antique et pas davantage celle samment sa présence jusqu’à l’époque des mains de forgerons aussi habiles lisation antique, sans distinguer entre de l’art du Bas-Empire. carolingienne. C’est dans la Ravenne que minutieux. Les principes qui pré- la Rome de César et d’Auguste et celle de Théodoric et de Justinien qu’il faut La nostalgie d’un passé regretté sidèrent à cette admirable création de Constantin. On sait quels brillants chercher le premier art byzantin. Les entretint la fidélité à la tradition artis- furent également appliqués à la pro- succès sont à mettre à l’actif de Charle- progrès du style peuvent ensuite être tique romaine, d’autant mieux que les duction des bijoux. Par le placage et la magne et de son entourage. En matière suivis à Rome, à travers les mosaïques « Barbares* » installés en Occident ne damasquinure, on réussit à marier des d’art, ils comprennent la redécouverte de l’oratoire de Jean VII et les pein- lui étaient pas nécessairement hostiles. métaux différents et à les incorporer de l’urbanisme, la mise en place d’une tures de Santa Maria Antiqua. Les Ceux-ci n’apportaient rien avec eux architecture civile et religieuse more les uns aux autres. Les jeux brutaux de Lombards eux-mêmes, après avoir qui pût être substitué à cette culture. romano ainsi que la généralisation de matière et de couleurs ainsi obtenus se accumulé les ruines, prirent l’Antiquité Bien mieux, les rois et l’aristocratie l’art figuratif dans l’orfèvrerie, la petite retrouvent dans la technique de l’orfè- et Byzance comme modèles. Un style germaniques adoptèrent le genre de sculpture et la peinture. vrerie cloisonnée, qui présente sur un et une technique aussi assurés que ceux vie de la classe dirigeante romaine. Ils fond d’or des pierreries serties d’une On connaît cependant les limites des manuscrits à peintures sortis des habitèrent dans ses palais et ses vil- mince cloison d’or ou d’un autre métal. de cet effort, tant à l’intérieur qu’à ateliers impériaux caractérisent les lae. Leur attitude vis-à-vis de l’art fut l’extérieur de l’Empire. Ne fallut-il On a longtemps discuté sur les ori- admirables fresques de Castelseprio, celle des Romains. Ils le considérèrent pas composer avec l’art irlandais, qui gines de cet art aux effets violents et près de Varese. La même tradition se comme un instrument de prestige et est le triomphe du linéarisme expres- contrastés. Il importe surtout de rap- retrouve sur les stucs et les peintures de propagande. C’est ainsi que la très sif, même si, par ailleurs, le renouveau peler ici que les productions les plus murales de Cividale del Friuli. Cette longue période du haut Moyen Âge, carolingien eut des prolongements riches et les plus parfaites de l’orfè- dernière ville fut par ailleurs le siège allant des Grandes Invasions du Ve s. jusque dans les Asturies* ? Surtout, vrerie sont relativement tardives, d’un important foyer de sculpture sur à l’apparition de l’art roman*, présente l’existence de l’art carolingien devait puisqu’elles datent des VIe et VIIe s. pierre, dont les principes sont cepen- un caractère constant : son admiration être brève. Celui-ci disparut dès la mort Mais on les trouve alors dans l’Europe dant bien différents. La représentation pour la culture romaine. de Charles II le Chauve en 877. entière. Aux objets, aujourd’hui per- de la figure humaine ou animale sert On ne s’immobilisa pas cependant dus, attribués à saint Éloi, le maître de ici de prétexte à des jeux abstraits de Cependant, il en fut du retour à l’an- dans ce sentiment, car les sources de tique comme du phénix qui ne meurt la monnaie de Dagobert — grande lignes menés en dehors de tout cadre Ier* nouveautés ne firent pas défaut. croix de Saint-Denis et grand calice spatial. Ce style se développa à proxi- que pour renaître de ses cendres. Une Il y eut d’abord ce fait d’évidence : de Chelles —, correspondent les cou- mité des carrières de l’Italie du Nord. fois surmontée la terrible crise résul- le monde n’était plus le même. La sen- ronnes votives de Receswinthe, roi Il donna naissance à une production de tant des invasions normandes et hon- sibilité de l’Occident se transforma des Wisigoths* d’Espagne (653-672), caractère industriel qui se répandit en groises, on assiste, à la fin du Xe s., à un profondément avec l’installation sur trouvées à Guarrazar (Musée archéolo- Suisse, en Provence, dans la vallée du brillant rétablissement de la culture, en son sol des peuples des Grandes Inva- gique national, Madrid), et celles-ci ne Rhône et jusque dans le sud-ouest de Angleterre avec la Renaissance anglo- sions, et tout autant son goût artistique. peuvent qu’évoquer la couronne de la la Gaule. saxonne, en Allemagne avec la Renais- sance ottonienne. Ces deux courants Par ailleurs, le développement des reine Théodelinde († v. 625), conser- Mais voici que les îles Britanniques, diffèrent sensiblement, cependant, de arts ne s’effectua pas en vase clos. Des vée à Monza. Le goût pour de tels ou- c’est-à-dire un lointain Occident de- l’entreprise carolingienne. Par bien des contacts s’opérèrent avec Byzance, vrages se maintiendra jusqu’à l’époque meuré peu romanisé, s’efforcent à leur points, cet art de l’an 1000 annonce qui en imposait par son haut degré de carolingienne. tour d’assimiler les modèles latins et déjà une Europe nouvelle, celle qui culture. Or, si l’art byzantin* mainte- C’est à proximité de la Méditer- orientaux. Cette recherche conduit en trouvera sa pleine expression dans le nait d’authentiques traditions antiques, ranée, autrement dit dans les régions peinture au Codex amiatinus (début style roman. il les transformait en faisant à l’Orient les plus romanisées, que les traditions du VIIIe s.) et en sculpture aux croix M. D. une place de plus en plus grande. À tra- artistiques du Bas-Empire se prolon- de Grande-Bretagne et d’Irlande*, F Carolingiens / Irlande / Mérovingiens / Wisi- vers Byzance, l’Occident eut connais- gèrent le plus longtemps. Ces foyers dont l’iconographie annonce celle du goths. sance de la civilisation de la Méditer- conservateurs s’enrichirent d’apports Moyen Âge roman. La plupart de ces J. Hubert, l’Art pré-roman (Éd. d’art et ranée orientale. nouveaux, généralement orientaux, monuments ne sont pas antérieurs au d’histoire, 1938) ; l’Architecture religieuse du Il convient enfin de tenir compte grâce au commerce et aux relations de IXe s., mais le type en remonte au VIIe s. haut Moyen Âge en France (Klincksieck, 1953). / A. Grabar et C. Nordenfalk, le Haut Moyen Âge d’un phénomène essentiel. Certes, la tous genres qui se maintenaient entre La Gaule septentrionale entre dans le (Skira, Genève, 1957). / J. Hubert, J. Porcher nostalgie du passé antique provoqua le les rivages de la mer Intérieure. jeu au même moment, c’est-à-dire dès et W. F. Volbach, l’Europe des Invasions (Galli- désir d’un retour à la culture romaine L’intervention des Wisigoths ne doit la fin du VIIe s. Jean Hubert a très juste- mard, 1967) ; l’Empire carolingien (Gallimard, 1968). vénérée. Mais, comme la résurrection pas faire oublier que l’art de la pénin- ment rapproché le tombeau d’Agilbert, du passé est chose impossible, les ten- à Jouarre, des croix anglaises contem- sule Ibérique antérieur à l’invasion tatives de « renaissance » furent l’occa- arabe est romain dans son principe, poraines, celles de Reculver (Kent), sion de véritables créations. de Ruthwell (Écosse) et de Bewcastle avec une contamination orientale qui Moyen Âge (Cumberland). Insistons d’abord sur les transfor- ne fit que s’accentuer avec le temps. (musique du) mations du goût, qui se manifestèrent Il en résulte au VIIe s. la construction On peut considérer les recherches avec une particulière netteté dans les d’édifices ramassés et entièrement poursuivies dans l’Italie du Nord, en domaines de la parure et de l’ornement. voûtés, qui se signalent par l’emploi Grande-Bretagne et dans la Gaule Bon gré, mal gré, les historiens de la Ces aspects nous sont connus à travers de l’appareil en pierre de taille et de septentrionale comme les prémices musique se sentent tenus d’adopter les pratiques funéraires des Barbares. l’arc outrepassé. Par ailleurs, en dépit du grand mouvement carolingien* de pour leur discipline les cadres imposés Ceux-ci enterraient les morts avec d’un fort courant iconoclaste, on voit renovatio à l’antique. Celui-ci résulte par une tradition bien implantée selon leurs vêtements et leurs armes dans des se développer dans la sculpture monu- d’un déplacement des centres de civi- laquelle est appelée Moyen Âge la 7445 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 longue période de dix siècles comprise musicale aujourd’hui mieux connue et essentiellement différente de la mono- tout en se compliquant, restent des entre la dislocation de l’Empire romain que préciseront dans quelques décen- die, en ce sens qu’elle consiste non pas formes très vivantes. La polyphonie en (prise de Rome par Alaric Ieren 410 et nies les études en cours : c’est le cas de à écrire un accompagnement, mais à vient même à affecter des genres pro- chute de l’Empire romain d’Occident pays comme l’Allemagne orientale, la superposer des lignes. J. Samson l’a fanes jusqu’ici monodiques, comme en 476) et la dernière partie du XVe s. Pologne et les pays scandinaves. très justement nommée polymélodie. les virelais et les ballades. Quant à D’autre part, rien ne prouve que la la production de musique religieuse, Pour les uns, la date charnière entre Le bilan musical de ces dix siècles monodie religieuse ou profane n’ait été elle nous fait assister à l’élaboration le Moyen Âge et les temps nouveaux est loin d’être identique, du seul fait pourvue d’un accompagnement impro- progressive du cadre de la messe en est 1453, à la fois fin de la guerre de que les documents écrits ne remon- visé, fût-il rudimentaire. musique avec la fixation des pièces qui Cent Ans et, du fait de la chute de tent pas au-delà du milieu du IXe s. ; seront, dorénavant, traitées polyphoni- l’Empire romain d’Orient, fin de cette encore s’agit-il là de documents qui L’histoire de la polyphonie depuis quement. L’exemple le plus typique est grande illusion qu’avait été le rêve plus ne peuvent être déchiffrés que grâce à le XIIe s. jusqu’au début du XVIIe n’est celui de la Messe Notre-Dame à quatre ou moins avoué d’une hypothétique des manuscrits postérieurs. La notation qu’une longue et insensible transfor- voix de Guillaume de Machaut. restauration de l’Empire romain. Pour neumatique, apparue vers 850, n’in- mation interne dont nous allons signa- d’autres, c’est 1492, avec la découverte dique que les accents musicaux, mais ler les principales étapes. À cette même époque, l’Italie mu- de l’Amérique par Christophe Colomb, ne se soucie pas des intervalles. Il faut, sicale prend son essor. L’Ars nova La première est celle des XIIe et ou 1494, avec le début des guerres pour la période antérieure, se contenter italienne (le trecento) se distingue de XIIIe s., qui voit en France et en An- d’Italie. de descriptions plus ou moins précises l’Ars nova française par une moins gleterre l’éclosion subite d’un grand Or, si, en musique, on peut déjà dif- et de documents liturgiques où allusion genre, l’organum, dans lequel le chant grande recherche de complexité ryth- est faite au chant d’église (jusqu’au mique et plus d’abandon à la musique. ficilement admettre que le Ve s. consti- grégorien, appelé alors teneur parce tue un point de départ, il est encore XIIe s., la musique notée n’est que reli- que la valeur de chacune des notes est Les compositeurs (Francesco Landini) plus difficile d’accepter la fin du XVe s. gieuse ou parareligieuse). C’est ainsi allongée, sert de base à une, à deux ou écrivent, eux aussi, des ballades, mais comme terme d’une esthétique. Car, que nous connaissons mieux l’histoire parfois à trois voix dites organales, également des madrigaux, des chasses, même si, à certains points de vue, une de la formation du répertoire appelé écrites en valeurs brèves. Du fait de le tout le plus souvent à deux voix. évolution se manifeste à la lisière entre à tort chant grégorien que l’état de la superposition de plusieurs lignes, la Il semble qu’au XVe s. l’art devienne le XVe et le XVIe s., une transformation ce chant durant le Ier millénaire. On notion de mesure s’impose — alors que plus international, sans doute du fait beaucoup plus sensible encore s’opère sait que, dès les premiers temps de la le chant grégorien en était dépourvu de la rivalité franco-anglaise de la au seuil du XVIIe s., et radicale celle- chrétienté et dans toutes les régions — et provoque l’élaboration d’un sys- guerre de Cent Ans et des prétentions là, tant dans le mode d’expression (la christianisées de l’Empire romain, on tème de notation où les figures ont, en des ducs de Bourgogne, qui attirent à monodie accompagnée supplante alors utilisa des chants pour les réunions de fonction de leur disposition, une valeur leur cour brillante les artistes tant an- la polyphonie), dans la naissance d’un fidèles, à l’image de ce qui se pratiquait déterminée. De l’organum naît le motet glais que flamands et français. D’autre sentiment harmonique (accompagne- à la synagogue. D’uniformité, il n’était par l’adaptation des paroles aux voca- part, le contact avec l’Italie, qui s’était ment en accords avec chiffrage d’une pas question. Les initiatives disparates lises des voix supérieures. On trouve amorcé à la cour pontificale d’Avignon basse) que dans la destination même firent sans doute ressentir à Rome le be- aussi à cette époque des conduits poly- au XIVe s., se poursuit au XVe grâce au de la musique (c’est à ce moment que soin d’élaborer des cadres qui pussent phoniques, en général strophiques, qui rayonnement de la cour romaine, qui s’impose définitivement la musique lutter contre les essais de féodalité. Ce présentent la particularité d’être écrits devient un pôle d’attraction pour les dramatique). fut l’oeuvre de saint Grégoire le Grand, sans prendre appui sur un motif em- artistes de tous pays. Du fait de ces pape de 590 à 604. Mais, malgré les influences réciproques, les outrances Le temps est révolu où l’on consi- prunté. De ces trois formes à l’origine efforts de centralisation, les apports rythmiques de l’Ars nova finissante se dérait le Moyen Âge comme monoli- religieuse, seul l’organum le restera. dans le chant d’église sont multiples, et modèrent, et la polyphonie s’enrichit thique, en englobant tous les siècles Les deux autres deviendront de plus en l’on parle aujourd’hui de chant vieux- de consonances nouvelles. Le goût qui précédaient la Renaissance dans plus profanes, surtout dans la seconde romain, milanais, byzantin, gallican, pour le nombre s’estompe, la poly- un même mépris. Le XIXe s. a beaucoup moitié du XIIIe s. C’est le moment aussi mozarabe, etc. phonie s’assouplit, sans doute grâce à contribué à faire renaître le goût pour où la polyphonie commence à s’inté- l’Italie, et la tierce, réputée consonance cette période et en a commencé, par- On ne peut prétendre que l’appari- resser à un domaine purement profane, imparfaite sur le continent, mais prati- fois maladroitement, la restauration. tion d’une notation* musicale suffise celui de la chanson, avec le rondeau quée en Angleterre, fait son apparition Le XXe s., qui en poursuit la prospec- à déterminer un changement d’ère, et polyphonique, dont le premier grand et introduit dans le tissu polyphonique tion systématique et favorise ainsi une cela d’autant moins que les manuscrits compositeur est Adam* de la Halle. une douceur très nouvelle. connaissance moins passionnelle, per- que nous possédons sont moins le reflet À partir des années 1320, une évo- met enfin de distinguer des périodes de l’époque à laquelle ils ont été écrits lution se manifeste, liée aux perfec- Les formes musicales ne subissent brillantes comme des heures plus que l’écho d’époques antérieures et tionnements obtenus en matière de pas d’évolution fondamentale. La sombres. Le Moyen Âge musical, très qu’ils traduisent le désir de fixer par notation. Des possibilités nouvelles messe devient la forme religieuse la long, est naturellement fort divers. À écrit une tradition orale déjà longue. s’ouvrent aux compositeurs, surtout plus importante ; à ses côtés prend place le motet, redevenu religieux. l’intérieur même de ce Moyen Âge, on D’une tout autre importance est dans la rythmique, dont la complexité Quant à la polyphonie profane, le plus distingue aujourd’hui une période de l’avènement de la polyphonie*, dont ira en grandissant durant tout le siècle. souvent rondeau ou ballade, elle est en renaissance et un style classique, que les premiers témoignages sont, eux La suffisance des promoteurs de ces général à trois voix et peut recourir aux pour la commodité on appelle siècle de aussi, du IXe s., mais dont les premières nouveautés (Philippe de Vitry) pousse instruments. Saint Louis. réalisations artistiques remontent au ceux-ci à dénigrer la période précé- Ainsi, à l’époque de Dufay* et d’Oc- Si les limites historiques sont malai- XIIe s. La polyphonie ne sonne pas le dente, pourtant brillante, qu’ils taxent sées à déterminer, il en est de même glas de la production musicale mono- alors d’Ars* antiqua, en nommant la keghem*, est donc déjà créée cette polyphonie, profane ou religieuse, qui des limites géographiques. Et s’il reste dique, qui se poursuivra longtemps leur Ars* nova. À la complexité des vrai que ce sont les pays d’Europe occi- encore, mais elle déplace vers elle le rythmes élémentaires s’ajoute celle des s’épanouira à l’époque de Josquin Des Prés* et de Palestrina* : tant il est vrai dentale qui constituent la terre d’élec- centre d’intérêt. Sauf pour les pre- formes, que l’on s’efforce de perfec- qu’entre Moyen Âge et Renaissance il tion du développement musical (Italie, miers essais, qui semblent bien n’être tionner en imposant à chacune des voix n’existe point de solution de continuité. Espagne, Angleterre, Irlande et surtout que l’analyse consciente d’un phéno- des schémas rythmiques (isorythmie). France), on sait désormais que dans mène inconscient (le fait de chanter à L’organum et le conduit tombent en Parallèlement à la polyphonie, la bien d’autres régions existait une vie la quarte ou à la quinte), elle n’est pas désuétude, mais le motet et le rondeau, monodie a poursuivi une carrière pro- 7446 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 fane qu’il serait injuste de ne pas évo- — organisation de l’enseignement sous une forme très proche de celle qu’il a Un organisateur de quer. Cette production s’étale sur un Charlemagne, création des universités encore de nos jours. l’enseignement Alcuin peu plus de deux siècles : ce sont en au XIIIe s. — et celles de guerre (guerre y L’école d’Alcuin et de Charle- Ce savant religieux anglo-saxon a vécu de France les troubadours (de la fin du de Cent Ans au XIVe s.). D’autre part, magne. C’est certes par amour des 735 environ à 804. Charlemagne le rencon- XIe s. au début du XIIIe), puis les trou- il est malaisé de circonscrire, avant lettres et piété sincère, mais surtout tra en Italie et fit de lui un de ses princi- vères (de la seconde moitié du XIIe s. Descartes, un domaine propre de la paux collaborateurs. Il dirigea l’école du par nécessité politique que Charle- à la fin du XIIIe), en Allemagne les réflexion philosophique, nettement dis- palais d’Aix-la-Chapelle et celle de Tours. magne* décida de réorganiser l’ensei- Minnesänger (du XIIe au XIVe s.) et en tinct d’autres types de pensée comme la Membre de l’Académie palatine, il y avait Espagne les auteurs des Cantigas de théologie ou la science. Ici, érudition, gnement. Il fallait former des fonc- pris le pseudonyme de Albinus Flaccus. tionnaires assez instruits pour assurer Son action a été très importante sur quatre Santa Maria, compilées au XIIIe s. Tous théologie, philosophie, préoccupations points : restauration culturelle (enseigne- sont à la fois poètes et musiciens. scientifiques s’entremêlent étroite- la marche d’un État centralisé. ment de la grammaire, de l’art de bien Il est très délicat de parler pour le ment, et c’est d’ailleurs souvent de la Sous les Mérovingiens*, l’ensei- parler et de bien écrire, conservation des Moyen Âge de musique instrumentale. confrontation de ces différents points gnement était tombé dans une déca- manuscrits antiques par les copistes), lutte On a longtemps omis de le faire, parce de vue de la pensée et de la connais- dence complète : prêtres ignorants au contre les hérésies, cessation des violences sance que naissent les problématiques : dans la conversion des Saxons, couronne- que les règlements ecclésiastiques point de ne pas comprendre le latin ment impérial de 800. n’étaient guère favorables à l’utilisa- de la théologie, de la philosophie ou des prières, pénurie de livres. C’est tion d’instruments à l’église, que les de la science, de la foi ou de la raison, d’Angleterre que lui vient son princi- y Les universités (« universitas stu- manuscrits de musique polyphonique quelle sera la meilleure voie d’accès à pal collaborateur : Alcuin (v. 735-804) comportaient très souvent des paroles Dieu, c’est un des fils essentiels de la diorum » = la communauté de ceux [v. Carolingiens]. qui étudient). Elles sont nées d’un be- à toutes les voix et qu’enfin peu nom- pensée médiévale, à travers Jean Scot breuses étaient les oeuvres sans paroles. Érigène, saint Anselme, saint Thomas. L’idée grandiose de ce dernier était soin d’indépendance du corps ensei- de « construire en France une nouvelle gnant à la fois envers l’autorité ecclé- Or, on sait aujourd’hui que l’usage des instruments était très répandu même à Les conditions socio- Athènes », de restaurer le temple de la siastique, qui, par l’intermédiaire de l’église et que la variété de ces instru- historiques de la Sagesse, bâtie sur les sept arts libéraux. l’évêque, pesait sur les écoles établies près des cathédrales, et envers le pou- ments était extrême. Comment donc pensée médiévale Dans la pratique, Alcuin reconsti- voir laïque. étaient-ils employés ? La pratique la tua une bibliothèque en faisant venir Les textes plus courante était de doubler les voix Assez curieusement, elles trouvèrent des livres d’Angleterre, en rédigeant pour les soutenir et non de les rempla- On ne peut considérer la pensée médié- un sérieux appui, dans la revendica- des manuels, et il fonda des écoles an- cer ; d’autre part, même s’il est pos- vale comme une simple somme d’élé- tion de leur indépendance, auprès du nexées aux cathédrales. C’était ouvrir sible de déterminer des groupements ments disparates. Certaines conditions pouvoir pontifical. Pour les papes, en l’enseignement à un nouveau public : habituels d’instruments, l’orchestra- communes en font l’unité. effet, ce fut, comme plus tard pour les celui, séculier, des jeunes gens étran- tion au sens moderne du terme était Tout d’abord, de même que la pé- ordres mendiants, le moyen d’assurer gers aux monastères. totalement ignorée ; enfin, si des pièces directement leur autorité. C’est donc le riode patristique qui la précède, la pen- ont été destinées aux instruments seuls sée du Moyen Âge se nourrit de textes, L’enseignement comprenait trois Saint-Siège qui octroya aux universités (il en existe dès le XIIIe s.), si des chan- comme s’il était tacitement admis que niveaux : apprendre à lire et à écrire, les statuts d’exception que l’on sait : sons ont pu comporter des préludes ou la sagesse dormait dans des oeuvres et s’initier aux rudiments de la Bible exemption de la juridiction laïque ; interludes instrumentaux (c’est le cas qu’il fallait s’approprier et transmettre. et de la liturgie ; s’initier aux sept arts indépendance intellectuelle. des chansons du XVe s.), il n’est pas Or, la source est double : Écritures libéraux et lire un certain nombre (très Quant aux princes, ils s’en accom- exclu que des pièces avec paroles aient et textes des saints, d’une part ; textes variable) d’auteurs païens et chrétiens ; modèrent assez rapidement : les uni- pu être jouées aux seuls instruments, antiques progressivement retrouvés, étudier, enfin, l’Écriture dans ses deux versités constituaient pour eux une notamment dans le cas des danses, aux- d’autre part. Leur confrontation sera sens (littéral et spirituel) et de trois pépinière d’administrateurs, et le pres- quelles on adaptait parfois des paroles. le travail inlassable des penseurs du points de vue différents : grammatical, tige en rejaillissait sur la ville. Dans B. G. Moyen Âge, soit qu’ils cherchent une historique, théologique. les faits, elles furent donc de plus en F Adam de la Halle / Ars antiqua / Ars nova / conciliation entre le contenu de la foi plus liées au gouvernement laïque : on Chanson / Guillaume de Machaut / Messe / Motet Il est intéressant de noter l’intérêt / Notre-Dame (école) / Polyphonie / Troubadours, et celui de la philosophie antique, soit ne peut plus séparer les universités de qu’on prit alors pour le premier des arts trouvères et Minnesänger. qu’ils refusent tout compromis. Plaisance et de Pise de la gloire des libéraux : la grammaire. La reconquête Visconti et des Médicis, ni la Sorbonne A. Machabey, Histoire et évolution des Le Moyen Âge n’est donc pas, du patrimoine classique qui caractérise formes musicales du Ier au XVe s. (Payot, 1928). de celle du régent Bedford. pour autant, une période de stérilité / T. Gérald, la Musique au Moyen Âge (Cham- cette époque supposait d’abord celle de pion, 1932). / G. Reese, Music in the Middle Ages livresque. Pour concilier ou refuser, y L’évolution des universités. la langue. (New York, 1940 ; 2eéd., 1948). / J. Chailley, His- il faut que la pensée soit active et que 1. Universalité puis spécificité toire musicale du Moyen Âge (P. U. F., 1950 ; le choix s’effectue en fonction d’une de la formation. Au XIIIe s., lorsque 2e éd., 1969). Les sept arts expérience vécue, notamment l’expé- furent fondées les premières universi- rience religieuse de la méditation. (La Selon la tradition de la culture latine re- tés (Bologne est la première), maîtres plupart des penseurs médiévaux sont prise par Cassiodore, dans ses Institutions et écoliers étaient itinérants ; ils ne Moyen Âge des théologiens.) Bref, l’écrit n’est des lettres divines et séculières, l’enseigne- séjournaient que quelques années au qu’un chemin, indispensable certes, ment, tel qu’Alcuin, puis les universités du même endroit, ce qui assurait une sorte (philosophie du) mais dépassable, vers la sagesse. XIIIe s. l’organisèrent, est fondé sur les « sept d’universalité de la formation universi- arts libéraux » : trois arts (trivium) propre- taire. Cette universalité cessa lorsque, On peut faire aller la philosophie mé- L’enseignement au Moyen Âge ment dits (grammaire, rhétorique, dialec- au XIVe s., les établissements se mul- tique) et quatre disciplines (quadrivium) diévale de la fin de la patristique latine Le livre, sa lecture, sa compréhension tiplièrent sous la poussée des princes, [arithmétique, musique, géométrie, astro- au XIVe s. et son dépassement éventuel dans un qui voulaient contrôler la formation de nomie]. La différence entre un art et une Il ne faut donc pas s’étonner de la di- commentaire requièrent une technique leurs administrateurs. C’est ainsi que discipline, c’est que le premier a un objet versité d’une pensée que conditionnent et une méthode. On comprend, dès furent créées les universités de Prague, contingent, alors que la seconde traite de dix siècles d’histoire, où se succèdent lors, que le Moyen Âge ait vu naître choses qui ne peuvent se produire autre- de Cracovie, de Turin, de Dole, d’Aix, les périodes d’épanouissement culturel et se développer l’enseignement sous ment qu’elles ne font. de Louvain. 7447 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 2. Les locaux. Au début, ces univer- les traductions qu’il fit de l’Organon tion cette masse d’étymologies le plus ramener à l’unité la division fondamentale sités n’avaient pas toujours de locaux d’Aristote*. Son ambition, héritée souvent fantaisistes. du Créateur et de la créature. Mais, selon une vision grandiose et beaucoup plus propres. On se réunissait chez les du néo-platonisme, était de concilier moderne, elle est aussi, en quelque sorte, maîtres, dans les chapelles des cou- Platon* et Aristote. Cela ne va pas, Le problème des une réalité historique. Elle se réalise dans vents, etc. semble-t-il, sans quelque incohérence universaux l’Histoire sainte. La division s’introduit Les collèges étaient les résidences (c’est ainsi que, à propos du problème dans la créature de Dieu (l’homme) par le Le fameux problème, familier à toute la des étudiants boursiers (les bourses des universaux, tantôt, commentant péché. L’apparition du corps est le terme pensée du Moyen Âge, était le suivant : extrême de la descente. Le mouvement étaient, comme les arts à cette époque, Aristote, il tint pour impossible que les genres et les espèces sont-ils des réa- de réunification est constitué par le retour fruit du mécénat). les idées générales soient des subs- lités subsistantes par elles-mêmes ou bien de l’homme à sa nature originelle ; il est En 1257, le chapelain de Louis IX, tances séparées des choses sensibles, n’ont-ils d’existence que dans l’esprit qui préfiguré par l’incarnation du Verbe, qui Robert de Sorbon (1201-1274), fonda tantôt il soutint l’existence d’un les conçoit ? Par-delà la formulation un annonce la remontée universelle de la fin monde intelligible de nature platoni- peu technique et abstraite, on peut voir des temps, quand le corps lui-même rede- un collège, la future Sorbonne. dans ce problème l’effort de la pensée mé- viendra esprit et que la nature humaine cienne...), mais explique aussi l’im- Mais la plupart des étudiants vi- diévale pour confronter les deux sources sera finalement totalement transportée en portance de son influence, certains vaient chez l’habitant ou à l’auberge, fondamentales de l’Antiquité : Platon et Dieu. Ainsi, l’enfer lui-même se résorberait médiévaux retenant l’aspect aristo- intimement mêlés à la vie de la ville. Aristote. finalement au sein de la divinité... télicien, d’autres l’aspect platonicien 3. Fonction rétribuée et ordres men- de son oeuvre. Dignitaire de la Cour, diants. Au XIIIe s., la fonction ensei- il fut accusé de conspiration, dépos- La renaissance carolingienne Le XIe siècle gnante était une profession. À la rétri- sédé de ses biens et emprisonné. C’est En dehors d’Alcuin et de ses disciples Le XIe s. est dominé par la personna- bution des auditeurs s’ajoutaient les avant d’être exécuté, et pour affer- — Frédégis († 834) en France, Raban lité de saint Anselme*. Dans la lignée bénéfices ecclésiastiques. mir son âme devant le supplice, qu’il Maur (v. 780-856) en Allemagne —, d’Augustin et de Jean Scot, Anselme C’est en particulier en protestation composa son oeuvre la plus connue, un « penseur génial » caractérise cette associe étroitement foi et raison. Mais contre cet ordre de choses qu’appa- d’inspiration platonicienne, De conso- époque : Jean Scot* Érigène. D’ori- il insiste particulièrement sur le rôle rurent les ordres mendiants. Les latione philosophiae (De la consola- gine irlandaise, il arriva à la cour de de phare, de lumière que joue la foi : maîtres séculiers, se sentant menacés tion de la philosophie). De style très Charles II le Chauve vers 846 pour « Fides quaerens intellectum », dit-il dans leurs privilèges, ne tardèrent pas soigné, l’ouvrage connut un immense enseigner. Ses premières oeuvres sont (la foi cherchant l’intelligence). On ne à évincer Franciscains et Dominicains. succès, et il eut d’innombrables imi- des commentaires et des traductions cherche pas à comprendre pour croire, tations (dans des circonstances, heu- (notamment ceux de la Hiérarchie cé- mais on croit pour comprendre. Le L’organisation des reusement, la plupart du temps, moins leste du pseudo-Denys l’Aréopagite). point de départ de la connaissance n’est universités médiévales dramatiques). Bien que le De conso- Son penchant le porte irrésistiblement pas entièrement rationnel, il est élan ; latione ne contienne aucune référence vers les textes grecs. Son De divisione son point d’arrivée, qui est amour de Les étudiants sont jeunes — de quatorze à l’Écriture, il semble que l’on ne naturae (De la division de la nature, Dieu, ne l’est pas non plus. à vingt ans —, nombreux — plusieurs mil- 865) traité en cinq livres, est son oeuvre liers au XVe s. dans les grandes universités puisse mettre en doute les convictions capitale. L’ouvrage est plusieurs fois — et répartis en groupes linguistiques et chrétiennes de Boèce, à qui on attri- L’argument ontologique nationaux. condamné par l’Église. C’est que Jean bue cinq traités théologiques. Scot place si haut la raison qu’il lui C’est l’argument unique du livre de saint On distingue les facultés des « arts » y Cassiodore (v. 480 - v. 575). Il a, Anselme, le Proslogium. La tradition phi- (arts libéraux), qui constituent l’enseigne- subordonne l’autorité des Pères. Pour tout comme Boèce, exercé une acti- losophique l’a appelé argument « ontolo- ment secondaire, et l’enseignement supé- lui, d’ailleurs, il ne saurait y avoir de vité politique sous Théodoric ; mais gique ». Il consiste à déduire l’existence rieur. Rien n’est moins systématique que la véritable conflit entre l’une et l’autre : de Dieu de son essence. Il est évident que répartition de ce dernier : chaque univer- ce fut un érudit plus qu’un philosophe. toute cloison est abolie entre philoso- Dieu est l’Être tel qu’on n’en peut penser sité est spécialisée dans une branche. Il assura la conservation de la culture phie et religion. Mais de l’affirmation de plus grand ; si cet être existait seule- On va à Paris pour les arts et la théolo- classique et patriotique, notamment de saint Augustin* : « La vraie philo- ment dans l’intelligence et non pas dans gie, à Montpellier pour la médecine, à Bo- en rassemblant une riche bibliothèque la réalité, il serait possible de penser un sophie n’est autre que la vraie religion, logne pour l’enseignement juridique. dans son monastère de Vivarium en autre être qui :aurait toutes les perfections et, réciproquement, la vraie religion Les statuts aussi sont différents selon du premier, avec, en plus, celle d’exister Calabre. Quant à son oeuvre, Ins- n’est autre que la vraie philosophie », les villes. À Bologne, au Moyen Âge, les dans la réalité ;ce second être serait donc titutiones divinarum et humanarum il retient surtout la seconde partie : la étudiants gouvernent ;à Paris, les écoliers plus grand que celui dont on a dit qu’on sont associés au pouvoir, mais les maîtres lectionum (les Institutions des lettres philosophie est la voie royale d’accès n’en peut concevoir de plus grand, ce qui en ont la réalité. divines et séculières), c’est une sorte au ciel... Son instrument en est la dia- est absurde ; en conséquence, l’être dont Procureurs, recteurs, doyens, chanceliers d’encyclopédie qui contient une intro- lectique, qui procède de l’un au mul- on ne peut concevoir de plus grand existe sont élus ; quant aux maîtres, ils sont choi- duction à la théologie et à l’Écriture tiple, et réciproquement. dans la réalité, et c’est Dieu. sis par leurs pairs. sainte ainsi qu’un précis des sept arts Un moine de Marmoutier, Gaunilon, ob- Aucun disciple ne lui est, même de jecta qu’il n’est pas d’une saine méthode libéraux. loin, comparable, mais son influence de déduire l’existence de l’essence... Cri- y Isidore de Séville (v. 560-636). Cet est perceptible, en particulier dans L’évolution de la pensée tique profonde que Kant*, plus tard, adres- archevêque espagnol rassembla toute l’école monastique d’Auxerre (dont sera à Descartes*. médiévale la science de son temps dans ses Ety- les deux représentants principaux Les « fondateurs du Moyen Âge » mologiae (Étymologies). Il y reprend sont Heiric [841 - v. 876] et Rémi y Boèce (v. 480-524). Le philosophe l’idée familière à l’Antiquité selon [† v. 908]). La renaissance du XIIe siècle de l’Antiquité ayant exercé la plus laquelle les noms, loin d’avoir été C’est une réactivation de l’héritage forte influence sur le développement arbitrairement choisis, reflètent la na- La dialectique chez Jean culturel de l’Antiquité, un peu à la de la science médiévale fut un grand ture des choses : on sait par exemple Scot Érigène façon qui sera celle du XVIe s. personnage de la cour du roi goth presque tout de l’essence de l’homme y Elle est accomplie tout d’abord Dans De la division de la nature, la dialec- Théodoric : Boèce. C’est à travers lui quand on s’avise que son nom vient par l’école de Chartres* déjà célèbre tique est d’abord un procédé de la pen- que se perpétua la tradition de la phi- de la terre, homo ex humo... Les mé- au XIe s. sous l’évêque Fulbert et où sée qui permet de considérer l’univers soit losophie antique : jusqu’au XIIIe s., on diévaux, adeptes de cette conception, « divisé », comme le titre l’indique, c’est- s’illustrent : Bernard de Chartres, ne connaîtra la logique qu’à travers répétèrent de génération en généra- à-dire multiple, soit un, puisqu’on peut pédagogue remarquable (écolâtre de 7448 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 1114 à 1119, puis chancelier de 1119 des sentences », à cette époque, est et d’une piété mystique qui mettra fin à niant que les idées générales aient une à 1126) ; Gilbert de La Porrée, théo- Pierre Lombard (v. 1100-1160). la problématique centrale des penseurs existence séparée ou même soient en médiévaux, en interdisant toute tentative logien subtil (chancelier de 1126 à puissance dans le sensible ; l’universel, de conciliation entre la raison et la foi. 1140) ; surtout Thierry de Chartres Le XIIIe siècle pour lui, n’est qu’un signe, celui d’une Mais il ne faut pas oublier qu’aupara- (chancelier de 1142 à 1150), qui ac- Deux nouveautés sociologiques impor- pluralité de choses singulières. vant la scolastique a été l’instrument de cède au platonisme par l’intermédiaire tantes donnent une nouvelle forme à Malgré sa condamnation, l’occa- clarification de la pensée médiévale : de Boèce et, au-delà, au pythagorisme la pensée : la création des universités saint Thomas* d’Aquin, Roger Bacon*, misme constituera bientôt la « via (il mêle la science du nombre et les et la découverte d’Aristote, dont on ne Guillaume* d’Occam, Jean Buridan, autant moderna » en matière de pensée, par de «maîtres » d’universités dont la pensée considérations métaphysiques, créant connaît que les oeuvres logiques. opposition au thomisme et au scotisme. prit forme en son sein. une sorte de pythagorisme chrétien, C’est seulement au XIIIe s. que Robert Cette « voie moderne » est importante, qui, à sa manière, est un effort d’in- Grosseteste (v. 1168 ou 1175-1253), et puisque c’est là que se situent des es- tellection de la foi comme chez saint surtout, sur la demande de saint Tho- La fin du Moyen Âge prits curieux de science tels que Jean Anselme) ; Guillaume de Conches mas d’Aquin, Guillaume de Moerbeke Buridan (v. 1300 - apr. 1358). À la fin du XIIIe s. se développe l’aver- (v. 1080 - av. 1154) et son disciple (1215-1286) traduisent directement D. C. roïsme sous forme d’un culte sans Jean de Salisbury (v. 1115-1180) en- le texte grec des traités relevant de E. Gilson, la Philosophie au Moyen Âge réserve de l’aristotélisme : Siger de (Payot, 1925). / J. Le Goff, les Intellectuels au la métaphysique et de la philosophie seignent également à Chartres à partir Brabant (v. 1235-1281) affirme l’éter- Moyen Âge (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », naturelle. Par le biais de l’aristoté- des textes de Platon, de Sénèque, de nité du monde et le retour éternel. 1957). / F. Vignaux, Philosophie au Moyen Boèce. lisme, les hommes du XIIIe s. ont accès Condamné par l’Église, il doit quit- Âge (A. Colin, 1958). / P. Delhaye, la Philoso- aux philosophies extérieures au monde phie chrétienne au Moyen Âge (Fayard, 1959). y Abélard*. Sans en avoir fait par- ter son enseignement et va mourir en / Mélanges offerts à Étienne Gilson (Vrin, latin, arabes (Avicenne*, Averroès*) et tie, Abélard se rattache à l’école de Italie. 1959). / E. Jeauneau, la Philosophie médié- juives (Maimonide*). vale (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; Chartres par ses positions dans les Le Catalan Raymond Lulle* lutte 2e éd., 1967). / F. Van Steenberghen, la Phi- À l’université d’Oxford, l’helléniste controverses d’alors. Dans la querelle contre l’averroïsme ; mais, surtout, il losophie au XIIIe siècle (Nauwelaerts, Louvain, Robert Grosseteste fait montre d’une des universaux, notamment contre les constitue contre la logique aristotéli- 1966). / B. Parain (sous la dir. de), Histoire curiosité surtout scientifique. Son dis- de la philosophie, t. I (Gallimard, « Encycl. positions réalistes de Guillaume de cienne, certes excellente pour démon- ciple Roger Bacon* jette les bases de de la Pléiade », 1969). / A. Abdel-Malek, trer, mais impuissante à inventer, un Champeaux, il affirme son « nomina- A. Badawi, B. Grynpas, P. Hochart et J. Pépin, la science expérimentale. « ars inveniendi » (art d’inventer), la Philosophie médiévale (Hachette, 1972). lisme », soutenant que les idées géné- Réagissant contre cette vague d’aris- sorte d’algèbre théologique dont le On peut également consulter les Études de rales sont de purs « noms » et n’ont philosophie médiévale (1921 et suiv.) et les totélisme, saint Bonaventure*, dans son maniement doit conduire tout homme pas de réalité en dehors de l’esprit qui Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Itinerarium mentis ad Deum (Itinéraire aux grandes vérités chrétiennes. Moyen Âge (1925 et suiv.). les conçoit. de l’esprit vers Dieu, 1259), reproduit Le XIVe s. se ressent de la dureté y Il faut également signaler l’école fidèlement la dialectique ascendante des temps (guerre de Cent Ans). On le contemporaine de celle de Chartres, augustinienne. Au cinquième degré de connaît d’ailleurs moins bien que les fondée à Paris en 1108 par Guillaume l’élévation, il cite une formule prove- Moyen Empire précédents. de Champeaux (milieu du XIe s. - nant d’une compilation ancienne : Dieu Le franciscain écossais Duns* 1121) dans l’abbaye des chanoines est « comme une sphère intelligible Seconde période de stabilité et de pros- Scot mérite sa réputation de « Doc- augustins de Saint-Victor où s’illustre dont le centre est partout et la circon- périté de la monarchie pharaonique tor subtilis » par une pensée profon- férence nulle part », formule que l’on notamment Hugues de Saint-Victor (2052-1770 av. J.-C.). dément originale : ainsi affirme-t-il, à retrouvera chez Pascal*. (fin du XIe s. - 1141). l’encontre du thomisme, que l’intel- Saint Albert* le Grand, dominicain, y Saint Bernard*, abbé de Clair- ligence humaine possède un mode de Histoire dynastique sera le maître de saint Thomas. Il ne vaux, et les Cisterciens* prêchent connaissance intuitive, par lequel elle Vers 2280 av. J.-C., le premier réussit pas tout à fait à organiser l’im- au contraire le retour à la simplicité atteint les êtres concrets et singuliers, mense somme de connaissances qu’il royaume (constitué en 3200 ; v. An- de l’Évangile ; Guillaume de Saint- à commencer par le sujet connaissant cien Empire) sombre dans l’anarchie. avait emmagasinée (cultures grecque, Thierry (v. 1085-1148) est, cependant, lui-même. arabe, juive). Celle-ci résulte — après le long règne imbu de culture classique, comme Maître Eckart*, dominicain alle- du faible souverain Pepi II — de deux Mais c’est bien sûr saint Thomas* beaucoup de moines cisterciens. mand, est un étrange personnage. causes essentielles, qui ont entraîné d’Aquin, le « Doctor angelicus », qui y Vers la même époque prêche un il- Hegel* et Schopenhauer* le tiennent l’affaiblissement du pouvoir monar- domine par sa personnalité le XIIIe s. luminé, le Calabrais Joachim de Flore pour l’ancêtre de leur système. D’après chique central : d’une part, la tendance et, peut-on dire, toute la philosophie (v. 1130-1202). Il annonce un « troi- les vingt-huit propositions condam- de plus en plus grande à l’autonomie médiévale (v. thomisme). sième âge » qui prendrait le relais des nées en 1329 par le pape Jean XXII, manifestée par le puissant clergé du ce « chevalier de l’erreur » aurait pro- dieu Rê à Héliopolis (enrichi maté- âges de l’Ancien et du Nouveau Tes- L’enseignement fessé l’éternité du monde, proscrit le riellement par les donations royales) ; tament, et qui serait l’âge du Saint-Es- scolastique regret du péché, la prière de demande, d’autre part, l’indépendance progres- prit, dans lequel la lettre de l’Évangile le souci des oeuvres extérieures. sive prise par les hauts fonctionnaires se verrait dépassée par l’intelligence La scolastique est fondée sur la compré- hension des textes faisant autorité. L’ana- Guillaume* d’Occam, franciscain (nomarques) de province (notamment spirituelle. Beaucoup d’esprits sont lyse grammaticale et sémantique est sui- anglais, a, lui aussi, maille à partir avec ceux de Haute-Égypte, les plus éloi- séduits par cette « folie ». vie d’une interprétation symbolique et le pape Jean XXII. Il demeure célèbre gnés de la capitale, sise à Memphis), y Les sentences. C’est également au morale. par un principe d’économie de la pen- largement munis de prébendes et de XIIe s. que prend naissance un genre Pratiquement, l’enseignement est donc sée que l’on a appelé le rasoir d’Oc- privilèges dus à la faveur du souverain littéraire, les recueils de sentences. Il une lecture commentée, suivie d’une dis- cam : selon lui, il ne faut pas poser une (l’hérédité des fonctions surtout). À ces cussion ; le maître est chargé de faire la s’agit de morceaux choisis des Pères, pluralité sans y être contraint par une faits d’ordre politique (accaparement synthèse finale. groupés non selon l’ordre de succes- nécessité venant de la Raison, de l’ex- progressif des cadres de l’État par une De cette scolastique, la postérité retien- sion de la Bible, mais selon un plan périence ou de l’autorité de l’Écriture oligarchie ambitieuse, d’origines di- dra surtout les dangers et les déviations. doctrinal destiné à réduire les diver- La sclérose sera en fait assez tardive. Elle ou de l’Église. Cette méthode lui fera verses) s’ajoutent des troubles sociaux, gences de la Tradition. Le « Maître surviendra comme fruit du dogmatisme résoudre le problème des universaux en des révoltes populaires dans les villes. 7449 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 Profitant du désordre intérieur, des peau », le « refuge » naturel de chaque établi, le roi veille sévèrement : les définitivement le culte d’Osiris (pen- Asiatiques, au nord-est, pénètrent dans individu, dont il a l’entière responsa- dignitaires, laïques et clercs, sont sant peut-être utiliser pour sa cause la le Delta. Il s’ensuit, pendant plus d’un bilité. Les liens d’intérêts réciproques soigneusement encadrés par le pou- dévotion populaire envers cette divi- siècle, une crise grave pour la nouvelle qui, traditionnellement, unissent la voir central. Les hautes fonctions ne nité). Fêtes religieuses et pèlerinages institution pharaonique, ruinée par le monarchie d’Égypte aux dieux ne sont sont plus héréditaires ; à la mort d’un se succèdent alors dans la ville. Osi- marasme économique, la famine, les plus désormais uniquement person- prince, d’un monarque, le souverain ris, en effet, par sa mort et son immer- bouleversements de la société, l’inva- nels : divinités et souverains ont dès peut remanier les domaines, voire les sion dans les eaux du Nil, suivies de sion étrangère. L’Égypte est alors mor- lors en commun la charge du peuple morceler, et c’est lui qui désigne le sa glorieuse résurrection, évoque, sur celée suivant plusieurs dynasties paral- égyptien, qu’ils doivent, ensemble, successeur. Si, au début du Moyen Em- le plan mythique, les phases de la vie lèles, souvent en lutte les unes avec les protéger et sauvegarder. Le despote pire, trois générations successives de de la nature, avec son renouvelle- autres. Pendant que la VIIIe dynastie divin s’est humanisé, et c’est autour Khnoumhotep administrent Beni-Has- ment périodique ; « Ré-animé » par (v. 2260) semble s’affirmer à Mem- des hommes que s’ordonne, de manière san (Moyenne-Égypte), cette famille les pratiques rituelles de son épouse phis, un monarque énergique, Kheti Ier, nouvelle, la finalité du monde : « Le noble disparaît ensuite ; il en est de Isis, assistée d’Anubis notamment, rassemble en son pouvoir les nomes de dieu a fait la lumière conformément à même pour celle des Djehoutihotep à il donne aux hommes un exemple de Haute-Égypte et installe sa capitale à leur désir, et quand ils pleurent, il l’en- El-Bercheh. Chaque fois, c’est le roi résurrection, lié au cycle même, inévi- Hêrakleopolis (à l’entrée du Fayoum), tend. Il a fait pour eux, dès l’origine, qui a pris la décision ; les dignitaires table, de l’univers. Reproduire ces rites où se maintiendront ses descendants des rois, c’est-à-dire un soutien pour provinciaux redeviennent de simples (d’abord pour le roi seul, puis pour (IXe et Xe dynasties : 2220-2160 av. le dos du faible. » Les Instructions fonctionnaires, dans la main royale. chaque homme), c’est assurer la survie J.-C.). Kheti III parvient à chasser les (véritables testaments politiques pré- Après le règne de Sésostris III, il n’y a de tous. La leçon est immense ; Osi- Asiatiques du Delta ; mais son fils Me- cis et désabusés) de Kheti III à Meri- plus de monuments de nomarques dans ris n’a nul besoin de clergé puissant : rikarê doit céder aux puissants princes karê, d’Amenemhat Ier à Sésostris Ier la vallée du Nil ; les nécropoles pro- la ferveur de chacun est grande pour thébains, les Antef, qui, par intrigues apportent un émouvant témoignage vinciales même disparaissent. La Cour qui lui montre et lui enseigne ainsi for- ou par luttes ouvertes, ont progressi- de cette transformation radicale de la est le centre véritable de toute la vie mellement les chemins de la vie éter- vement attiré à eux des princes ou conscience royale. Reflets encore de ce administrative du pays. nelle. Ce processus idéologique n’est nomarques du Sud, jusque-là alliés des nouveau sentiment monarchique sont Le puissant clergé de Rê est soigneu- point particulier à l’Égypte : Baal, en Hêrakleopolitains. Ainsi s’achève cette les hymnes chantés au roi (fervents ou sement surveillé, et cela d’autant plus Asie, est chargé d’un sens tout à fait « première période intermédiaire » apprêtés, textes de propagande parfois aisément d’ailleurs que deux « nou- analogue. Si la survie du roi se diversi- (v. Égypte). À partir de 2160 av. J.-C., pour soutenir la cause du souverain) : veaux venus » attirent à eux de nom- fie (compagnon du Soleil, dans le ciel « Il est l’asile où nul ne peut être pour- les Antef vont peu à peu refaire l’unité breux fidèles. supérieur, pendant le jour, il rejoint, au de l’Égypte, et Mentouhotep Ier (en suivi [...]. Il est un rempart contre le soir, à travers la montagne d’Occident, vent, au temps où l’orage est dans 2052) rétablit une monarchie centrale Les dieux et l’au-delà le ciel inférieur, domaine souterrain où le ciel. » Autour du roi se rassemble forte, qui se maintiendra au cours des règne désormais Osiris, suivant un par- une société plus différenciée que sous Certes, le grand dieu cosmique Rê, dieu XIe et XIIe dynasties, lesquelles consti- tage tacite d’attributions entre les deux l’Ancien Empire : un groupe dirigeant de la Lumière et du Jour, animateur tuent le Moyen Empire égyptien pro- divinités), celle de chaque individu est réunit les délégués immédiats du sou- des puissances fécondantes de l’uni- prement dit. désormais assurée. Pour les plus aisés, verain, chefs de l’Administration, de vers, dieu dynastique, continue d’atti- Cette prise de pouvoir coïncide avec le corps embaumé, momifié, etc., main- l’armée, du clergé (dont la gestion rer toutes les ferveurs. Sésostris Ier lui la première ascension nationale de la tenu donc dans son intégrité et sa santé entre dans l’obédience royale). C’est élève un temple près d’Héliopolis, à ville de Thèbes, capitale des Antef physique, pourra être « ré-animé » par une classe noble, active, pourvue de Matarièh, dont il ne subsiste actuelle- et des Mentouhotep. Ascension non la grâce magique des formules et des gros salaires, de cadeaux royaux (pou- ment qu’un obélisque. encore définitive : en effet, lorsque le rites, ceux-là même qui furent utili- vant notamment recevoir des « parts » Mais l’expansion d’autres person- vizir du dernier Mentouhotep (v. 2000 sés par Isis et ses aides au jour de la sur les revenus des temples ou des nalités divines, puissantes, « natio- av. J.-C.) s’empare du trône et qu’après première résurrection modèle ; pour domaines funéraires, « par la grâce du nales », vont, d’une part, populariser quelques années d’interrègne il devient roi »). Apparaît alors une classe nou- mieux garantir cette survie, la momie les rites funéraires et achever la libé- Amenemhat Ier, il transporte sa capitale velle, moyenne, intermédiaire utile ration de la conscience individuelle est placée dans un sarcophage, cuve à Licht, à la pointe du Delta (il renoue dans l’État entre les dirigeants et le de bois, décorée et peinte, conçue en permettant à tout homme d’accé- ainsi avec la tradition memphite : le peuple ; elle est composée d’artisans comme une maison : l’image d’une der à une survie éternelle (jusque-là centre politique du royaume devant supérieurs, de fonctionnaires des ser- fait royal), et d’autre part, permettre porte orne ses flancs, par laquelle peut être situé à la jonction des « deux vices centraux et particulièrement il- sortir le mort, qui a aussi la possibi- une « politique » religieuse plus aisée Égyptes »). De Licht, les Amenemhat lustrée par la caste des scribes, dont la lité de voir au-dehors, à travers deux et plus souple. Osiris, dieu d’origine et les Sésostris, souverains énergiques science (précieuse et dangereuse) du yeux dessinés au pinceau sur un côté agraire, dieu de la Végétation et de la et avertis, maintiendront la cohésion langage écrit et les connaissances font de la cuve, et qui retrouve les objets Fécondité des plantes (annuellement économique et sociale. qu’ils sont devenus les rouages indis- renouvelées suivant un cycle inéluc- nécessaires à sa vie quotidienne repro- L’institution monarchique, instruite pensables de toute la machine admi- duits en longues colonnes, véritables table), est devenu, tout au long de la par les événements brutaux des siècles nistrative. Dans les villes du Delta, les vallée, un dieu très populaire. Son frises, de part et d’autre de cette « mai- précédents, modifie et renforce les mo- commerçants (enrichis par le dévelop- culte, depuis le Delta, d’où il est issu, son magique » ; l’efficience de celle-ci dalités de la centralisation administra- pement pris alors par les relations exté- s’est largement répandu (à partir de la est accrue encore par l’inscription, à tive, cependant que les classes sociales rieures) contribuent aussi à l’impor- fin de l’Ancien Empire) dans le pays l’intérieur des parois du sarcophage, se différencient. tance de cette classe aisée. Les paysans tout entier, supplantant parfois les du rituel même de la résurrection. Pour Sommet de l’édifice social, le roi constituent la base solide, nécessaire divinités locales (Andjty à Busiris, les plus humbles, de petites statuettes incarne toujours la divine pérennité de cette société : équipes de corvéables Khentiimentiou à Abydos), les assimi- de bois placées auprès du maître, re- et l’omnipotence du gouvernement ; ou tenanciers libres, chacun pouvant lant en partie (Sokaris à Memphis) ou produisant leurs gestes, leurs attitudes désormais accéder à la propriété (cf. le cependant, il n’est plus un monarque s’alliant à elles (ennéade d’Héliopolis). de travailleurs pourront s’animer dans magnifique et distant, commandant conte du Paysan). Le souverain thébain Antef II, s’étant les mêmes conditions, corps de chair une collectivité humaine, mais un chef À la sauvegarde de ces nouvelles emparé d’Abydos au cours de ses luttes ou enveloppe (réaliste) de pierre ou d’État, le « bon berger » d’un « trou- structures, à leur maintien dans l’ordre contre les Hêrakleopolitains, y installe de bois réagissant identiquement à la 7450 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 magie des mots ; ces humbles seront des événements ; pour la première fois, Sichem (l’actuelle Naplouse), les chefs Il ne peut s’agir que d’un commerce éternellement laborieux, mais vivants. les frontières naturelles du royaume de tribus, tant en Syrie qu’en Pales- royal, d’État. Au Moyen Empire, une d’Égypte n’ont pas arrêté l’invasion tine (ces noms actuels sont employés politique de pénétration en Nubie est D’origine obscure, divinité ado- étrangère au nord-est. Il y faut remé- pour leur commodité d’usage, mais ne menée systématiquement ; des expédi- rée dans la petite bourgade thébaine, dier pour l’avenir, en même temps correspondent à aucune réalité poli- tions sous le commandement du vizir Amon est un dieu dont le destin se qu’accroître les ressources écono- tique à cette époque ; la Palestine ne s’enfoncent progressivement dans le confond avec celui, prestigieux, de sa miques du pays, ruiné par plus d’un sera créée que sous la XIXe dynastie, Sud ; sous Sésostris Ier, elles atteignent ville. Il semble que sa « montée » ait siècle d’anarchie. Expéditions mili- par les Philistins venus d’Asie Mi- la troisième cataracte du Nil ; Sésos- été le résultat d’une politique délibérée taires et commerciales demandent la neure), reconnaissent la suzeraineté tris III, roi guerrier, pousse jusqu’à des souverains du Moyen Empire, qui, participation ou la « couverture » d’une du roi d’Égypte ; les inscriptions les l’actuel Soudan. Le gouvernement en opposant le clergé de Thèbes à celui d’Héliopolis (suivant un jeu habile), armée permanente plus importante. désignent parfois du même titre que les égyptien établit en Nubie une véritable grands de la cour de Licht : heqa, our. colonisation : les chefs de tribus sont pensaient demeurer les arbitres obligés L’armée royale, recrutée essentielle- de tout éventuel conflit d’ordre spiri- ment par conscription, se développe : Plus au nord, il est vraisemblable que soumis au paiement régulier d’impôts les Sésostris ont envoyé des missions, en nature, à l’envoi de troupes merce- tuel. On peut bien parler de politique une stèle du Caire nomme un fils royal délibérée, car il apparaît que ces rois « qui a été envoyé pour recruter un régi- appuyées de garnisons militaires, pour naires. La construction d’une série de contrôler certains grands centres, forteresses (assez rapprochées les unes du Moyen Empire ont tenté d’établir, ment de soldats et qui donna un homme pour soutenir la nouvelle centralisation sur 100 mâles à son seigneur » (pro- comme Megiddo (relais de caravanes), des autres) a pour objet de maintenir Ougarit (l’actuelle Ras Shamra) ; cela a le pays dans l’obédience du royaume monarchique, une première centralisa- portion moyenne) ; il est vraisemblable tion religieuse officielle, un véritable aussi que les nomarques entretiennent été confirmé par la découverte récente, d’Égypte : les plus importantes sont en Syrie septentrionale, d’un monu- érigées à Bouhen et à Mirgissèh (au ni- syncrétisme idéologique d’État. Seule encore quelques milices dans leurs pro- veau de la deuxième cataracte), à Sem- la personnalité d’Osiris, trop populaire, vinces. Mais le roi est alors assez fort ment, contemporain de la XIIe dynas- tie, sur lequel est représenté un dieu nèh et à Koumma (Koummèh), plus ne pouvait entrer dans aucun système pour empêcher un usage trop person- au sud ; des garnisons les occupent en concerté de ce genre. Un premier ras- nel de ces éléments militaires locaux, pourvu des insignes royaux égyptiens. permanence, communiquant entre elles semblement de dieux locaux s’opère parmi lesquels il prélève d’ailleurs des 2. La voie de mer. Elle est aussi par signaux de fumée. Pour compléter autour du dieu d’Héliopolis : les dieux contingents (choisis parmi les recrues soigneusement protégée ; pour cela, cette protection avancée de l’Égypte, des provinces perdent de leur indépen- les mieux entraînées) qui s’acheminent les monarques de la XIIe dynastie Sésostris III interdit aux bateaux nu- dance en se solarisant, en devenant des aussi vers la cour de Licht. Peu de reprennent la politique déjà tradition- biens descendant le Nil d’aller en aval kheperon (c’est-à-dire des formes, des changements sont intervenus dans l’ar- nelle : imposer leur protection aux de la deuxième cataracte. hypostases) de Rê (aussi bien Horus mement depuis l’Ancien Empire, bien ports phéniciens, notamment Byblos, d’Edfou, Min de Coptos que Montou que, sous la XIIe dynastie, on com- des tributs annuels témoignant de la Vers l’est, des expéditions royales exploitent systématiquement les mines d’Hermonthis, Thot d’Hermopolis ou mence à substituer le bronze au cuivre. suzeraineté ainsi reconnue ; à Tôd de cuivre et de pierres précieuses (ma- Sobek du Fayoum notamment). Entre L’infanterie constitue encore l’essen- (Haute-Égypte) a été retrouvé le tré- lachite, turquoise) ainsi que les gise- Rê et Amon, il y a composition, mais tiel de l’armée ; il y a quelques corps sor adressé dans ce dessein par Byblos ments de quartz aurifère du Sinaï. La composition d’inspiration politique ; de mercenaires, notamment celui des à Amenemhat II : coffres de bronze tradition des missions vers le pays de Amenemhat Ier (dont le nom même, archers nubiens. contenant des bijoux et des objets d’or- Pount (en quête d’arbres à encens, de « Amon-est-en-tête », est une profes- fèvrerie, des lingots d’or et d’argent, Au nord-est, il fallait avant tout, myrrhe, d’électrum, notamment) est sion de foi religieuse) confère l’auto- des perles, des lapis-lazuli, etc. Mais d’une part, mettre le Delta à l’abri des reprise dès Mentouhotep II. Sésos- rité suprême au dieu thébain sur les le roi ne participe pas aux opérations incursions des Asiatiques — qui, après tris Ier remet en valeur les mines et les dieux des autres villes en l’associant commerciales ; il pourvoit seulement la VIe dynastie, avaient constitué un carrières du Ouadi Hammamat (parti- à Rê (qui tendait déjà à regrouper en à la sécurité de ses marchands. Il en réel fléau — et, d’autre part, assurer culièrement les mines d’or) ; sur cette sa personne les divinités provinciales) va de même dans les relations mari- la liberté du commerce pour les villes longue piste (lit d’un oued desséché), sous le nom d’Amon-Rê ; l’ordre des times avec Chypre et la Crète, qui de Basse-Égypte. Il y avait donc deux qui, à travers un désert aride, mène les mots étant révélateur d’une pensée en se développent alors. Cette influence voies essentielles à protéger. caravanes, en quatre jours de marche, Égypte ancienne, Amon a donc le pas prédominante que la XIIe dynastie sait 1. La voie de terre. Amenemhat Ier de Coptos (sur le Nil) à Kosseir (sur la sur l’Héliopolitain. Désormais, c’est exercer sur Byblos et la Syrie donne fait construire sur la frontière orientale mer Rouge), il crée de place en place Amon-Rê (et non plus le seul Rê) qui également à l’Égypte le contrôle des du Delta une série de forteresses, les des points d’eau, dont la présence va règne. Thèbes devient centre théolo- routes caravanières de l’Asie, particu- « Murs du Prince » (dont nous connais- permettre de développer les échanges gique ; la réflexion de ses clercs vaut lièrement importantes à ce moment, où sons l’existence par plusieurs textes, avec l’Orient. à Amon de devenir le chef d’une en- Babylone connaît une grande prospé- notamment les Aventures de Sinouhé), néade, parfois constituée sur le modèle rité commerciale. Il y a là une politique concertée, qui, pourvues de garnisons perma- de celle d’Héliopolis, parfois formée intelligente d’une monarchie qui a nentes, devront protéger le royaume. L’ensemble de ces rapports dénote par l’adjonction des huit divinités su rendre prospérité et sécurité à son une politique relativement pacifique, Ce fait est sans doute à l’origine de la primordiales d’Hermopolis — en un royaume. non point de conquête, mais de pro- tradition, transmise par les Grecs, selon souci d’accommoder, au mieux des tection des frontières et de sauvegarde laquelle un souverain aurait construit intérêts du Thébain, les systèmes cos- Arts et littérature intelligente des intérêts économiques. une muraille ininterrompue depuis mogoniques déjà existants. Les prêtres Péluse jusqu’à Héliopolis (!) : l’imagi- Vers le sud, il en va autrement. Sécurité et prospérité restaurées s’ac- de Thèbes entrent dans l’histoire nation populaire magnifia un système Mentouhotep Ier a dû reconquérir la compagnent naturellement d’un renou- d’Égypte, où, notamment au Nouvel défensif de fortifications simple, mais Nubie, qui a profité des troubles pour veau original dans tous les domaines Empire, ils vont jouer dès lors un rôle de l’expression artistique et littéraire. certainement efficace, car l’infiltra- s’ériger en royaume indépendant. éminent. tion étrangère fut arrêtée ; les immi- Dans ces régions, on se heurte à une Si l’architecture ne retrouve pas sa grés déjà installés semblent avoir été civilisation indigène peu avancée ; les forme colossale, c’est que la remise L’Égypte et réduits à la servitude sur les domaines expéditions en quête d’or, d’ivoire, en ordre du royaume nécessite encore le monde extérieur des temples ou ceux des nobles. Dans d’ébène sont longues, coûteuses, dan- quelque épargne ; on utilise des ma- Dans ce domaine aussi, la monarchie l’arrière-pays, après une campagne mi- gereuses aussi et doivent donc être ac- tériaux peu coûteux, plus légers (cal- du Moyen Empire a dû tirer la leçon litaire menée par Sésostris III jusqu’à compagnées d’une forte garde armée. caire, brique). Le pavillon de la fête 7451 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 jubilaire de Sésostris (Karnak) est bras du Nil, au sud-ouest de Licht) ; souvent les pays du Croissant fertile. subverticaux. Au nord, l’anticlinal de Ier de taille réduite, mais l’élégante jus- il fait construire à Hawara (entrée du Il comporte les pays de la façade médi- l’Amanus (ou Kizilda, en territoire tesse de ses proportions en fait une Fayoum) un palais dont la grandeur et terranéenne, ou Levant (Liban, Syrie, turc) et l’anticlinal du Kurdda et du oeuvre admirablement achevée. D’une la multiplicité des salles étonneront les Israël, Jordanie), et l’Iraq, centré sur la Cassius (ou djebel Akrad), de direc- conception nouvelle (dont s’inspirera Grecs naïfs, qui lui donneront le nom cuvette mésopotamienne. tion N.-N.-E.-S.-S.-O., séparés par le l’architecte de la reine Hatshepsout), de Labyrinthe. synclinal de l’Oronte inférieur, sont en le temple funéraire des Mentouho- Structure et relief fait de véritables fragments de socle Mais Amenemhat IV, puis la reine tep II et III constitue à Deir el-Bahari élevés, puis effondrés en contrebas de Sebeknefrourê paraissent être des sou- Les données structurales la première architecture en terrasses, verains peu brillants, sans énergie, qui la plate-forme syrienne, découpée ici parfaitement adaptée au site naturel. y Le socle syrien et son inclinaison. en une série de blocs basculés regar- contribuent à faire déchoir la dynastie. Avec l’apport thébain, une école de Au sud des chaînes plissées du Taurus dant vers le nord-ouest. Le Paléozoïque Surtout à ce moment, les mouve- sculpture plus durement réaliste, plus et du Zagros, la plate-forme syrienne ainsi que d’énormes intrusions de ments de peuples indo-européens, énergique prend alors naissance, oppo- est un vieux socle tabulaire qui se roches vertes y sont portés à 2 000 m, venus du nord et qui, depuis le début sant sa jeune vigueur aux traditions de rattache sans discontinuité aux blocs soit beaucoup plus haut que dans les du millénaire, modifient totalement l’école memphite, plus idéaliste, plus IIe rigides de la péninsule arabique, de massifs méridionaux. Après le syn- la « carte » de l’Asie antérieure, vont académique : voir la statue massive l’Afrique et de l’Inde. Ce socle est à clinal du Nahr al-Kabr, un grand arc refluer jusqu’aux abords de la vallée et brutale de Mentouhotep Ier (trouvée peu près totalement masqué sous une littoral se compose du djebel Ansarieh du Nil. Une nouvelle et grave menace à Deir el-Bahari ; Musée égyptien, couverture sédimentaire qui va du (djabal Anariyya [N.-S.]), puis, après d’invasion se lève, bientôt concré- Le Caire), le visage anguleux et tour- Jurassique au Quaternaire (il n’y a l’ensellement Homs-Tripoli, du mont tisée par les Hyksos. Une seconde menté de Sésostris III (Médamoud, qu’un minuscule pointement primaire Liban (N.-N.-E.-S.-S.-O.) et des monts période intermédiaire va brutalement Le Caire) et les portraits souriants, à à al-Djra au centre du désert syrien). de Galilée. Vers l’intérieur, séparé du interrompre la brillante reprise monar- l’expression douce, presque efféminée, La disposition stratigraphique de cette précédent par le synclinal de la Bekaa chique du Moyen Empire. d’Amenemhat III (Hawara, Le Caire). couverture montre une tendance pro- et du Houleh, se dispose l’arc de l’Her- D’une conception architecturale par Celui-ci constitue une période char- longée à la subsidence vers l’est, dans mon et de l’Anti-Liban, dont les plis sa structure et ses lignes, la statue- nière dans le développement historique la Mésopotamie. En dehors d’un axe vont s’ennoyer dans le désert syrien cube apparaît à ce moment. Les bas- continu de l’Égypte. Il affirme les central sud-nord, qui permet au Cré- (dans les collines de la Palmyrène). Au reliefs témoignent du même contraste principes de gestion monarchique ; il tacé d’avancer vers le nord au coeur sud, enfin, les plis s’élargissent dans d’écoles : scènes religieuses, d’un précise, développe ou construit les tra- du désert de Syrie, les affleurements l’anticlinal palestinien sur la côte, que traitement froid et lisse, sculptées sur ditions d’une politique extérieure réa- se disposent régulièrement de l’ouest le synclinal du désert de Judée sépare les parois du pavillon de Sésostris Ier ; liste ; l’idéologie religieuse se diver- vers l’est, où ils sont de plus en plus de l’anticlinal transjordanien dans scènes animées, d’un réalisme plein sifie, offre à tous les possibilités d’une récents, le Crétacé et le Jurassique l’intérieur. Ils prennent enfin dans le d’humour, des tombes de Meir. La survie éternelle ; Thèbes et Memphis, n’affleurant qu’à l’ouest, près de la Néguev une allure lâche et disconti- grande nouveauté est le développement Thèbes et Héliopolis s’affrontent ; les façade méditerranéenne, le Nummu- nue. Ces plis méridionaux, à partir du de la peinture pure dans les tombes : arts trouvent leurs expressions ori- litique (encore marin à l’Éocène), djebel Ansarieh, sont beaucoup moins notamment à Beni-Hassan. Le Moyen ginales ; une conscience commune, puis le Néogène (continental) se suc- exhaussés structuralement que ceux du Empire marque aussi le triomphe de la dénoncée par les images et les thèmes cédant vers l’est. Cette inclinaison se nord. joaillerie égyptienne : pectoraux, col- mythiques, unit l’Égypte aux peuples traduit dans la pente générale de la y Les fractures et les fossés. Ces plis liers, diadèmes, bagues, bijoux, d’or méditerranéens et asiatiques (que fré- topographie. Tout le relief s’abaisse de fond de la bordure occidentale sont et de pierres précieuses, constituent un quentent ses marchands, ses marins, de la Méditerranée vers la Mésopo- accompagnés d’un véritable champ admirable trésor. ses voyageurs). Bientôt se produira tamie. Même sans tenir compte des de fractures. À l’extrême sud, dans l’inévitable contact politique, et le montagnes côtières, Alep est à 370 m, L’expression écrite est florissante : le prolongement du golfe d’‘Aqaba, petit royaume, contraint, poussé par les Mossoul à 250 m, Damas à 690 m, les instructions royales, les hymnes et également à hauteur du bassin sep- événements, deviendra le plus grand Bagdad à 37 m, le revers du plateau royaux, les contes et les romans (le tentrional de la mer Morte, sur une empire d’Orient (v. Nouvel Empire). de Transjordanie à près de 1 000 m et Paysan, Contes du papyrus Westcar, soixantaine de kilomètres de long, C. L. Bassora au niveau de la mer. Mais le les Aventures de Sinouhé, Conte du la dépression synclinale entre l’arc F Égypte. fait que la surface du sol recoupe des naufragé), où se retrouvent les grands intérieur et l’arc littoral prend même couches de plus en plus récentes vers mythes méditerranéens, les textes une allure de fossé tectonique, dont l’est prouve que l’inclinaison du socle satiriques révèlent l’existence d’une le fond est à 800 m au-dessous du est plus accentuée que celle du relief. langue harmonieuse, au vocabulaire niveau de la mer (la surface de la mer Moyen-Orient varié et riche, à la syntaxe rigoureuse y Les plissements. Au contact des Morte est à – 392 m, avec des fonds et équilibrée, et témoignent aussi de la chaînes alpines du Taurus et du Za- de 400 m). Cette structure en fossé pleine maturité intellectuelle à laquelle Partie de l’Asie. gros au nord et à l’est, le socle syrien n’est, cependant, réalisée qu’excep- est parvenu le peuple de la vallée. est ridé par des plis de couverture. Le terme de Moyen-Orient, comme tionnellement. La situation normale, En bordure du Zagros, ce sont des L’un des derniers rois de la dy- celui de Proche-Orient, est employé au sud de l’Hermon, est celle d’une XIIe plis étroits et allongés parallèlement nastie (le dernier réellement connu), par les géographes dans des acceptions fracture continue à regard occidental, à l’axe orographique principal, du Amenemhat III, est un souverain paci- très diverses, englobant parfois tous la fracture transjordanienne, dominant nord-ouest au sud-est. Dans le pié- fique. La prospérité intérieure est réta- les pays depuis la Méditerranée orien- la dépression intérieure, que borde mont du Taurus, les plis, ouest-est, blie, la garde aux frontières efficace, tale jusqu’à l’Iran et l’Afghnistn ou à l’ouest la retombée des plis pales- sont plus massifs (djebel Sindjr et la monarchie semble assurée (surtout même jusqu’au subcontinent indien. tiniens. Toute la Palestine est ainsi djebel ‘Abd-al-Azz). depuis que Sésostris ainstauré la tra- On l’entendra ici dans son sens res- abaissée structuralement par rapport à Ier dition d’associer au pouvoir l’héritier treint, celui des pays situés entre la À l’ouest et au nord-ouest, en re- la Transjordanie. Au nord, la fracture présomptif du trône). Aussi, reprenant Méditerranée à l’ouest et le golfe Per- vanche, les forces orogéniques du géo- change de sens. Elle se place au revers la politique déjà inaugurée par Sésos- sique à l’est, les hauts pays de Turquie synclinal ont heurté de plein fouet par des chaînes méditerranéennes, mont tris II, Amenemhat III se consacre et d’Iran au nord, et la péninsule ara- le travers la tranche du socle et y ont Liban et djebel Ansarieh, et regarde essentiellement à la mise en valeur bique au sud. Ainsi limité, le Moyen- provoqué des accidents beaucoup plus vers la Bekaa. Son rejet maximal du Fayoum (oasis entretenue par un Orient coïncide avec ce qu’on appelle importants, plis de fond coffrés à flancs (500 m) est d’ailleurs bien inférieur 7452 La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 14 à la flèche du synclinal (de 1 500 à épi-géniques dominent à la périphérie. férenciation pluviométrique, en accro- al-‘Azz). C’est la Djézireh, l’« île » 2 000 m). Le versant de l’Anti-Liban, Tel est le cas du mont Liban (3 088 m), chant les précipitations apportées en entre la montagne et le désert, où la à l’est de la Bekaa, est un simple flanc où les hautes surfaces karstifiées déri- hiver par les dépressions cyclonales culture pluviale des céréales demeure d’anticlinal. vent de la carapace structurale des cal- méditerranéennes. Sous le vent de ces possible. La répartition saisonnière des caires cénomaniens dans l’Anti-Liban reliefs règnent des conditions déser- pluies reste partout typiquement médi- y Les épisodes tectoniques. C’est à (2 390 m), où les plateaux cénoma- tiques, qui ne s’améliorent qu’au pied terranéenne, à prépondérance de saison partir du Crétacé que s’est amorcée la niens constituent également l’essen- des chaînes du Taurus et du Zagros au froide, mais la durée de la saison plu- mise en place de cette structure avec tiel, et dans l’Hermon (2 800 m), où le nord et à l’est. Des régions plus arro- vieuse diminue progressivement vers l’apparition des massifs littoraux à noyau jurassique est largement décapé. sées enveloppent donc de trois côtés le l’intérieur, alors qu’à Beyrouth juillet leur emplacement actuel le long de Le Néguev représente un type inter- désert syrien, ce qu’exprime l’expres- et août sont les deux seuls mois abso- la côte méditerranéenne. Des phases médiaire. Dans les parties hautes sont sion Croissant fertile souvent appli- lument secs. Surtout, l’humidité et la orogéniques successives se sont en- dégagées de magnifiques formes d’in- quée à ces pays. nébulosité restent importantes sur les suite échelonnées au long du Tertiaire version de relief sous forme de grandes côtes pendant tout l’été, les vents été- (Oligocène, Pontien, Villafranchien). Les précipitations sont, de toute combes, mais des surfaces d’aplanisse- siens y apportant, à défaut de pluies, un La dernière s’est marquée notamment façon, beaucoup plus élevées sur le ment s’observent sur le revers des crêts bain de vapeur et de brume qui enve- par de grands mouvements de détente versant montagneux occidental. Elles qui les dominent. loppe le versant occidental du bourrelet (fossé palestinien) et par de vastes dépassent 1 m sur tous les massifs montagneux littoral. épanchements basaltiques. Ces phases y Le désert syrien, en arrière du bour- septentrionaux, de l’Amanus à l’Her- ont été suivies de phases d’érosion relet montagneux côtier, est constitué mon, et sans doute 1 500 mm sur les L’atmosphère de l’été est ainsi pé- post-tectoniques successives, dont le par des plateaux inclinés, structuraux sommets du Liban. Le versant oriental nible sur toute la côte, au moins autant rôle a été capital dans l’élaboration d’apparence, sédimentaires ou basal- immédiat de ces montagnes est encore que dans l’intérieur, malgré l’augmen- du relief. tiques, délimités par des cuestas. En fortement arrosé (peut-être de 1 200 tation régulière des moyennes ther- dehors du faisceau des plis lâches pal- à 1 500 mm de pluies pour l’escarpe miques d’été de l’ouest vers l’est (la Les aspects du relief myréniens, dans le prolongement de orientale du Liban, le mouvement moyenne du mois le plus chaud passe l’Anti-Liban et du Qalamn (ou Kala- ascendant de l’air se prolongeant pen- de 26-27 °C sur le littoral à plus de y Les montagnes littorales ont des moun), qui lui est accolé au sud-est, dant quelques kilomètres et le versant 32 °C dans la Mésopotamie, atteignant formes extrêmement lourdes et mas- les principaux accidents sont consti- oriental étant très étroit). Diminuant 36 °C à Bassora). Inversement, les sives. Les altitudes moyennes sont tués par des édifices volcaniques. Le régulièrement ensuite vers le sud, les températures hivernales décroissent de élevées (1 414 m pour le Liban sep- plus remarquable est le djebel Druze, précipitations atteignent encore 600 à la côte vers l’intérieur. La moyenne de tentrional ; 922 m pour le Liban mé- vaste amande culminant à 1 765 m 800 mm dans les montagnes palesti- janvier passe de 13,1 °C à Beyrouth et ridional), et surtout les coefficients (pour une base à 1 000 m), au sud-est niennes, mais ne dépassent plus guère de 12,1 °C à Lattaquié à 6 °C à Alep et de massivité (rapport de l’altitude de Damas. 200 à 300 mm sur les sommets du à 7 °C à Deir ez-Zor. Ces températures moyenne à l’altitude maximale) sont y La Mésopotamie, à l’est, est le bas- Néguev. Au vent des massifs, la côte remontent plus modérément en Méso- considérables pour des pays plis- sin alluvial du Tigre et de l’Euphrate, méditerranéenne est fortement arrosée potamie (11,5 °C en janvier à Bassora). sés en matériel sédimentaire (Ama- correspondant au secteur le plus (Beyrouth, 879 mm ; Tripoli, 853 mm ; Les minimums moyens se situent entre nus, 33 p. 100 ; djebel Ansarieh, affaissé du socle. Elle est délimitée Lattaquié, 800 mm), mais les précipi- 0 et 1 °C d’Alep à Mossoul contre 5 °C 35 p. 100 ; mont Liban, 42 p. 100 ; à l’ouest par une grande pliure que tations s’abaissent rapidement dans les à Beyrouth. L’amplitude augmente Anti-Liban, 57 p. 100 ; montagne suit le cours de l’Euphrate. À l’est, dépressions intérieures. De 625 mm à ainsi régulièrement de la côte méditer- palestinienne, 64 p. 100). la plaine alluviale est dominée par Ksra et de 554 mm à Rayyq, dans ranéenne vers l’intérieur. De 13,8 °C à Cette massivité exprime l’extrême les cônes de déjections des rivières la Bekaa méridionale, elles tombent Beyrouth, elle passe à 18,6 °C à Ksra, jeunesse morphologique de ces re- du piémont du Zagros et par les plis à 358 mm à Baalbek, dans la Bekaa dans la Bekaa, à 23,4 °C à Alep et à liefs, qui résultent essentiellement de bordiers de la montagne. Dans la par- septentrionale, au droit des plus hauts 24,5 °C à Bassora. La rigueur du climat la dernière phase orogénique, celle tie inférieure de la cuvette, de vastes reliefs du Liban. Elles remontent dans désertique y est renforcée par la conti- du Villafranchien, et qui ont été très marécages, spécialement autour du l’arc montagneux et les massifs de l’in- nentalité. Les extrêmes de chaleur ne peu retouchés depuis lors. Dans les bas Euphrate, servent partiellement térieur. L’Anti-Liban reçoit sans doute sont, cependant, pas rares sur la côte, surfaces sommitales s’inscrivent une d’exutoire à la crue des fleuves. On encore au moins 600 mm de pluies, et où souffle fréquemment au printemps série de facettes correspondant à des les attribuait naguère au barrage pro- le djebel Druze, moins élevé, mais plus le chamsin (khamsn), vent brûlant du surfaces d’érosion de plus en plus ré- gressif du golfe Persique, dont ils ouvert aux effluves maritimes, à peu sud lié au passage tardif de dépressions centes vers le centre de la montagne seraient un témoin d’une avancée près autant. Mais les chiffres baissent méditerranéennes. et se recoupant progressivement vers ancienne dans l’intérieur des terres, de nouveau dès qu’on se trouve sous celui-ci. Cette surface polycyclique par les alluvions du Krn et autres le vent des massifs. Damas ne reçoit Le tapis végétal fondamentale, déformée par la dernière fleuves descendant du Zagros. En fait, ainsi que 191 mm de pluies, alors que Une végétation désertique couvre la phase tectonique en un vaste bombe- il apparaît aujourd’hui qu’ils sont Homs, à la même distance de la côte, plus grande partie de l’intérieur, pas- ment, est partout le point de départ du dus à des mouvements de subsidence mais face à un ensellement, en reçoit sant à des steppes à pistachiers dans relief actuel. Dans le djebel Ansarieh subactuels (jusqu’à l’époque histo- 423 mm et Soueïda, en Transjordanie, la Djézireh ou le piémont du Zagros. (1 583 m), elle a été conservée, fos- rique, comme l’attestent des vestiges à hauteur de Tibériade, 335 mm. Au- Seules les montagnes littorales portent silisée par des basaltes plaisanciens archéologiques submergés) en arrière delà, on tombe dans le désert à moins des forêts, dont l’étagement peut être dans toutes les parties sommitales. Il du rivage, contrariant la progression de 100 mm, et la quasi-totalité de la reconstitué sur le versant occidental du en est de même dans le djebel Akrad normale du delta. Mésopotamie encore reçoit moins de Liban. De 0 à 1 000 m, l’étage infé- (1 728 m). En revanche, dans les mas- 200 mm. Les précipitations remontent rieur est celui des pins (pin d’Alep) et sifs plus élevés, la surface polycyclique Le climat et ses seulement au nord, à proximité du des chênes à feuilles persistantes. De a été partiellement défoncée par le der- conséquences Taurus. Alep reçoit encore 456 mm de 1 000 à 1 500 m se situe un étage de nier cycle, qui a dégagé ainsi au coeur pluies par an, et une bande relativement transition. Le pin d’Alep et les chênes Le climat : de la montagne des formes structurales arrosée, où les chiffres se tiennent entre verts montent jusque vers 1 800 m, les Croissant fertile et désert syrien de type préalpin, tandis que les niveaux 200 et 400 mm, occupe toute la frange cyprès jusque vers 1600 m, le pin pi- d’aplanissement plus ou moins bascu- Le bourrelet montagneux littoral du septentrionale du désert, entre le Tau- gnon jusque vers 1 500 m. Mais on voit lés et entaillés par de profondes gorges Levant est un élément majeur de dif- rus et l’axe djebel Sindjr-djebel ‘Abd- apparaître déjà les essences d’altitude : 7453

Description:
Paris, 1975, С. 7445-8068Le Grand Larousse encyclopédique (de son nom complet Grand Larousse encyclopédique en dix volumes) est un dictionnaire encyclopédique en français, édité par Larousse, et dont la publication s'est étalée entre février 1960 et août 1964, abstraction faite des deux s
See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.