Kometen kommer © Tove Jansson 1946,1968 © Le Lézard Noir 2012 pour l’édition française Première édition par Schildts Förlags Ab, Helsingfors, Finlande Tous droits réservés Édité par Stéphane Duval Nouvelle traduction du suédois par Kersti et Pierre Chaplet Photographies Jari Kuusenaho, the Tampere Art Muséum Moominvalley Collection Layout par Noky : [email protected] Ouvrage publié avec le concours du FILI (Finnish Literature Exchange) Le Petit Lézard c/o Le Lézard Noir, BP 294, F-86007 Poitiers cedex [email protected] - www.petitlezard.com « Nous faisons partie de la Nature, disait Tove. Les moumines font-ils partie de la nature ? À la place de la réalité s’ajoute le poème. Il imagine la nécessité. Tove espérait que la traduction ne prétendrait pas donner un sens aux noms propres. Ainsi la Nature s’enrichit-elle d’être absolument heureuse. Nos désirs nous sourient et nous éclairent. » Pierre Chaplet En sa mémoire. Le matin même où Papa Moomin achevait la construction de la passerelle sur la rivière, Sniff le petit animal fit une découverte. Il trouva un chemin tout nouveau. D’un endroit sombre et touffu, un sentier s’enfonçait dans la forêt. Sniff resta longtemps à le contempler. — Je vais raconter ça à Moomin, pensa-t-il. Nous irons l’explorer ensemble. Je n’ose pas y aller tout seul. Il posa deux bouts de bois croisés à l’entrée pour être sûr de retrouver l’endroit, puis il retourna bien vite à la maison en gambadant. Ils habitaient une très jolie vallée, pleine de petites bêtes heureuses et de grands arbres verts. Une rivière la traversait. Elle faisait un crochet par la maison des Moomin avant de s’en aller vers d’autres lieux, habités par d’autres petites bêtes qui se demandaient parfois d’où elle venait. — C’est curieux, pensa Sniff, les chemins et les rivières… On les regarde, et ça donne envie d’être ailleurs. On voudrait les accompagner pour voir où ils vont… Moomin le Troll était en train d’accrocher une balançoire dans le jardin quand Sniff le rejoignit. — Salut, dit Sniff. J’ai découvert un sentier. C’est moi qui l’ai trouvé tout seul. Il a l’air dangereux. — Dangereux combien ? demanda Moomin. — Vraiment très dangereux, pour être exact, répondit Sniff. — Alors il faudra emporter des tartines, dit Moomin. Et de la grenadine. Il alla jusqu’à la fenêtre de la cuisine et dit : — Maman ! Aujourd’hui nous mangerons dehors. — D’accord, dit Maman Moomin. Parfait. Elle mit des tartines beurrées dans un panier qui se trouvait à côté de l’évier. Puis elle prit une pleine patte de bonbons dans une boîte, deux pommes dans une autre, quatre petites saucisses qui restaient de la veille et enfin une bouteille de grenadine qu’elle tenait toujours prête sur la tablette de la hotte. — Super ! dit Moomin. À tout à l’heure ! Nous reviendrons quand nous pourrons. — À tout à l’heure, répondit la maman. Moomin le Troll et Sniff traversèrent le jardin et les prés. Puis, ils montèrent les pentes et arrivèrent à la lisière de la grande forêt sombre qu’ils ne connaissaient pas encore. Ils posèrent le panier par terre et se retournèrent pour regarder en bas, vers la vallée. Vue d’ici la maison Moomin était comme un petit point, et la rivière comme un fin ruban vert. La balançoire était devenue invisible. Sniff dit à Moomin : — Toi, tu n’as jamais été aussi loin de ta maman. Je suis le seul à être venu jusqu’ici, et sans personne. Tu vas voir le sentier que j’ai trouvé moi-même. Il courut à droite et à gauche le museau au vent et très affairé. Il prit un air mystérieux pour scruter la position du soleil et enfin s’écria : — Là ! Je l’ai retrouvé ! Regarde. Qu’est-ce que tu en dis ? N’est-ce pas qu’il a l’air dangereux ? Toi, marche devant ! Moomin entra avec précaution dans la pénombre verte. Un grand silence régnait. — Il faut bien regarder s’il n’y a pas quelque danger, chuchota Sniff. — Je ne peux pas voir partout à la fois, objecta Moomin. Occupe-toi de regarder en arrière. Moi, je ne peux pas. — Je ne veux pas ! répondit Sniff d’une petite voix. C’est bien pire si quelqu’un vous suit, que si on rencontre quelqu’un ! — Marche devant alors, dit Moomin. — Non ! Pas ça non plus, cria Sniff. Et si on marchait tous les deux, côte à côte ?