Arlette Laguiller MOl,UNE MILITANTE MOI, UNE Ml LITA NTE Stock/2 regroupe cinq collections Vivre : Recherches d'un art de vivre (nature, « Communes », nouvelle conception de la famille et du couple, vie solitaire, etc.) Lutter : Combats de ce temps (violence, non- violence, etc.) Temoigner : Documents humains mettant en cause concretement les institutions etahlies. Dire : Les nouveaux chemins de !'information, de la communication et du message artis tique. Lire : Romans et textes au present de l'ecriture. Entre le livre de poche et le livre traditionnel, Stock/2 veut explorer toutes Jes voies de la nouvelle culture. Deja parus : Lutter : Costa·Gavras et Franco Solinas, Etat de siege. Gandhi, .Wa non·violence. Bernard Cuau et Denise Zigante, La politique de la folie. Vivre : Claudie Hunzinger, Bambois, la vie verte. I.es enfants d'Aquarius, Manuel de la vie pauvre. Lire : Andre Laude, ]oyeuse Apocalypse. Temoigner : Segolene Lefebure, Moi, un" infir- mien~. Mohamed, Journal de f\;Johamed. Dire : Claude Duneton, Parler croquanf. Jean-Marie Drot, Vive Joseph Delteil. Edouard Pignon, Contre-courant. Comite d' animation sous la prf>.~id<'nce de Chris tian de Bartillat : JEAN-CLAUDE BARREAU, Max Chaleil, Claude Daillencourt, Nicole Vimard. Arlette Laguiller MOI, UNE MILITANTE entretiens avec Max Chaleil Vivre/Stock 2 Tons droits reserves pour tons pays. © 1974, Editions Stock. Au cours de la derniere Campagne elec torale Arlette Laguiller apparaissait sur les ecrans de television comme porte parole de « Lutte Ouvriere ». Au milieu des professionnels de la politique, cette frele jeune femme faisait entendre une parole originale : enfin une femme, enfin une travailleuse, et qui parlait simplement des realites quotidiennes. Deleguee syndicale au Credit Lyonnais, ou elle anima les dernieres grandes greves, Arlette Laguiller raconte ici avec la meme simplicite sa vie d'ouvriere, son enfance, son entree au travail, sa prise de cons cience, les difficultes et les espoirs de ses compagnons de travail. Jean-Claude BARRE.HI. 1. Mon depart dans la vie Mes parents habitaient Les Lilas. J'y sms nee et j'y vecus, avec eux, jusqu'a l'age de vingt·trois ans. Notre cite, la cite Jardins, qui donnait Sur la rue de Romainville, a, depuis, ete rasee. C' etait, a I'e poque, un ensemble de petits pavillons entoures de jardins indivi· duels avec, au centre, une grande maison de trois etages qui faisait figure d'immeuble. La cite tout entiere etait une cite ouvriere mais, dans la maison de trois etages OU s'en· tassaient neuf familles, se trouvaient reunis en quelque sorte les gens les plus demunis. C'e st la que nous habitions a cinq, dans une piece-cuisine. Nous avons toujours connu une situation tres difficile a la maison. Mon pere, qui avait ete prisonnier de guerre, etait rentre malade et n'avait jamais retrouve des acti vites bien normares. 11 n'avait pas de metier et travaillait comme manreuvre. 11 ne restait pas longtemps dans chaque emploi et, le plus souvent, etait au chomage, car son etat de sante ne lui permettait pas de tenir longtemps dans ces emplois physiquement tres durs. Ma mere, malade elle aussi, ne travaillait pas. Profondement traumatisee par la guerre, les hombardements, elle ne s'etait jamais tout a fait remise de la mort d'un 11 jeune enfant en 1945 et avait cesse depuis a bien longtemps de travailler l'exterieur. Pour une famille ouvriere ayant trois a enfants charge, la vie n'etait pas facile tous les jours. Nous recevions des secours de la mairie et de l'aide sociale, et nous vivions vraiment dans le hesoin. C'etait d'ailleurs la regle dans « la maison » OU vivaient surtout des familles « a prohle mes » : des gens huvaient, se hattaient, se faisaient des scenes terrihles et tous man quaient d'argent et vivaient comme nous, dans une piece-cuisine, parfo is deux, dans un entaissement indescriptihle. C'e st pour quoi les enfants de la maison vivaient le plus souvent dehors, non dans la rue, mais sur l'etroite hande de pelouse qui ceinturait « l'immeuhle ». Pour nous, c'etait le para dis ! 11 ne reste plus rien aujourd'hui de la cite J ardins avec sa pelouse et ses allees aux noms de fleurs ; elle a ete entierement a rasee pour faire place un grand ensemble ; et ses habitants ont presque tous ete reloges dans une des tours de l'ensemhle. Ma mere, veuve aujourd'hui, hahite au treizieme etage de cet univers de heton d'ou a disparu tout espace vert. Elle heneficie d'une salle de hains, du chauffa ge central, en un mot du « confort », mais, comme la plupart des autres locataires, elle a garde la nostalgie de la vieille cite avec ses jardins et ses arhres fruitiers. Et c'est vrai que nous l'aimions hien notre 12