Article original Modèles animaux d’ostéoporose post-ménopausique JP Barlet, V Coxam MJ Davicco, N Gaumet INRA-Theix, métabolisme minéral et ostéogénèse, croissance et métabolismes des herbivores, 63122 Saint-Genès-Champanelle, France (Reçu le 24 novembre 1993; accepté le 11 mars 1994) Résumé ― L’ostéoporose est une maladie caractérisée par une faible masse osseuse et accompa- gnée d’une détérioration de l’architecture microscopique osseuse conduisant à une augmentation de la fragilité osseuse et du risque de fracture. Dans l’espèce humaine, la carence cestrogénique consé- cutive à la ménopause s’accompagne d’une ostéopénie plus ou moins intense. Chez certaines femmes, cette diminution de la masse osseuse est telle que le seuil fracturaire est dépassé au moindre choc. Divers modèles animaux (chiennes, truies, singes ovariectomisées) sont utilisés pour l’étude de l’étio- logie, de la prophylaxie et de la thérapeutique de l’ostéoporose. Néanmoins, bien que les fractures osseuses n’apparaissent jamais chez la ratte ovariectomisée, celle-ci est le modèle le plus fréquem- ment utilisé car les conséquences osseuses du déficit cestrogénique sont très semblables chez elle et chez la femme ménopausée. cestrogènes / ménopause 1 ovariectomie 1 ratte 1 os Summary ― Animal models for postmenopausal osteoporosis. Osteoporosis is a disease char- acterized by low bone mass, microarchitectural deterioration of bone tissue leading to enhanced bone fragility, and a consequent increase in fracture risk. In humans estrogen deficiency following menopause is associated with a more or less intense osteopenia. In some subjects, such a decrease in bone mass induces osteoporosis. Several animal models (ovariectomized female dogs, pigs and monkeys) are used to study the etiology, prophylaxis and treatment for osteoporosis. Nevertheless, the changes in bone metabolism following estrogen deficiency are very similar in rats and humans. Thus, the ovariectomized rat is the most frequently used model for such studies. estrogen / menopause / ovariectomy / rat / bone INTRODUCTION tutives du squelette. L’os cortical haversien, plus résistant aux contraintes mécaniques, représente chez l’adulte jeune environ 80% L’intégrité du corps des Mammifères est assurée par divers mécanismes, d’un degré de la masse osseuse, mais seulement 15% de perfectionnement variable, dont l’activité des surfaces osseuses déployées. L’os tra- persiste plus ou moins longtemps selon l’es- béculaire ne représente que 20% de la pèce considérée. Chez l’adulte, l’absence masse osseuse. Il contribue à la résistance de renouvellement ou de régénération des mécanique des épiphyses osseuses et des divers systèmes organiques aboutit à la corps vertébraux. Formant 85% des sur- sénescence (Holliday, 1992). Or, depuis faces osseuses, il est très actif dans les quelques années, par suite de l’augmenta- échanges métaboliques et dans l’homéo- tion de l’espérance de vie, les problèmes stasie calcique. liés à la sénescence prennent une impor- Trotter et Hixon (1974) ont mesuré le tance croissante. Ainsi, du fait de sa fré- poids et la teneur en calcium de 426 sque- quence et du coût de son traitement, l’os- lettes des 2 sexes depuis l’âgé foetal (166 téoporose est un problème de santé sem) jusqu’à 100 ans. Ils ont montré que le publique qui ne cesse de s’aggraver. En poids du squelette augmente de façon expo- France, on compte plus de 50 000 cas nentielle chez le foetus. Cet accroissement annuels de fractures du col du fémur (Del- se poursuit irrégulièrement au cours de l’en- mas, 1992). Parmi ces patients, 15% vont fance et de l’adolescence, avec un gain de décéder dans l’année qui suit la fracture, et poids très rapide entre l’âge de 10 et 20 la moitié des survivants garderont un han- ans. La masse osseuse maximale (ou pic dicap fonctionnel grave et définitif. En outre, de masse osseuse) est atteinte aux alen- plus de 15% de la population féminine ayant tours de la vingt-cinquième année (Ott, dépassé la soixantaine souffre de tasse- 1990). Elle commence à décroître entre 30 ments vertébraux. Ainsi, actuellement en et 40 ans, et cette diminution se poursuit France, le coût annuel’du traitement de l’os- au cours des décennies suivantes (Garn et téoporose est de l’ordre de 4 milliards de al, 1967 ; Johnston et Slemenda, 1992 ; francs, coût qui ’n’inclut pas les consé- Matkovic, 1992), faisant apparaître une quences fonctionnelles à long terme. D’où ostéopénie physiologique. Chez certains l’intérêt porté au syndrome ostéoporotique, individus, cette réduction du capital osseux en France (Delmas, 1992) comme à l’étran- est telle que le seuil fracturaire est atteint. Il ger (Albright et al, 1941 ; Riggs et Melton, correspond à un contenu minéral osseux 1986 ; Cooper et Melton, 1992). de l’ordre de 100 MgC3 /M(valeur maximale 180 m3,g/cm atteinte entre 20 et 30 ans dans les 2 sexes) (Renier et Audran, 1989). OMSATSÉSOEP OÉSNISEE UPSHEY SMIAOXLIOMGAILQE,UE À ce stade, tout traumatisme, même minime, est susceptible d’entraîner une frac- ET OSTÉOPOROSE ture. Aussi, depuis la conférence qui s’est tenue à Copenhague en octobre 1990, l’os- Le squelette, charpente du corps et banque téoporose est définie comme une maladie de calcium de l’organisme, est constitué de caractérisée par une faible masse osseuse 2 types d’os : l’os cortical, dense, et l’os tra- et accompagnée d’une détérioration de l’ar- béculaire, plus aéré et plus léger. Les 2 sont chitecture microscopique osseuse condui- formés d’éléments de base comparables : sant à une augmentation de la fragilité les lamelles osseuses. Ces 2 types d’os osseuse et du risque de fracture (Bouillon et s’associent pour former les pièces consti- al, 1991). Riggs et Melton (1986) ont montré qu’il 5 années, le turnover ralentirait et la perte existait 2 types d’ostéoporose. L’ostéopo- osseuse continuerait, mais à un rythme rose sénile (ou de type 1 survient chez la ralenti, résultant d’une diminution de l’activité femme et chez l’homme de plus de 70 ans. ostéoblastique (Arlot et al, 1984). Les résul- Elle se traduit surtout par la fracture du col tats de Stepan et ai (1987) obtenus chez du fémur. Son étiologie, multifactorielle, fait 12 jeunes femmes ovariectomisées confir- intervenir une diminution de l’activité ostéo- ment cette hypothèse. Les traitements blastique liée à l’âge et un hyperparathy- oestrogéniques substitutifs freinent la résorp- roïdisme secondaire, également d’origine tion (et l’accrétion) et suppriment la perte multifactorielle. L’ostéoporose post-méno- osseuse chez la femme ménopausée pausique (ou de type 1) survient dans la (Christiansen et al, 1982) comme chez la période de 5 à 15 ans suivant la méno- ratte OVX (Wronski etal, 1988b). En outre, pause. Elle est la conséquence du déficit chez cette dernière, ils pourraient égale- cestrogénique consécutif à la cessation d’ac- ment stimuler la différenciation et l’activité tivité ovarienne. La perte osseuse affecte ostéoblastiques (Chow et al, 1992). Depuis alors essentiellement l’os trabéculaire et se quelques années, on sait que les ostéo- traduit surtout par des tassements verté- blastes possèdent des récepteurs au 17(3- braux. oestradiol (Eriksen etal, 1988 ; Komm etal, 1988 ; Takano-Yamamoto et Rodan, 1990). L’effet du stéroïde au niveau ostéoblastique CONSÉQUENCES peut donc être direct et/ou indirect, faisant DU DÉFICIT !STROGÉNIG1UE intervenir une production accrue d’IGF-1 AU NIVEAU SQUELETTIQUE (Ernst et al, 1989 ; Franchimont, 1989). Cependant, chez la ratte de 2 ans, OVX depuis 1 an, IGF-1 stimule surtout la résorp- L’existence d’une perte osseuse pendant tion osseuse (Ibbotson et al, 1992). les 20 années précédant la ménopause est contestée. Elle existe probablement, mais Si les œstrogènes ont un rôle préventif est faible, de l’ordre de 0,2%-0,3% par an vis-à-vis de l’ostéoporose, ils ne possèdent chez certaines femmes pendant les 5 ans aucun effet curatif, puisqu’ils ne restaurent précédant la ménopause (Delmas, 1992). pas la masse osseuse (Schot et Schuurs, 1990). De plus, ils sont contre-indiqués chez Elle pourrait résulter d’une carence lutéale les femmes prédisposées à certaines affec- en progestérone (Prior, 1990) dont les récepteurs sont présents au niveau ostéo- tions endométriales ou cardiovasculaires (Duursma et al, 1992). blastique (Wei ef al, 1993). Heaney ef al (1978) ont été les premiers à démontrer que, chez la femme ménopausée, la résorp- MODÈLES ANIMAUX D’OSTÉOPOROSE tion osseuse l’emportait sur l’accrétion, ce POST-MÉNOPAUSIG1UE qui entraînait une perte osseuse. De nom- breuses études histomorphométriques et/ou biochimiques ont confirmé cette accéléra- Définition d’un modèle animal tion du turnoverosseux après la ménopause (Delmas et al, 1983 ; Johnston et al, 1985 ; Riis et al, 1986). Selon Parfitt ef al (1983), la Chez le modèle utilisé pour l’étude d’une phase de perte osseuse rapide consécu- pathologie déterminée, celle-ci doit induire tive à la ménopause résulterait de l’accélé- des séquelles identiques à celles observées ration du turnover osseux et d’une activité dans l’espèce humaine. Un modèle animal ostéoclastique accrue. Puis, après quelques d’ostéoporose post-ménopausique peut donc être défini comme un animal vivant vertèbres lombaires. L’effet le plus notable chez qui l’on observe une perte osseuse de la carence en oestrogènes chez la après arrêt spontané ou induit de l’activité chienne est certainement l’amincissement ovarienne, et chez lequel les caractéris- du tissu osseux compact au niveau appen- tiques biochimiques et histomorphomé- diculaire (Karambolova et al, 1987). Néan- triques et les conséquences physiologiques moins, l’étude histomorphométrique de et pathologiques de cette perte sont ana- Boyce et ai (1990) portant sur des biopsies logues à celles survenant chez la femme osseuses prélevées sur 25 chiennes à 1, 6 ménopausée. et 10 mois après ablation des ovaires (pra- La ménopause ne survient que chez les tiquée à 18 mois) ne permettait pas de primates. Hormis ceux-ci, il n’existe donc mettre en évidence des modifications impor- aucun modèle animal reproduisant parfai- tantes de la masse osseuse et concluait au tement les conséquences physiologiques manque d’intérêt de ce modèle, utilisé ici post-ménopausiques. Néanmoins plusieurs sans témoin pseudo-opéré. espèces sont utilisées, avec plus ou moins L’absence d’effets très marqués de l’ova- de succès, pour les travaux concernant riectomie chez la chienne peut sans doute l’étiologie, la prévention et/ou le traitement s’expliquer, en partie, par la grande dis- de l’ostéoporose. semblance des profils hormonaux et de la durée des cycles dans les espèces canine et humaine (Kimmel, 1991 a). Modèle canin Modèle ovin Le squelette du chien adulte est analogue au squelette humain en ce qui concerne structure et remodelage. Le rapport os com- Le remodelage osseux de l’espèce ovine pact/os trabéculaire est respectivement de est très semblable à celui de l’espèce 4/1 et de 5/1 chez le chien et chez l’homme humaine (Chavassieux etal, 1991a). Aussi, (Gong ef al, 1964 ; Parks et al, 1986). Le la brebis et l’agneau ont été utilisés pour remodelage des ostéons s’effectue de façon l’étude du métabolisme osseux après inges- identique dans les espèces canine et tion de fluorure de sodium, expérimenté humaine, bien que légèrement plus rapide dans le traitement de l’ostéoporose post- dans la première (Frost, 1969 ; Kimmel et ménopausique (Chavassieux et al, 1991 b). Jee, 1982). L’ovariectomie semble accélérer le remo- Selon Malluche et ai (1986), chez la delage osseux chez ces animaux (Pastou- chienne Beagle de 5 ans, l’ovariectomie reau et al, 1989). Néanmoins, chez 7 brebis induit une ostéopénie. Celle-ci survient en 2 de 7 ans, 6 mois après castration, la densité temps. La première phase débute au cours osseuse mesurée par absorptiométrie du mois suivant l’opération et se manifeste biphotonique au niveau du fémur gauche essentiellement au niveau trabéculaire. La et des vertèbres lombaires (L1-L2), et par seconde phase résulte d’une hypoactivité tomodensitométrie quantitative (Pouilles et ostéoblastique et peut être corrigée partiel- Ribot, 1992) au niveau du col du fémur et de lement par administration de 1,25-dihy- L1-L3, n’était pas significativement diffé- droxycholécalciférol (Malluche et Faugère, rente de celle mesurée chez 7 témoins 1990). Par contre, selon Martin et al (1987), pseudo-opérés (tableau 1). Les propriétés l’ovariectomie n’aurait pas d’effet important mécaniques (résistance à la torsion, sou- sur les propriétés mécaniques de la dia- plesse, degré de déformation ultime) physe et du col du fémur ni sur celles des n’étaient pas non plus significativement dif- férentes chez les OVX et chez les témoins bovins et les ovins, en dehors de la période (tableau 11). préovulatoire (fig 1), la contribution ova- Pourquoi le squelette de la brebis est-il rienne au maintien à niveau de l’oestradio- peu influencé par la castration ? La brebis lémie est très faible. L’essentiel est dû à est herbivore : son régime est parfois très l’activité corticale surrénalienne ou à l’aro- riche en calcium. Ainsi, par exemple, une matisation périphérique. En outre, chez ces brebis consommant quotidiennement 3 kg animaux, les concentrations plasmatiques de foin de luzerne ingère simultanément en 17a-oestradiol sont 3 à 4 fois supérieures plus de 50 g de calcium ! Mais l’absence à celles en 1 7@-oestradiol (Saumande, com- d’effets marqués de l’ovariectomie sur le munication personnelle). ln vivo, les effets squelette ovin peut sans doute s’expliquer du 17a-oestradiol perfusé à la ratte OVX, en grande partie par le fait que, chez les évalués par histomorphométrie de l’os tra- est omnivore. En outre, la truie présente des cycles oestriens d’une durée de 18-21 jj,, continus au cours d’une année (fig 1). De plus, si l’os trabéculaire porcin est plus dense que celui de l’homme, les remode- lages de celui-ci et de l’os cortical sont iden- tiques chez les 2 espèces (Mosekilde et al, 1987). C’est ce qui explique sans doute l’uti- lisation de truies adultes normales, dont le poids dépassait 230 kg, pour l’étude des effets de l’intensité et de la durée d’un exer- cice physique (marche sur un tapis roulant à plus ou moins grande vitesse) sur l’histo- morphométrie des os porteurs (fémurs) (Raab et al, 1991) ou non (côtes) (Tomme- rup et al, 1993). Chez la minitruie Sinclair S-1 de 10 mois, OVX à l’âge de 4 mois et dont la teneur en calcium du régime a été diminuée de 0,9% à 0,75%, la densité miné- rale osseuse et le volume d’os trabéculaire diminuent respectivement de 6% et 15%. Cet animal peut donc être un modèle inté- ressant (Mosekilde et al, 1993). Modèle simien Les primates sont les animaux les plus proches de l’espèce humaine. Beaucoup d’entre eux ayant une posture verticale, les forces mécaniques auxquelles sont soumis leurs os sont identiques à celles auxquelles est soumis le squelette humain. Les cycles béculaire, ne dépasseraient pas le 1/50 de menstruels du macaque femelle ressem- ceux du 17a-oestradiol (Takano-Yamamoto blent beaucoup à ceux de la femme (fig 1). et Rodan, 1990). De plus, entre 20 et 30 ans, ces animaux présentent des cycles irréguliers ou une aménorrhée, une élévation des gonadotro- Modèle porcin phines circulantes associée à une faible cestradiolémie et progestéronémie, tout comme au début de la ménopause humaine Deux types de porcs sont utilisés en (Hodgen et al, 1977). La densité osseuse recherche biomédicale : le porc normal et mesurée au niveau de l’humérus et des ver- le miniporc, dont le poids adulte ne dépasse tèbres diminue chez les femelles de plus pas 60 kg, la race Pot-Bellied originaire de de 30 ans (Pope et al, 1989) et la castra- l’Asie du Sud-Est étant la plus petite. tion chirurgicale (Miller et al, 1986) ou chi- Comme l’espèce humaine, l’espèce porcine mique (Mann et al, 1990) entraîne une dimi- nution de la masse osseuse trabéculaire et très faible masse osseuse maximale à l’âge de la densité de l’os cortical (Lundon et adulte, est considérée comme un bon Grynpas, 1993). Cependant, chez des modèle d’ostéoporose sénile (Tsuboyama et Babouins capturés à l’état sauvage et main- al, 1993). Une masse osseuse aussi faible tenus en captivité, bien que le réseau tra- résulterait d’une résorption accélérée béculaire de la crête iliaque soit plus com- (Kawase et al, 1989), associée à un ana- pact que celui observé dans l’espèce bolisme ralenti pendant le remodelage de humaine, le taux de formation osseuse y l’os cortical (Tsuboyama et al, 1993). En est inférieur (Schnitzler et al, 1993). Une outre, chez la souris, l’ovariectomie entraîne perte osseuse consécutive à l’ovariectomie une perte osseuse résultant de la proliféra- a également été rapportée chez ces ani- tion des ostéoclastes, induite par l’élévation maux (Jérome et al, 1986) et chez les Rhé- des concentrations plasmatiques d’inter- sus (Longscope ef al, 1989). Chez les pre- leukine-6 consécutive à la carence oestro- miers, 6 ou 12 mois après ovariectomie, génique (Jilka et al, 1992). l’activité phosphatase alcaline plasmatique et l’ostéocalcinémie (marqueurs de l’acti- Le rat vité ostéoblastique) sont élevées, tout comme l’est l’activité phosphatase acide Si le rat mâle âgé peut également être choisi résistante au tartrate (marqueur de l’acti- comme modèle d’ostéoporose sénile (Van- vité ostéoclastique), alors que la densité derschueren et al, 1993), c’est la ratte OVX des vertèbres lombaires (mesurée par qui est l’un des modèles d’ostéoporose post- absorptiométrie biphotonique) est diminuée ménopausique les plus utilisés. Contraire- (Thompson et al, 1992). Cependant, si l’uti- ment à l’homme chez qui la croissance lisation des modèles canin, ovin, porcin ou squelettique cesse dès la maturité et chez murin ne pose pas de problèmes financiers qui la diminution de la masse osseuse ou juridiques particuliers, le principal ob- débute aux alentours de la vingt-cinquième stacle à l’utilisation plus fréquente des singes année pour se poursuivre tout au long de dans les travaux sur l’ostéoporose est sans la vie, chez le rat, la croissance des os est doute lié au prix très élevé de ces animaux continuelle (Donaldson, 1919). Chez la et, surtout, à la législation draconienne femme d’une cinquantaine d’années, le pro- réglementant leurs conditions d’élevage. cessus d’ossification épiphysaire a cessé depuis la maturité, l’ossification endochon- drale ne se poursuit que très lentement, et Modèle murin le remodelage osseux est le principal pro- cessus grâce auquel le squelette maintient La souris et le rat sont utilisés comme une certaine intégrité (Frost, 1985). Le modèles d’ostéoporose humaine. modèle animal le mieux approprié à l’étude de l’ostéoporose serait donc un animal âgé, chez qui la croissance en longueur aurait La souris cessé, mais avec un remodelage osseux persistant. L’ostéoporose humaine, postménopausique ou sénile, est d’origine multifactorielle. La La ratte n’est certainement pas un masse osseuse maximale est déterminée modèle parfait pour l’ostéoporose post- ménopausique : par divers facteurs, dont l’hérédité (Pocock et al, 1987). C’est la raison pour laquelle, - la durée du cycle oestrien murin est diffé- chez la souris, la souche SAM (Senescence rente de celle du cycle menstruel feminin, Accelerated Mouse), caractérisée par une tout comme le sont les profils hormonaux chez ces 2 espèces (fig 1 Les cycles chez qui la formation osseuse s’effectue surr oestriens deviennent irréguliers vers l’âge le lieu même de la résorption. Chez le rat de 10 mois, pour cesser vers 20 mois. Mais en croissance, la plus grande partie de l’os une certaine activité ovarienne persiste, spongieux se forme sur des surfaces non même chez la ratte très âgée, comme en résorbées. Ce qui indique que, chez le jeune témoigne la diminution du poids utérin rat, les 2 processus ne sont pas liés par observée après ovariectomie des rattes de voie paracrine, mais par d’autres signaux, 30 mois (tableau III). tels que des stimulations mécaniques (Chow - La masse osseuse de la ratte alimentée et al, 1993). convenablement ne diminue pas au cours L’ovariectomie n’induit jamais l’apparition - du vieillissement (Hansard et Crowder, de fractures chez la ratte, même très âgée 1957). Au contraire, le contenu minéral (Kalu et al, 1989) ou carencée en calcium osseux (mesuré par absorptiométrie bipho- (Hodgkinson et al, 1978). tonique) des vertèbres lombaires augmente Comment alors expliquer l’utilisation aussi entre 2 et 32 mois chez certaines lignées fréquente du rat dans les travaux concer- de rattes Wistar (Juhn et al, 1991 ). nant l’ostéoporose ? Il importe tout d’abord La plupart des cartilages de conjugaison - de distinguer perte osseuse post-méno- des os longs des rats mâles Wistar ne sont pausique et ostéoporose post-ménopau- pas soudés avant l’âge de 30 mois (Kim- sique. Si une perte osseuse survient effec- mel, 1991 b), bien que cette fermeture puisse tivement chez toutes les femmes après la être plus précoce chez les femelles de ménopause, toutes, heureusement, ne souf- même souche (Joss et al, 1963). frent pas du syndrome ostéoporotique. Ce - Les rongeurs sont dépourvus d’os lamel- qui démontre que des facteurs de risque laire (Draper, 1985), et le remodelage autres que la cessation d’activité ovarienne n’existe pas dans l’os cortical du rat, démuni contribuent à l’étiologie de l’ostéoporose. d’ostéons haversiens (Frost, 1973 ; Kalu, Ainsi, un apport alimentaire calcique insuf- 1984, 1971). fisant et/ou une mauvaise absorption cal- Le remodelage, lorsqu’il existe chez le rat, cique intestinale seraient des facteurs très - est différent de celui observé chez l’homme, importants dans l’étiologie de l’ostéoporose (Heaney, 1982 ; Nordin et al, 1985 ; Riggs et 5 j par semaine pendant 8 sem) diminuait la al, 1987). En effet, l’ostéopénie physiolo- résorption osseuse basale ou induite par gique axiale et appendiculaire liée à la l’ovariectomie et augmentait la masse ménopause peut être considérablement osseuse fémorale et vertébrale. Le même ralentie et diminuée lorsque l’ingestion jour- exercice physique pratiqué par des rattes nalière de calcium par des femmes méno- OVX à 9 mois n’avait pas d’effet marqué pausées passe de moins de 400 mg à 1000 sur leur squelette (Yeh et al, 1991 De mg (Reid et al, 1993). De plus, la densité même, chez la femme, l’effet bénéfique au minérale osseuse prépubertaire est accrue niveau du squelette d’un exercice physique lorsque l’ingestion calcique est augmentée modéré est bien marqué au cours de la jeu- au cours de l’enfance (Johnston et al, 1992). nesse alors qu’il l’est très peu lorsqu’une Or, à l’exception d’une expérimentation réa- activité analogue commence à être prati- lisée chez le lapin, chez qui le niveau d’in- quée seulement après la ménopause (Eis- gestion calcique n’a pas d’effet significatif man et al, 1991). Ainsi la ratte est un très sur la masse osseuse maximale adulte (Gil- bon modèle d’ostéopénie induite par sanz et al, 1991 ), notre connaissance, carence oestrogénique. seulement 3 études concernant les effets Le squelette du rat subit des modifica- du régime alimentaire sur l’ostéopénie tions importantes au cours de la vie de l’ani- consécutive à la carence oestrogénique ont mal (Reisenfeld, 1981 ; Simon, 1984 ; Scha- été réalisées chez la ratte. pira et al, 1991), et celles-ci diffèrent Dans la première expérimentation (Izawa quantitativement selon le sexe de l’animal et al, 1985) la supplémentation des animaux (Mbuyi-Muamba et Dequecker, 1986 ; Kieb- en analogues de la vitamine D inhibait la zack etal, 1988). Pendant les premiers mois perte osseuse consécutive à l’ovariectomie post-nataux survient une ostéogénèse en augmentant l’absorption calcique intes- rapide (Nishunoto etal, 1985). Ce processus tinale. Dans la seconde (Tabuchi et al, se poursuit pendant la première année de 1986), l’administration de dihydrotachyste- vie (Bar-Shira-Maymon et al, 1989). Après rol à des rattes OVX prévenait la perte d’os l’apparition de la masse osseuse maximale, cortical en stimulant la prolifération des pré- celle-ci diminue en fonction de l’âge, dimi- curseurs mésenchymateux des ostéo- nution visible au niveau des os axiaux et blastes. Dans la dernière (Lazowski et al, appendiculaires (Kalu, 1984 ; Silbermann 1991 une supplémentation calcique dis- et al, 1989 ; Li et al, 1991 ). C’est Saville tribuée pendant 6 sem avant et après ova- (1969) qui, le premier, rapporta l’apparition riectomie préservait la masse osseuse selon d’une ostéopénie chez les rattes OVX. De un mécanisme indéterminé. nombreux travaux ont confirmé ce résultat Cependant, chez la ratte, en l’absence (Aitken et al, 1972 ; Lindgren et Lindholm, d’une restriction alimentaire, la prise de 1979 ; Bealt et al, 1984 ; Pohlman et al, poids entraînée par la boulimie induite par la 1985 ; Faugère et al, 1986 ; Tabuchi et al, castration risque de perturber l’ostéopénie 1986 ; Turner et al, 1987 ; Hock et al, 1988 ; induite par la carence cestrogénique Hori et al, 1988 ; Wronski et al, 1989a ; Kim- (Wronski et al, 1986a). Néanmoins, chez mel et Wronski, 1990). Bien que cette perte de jeunes rattes OVX à l’âge de 1 mois et osseuse consécutive à la castration soit recevant quotidiennement la même quan- visible au niveau cortical (Kalu, 1984 ; Fau- tité d’aliment que celle consommée par les gère et al, 1986 ; Tabuchi et al, 1986), elle témoins pseudo-opérés, un exercice phy- est beaucoup plus prononcée au niveau tra- sique (course sur tapis roulant à la vitesse béculaire (Kimmel et Wronski, 1990). Les maximale de 15-20 m/min pendant 60 min, études basées sur des mesures physiques (Cruess et Hong, 1979), biochimiques ou Enfin, au cours de la carence oestrogé- histomorphométriques (Turner et al, 1987 ; nique, la réponse de la ratte à l’effet ana- Kalu et al, 1988 ; Wronski et al, 1985, bolisant de l’hormone parathyroïdienne 1986b, 1988a, 1988b, 1989c) démontrent (PTH) est analogue à celle observée chez la que l’ovariectomie stimule le turnover à la femme. ln vitro, l’effet anabolisant de PTH fois au niveau cortical et trabéculaire. Une au niveau osseux fait intervenir essentiel- augmentation transitoire de la croissance lement une production ostéoblastique osseuse longitudinale survient également accrue d’IGF-1 (Canalis etal, 1989). ln vivo, chez les rattes OVX, mais celle-là redevient chez la ratte âgée (14-16 mois), cet effet normale au plus tard 2 mois après l’opéra- anabolisant de PTH (4-16 Ilg/100 g/j, pen- tion (Wronski et al, 1988a). La séquence dant 12 j) est très variable (Hock et Wood, concernant l’augmentation du turnover 1991 comme il l’est chez la femme âgée osseux et la perte d’os trabéculaire est ostéoporotique (Reeve et al, 1980). Cette biphasique, comme chez la femme méno- diminution liée à l’âge de la réponse pausée (Wronski et al, 1989c). La phase osseuse à l’effet anabolisant de PTH peut initiale de perte osseuse rapide coïncide résulter d’une diminution simultanée de la avec l’augmentation maximale du turnover stimulation de l’absorption calcique intesti- osseux. Cette phase initiale est suivie d’une nale, résultant elle-même d’une moindre période intermédiaire au cours de laquelle le élévation des concentrations plasmatiques turnoverse ralentit et le volume d’os trabé- de 1,25-dihydroxycholécalciférol (Hock et culaire se stabilise à un niveau ostéopé- Wood, 1991) et d’une diminution des récep- nique. Survient une dernière phase de perte teurs entérocytaires au stéroïde au cours osseuse latente associée à un turnover du vieillissement (Horst et al, 1990). L’in- osseux accéléré. Comme chez la femme consistance de la réponse de l’anabolisme ménopausée, la perte importante d’os tra- béculaire observée chez la ratte OVX ne osseux à PTH au cours du vieillissement pourrait aussi résulter d’une diminution des peut avoir lieu que si l’augmentation de la cellules-souches des ostéoblastes, déjà résorption est plus importante que celle de la formation (Wronski et Yen, 1991). Bien mise en évidence in vitro (Eriksen et al, que la plupart des études histomorphomé- 1985). Il a en outre été récemment démon- triques aient été effectuées au niveau du tré que, chez la ratte OVX à l’âge de 166 tibia, l’ostéopénie et l’augmentation du turn- sem, un traitement associant de la 21 à à la over osseux sont également visibles au 2e 5semaine 1 7@-oestradiol (50 pg/kg/j) et niveau vertébral (Wronski et al, 1986b). fragment (1-34) de la PTH humaine Cette ostéoponie trabéculaire vertébrale se (2,5 pg/kg/j) diminuait la résorption osseuse développe cependant plus lentement et est et maintenait un anabolisme osseux intense. moins prononcée à ce niveau qu’à celui du Néanmoins le volume d’os trabéculaire du tibia (Wronski et al, 1989a). Plusieurs études tibia proximal des animaux traités, bien que ont démontré que, chez la ratte OVX, un très supérieur à celui des témoins ovariec- traitement oestrogénique inhibait l’accélé- tomisés, demeurait inférieur à celui mesuré ration du turnoverosseux et protégeait effii-- chez les pseudo-opérés, par suite d’un cacement l’animal contre l’ostéopénie (Tur- nombre plus faible de trabécules, lesquels ner et al, 1987 ; Wronski et al, 1988b) étaient également plus minces (Shen etal, comme le font également les bisphospho- 1992). À notre connaissance, jusqu’à pré- nates (Wronski et al, 1989b). Œstrogènes et sent, l’association PTH-oestradiol n’a encore bisphosphonates ont donc le même effet jamais été utilisée dans la prévention ou le préventif chez la ratte OVX et chez la femme traitement de l’ostéoporose postménopau- ménopausée (Wronski et Yen, 1991). sique.
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